AQUAMAN ET LE ROYAUME PERDU : l’alliance des frères ennemis - Entretien exclusif avec le réalisateur James Wan- 2ème Partie
Article Cinéma du Mardi 06 Fevrier 2024

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

L’hommage à Ray Harryhausen

Votre chef décorateur Bill Brzeski a dit avoir été inspiré par LE 7EME VOYAGE DE SINBAD et JASON ET LES ARGONAUTES, et je me demandais s’il faisait ainsi références aux environnements qu’il a créés autour du Trident Noir mythique utilisé par Black Manta ?


C’est bien cela, et plus largement, tous ce qui concerne les aspects magiques de l’intrigue. Ce sens de l’émerveillement…Je me souviens que quand je voyais les films de Ray Harryhausen pendant mon enfance, je restais bouche bée, parce que je n’arrivais pas à croire que l’on puisse créer des environnements aussi stupéfiants et donner vie à de telles créatures. Dans LE ROYAUME PERDU, il y a aussi une scène qui se déroule dans un désert où surgissent des monstres que l’on aurait pu voir dans un film de Harryhausen, avec cette approche traditionnelle du fantastique.

Vous avez déclaré avoir songé à la comédie policière 48 HEURES, avec Eddie Murphy et Nick Nolte, en développant les rapports conflictuels entre Aquaman et Orm et les répliques cinglantes qu’ils échangent en luttant ensemble contre Black Manta. Bien que le film repose sur de nombreux effets techniques qui doivent être tournés exactement comme prévu, avez-vous laissé un peu de place à l’improvisation, pour permettre à Jason Momoa et Patrick Wilson d’ajouter spontanément des réparties sarcastiques et des plaisanteries ?

Absolument ! Quand je tourne avec Jason, l’une des choses les plus amusantes à faire est de le laisser improviser car il adore cela. Nous filmons d’abord la scène telle qu’elle a été écrite et dialoguée, et ensuite, Jason et moi discutons de ce que l’on doit raconter à ce moment-là, et tentons d’autres approches avec de nouvelles répliques et des plaisanteries qui lui viennent spontanément. Les spectateurs savent qu’Aquaman a le sens de l’humour et ne garde pas sa langue dans sa poche, et il apprécient la manière dont Jason injecte sa propre personnalité dans le rôle. C’est plus flagrant au cours de cette deuxième aventure, car les circonstances étaient souvent dramatiques, et parfois même horrifiques dans la première. En tant que père, Jason était content que ces nouvelles péripéties puissent convenir aussi aux enfants, et que l’humour y tienne une plus grande place. Même si les effets spéciaux des scènes doivent être tournés de manière précise, tels qu’ils ont été planifiés des mois à l’avance, cela ne m’empêche pas de discuter avec mes acteurs et de modifier les dialogues, que nous les filmions devant un fond bleu ou avec un autre type de dispositif. C’est très appréciable de leur laisser la liberté de découvrir de nouvelles choses tout en jouant une scène.

Simuler l’aspect de prises de vues sous-marines

Sans révéler les rebondissements du film, quelles ont été les scènes les plus compliquées à préparer et à tourner, que ce soit pour des raisons artistiques ou techniques ?


Toutes les scènes qui se déroulent sous l’eau, sans aucune exception ! (rires) Elles ont nécessité chacune des mois de planification et de préparation technique, ont été très longues à tourner, et extrêmement longues à finaliser en postproduction. Avant ces deux volets d’AQUAMAN, je n’avais jamais dirigé de film dont la postproduction avait duré aussi longtemps, mais je ne m’en plains pas, bien au contraire : nous avons eu énormément de chance que l’on nous laisse le temps de mener à bien les tests de développement des méthodes de tournage, de construire les équipements qui permettent de soulever les acteurs pour donner l’impression qu’ils nagent ou flottent sous l’eau, et de mettre au point les effets visuels qui permettent de rendre tout cela crédible. Vous savez, on entend de plus en plus souvent des gens se plaindre et dire qu’il trouvent que les effets visuels de certains films ne sont pas réussis, et que cela donne l’impression que les trucages ont été réalisés en hâte. Je peux vous assurer que cela n’a pas été notre cas : le studio nous a laissé le temps de travailler sérieusement et de faire tous les efforts nécessaires pour rendre ces effets convaincants.

