THE AMAZING SPIDER-MAN : Entretien exclusif avec Avi Arad, producteur – Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 09 Juillet 2012

[Retrouvez la première partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Dans la bande dessinée, les parents de Peter sont des agents secrets, et l’on comprend qu’ils ont été probablement assassinés. Allez-vous suivre une trame identique dans le film ?

Nous restons fidèles à la BD dans le sens où nous ne révélons pas s’ils sont morts ou pas dans le film. Si je me souviens bien, il y a même eu une histoire dans laquelle Peter se rendait en Europe pour mener une enquête sur leur disparition. Quand Spider-Man a été créé par Stan Lee et Steve Ditko en 1962, le monde était encore en pleine période de guerre froide, et l’on se souvenait encore très bien du cas d’Ethel et Julius Rosenberg, deux citoyens américains communistes d’origine juive, qui ont été exécutés après avoir été accusés d’avoir communiqué à l’Union Soviétique des documents sur les recherches nucléaires des USA. Et comme les bandes dessinées Marvel ont toujours reflété les grands sujets et les craintes de leur époque, on a pu voir apparaître les recherches atomiques et les rayons Gamma dans la genèse de Hulk, et une araignée radioactive dans les origines de Spider-Man. C’était une manière très intéressante d’utiliser les évènements du monde réel pour créer des métaphores, ainsi que des héros et des méchants qui personnifiaient les deux pôles positifs et négatifs d’un problème. Dans les aventures de Hulk, on se demandait « Les rayons Gamma sont-ils bons ou mauvais pour les gens ? » Dans les comics d’Iron Man, on abordait de front toutes les questions soulevées par la guerre du Vietnam et l’industrie de l’armement, puisque Tony Stark est un milionnaire fabricant d’armes. Peter a toujours été un vrai jeune homme du monde réel. Il ne va pas stopper un missile à mains nues. Par contre, si vous et moi avions des ennuis en allant nous promener un soir à Pigalle (sic !), il viendrait nous aider et en affronterait les conséquences. Ne portant pas d’armure, il pourrait être blessé.

Revenons à ce que vous disiez sur le cas des Rosenberg. Y a t’il une comparaison entre leur destin et la raison pour laquelle les parents de Peter ont disparu, dans le film ? Car d’après les premières images que nous avons vues, il est clair que Richard et Mary Parker étaient des scientifiques de haut niveau…

Exact. Je crois que cela a influencé les auteurs de la BD à l’époque où ils ont décidé d’explorer la raison pour laquelle les parents de Peter avaient disparu. Il y a aussi une série de BD dans laquelle Robbie, le bras droit de J.J. Jameson, le patron du journal The Daily Bugle, s’avère être un ancien agent de la C.I.A., et utilise ses accès privilégiés à certaines informations pour lancer Peter sur des pistes qui le conduisent en Europe. Mais nous n’avons pas voulu explorer cette direction-là dans le film. La manière dont cette trame est traitée dans la BD est trop caricaturale, c’est une approche de dessin animé destiné à la jeunesse. Elle n’était pas assez subtile pour s’intégrer dans un long métrage en prises de vues réelles ancré dans la vraie vie. Mais nous avons conservé l’idée que Peter n’a jamais pu faire son deuil. Quand il y a un accident d’avion, les familles des victimes ont besoin de faire leur deuil. Tant que l’on ne sait pas ce qui s’est passé, et que l’on n’a pas retrouvé les corps des personnes disparues, les familles ne peuvent pas assimiler la mort de leurs proches.

Peter garde donc cet énorme point d’interrogation en tête tout au long du film ?

Oui, toujours. Le thème du secret est récurrent dans le film. L’oncle et la tante de Peter ne lui ont rien dit avant qu’il ne découvre une mallette ayant appartenu à ses parents.

L’oncle Ben et la tante May n’en savent donc pas plus que Peter au sujet de la disparition de ses parents ?

