Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Les abysses en relief

Parlez-nous de la version 3-D Relief du ROYAUME PERDU…

Avec plaisir, d’autant que j’ai trouvé le résultat absolument sensationnel ! Comme le dernier AVATAR, le aventures sous-marines d’Aquaman se prêtent particulièrement bien au relief, et nous avons conçu le film dès le départ pour profiter de cette expérience en 3-D. Pour ne rien vous cacher, je ne suis pas le plus grand fan de relief au monde, mais je dois reconnaître que LE ROYAUME PERDU est le genre de films qui mérite d’être vu ainsi. L’impression d’immersion dans l’image est étonnante, c’est indéniable.

Oui, notamment parce qu’en relief, les petites particules et les bulles des scènes sous-marines amplifient énormément le ressenti des effets de jaillissements et de profondeur…

Oh, absolument ! Quand on voit cela sur le grand écran d’une salle équipée avec l’un des projecteurs laser de dernière génération, les images en relief sont si lumineuses et si nettes que l’on a vraiment l’impression de se retrouver sous l’eau, et de nager à côté des personnages. Les grands panoramas abyssaux sont plus impressionnants, et les monstres qui surgissent encore plus effrayants ! (rires)

L’évolution des productions DC

Sur un plan personnel, était-ce doux-amer d’achever ce film en sachant qu’il pourrait être le dernier à présenter votre vision de cet univers, en raison des changements décidés par les nouveaux dirigeants des productions DC Comics ? Ou avez-vous l’impression d’être allé au bout de ce que vous aviez envie de raconter sur Aquaman dans ce deuxième chapitre, et déjà satisfait, même s’il devait marquer la fin de cette expérience professionnelle ?

Vous savez, quand on se lance dans un projet comme celui-là, on sait pertinemment qu’il y aura d’autres incarnations d’Aquaman dans le futur, parce qu’il s’agit d’un personnage important depuis 1941. Il fait partie des super-héros les plus iconiques de DC Comics, l’une des plus grandes franchises mondiales. Quand vous signez votre contrat, vous savez d’emblée qu’on va vous confier ce super-héros pendant un moment seulement et que d’autres cinéastes et d’autres comédiens prendront le relais plus tard. Mon attitude concernant cette expérience et tout ce qu’elle m’a apporté de positif, c’est de ne jamais oublier le privilège que j’ai eu d’être choisi pour réaliser ces deux films, en ayant la possibilité de concrétiser pleinement ma vision de cet univers. C’est vraiment une grande chance, car si vous y songez, fort peu de gens ont l’occasion de concevoir et de diriger de tels films. Warner et DC m’ont accordé leur confiance, et permis de m’emparer de ce personnage et de son univers. J’ai été heureux de lui donner vie en collaborant avec Jason Momoa, Amber Head, Patrick Wilson, Nicole Kidman, et tout notre casting. Même si cela devait s’arrêter, je réagirai de manière positive, car je suis conscient d’avoir bénéficié d’une opportunité vraiment extraordinaire.

Il semblerait, et vous pourrez nous le confirmer ou pas, que vous seriez partant, à titre personnel, pour développer un troisième AQUAMAN. Avez-vous déjà discuté d’éventuels projets futurs avec James Gunn et Peter Safran, les nouveaux patrons des productions DC comics chez Warner ?

Au moment où nous parlons (cet entretien a été réalisé au début novembre 2023, NDLR), je suis totalement accaparé par les dernières étapes de la post-production du film, et me concentre donc uniquement sur cela, comme vous vous en doutez. Ce que je peux vous dire à propos d’un troisième AQUAMAN, c’est que je me suis toujours arrêté au bout de deux films quand je suis intervenu sur des licences : j’ai réalisé INSIDIOUS 1 & 2, CONJURING 1 & 2, et à présent AQUAMAN 1 & 2. Je ne suis jamais allé jusqu’à diriger un troisième opus, et si cela se produisait, ce serait une toute nouvelle situation à gérer pour moi... Mais il ne faut jamais dire jamais ! On ne peut pas prévoir ce que le futur nous réserve. Ce qui m’a toujours motivé, c’est le sentiment d’avoir une nouvelle histoire captivante à raconter, et l’envie de la présenter à ma manière aux spectateurs. Si je n’ai pas cette intime conviction, alors je passe à un projet différent. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas réalisé d’autres volets de CONJURING ou d’INSIDIOUS, car j’ai senti qu’il fallait que d’autres personnes sincèrement passionnées par de nouvelles histoires prennent le relais.

Patience et longueur de temps

Comment avez-vous abordé la création des grandes scènes d’action ? Essayez-vous de filmer le plus de choses possibles en prises de vues réelles, en vous appuyant d’abord sur des trucages concrets qui seront complétés avec des effets numériques ? Où est-il parfois plus efficace de tout créer en 3D ?

