Blood & Chrome : Le retour virtuel de Battlestar Galactica
Article TV du Mardi 17 Septembre 2013

A l'occasion de la sortie en Blu Ray de Blood and Chrome ce 25 septembre, ESI vous propose de plonger dans l'envers du décor de ce projet atypique !

Près de quatre ans après la fin de la diffusion de Battlestar Galactica, et deux ans après l'annulation de la préquelle Caprica, le réseau Syfy a engendré une seconde série dérivée de cet univers... sur internet ! Proposée en février dernier sous forme de téléfilm diffusé à la TV, Blood & Chrome est avant tout une websérie. Dix épisodes de huit minutes - proposés sur Machinima à l'automne 2012 - nous invitent en effet à découvrir la toute première mission du jeune pilote Willam « Husker » Adama, futur commandant du croiseur spatial Galactica. Outre l'originalité du moyen de diffusion et la promesse de renouer avec les duels spatiaux sur le petit écran, Blood & Chrome marque également une étape importante dans l'histoire de la production télévisuelle. Les acteurs n'ont effectivement pas joués au sein d'onéreux décors, mais devant une multitude de fonds verts. Les technologiques numériques ne cessent donc d'évoluer, pour le plus grand plaisir des Cylons...

Par Pierre-Eric Salard



Rappelons d'abord le contexte du remake de la série Battlestar Galactica (1978), initiée en 2003. Il y a bien longtemps, douze tribus d'humains furent contraintes de quitter la planète Kobol (pour des raisons dévoilées au cours de la série imaginée par Ronal D. Moore et David Eick) à bord de vaisseaux spatiaux et de s'installer sur autant de planètes, créant ainsi la civilisation des « Douze Colonies de Kobol ». Selon la légende, une treizième tribu se serait dirigée vers la Terre. La prospère Caprica est ainsi devenue le siège du gouvernement des Douze Colonies. Au fil du temps et du progrès technologique, les hommes inventent, pour les épauler, des robots dotés d'intelligences artificielles : les Cylons. L'émancipation de ces derniers finira par engendrer une première guerre. Plus de douze ans après les débuts du conflit, une trêve est finit par être signé. S'ensuit quarante ans de paix, au cours de laquelle les deux camps s'ignorent. Ou presque, puisque la quasi-annihilation des colonies humaines par les Cylons est racontée dans la mini-série Battlestar Galactica, diffusée en 2003. Durant quatre saisons (de 2004 à 2009), la flotte du Battlestar Galactica, qui abrite les rares survivants des colonies, est poursuivie sans relâche par les robots, dont douze modèles ont pris forme humaine. Le commandant du navire de guerre, William Adama (Edward James Olmos, Blade Runner), ne ménagera pas sa peine pour emmener l'humanité vers son refuge : la Terre. Ce conflit finira par obtenir une surprenante résolution dans l'épilogue de la série, diffusé au printemps 2009. A partir de janvier 2010, Syfy propose aux fans de la franchise une première série dérivée, Caprica. Comme son nom l'indique, ce feuilleton, qui abandonne le conflit spatial au profit de la science-fiction « terrestre », se déroule sur la capitale des Douze Colonies, cinquante ans avant les événements narrés dans le pilote de Battlestar Galactica 2003. Deux familles, les Adama et les Greystone, s’y opposent sur le sujet délicat de l'intelligence artificielle, une technologie en plein essor... qui finira par aboutir, donc, à la création des Cylons. L'occasion, aussi, de découvrir la naissance de William Adama ! En juillet 2010, soit un an après que l'épilogue de Battlestar Galactica ait été diffusé sur Syfy, Mark Stern, le vice-président en charge des programmes du réseau américain, annonce qu'une seconde série dérivée – encore une préquelle - est en développement ! Dédiée à la jeunesse de William « Husker » Adama, Blood & Chrome nous invite à découvrir les exploits du pilote lors de la première guerre contre les Cylons. L'idée est donc de créer un pont narratif entre les série Caprica et Battlestar Galactica. Mais Syfy décide de défricher des nouveaux horizons ; Blood & Chrome ne sera pas diffusée à la télévision, mais sur internet ! Cette websérie, imaginé par le co-créateur de Caprica, Michael Taylor, est ainsi constituée d'une dizaine de courts épisodes. L'innovation est également technologique. A l'instar de la série Sanctuary ou de l'Avatar de James Cameron, Syfy compte produire Blood & Chrome à l'aide de fonds verts et de plateaux virtuels ! Il faut en effet savoir que les principaux décors de Battlestar Galactica avaient été scannés en haute-résolution avant leur destruction. « Le plateau virtuel du C.I.C., la passerelle du Galactica, est stupéfiant de réalisme », raconte Michael Taylor. « Mais Blood & Chrome ne se limite pas aux coursives de ce navire. Loin de là ! Nous visitons des planètes et vaisseaux inédits. Cette websérie traite de la guerre contemporaine. Je pense notamment à l'Irak et à l' Afghanistan, à des films comme Démineurs ». La réalisation est rapidement confiée à Jonas Pate (Caprica, The Event). En octobre 2010, Syfy décide d'enterrer la série Caprica, victime de ses faibles chiffres d'audience et de son style, trop différent de sa grande sœur...