Je l’ignore. Pour vous parler franchement, telle que l’histoire est racontée, on peut penser deux choses : soit ces personnages ne savent rien, soit ils ne veulent rien dire. Cette manière d’agir semble naturelle à Sally Field, qui incarne la tante May, quand elle explique à Peter que son père était un homme très secret. Après tout, peut-être vaut-il mieux que Peter ne sache pas ce qui s’est passé, et qu’il ne tente pas de le découvrir. Cela pourrait être dangereux pour toutes sortes de raisons. Qui sait, peut-être ses parents avaient-ils fait des choses répréhensibles ? Vous verrez dans le film que Rhys Ifans parle à Peter de ses parents. Nous n’en disons pas énormément, mais juste assez pour établir le fait que Richard et Mary Parker étaient en contact avec certaines personnes, et certains aspects de l’intrigue du film. Comme vous le constaterez, c’est une histoire très différentes de celles qui ont précédé.

THE AMAZING SPIDER-MAN a certainement été conçu d’emblée comme le premier épisode d’une trilogie…

Oui.

Est-ce que cela signifie que vous allez utiliser ce fil rouge du mystère autour des parents de Peter dans les épisodes 2 et 3 ?

Je ne peux pas vous répondre au sujet de l’épisode 3 pour l’instant, mais sans vouloir trop en dire sur l’épisode 2, cet aspect de son histoire personnelle va l’affecter pour toujours. Plus il en apprend, plus le mystère s’approfondit. Dans ce premier film, nous allons vous inciter à vous dire «Mmm, ce que je viens d’apprendre pourrait avoir des répercussions très intéressantes… » Mais je n’en dirai pas plus !

Comment Marc Webb vous a t’il décrit sa vision de SPIDER-MAN, et quelles idées lui avez-vous suggérées en tant que producteur ?

J’étais en train de travailler avec Sony, et Matt Tolmach, mon partenaire, m’a appelé un jour pour me demander de venir rencontrer Marc. Je n’avais pas encore vu 500 JOURS ENSEMBLE à ce moment-là, en dépit du fait que ma fille, qui avait beaucoup aimé le film, avait tenté en vain de me convaincre de le regarder. Je lui avais répondu « Ce n’est pas un film pour moi », croyant que c’était une comédie romantique destinée exclusivement au public féminin. Et j’avais tort, car c’est une comédie dramatique remarquable sur les rapports humains et sur l’amour. Quand j’ai rencontré Marc, nous avons commencé à parler de sa passion pour Spider-Man. Marc est un garçon de la nouvelle génération de cinéastes, il est jeune. Il connaissait donc surtout les BDs de la série ULTIMATE SPIDER-MAN, qui avait connu un grand succès. Nous avions réinséré les origines de Spider-Man dans l’époque actuelle. Il y avait donc deux séries de BDs de Spider-Man publiées en parallèle : la série « classique » qui s’inscrivait dans la continuité des récits publiés depuis les années 60, et cette série Ultimate. L’idée majeure de Marc était de rendre Spider-Man réaliste à tous points de vue, et notamment au niveau des relations entre les personnages. Gwen est l’égale de Peter au niveau intellectuel, elle ne se contente pas d’être une jolie fille. Gwen a un point de vue très réfléchi et très sage sur la vie. Il y a aussi de bons rapports qui naissent entre le père de Gwen, le capitaine Stacy, et Peter. Bref, nous explorons les nouvelles complexités de tous ces rapports entre les personnages principaux, et quand vous voyez comment 500 JOURS ENSEMBLE est construit, vous comprenez vite pourquoi le montage de ce film a été un cauchemar à organiser ! Heureusement, c’est le même monteur qui travaille avec Marc sur THE AMAZING SPIDER-MAN, à présent. La capacité de Marc à raconter une histoire complexe de manière non-linéaire, qui sort des sentiers battus tout en suivant un chemin très précis, est un des grands atouts de notre film. C’était un vrai challenge de concevoir le film ainsi, mais Marc avait confiance en sa capacité de réaliser THE AMAZING SPIDER-MAN ainsi, et il nous a convaincu. Il avait aussi des idées bien précises sur la manière de décrire New York de manière réaliste, en utilisant la même approche que celle de 500 JOURS ENSEMBLE, qui se déroulait à Los Angeles. Les éléments pseudo-scientifiques du film ont été renforcés avec de vraies notions de science. Et je crois que nous avons décrit de manière très honnête les sentiments de nos personnages, sans tomber dans le mélodrame. Et au-delà de tout cela, l’un des plus grands défis a été de trouver Andrew et Emma. Nous avons tenté d’emblée de trouver un nouveau genre d’acteur pour jouer le double rôle de Peter et de Spider-Man, et dans la vraie vie, Andrew est à la fois l’un et l’autre ! Un garçon poli et discret, très intelligent, et quelqu’un qui sait prendre des décisions risquées et qui les assume avec courage. Je sais qu’Andrew et Emma mèneront une formidable carrière et joueront jusqu’à plus de 80 ans, car ils sont incroyablement doués. Et l’alchimie fonctionne entre eux…