Quand on s’attelle à la préparation de ces grandes séquences que l’on s’est bien amusé à écrire, on se retrouve devant de sacrés casse-têtes… Il y a tellement d’approches visuelles possibles, artistiquement et techniquement, que cela dépasse l’entendement. La seule manière de trouver comment les concrétiser au mieux sur le grand écran est d’avancer à tout petits pas. Je me souviens avoir été frappé par une interview de Peter Jackson qui avait été faite pendant le tournage du SEIGNEUR DES ANNEAUX. Le journaliste lui avait demandé « Vous tournez trois films en même temps, et courrez sans arrêt d’un plateau à l’autre pour diriger des scènes complètement différentes. Comment faites-vous pour avoir toute cette trilogie en tête, quand vous dirigez ces prises de vues ? » Peter Jackson lui avait répondu que ce n’était pas du tout en songeant à la globalité de la trilogie qu’il avançait, mais en se consacrant totalement aux petits moments particuliers de chacune de ces scènes, et en les abordant les unes après les autres. Il expliquait ensuite que si cette succession de petits modules indépendants est bien conçue, elle finit par constituer une continuité narrative riche et épique, un « grand tout » captivant. C’est aussi ma manière de procéder, et la raison pour laquelle je parlais de tout petits pas. Il faut choisir des solutions artistiques et techniques pour chaque petite étape, en sachant qu’elles contribueront à renforcer les grandes scènes d’action. Je dois dire que j’ai la chance d’être entouré par une incroyable équipe de designers, de storyboardeurs, d’illustrateurs, de concepteurs de cascades, de superviseurs de trucages de plateau et de responsables des effets visuels. Ils sont tous très expérimentés, extrêmement talentueux, et m’aident à donner vie à ma vision. On a coutume de dire qu’il faut réunir une véritable armée pour créer ce genre de films, et c’est vrai.

Des effets 3D plus vrais que nature

Après avoir dirigé deux aventures d’Aquaman, quelles sont les meilleures solutions que vous avez trouvées pour donner l’impression que les acteurs se trouvent sous l’eau, alors que tout est filmé « à sec » sur des plateaux normaux ?

Quand je prépare ces scènes avec Nick Davis, mon superviseur des effets visuels, nous nous demandons d’abord comment nous allons pouvoir rappeler subtilement aux spectateurs que l’action se déroule sous l’eau. Dans la plupart des cas, nous avons décidé d’emblée que les cheveux des personnages ne seraient pas liés et tirés en arrière, même si cela aurait simplifié les choses techniquement. Voir leurs chevelures flotter puis onduler en fonction de leurs mouvements est l’un des effets visuels 3D qui permet de simuler efficacement des prises de vues sous-marines. Nous ajoutons aussi en 3D les ondulations des étoffes de leurs tenues, bien sûr. Nick et moi nous amusons souvent de voir ces personnages porter des capes sous l’eau : on se demande bien à quoi elles peuvent leur servir ! (rires) Mais elles nous sont très utiles, car les voir flotter renforce cette illusion de se trouver sous l’eau, et esthétiquement, c’est agréable à voir. Et bien sûr, les petites particules et les bulles complètent ces effets.

Avez-vous regardé de nombreux documentaires consacrés à la faune et la flore des abysses avant de créer les environnements de la saga AQUAMAN ? Les vraies plantes et créatures marines sont tellement étonnantes, leurs textures et couleurs tellement « extraterrestres », qu’elles ont dû vous inspirer énormément d’idées…

Tout à fait ! Et pas seulement pour concevoir les monstres et les paysages naturels, mais aussi pendant la création des designs des immeubles et des vaisseaux d’Atlantis. Notre but était de créer des concepts visuels intéressants à découvrir, amusants et spectaculaires. Ce qui m’a frappé en visionnant les derniers documentaires consacrés à la vie sous-marine, c’est que la qualité des prises de vues a tellement progressé que l’on n’a même plus le sentiment de se trouver sous l’eau : on a l’impression que les poissons flottent dans l’air, en apesanteur ! Les nouvelles générations de caméras digitales de très haute résolution sont capables de produire de superbes images, même avec une lumière naturelle qui devient faible à partir d’une certaine profondeur. Si nous avions imité l’aspect des prises de vues de ces nouveaux documentaires, paradoxalement, nos scènes sous-marines auraient semblé moins réalistes. C’est la raison pour laquelle nous exagérons parfois les caractéristiques des documentaires plus anciens que nous avons tous en tête, et qui ont forgé notre imaginaire commun.

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