La qualité de ce travail était évidente dès le premier AQUAMAN, notamment grâce aux effets de chevelures reconstituées en 3D qui flottent autour des visages des acteurs, et aux petites particules et bulles qui virevoltent dès qu’ils se déplacent…

Exactement. Nos superviseurs de effets visuels ont tout fait pour reproduire parfaitement ces caractéristiques des prises de vues sous-marines et les ajouter à ce que nous avons tourné « à sec » sur nos plateaux. Évidemment, on ne peut pas se reposer uniquement sur de bons effets visuels pour assurer la qualité d’un film, mais si l’histoire que vous présentez au public est intéressante et bien conçue, ces trucages vont améliorer l’expérience qu’il vivra en salles, parce qu’il croira à ce qu’on lui montre. En revanche, un trucage raté peut briser cette illusion, et vous faire décrocher de l’histoire. Dans AQUAMAN ET LE ROYAUME PERDU, il y a tellement d’effets numériques qu’il s’agit presque d’un film d’animation 3D. Il y a des trucages dans pratiquement tous les plans. Et il est normal qu’il faille du temps pour les rendre réalistes, car tout repose sur de multiples procédures techniques et des simulations 3D très complexes. Ce processus est donc forcément laborieux. Mais quand on voit les rendus finalisés, on se dit que cela en valait largement la peine.

Ajustements de cap

Qu’avez-vous appris des projections-test du film et comment vous en êtes-vous servi pour le peaufiner ?


Oh, ces projections-tests sont instructives de bien des manières. Je m’y rends toujours, afin de pouvoir observer moi-même les réactions spontanées des spectateurs. C’est comme cela que je me rends compte qu’une plaisanterie qui nous semblait irrésistible pendant le tournage ne fait rire personne, et que je note qu’il faudra la couper ! Inversement, quand je vois que les gens aiment beaucoup certaines choses, cela m’incite à les mettre plus en valeur dans les versions suivantes du montage, ou à filmer de nouvelles petites scènes qui les renforceront quand nous travaillons sur les prises de vues additionnelles. Les projections-tests permettent aussi de savoir quels sont les aspects de l’intrigue que les gens n’ont pas bien compris, car ils nous le disent en remplissant des questionnaires après la projection. Nous cherchons ensuite des moyens de clarifier cela. Grâce à toutes ces informations, nous avons pu améliorer notre film et lui donner plus d’impact émotionnel.

Est-il exact que vous avez tourné l’intégralité du film avec des caméras Imax ? Était-ce plus long à faire que lorsque vous utilisiez des caméras de format traditionnel ? Et comment avez-vous géré deux formats de cadre dans votre approche visuelle des plans ?

Nous avons entièrement tourné LE ROYAUME PERDU avec un format de cadrage haut, et avec des caméras de très haute résolution qui ont été validées par les équipes techniques d’Imax. De mémoire, je crois qu’il s’agissait des derniers modèles les plus performants de caméras 8K de la marque Red. Les images que l’on obtient sont d’une qualité phénoménale. Je ne sais pas si vous l’aviez vu dans une salle Imax, ni si vous vous en souvenez, mais dans la version Imax du premier AQUAMAN, pendant les grandes séquences d’action, nous passions du format cinémascope très allongé à un format beaucoup plus haut. Comme je ne suis pas vraiment fan de ces changements de hauteur de l’image qui interviennent plusieurs fois au cours du film, j’ai préféré que toute la conception visuelle du ROYAUME PERDU soit faite en fonction de ce cadre Imax très haut. C’est extrêmement important, parce que nous soignons les détails d’une multitude d’éléments dans chacun de ces plans. Pendant la post-production et le montage, je travaille d’abord en voyant ces images sur des écrans d’ordinateurs. Plus tard, quand les plans quasi-finalisés arrivent, je les visionne dans une salle où ils sont projetés sur un très grand écran. C’est à ce moment-là que je découvre les innombrables petites surprises qui restaient invisibles sur l’écran d’ordinateur, et c’est une immense satisfaction. Nous nous sommes donnés tellement de mal pendant si longtemps pour créer des environnements qui regorgent de détails que j’encourage vivement vos lecteurs à aller voir le film dans des salles équipées de très grands écrans, afin de profiter pleinement de tout cela !

La suite de notre entretien avec James Wan paraîtra bientôt sur E.S.I. !

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