Oui. C’était évident dans les quelques scènes du film que nous avons vues.

Nous avons auditionné beaucoup de jeunes acteurs et de jeunes actrices séparément, puis nous avons fait une première sélection, et ensuite, nous avons demandé aux garçons et aux filles qui avait été retenus de jouer ensemble, pour voir quelle alchimie se dégageait dans ces couples. Je peux vous dire que quand nous avons vu Andrew et Emma jouer ensemble, il était évident que c’étaient eux qui devaient incarner Peter et Gwen. Andrew reflétait cette nouvelle approche de Peter : on le sentait heureux et bien dans sa peau. Et Emma a beaucoup d’humour et de sens de la répartie quand elle incarne Gwen, et dans la vraie vie aussi. On sent qu’elle est capable d’éveiller en Peter des sentiments romantiques qu’il n’avait pas encore laissé s’exprimer. Il y avait certainement déjà pensé, mais ne s’était encore jamais engagé dans une telle relation, sans doute parce qu’il avait besoin d’une partenaire aussi brillante que lui. Et comme Gwen le dit « Peter est le second de la classe », juste derrière elle ! L’alchimie fonctionne à merveille, les tensions qui naissent entre eux concernent des sujets importants, et Gwen n’est pas nunuche avec Peter. Les choses dont elle se préoccupe, ce sont les sujets qui sont les plus importants pour Peter. En ce sens, leurs scènes ensemble fonctionnent un peu selon le principe des chœurs grecs du théâtre antique : elle permettent à Gwen d’exprimer ce que Peter ressent au plus profond de lui. Et la manière subtile dont elle en parle rend les choses crédibles. On n’a pas l’impression de se retrouver dans un Soap opera. Les émotions sonnent juste, et c’était l’une des parties les plus importantes du travail de Marc Webb. Après avoir vu 500 JOURS ENSEMBLE, nous lui avons dit avoir beaucoup aimé son approche de cette histoire d’amour, et lui avons demandé s’il se sentait capable d’appliquer la même démarche au script de THE AMAZING SPIDER-MAN que nous avions développé, sans tomber dans le mélodrame. Il nous a dit oui, et nous sommes très heureux des résultats qu’il a obtenus. Le film a un ton plus réaliste que les précédents Spider-Man, et il y a aussi plus d’humour, mais moins de gags visuels. Ce sont des petites touches qui prouvent que Peter a un grand sens de l’humour. Et Gwen est pareille. Elle lui lance des répliques à la vitesse de l’éclair, et Peter en reste épaté. C’est merveilleux, car cette vivacité et cet humour rendent Gwen encore plus séduisante. Elle en devient irrésistible.

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