Au service de l'imagination

Mais Syfy réserve une surprise aux aficionados : si Caprica disparaît, Blood & Chrome prend du galon et devient finalement le pilote d'une série à part entière ! C'est en tout cas ce qui est annoncé en ce mois d'octobre 2010... Il est vrai que, en théorie, cette série devrait mieux fonctionner que Caprica auprès des téléspectateurs. Les thèmes de Caprica (la religion, le fanatisme, l'intelligence artificielle, la robotique, la réalité virtuelle...) étaient peut-être un peu trop « intellectuels » pour une série TV, et son rythme indolent. De l'action, des combats spatiaux, la présence de Bill Adama sur le Galactica : avec Blood & Chrome, Syfy promet que les ingrédients de la série originelle seront de mise. « Lorsque nous avons lu le script de Michael Taylor, nous avons compris que nous pouvions en faire une véritable série », explique Mark Stern. Le scénario de la websérie va donc servir à tourner un téléfilm-pilote pour une nouvelle série dérivée en cas de succès. Soit la formule qui avait tant réussie à Battlestar Galactica en 2003 ! « Blood & Chrome puise son intrigue dans la mythologie créée par les précédentes séries », explique David Eick, co-créateur de Battlestar Galactica et producteur de toutes les séries de cette franchise. « Mais cela n'a, paradoxalement, aucune importance. Si nous souhaitons faire plaisir aux fans, notre principal objectif est d'attirer de nouveaux téléspectateurs. Qui ne connaissent pas, de fait, les autres séries ». Ce qui ne contredit pas un profond respect de la mythologie. Loin de la décrépitude découverte dans la première série, le navire Galactica, tout juste sorti des chantiers spatiaux, est rutilant. Bill Adama, quant à lui, n'est pas encore cet officier bourru « L'arc narratif principal du pilote, mais aussi de la série, montre l'évolution de ce personnage », poursuit Mark SternBlood & Chrome raconte ainsi la première mission du jeune pilote novice, lors de la dixième année de la Première guerre contre les Cylons. Avant de rejoindre les rangs du Galactica, son expérience se limitait à de simples simulations virtuelles. Alors qu'il rêve de se retrouver aux commandes d'un Viper, un chasseur monoplace, on lui confie un vaisseau spatial polyvalent dédié à la détection : un Rapace surnommé The Weasel (La Belette). William « Husker » Adama entre rapidement en conflit avec son co-pilote, Coker, qui devrait être bientôt démobilisé. Notons que David Eick avait un temps imaginé que ce personnage pourrait être Tigh, l'éternel bras-droit et ami d'Adama... avant que ses collègues scénaristes - Michael Taylor, Bradley Thompson et David Weddle - lui rappellent que ce n'était pas possible, chronologiquement parlant ! Quoiqu'il en soit, Husker et Coker doivent participer malgré eux à une mission secrète et escorter la ravissante Beka, une scientifique qui travailla pour Greystone Industries, aux confins du territoire des Cylons. Ils y croiseront une flotte fantôme, traverseront plusieurs duels aériens, assisteront au combat entre deux gigantesques vaisseaux spatiaux... avant de s'écraser sur une planète de glace ! Une terrible découverte – qui relie l' intrigue de Caprica à celle de Battlestar Galactica 2003 - les y attend. « Blood & Chrome introduit de nouveaux protagonistes », précise David Eick. « Mais Husker se lie plus particulièrement à Beka, un personnage énigmatique. Elle s'inscrit dans la tradition des personnages féminins forts de Battlestar Galactica et Caprica ». Beka est interprétée par Lili Bordan (The River). Le canadien Ben Cotton (Stargate Atlantis, Harper’s Island, Hellcats) joue quant à lui Coker. Enfin, si L'acteur Nico Cortez avait incarné le jeune Adama dans le téléfilm Battlestar Galactica Razor (dont les flashbacks se déroulaient lors de la douzième et dernière année de la Première guerre contre les Cylons), le rôle principal est finalement offert à Luke Pasqualino (Freddy dans la série Skins originale). Le tournage de Blood & Chrome débute le 10 février 2011 au sein de plateaux dont les murs sont recouverts d'écrans verts, à Vancouver. En l'absence de points de repère, les comédiens vivent une expérience proche du théâtre. « Quand j'ai découvert pour la première fois cet immense plateau vert, j'ai eu l'impression de me retrouver dans une étendue sauvage », se souvient Luke Pasqualino. « La plus grosse difficulté, en ce qui concerne l'interprétation, était d'imaginer où les choses étaient sensées se trouver. C'est difficile ! Mais pour être honnête, je n'ai pas trouvé cette expérience aussi dure que vous ne pourriez le penser. Grâce aux interactions entre les différents membres du casting. Ensemble, nous pouvions obtenir les émotions recherchées. Au départ, Ben Cotton et moi, nous nous sommes assis afin d'en discuter ; comment surmonter la difficulté représentée par cet écran vert omniprésent ? En fait, il suffit de l'oublier et de se concentrer sur les dialogues ». Les prises de vues réelles se terminent au bout de –seulement!- deux semaines. Le temps de la post-production est venu...



