IMATS Londres 2012 : Notre reportage sur la nouvelle édition de l’International Make-up Artist Trade Show - Seconde partie
Article 100% SFX du Vendredi 27 Avril 2012

[Retrouvez la première partie de ce dossier]


Par notre envoyé spécial Jean-Philippe Lomas, en collaboration avec notre correspondant à Londres Gilles Paillet. Photos : Jean-Philippe Lomas.

Suite de la seconde journée…

Peu après la fin de l’intervention de Neill Gorton se déroule dans une autre salle une démonstration de prise d'empreinte au silicone dans l'optique de la création de prothèses. La conférence est cette fois menée par Jason Reese de la société Smooth-On assisté de Frank Ippolito. Ce dernier, fort d’une expérience de plus de onze ans dans le métier, a notamment été l’un des participants de la première saison de l'émission de télé-réalité FACE-OFF, qui mettait en compétition plusieurs maquilleurs. Un positif de la prise d'empreinte du visage du modèle est tiré en composite d'époxy.

Le rythme des diverses démonstrations s’accélère. Mais tout n'est pas qu'effets spéciaux de maquillage ici, loin de là. Une grande partie des présentations concerne le maquillage beauté, comme celle de Dany Sanz (fondatrice de Make Up For Ever), ainsi qu'aux produits et techniques associés, comme l'utilisation de l'aérographe en maquillage pour la télévision.

Après un rapide repas, nous voilà prêts pour la suite. En début d'après-midi un évènement de taille, peut-être le plus significatif du salon cette année : à l'occasion des dix ans de la saga HARRY POTTER au cinéma, les maquilleurs Nick Dudman et Stephen Murphy nous proposent de recréer sur scène le maquillage du personnage du Professeur Flitwick sur l'acteur Warwick Davis en personne, qui l'a interprété dans tous les films de la série. Ce dernier est venu en famille pour l'occasion, avec son épouse et ses deux jeunes enfants. Contrairement à ce qui se fait d'habitude pour ce genre de démonstration, c’est le modèle qui fait le show. Pendant que les maquilleurs essayent de lui donner l'aspect du personnage, Warwick Davis parle et gesticule comme s’il était dans son salon. Une atmosphère décontractée et des réparties aussi amusantes qu'instructives, entre l’acteur, les maquilleurs et la salle, pour un résultat final impeccable. Le tout est très dynamique et on sent la complicité entre l'acteur et les maquilleurs. "Very silly" ("très loufoque") nous dira plus tard Nick Dudman à propos de sa prestation ! Les prothèses qui sont utilisées pour la transformation sont d'authentiques prothèses tirées il y a près de deux ans pour le tournage du dernier film de la saga. L'acteur est arrivé pour la démonstration portant une perruque frisée un peu ridicule qui n'avait d'autre fonction que de cacher le fait qu'il portait déjà un bald-cap (faux crâne) afin de gagner du temps. Le maquillage comporte de multiples pièces (front avec sourcils implantés, nez, joues, menton, oreilles) et est complété par une perruque et une moustache postiche.

Entre-temps, la compétition de maquillage "Beauté / Fantasy", la première des deux compétitions du week-end, se déroule dans la salle d'exposition. Le thème cette année est "Le Royaume Animal". Deux concurrents français participent. C'est l'une d'entre elles, Claire Gil de l'école Sophie Lecomte, qui remporte le premier prix. Etant restés dans la même salle après la démonstration de Nick Dudman, nous assistons dans la foulée à une discussion dirigée par Michael Key portant sur les Oscars. Y participent Leonard Engelman et un panel de personnalités ayant reçu un Oscars, ou ayant été nominées aux Oscars dans la catégorie maquillages : Ann Buchanan (HUGO CABRET), Mark Coulier (THE IRON LADY), Nick Dudman (HARRY POTTER), David Marti & Montsé Ribé (LE LABYRINTHE DE PAN) et Bjoern Rehbein (ANONYMOUS). C’est l’occasion de découvrir de nombreux détails et anecdotes savoureuses sur les coulisses des Oscars et de mieux appréhender le processus de sélection. Parmi les confidences des intervenants, nous retenons notamment celles-ci :

Nick Dudman et Mark Coulier parlent de leur expérience lors du « Bakeoff », où la poignée d’oscarisés potentiels, (dans la catégorie du meilleur maquillage et de la meilleure coiffure), doit ‘défendre’ sa sélection et essayer de convaincre une assemblée composée de leur pairs qu’ils méritent la statuette, avec la peur au ventre lors des premières fois. Mark Coulier trouve qu’il est plus à l’aise sans préparer de discours sur papier et ainsi reste plus spontané, mais prend le risque d’oublier des éléments de son discours, et Nick Dudman avoue que jusqu’au dernier moment, avant d’apparaître devant l’assemblée (souvent constituée de Rick Baker, Michael Westmore, pour ne citer qu’eux, et présidé par Leonard Engelman) il est absolument terrifié à l’idée de ne pas passer son ‘oral’ et ainsi de trahir les collègues qui sont nommés avec lui.

