Avant-première : L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN
Article Animation du Mardi 31 Juillet 2012

Après l’excellent CORALINE, le studio d’animation américain Laika nous dévoile sa nouvelle production, une comédie fantastique d’une qualité visuelle époustouflante.

Par Pascal Pinteau

Si vous avez été émerveillés par CORALINE, ce bijou du cinéma d’animation de marionnettes réalisée par Henry Selick en 2009, réjouissez-vous : l’équipe du studio Laika s’est surpassée pour créer son second film fantastique, L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN ! Dans cette aventure humoristico-horrifique, la petite ville de Bligh Hollow est prise d'assaut par une armée de zombies. Mais qui appeler à la rescousse? Norman Babcock, ado timide et marginal aux penchants morbides, fan de paranormal, est le seul habitant capable d’agir, car il possède le pouvoir de voir les fantômes et de papoter aisément avec eux. Pour sauver la population d'une malédiction vieille de 3 siècles, proférée par une sorcière vindicative juste avant sa pendaison, Norman va combattre courageusement les morts-vivants et les fantômes qui se déchaînent, et tenter de gérer les adultes paniqués, complètement dépassés par la situation. Au cours de cette bataille surnaturelle, le jeune médium va mener une enquête compliquée et pousser ses dons paranormaux jusqu’à leurs limites…



Des marionnettes stupéfiantes

Peter Dunne, du Studio Laika, nous a présenté plusieurs longs extraits du film qui nous ont enthousiasmés tant par leur drôlerie que par la qualité stupéfiante des mimiques des personnages, merveilleusement bien caricaturés. Comme ce fut le cas dans CORALINE, les visages des marionnettes sont remplacés image par image pendant l’animation. Pour assurer une parfaite transition entre chaque phase des mouvements d’expression et de prononciation, les différentes faces des protagonistes sont modélisées en 3D, puis tirées en résine avec le procédé de « rapid prototyping » ou stéréolithographie. CORALINE fut d’ailleurs le premier film de l’histoire de la Stop Motion à employer cette technique. Rappelons qu’elle consiste à utiliser des rayons laser pour chauffer et catalyser point par point et couche par couche de la résine liquide dans une cuve, afin de solidifier un objet en volume. Mais ce processus qui existe depuis plusieurs années est désormais complété par un autre, utilisé ici pour la première fois au cinéma, le « Color 3D painting », qui permet de teindre la surface de la résine aussi bien que l’on imprime une photo couleur sur une feuille de papier ! Sur le visage en résine légèrement translucide de Norman, les joues sont rosées, les oreilles et le bout du nez soulignés d’une touche de rouge, et les cernes légèrement bleuies ! Neil, le gentil copain rondouillard du héros, est ainsi doté de tâches de rousseur qui restent parfaitement en place pendant que des dizaines de visages défilent pour lui permettre de parler. Ces procédés de pointe sont génialement mis à profit pour créer une galerie de personnages aux bouilles irrésistibles. Sur les lèvres roses de Courtney, la grande sœur blonde de Norman, il y a une petite touche de gloss brillant, détail parfait qui nous en dit long sur cette adolescente superficielle, toujours flanquée de Mitch, son petit ami à la carrure d’athlète et au front bien bas ! Un autre procédé a été utilisé pour animer les visages des zombies, car les mouvements de leurs expressions sont si lents qu’il aurait fallu créer des milliers de visages en résine pour obtenir un tel résultat avec la technique du remplacement. C’est donc l’option de l’animation « mécanique » image par image qui a été choisie. La bouille d’un mort-vivant, réalisée en silicone, est fixée sur un crâne dont les articulations sont reliées à des engrenages. L’animateur utilise un petit tournevis afin qu’un petit mécanisme relève les commissures des lèvres 10ème de millimètre par 10ème de millimètre pour créer un rictus, puis agit sur les rouages de la bouche et des arcades sourcillières de la même manière pour obtenir un faciès agressif. Si cette technique est parfaite pour créer ce type d’animation, les expressions qu’elle permet d’obtenir sont forcément plus limitées que celles que l’on crée en ayant recours au remplacement de visages. Le souci d’originalité des artistes de Laika est visible aussi dans les designs des silhouettes des personnages, de tailles et de proportions extrêmement variées. Afin d’obtenir un niveau de finition optimal même dans les gros plans, il a été décidé que les marionnettes seraient assez grandes – de 30 à 40cm selon les cas - ce qui pose d’épineux problèmes lors de la conception de leurs armatures articulées. En effet, le poids d’un personnage entier repose sur un seul pied vissé au sol, puis sur l’autre, pendant les mouvements de marche. Si l’articulation de la cheville ne supporte pas ce poids, la marionnette risque de tomber au beau milieu d’une animation, ce qui ruinerait des heures de travail méticuleux. De même, les articulations des bras et de la « colonne vertébrale » doivent pouvoir « tenir la pose » sans fléchir pendant les prises de vues. Chaque personnage ayant une corpulence et une allure différente, chaque armature est donc conçue comme un prototype unique, afin de supporter des efforts spécifiques. Les costumes des marionnettes sont eux aussi de véritables chef d’œuvres d’artisanat. Une tricoteuse de pulls miniatures a ainsi réalisé des pièces d’une finesse extraordinaire. La grand-mère de Norman, charmant fantôme, vient rendre visite à son petit-fils en portant son jogging rose et bleu familier, plus vrai que nature. Et si les décors apparaissent superbement stylisés, c’est qu’ils obéissent à une règle terrible pour les maquettistes : les lignes droites sont proscrites ! Imaginez à quel point la construction des fenêtres des maisons et des autres détails architecturaux devient alors un casse-tête : aucun élément légèrement distordu ne ressemble à un autre ! Heureusement, le fruit de ces incroyables efforts saute aux yeux : L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN est un régal visuel de tous les instants, truffé de tant de trouvailles que l’on sait immédiatement que l’on prendra plaisir à le voir et à le revoir maintes fois. Les extraits que nous avons découverts nous ont même déjà convaincus que ce film sera en très bonne place pour gagner l’Oscar du meilleur film d’animation l’année prochaine.