Des territoires inexplorés

Malgré un budget de deux millions de dollars, le pilote bénéficie de plus de 1800 plans en images de synthèse - ainsi que des dernières innovations en matière de post-production. Même si les deux précédentes séries, et plus particulièrement Caprica, avaient nécessité l'usage régulier de fonds verts et de plateaux virtuels, Blood & Chrome atteint un nouveau cap en ce qui concerne la création d'environnements numériques. Tous les plateaux étaient ainsi constitués d'écrans verts ; seule une poignée d'éléments de décor et d'accessoires étaient à la disposition des acteurs ! « Nous avons tout filmé au sein d'un immense plateau vert doté d'importantes sources de lumière », explique David Eick. « Des systèmes d'éclairage dignes d'un concert des Rolling Stones ! Nous avons fait appel au directeur de la photographie Lukas Ettlin, qui a précédemment travaillé sur les films Fanboys et World Invasion : Battle Los Angeles. Avec le réalisateur Jonas Pate, il est à l'origine des nombreuses évolutions esthétiques de Blood & Chrome, dont l'utilisation des lens flares ». A l'origine, les « lens flares » (ou facteur de flare en français) sont des aberrations optiques dues à une diffusion parasite d'une source lumineuse à l'intérieur d'un objectif. Le résultat est un halo lumineux, comme si une lampe de poche étant directement braquée vers une caméra. Si cet effet était précédemment proscrit, les « lens flares » sont devenus un véritable effet de style dans la photographie de certains long-métrages récents, dont les Star Trek et Super 8 de J.J. Abrams. Malgré de nombreux détracteurs, on retrouve effectivement cet effet – un peu trop souvent - dans Blood & Chrome. Notons que l'idée de réaliser l'intégralité des prises de vues devant des fonds verts n'est pas le fruit du hasard. « De toute évidence, nous ne pouvions pas faire ce projet pour seulement deux millions de dollars », remarque Gary Hutzel (Battlestar Galactica), superviseur des effets visuels pour Universal Cable Productions. « J'ai donc proposé que nous suivions cette approche radicalement différente. Lorsque le projet a pris de l'ampleur, par la suite, les studios ont compris les avantages, en particulier budgétaires, de cette méthodologie. Paradoxalement, nous avons obtenu davantage de ressources financières, et la websérie est devenue un pilote pour une hypothétique série ». Aucun véritable décor n'a été construit, et aucune tournage en extérieur n'a été programmé (contrairement à Battlestar Galactica, qui a largement profité, en son temps, des forêts canadiennes!). « Nous avons décidé de quitter les sentiers battus. Seules trois minutes du téléfilm ne contiennent strictement aucune images de synthèse. Tout le reste a été tourné devant un fond vert. Ou alors il s'agit de plans 100% numériques ». Lors des combats spatiaux par exemple. « L'avantage, c'est que les scénaristes ont pu écrire l'intrigue qu'ils imaginaient sans pour autant se fixer de limites. Et pour un coût inférieur à ce qu'aurait normalement dû dépenser le studio ! Blood & Chrome est vraiment un projet innovant ».