David Marti et Monsté Ribé, de leur côté, préférèrent n’écrire sur une feuille que les détails qu’ils ne voulaient pas oublier. Mais lors de leur entretien, impossible de lire leur feuille, tant le stress rendait leurs annotations illisibles ou incompréhensibles !

Leonard Engelman explique comment les films sont sélectionnés, sur plusieurs mois (le nombre de membres de l’académie, une trentaine, le visionnage du plus grand nombre possible de films, pour établir une première pré-sélection). Il indique comment, par la suite, après plusieurs sélections, le jury se concentre sur tel effet de maquillage (originalité du procédé, qualité de réalisation, etc.) ou tel style de coiffure, considéré comme étant l’élément clé du film sélectionné, qui mérite leur attention et peut prétendre à la course à la statuette, afin d’établir la liste des participants au « bakeoff ».

Nick Dudman se souvient que, par les caprices du calendrier, les Baftas et les Oscars sont des cérémonies très proches l’une de l’autre, mais très éloignées géographiquement, ce qui peut rendre les nombreux allers retours Angleterre-Los Angeles assez fatigants sur une période très courte, pour les maquilleurs anglais nommés aux deux cérémonies.

Ann Buchanan, de son côté, se souvient des innombrables interviews qui ont précédé les cérémonies auxquelles elle a participé, souvent gracieusement habillée et couverte de bijoux par les plus grandes marques, au point de lui arriver de dormir en portant les bijoux qu’on lui a prêtés pour l’occasion !

David Marti parle du ressenti étrange de se retrouver sur le tapis rouge au milieu des acteurs et actrices, en bénéficiant du même degré de sécurité assuré par les gardes du corps. Il parle aussi des réceptions qui ont suivi leur victoire : Ils étaient logés dans les plus grands hotels (par les organisateurs) et déjeunaient dans les meilleurs restaurants, alors qu’après le très difficile tournage du LABYRINTHE DE PAN, ils n’avaient plus un sou ! (ce qu’ils expliquent un peu plus en détail le lendemain, lors de leur entretien avec Joe Nazzaro).

Après cet échange passionnant, nous nous arrangeons pour nous entretenir avec Nick Dudman et Mark Coulier, dont le talent n’a d’égal que la gentillesse.

A l'issue de cette journée, la surprise de la soirée est que la neige a décidé de s’inviter. Nous décidons donc de ne pas trop nous attarder et d'aller attendre un bus pour nous reconduire à la station de métro. Comme nous quittons le salon, les flocons commencent à tomber sérieusement et c'est sous la neige que nous regagnons notre hôtel dans le centre de Londres, dont les rues sont déjà recouvertes d'un épais tapis blanc. Nous apprendrons le lendemain matin que certaines de nos connaissances ont mis trois heures pour rentrer à pied à leur hôtel en pleine nuit, et que d'autres n'y sont même pas arrivées, préférant s'arrêter en chemin dans le premier hôtel ayant des chambres libres ! Nous avons eu de la chance !

Troisième journée

Nous sommes moins chanceux le lendemain matin. Quand nous nous réveillons, Londres est recouvert de dix centimètres de neige. Elle ne tombe plus mais si le métro ne semble pas trop perturbé par les conditions météo, en revanche, la ligne de bus qui nous emmène normalement en haut de la butte où se trouve l'Alexandra Palace ne circule pas car les routes sont dangereuses. Les taxis ayant déjà été pris d'assaut, nous décidons donc, avec la dizaine de personnes qui attendaient comme nous le bus, de couvrir la distance qui nous sépare du salon à pied, dans une quinzaine de centimètres de neige par endroits. Vingt bonnes minutes de marche dans la neige ! En haut, de nombreuses personnes en profitent pour faire de la luge et du surf dans le parc en contrebas de l'Alexandra Palace. Nous craignons un peu pour le programme de conférences de cette troisième journée. Les exposants et intervenants auront-ils réussis à venir ? De même, les organisateurs se demandent si le public va parvenir à faire le trajet… La première conférence majeure de la journée est un panel animé par Joe Nazzaro, journaliste intervenant régulièrement dans le cadre du Make-up Artist Magazine et de l'IMATS, auquel doivent participer David Marti et Montsé Ribé de DDT Efectos Especiales. Peu de personnes semblent au courant de l'existence de cette conférence car elle ne figure pas sur les programmes imprimés, vu qu'elle a été hâtivement rajoutée moins d'une semaine auparavant et annoncée uniquement sur le site internet de l'IMATS.