Un projet de longue haleine

Basé à Portland, dans l’état de l’Oregon, le studio Laika déjà avait innové en faisant de CORALINE le premier long métrage d’animation de marionnettes tourné en 3-D. Salué par la critique et plébiscité par les spectateurs, le film d’Henry Selick avait été nominé à l’Oscar, et avait fort justement remporté le Golden Globe ainsi que les BAFTA, Critics' Choice et American Film Institute awards du meilleur film d’animation. Depuis 2 ans, les 450 artistes et techniciens de Laika travaillent sur leur seconde production en relief, réalisée cette fois-ci par Sam Fell et Chris Butler, d’après un scénario de Chris Butler. Ce dernier avait assuré les fonctions de superviseur du storyboard sur CORALINE et de storyboardeur sur LES NOCES FUNEBRES (Tim Burton, Mike Johnson, 2005), tandis que Sam Fell avait réalisé LA LEGENDE DE DESPEREAUX (2008) et SOURIS CITY (2006). L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN est produit par Arianne Sutner (productrice de l'animation sur LA VIE AQUATIQUE) et par le PDG de Laika, Travis Knight. Dans l'équipe technique on retrouve le superviseur des effets visuels Brian Van't Hul (KING KONG, CORALINE), le chef décorateur Nelson Lowry (FANTASTIC MR. FOX, LES NOCES FUNEBRES) et le directeur de la photographie Tristan Oliver (FANTASTIC MR. FOX, WALLACE & GROMIT - LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU). En imaginant L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN, Butler a voulu raconter une comédie surnaturelle tout en décrivant les problèmes auxquels nous sommes confrontés pendant l’adolescence : parvenir à s’intégrer, trouver sa voie, construire sa personnalité et tenir têtes aux brutes de l’école. Le cocktail qu’il sert ici à tous les fantasticophiles est, selon ses propres mots, « un mélange des films de John Hughes et de John Carpenter ! » Et de fait, on retrouve aussi dans les scènes que nous avons visionnées les influences des films qui ont marqué l’auteur-réalisateur pendant son enfance, comme POLTERGEIST, GOONIES et SOS FANTOMES, sans oublier la célèbre série d’animation SCOOBY DOO des studios Hanna-Barbera, avec son équipe d’ados qui mènent des enquêtes paranormales. De nombreuses situations comiques de L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN proviennent du fait que les camarades de classe de notre héros, qui le snobent habituellement, sont obligés de le suivre et de s’en remettre à lui pour affronter les menaces surnaturelles qui s’abattent sur la ville. Bon gré mal gré, ce petit groupe hétéroclite va devoir faire bloc pour survivre et sauver la population. Tout cela est nouveau pour Norman, qui avait plus d’occasions de converser intelligemment avec les disparus qu’avec les vivants ! En effet, chez lui, si sa mère Sandra le soutient en espérant que cette phase de sensibilité « lugubre » lui passe avec le temps, Perry, son géniteur, se désespère en clamant que la sensibilité, cela consiste habituellement à écrire des poèmes et à être nul en sport, mais pas à dialoguer avec les morts ! Par bonheur, Norman ne laisse pas ces réflexions lui miner le moral. Quand il se sent un peu seul, il va bavarder avec sa chère grand-mère, dont l’ectoplasme flotte au-dessus du canapé du salon, afin de pouvoir regarder la télévision… Au dehors, l’environnement de ce qui aurait du être une petite ville modèle a mal évolué. Les maisons sont délabrées, les rues mal entretenues et les murs couverts de graffiti. La seule fierté de cette petite communauté en déclin, c’est la fameuse sorcière qui fut pendue là, 300 ans plus tôt, et qui sert d’attraction touristique locale. La statue de la sorcière orne un square et les boutiques du coin tentent de vendre des produits dérivés miteux, ornés du slogan « Bligh Hollow, a great place to hang », jeu de mots qui signifie à la fois « Bligh Hollow, un endroit formidable à visiter » et « Bligh Hollow, un endroit formidable pour pendre les gens » ! On l’aura compris, grâce a son script amusant, au réalisme stylisé des décors, et à l’animation virtuose des marionnettes, qui expriment parfaitement les sentiments et les émotions des personnages, L’ETRANGE POUVOIR DE NORMAN sera assurément l’un des évènements majeurs de 2012. La chaleur, la beauté et le charme particulier qui se dégage des premières images de cette fable horrifique nous rendent déjà impatients de la découvrir en entier le 22 août prochain !

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