A notre arrivée devant la salle on nous annonce que les deux maquilleurs espagnols sont bloqués par la neige mais qu'une voiture leur a été dépêchée. Une partie du personnel technique du salon tarde aussi à arriver, mais finalement la conférence débute sans trop de retard. C'est un évènement presque intimiste vu la taille réduite du public présent. David Marti et Montsé Ribé nous parlent de leurs expériences récentes et passées. De HELLBOY, de leurs difficultés rencontrées sur ce film et comment Montsé s’est retrouvée dans la peau du jeune Hellboy pour le second opus. De leur expérience en France sur GAINSBOURG (VIE HEROÏQUE) et plus récemment de LA PIEL QUE HABITO de Pedro Almodovar, entre autres. A la suite de cette discussion passionnante, nous allons saluer David et Montsé, qui acceptent de s’entretenir avec nous en fin d’après-midi.

Comme nous nous y attendions, il y a beaucoup moins de monde dans l'Alexandra Palace que le jour précédent, vraisemblablement à cause de la neige. Comme chaque année, une place d'honneur était faite au muséum du salon. C'est toujours une des attractions phares pour les amateurs de sculptures et d'effets spéciaux. Renouvelé chaque année, le muséum met en valeur des pièces issues de films connus, ainsi que des créations originales. Organisé cette fois pour la première fois par Adrian Rigby, qui prend ainsi la relève de Cliff Wallace qui en avait assuré les dix premières éditions. Comme annoncé il y a un an, une large partie est dédiée à la saga HARRY POTTER. On pouvait ainsi notamment admirer des prothèses originales ayant servies pour les personnages de gobelins.

Cette journée de dimanche est marquée par la compétition étudiante de maquillage effets-spéciaux qui a pour thème "Les Aliens de MEN IN BLACK". Plusieurs français sont sélectionnés cette année. Les concurrents se démènent pour terminer leur maquillage dans le temps imparti, même si une panne de courant prive certains d'entre eux de temps pour tout finaliser. Sous la verrière du hall d'entrée de l'Alexandra Palace les modèles défilent devant les jurés : David Marti et Montsé Ribé, Michael Key, Duncan Jarman (J. EDGAR) et Lois Burwell (PRINCESS BRIDE, LEGEND, LE 5EME ELEMENT, CHEVAL DE GUERRE). La France remporte une troisième place. Le podium se présente comme suit :

1ere place : Karen Uhthoff, Vancouver Film School.

2ème place : Tomomi Nakabayashi, Amazing School JUR.

3ème place : François-Xavier Huet, Métamorphoses. (note de la rédaction d’ESI : Bravo à FX, notre ami du forum !)

En parallèle, d’autres présentations se déroulent aussi bien sur les stands, comme celles de Stuart Bray (BLADE II, LE RETOUR DE LA MOMIE), que dans les salles de conférence. Notamment celle de Rob Freitas (MEN IN BLACK, LE HOBBIT, LES CHRONIQUES DE NARNIA) sur la confection des moules pour la création de prothèses. Métier mal aimé de la profession, mais qu’il a su élever au plus haut niveau, notamment au travers de son travail avec Rick Baker. Extrêmement technique, Rob présente un ensemble de procédés de pointe en matière de moulage, illustré d'exemples issus de films connus. L'objectif principal est la conception de moules sans plan de joint apparent : les moules puzzles. Même en présence de contre-dépouilles importantes, la coque extérieure (le négatif) est en une seule partie et c'est le positif qui est démontable en plusieurs morceaux, souvent de manière très ingénieuse. Difficile de traiter en profondeur un tel sujet en l'espace d'une heure. La discussion se poursuit autour d'une table dans le hall d'exposition pendant près de deux heures après la fin de la conférence. Le principal challenge est de parvenir à concevoir ces moules puzzles avec suffisamment de précision. Les morceaux doivent être parfaitement ajustés tout en pouvant se séparer sans effort. Du grand art !

La dernière conférence du salon est une discussion avec Lois Burwell, qui était responsable du département maquillage sur le dernier film de Steven Spielberg, CHEVAL DE GUERRE. Pendant ce temps, Laurent Zupan, directeur technique de l'école Métamorphoses, occupe la place laissée libre par Andrea Leanza sur le stand Smooth-On pour faire une démonstration de gorge tranchée. Le public se bouscule pour y assister et le maquillage arrive à son terme sans encombre, malgré l’intervention aussi inopinée que malvenue de quelques personnes de l'assistance. Alors que l’heure de la fermeture approche, c’est moment idéal pour faire un dernier tour des stands dont certains bradent les produits restants. Un bon plan pour qui sait attendre ! Une dernière fois, nous nous rendons au pub pour faire nos adieux à tous ceux que nous avons rencontré pendant ces trois folles journées, en se promettant de garder le contact et de se revoir très vite. Alors que les bus fonctionnent à nouveau normalement, nous ratons le dernier métro, la ligne ayant fermé prématurément à cause d'une avarie technique, et nous sommes obligés de rentrer à l'hôtel en bus.

Encore un IMATS qui restera longtemps gravé dans nos mémoires. Tant de choses à voir, tant de gens à rencontrer et avec qui discuter de notre passion commune. Pour certains ce sont des opportunités de travail qui se sont ouvertes, pour d'autres des amitiés nouvelles qui se sont nouées. Bref, cet événement est vraiment une façon idéale de commencer l’année en beauté !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.