Les progrès de la technologie

Sous les coups de baguettes numériques des infographistes, les fonds verts sont devenus des environnements très différents. Coursives, hangar, ascenseurs et centre de commandement du Galactica, étendues enneigées et cavernes d'une planète glaciale... « Les superviseurs des effets visuels Gary Hutzel et Mike Gibson, des fidèles de la franchise depuis les premiers jours, ont soigneusement constitué une armée d'artistes capable de créer des environnements numériques comparables à ce que vous pouvez voir au cinéma », déclare David Eick. « Nous avons pu atteindre cet objectif, et je le dis en toute modestie, parce que nous avons passé les dix dernières années, depuis la production de la mini-série en 2003, à rassembler des gens passionnés par le produit sur lequel ils travaillent ». L'intégralité des trucages a effectivement été conçue par une équipe interne, et non par un prestataire extérieur. « Nous n'avons pas fait appel à un studio d'effets visuels », poursuit le producteur. « Nous sommes une équipe soudée. Grâce à cette proximité et à cette expertise, nous disposons d'un véritable savoir-faire, presque artisanal ». En matière de post-production, la franchise bénéficie de cette autonomie depuis plusieurs années. « La mini-série et la première saison de Battlestar Galactica ont été conçues de manière traditionnelle », se souvient Gary Hutzel. « Je supervisais le tournage, puis envoyais les différents plans à truquer aux studios d'effets visuels proposant le meilleur devis. Lorsque nous avons débuté la deuxième saison, il était devenu évident que nous ne pouvions pas continuer l'externalisation des trucages. Les scénaristes ne pouvaient plus obtenir ce qu'ils voulaient, et cela devenait trop onéreux. Nous avons donc commencé à réaliser la post-production en interne. A partir de la troisième saison, nous avons conçu nous-même l'ensemble des effets visuels ». De fait, le studio interne est devenu un rouage importante de la chaîne de production. « Notre département s'occupe de la direction artistique, conçoit et éclaire les plans, élabore les séquences d'action, crée l'ambiance de chaque scène », explique le superviseur des images de synthèse Doug Drexler. « Quelle personne qui se déclare cinéaste ne rêve pas d'être capable de faire tout cela en interne ? » L'utilisation de décors virtuels a cependant un coût. « Cette technologie existait déjà il y a plusieurs années, mais elle était très onéreuse », note David Eick. « Et, honnêtement, elle l'est toujours ! Mais les producteurs des séries des grandes chaînes dépensent, pour un même trucage, cinq à dix fois plus que nous, car ils font appel à des studios externes. Notre équipe d'infographistes est, quant à elle, responsable de sa production. A part les dépenses liées à la série, il n'y a pas de frais généraux, de recherche d'amortissement ou de bénéfices. Tout ce qui compte, c'est la création des effets visuels de la série. Grâce à ce système, nous pouvons concevoir des choses étonnantes à un coût extrêmement bas. Nous contrôlons mieux les coûts et la qualité des plans . Nous n'avons pas besoin d'échanger, avec un autre studio, dix fois chaque plan pour le modifier. Et de payer les frais inhérents ». Déjà utilisé par les équipes de post-production d'Iron Man (2008) ou d'Avatar (2009), le logiciel de modélisation 3D, d'animation et de rendu Lightwave 3D, développé par NewTek, a offert une grande liberté de création à l'équipe de dix infographistes supervisée par Doug Drexler (Starship Troopers, Star Trek : Enterprise, Caprica). « Ce logiciel nous permet d'expérimenter, sans nous soucier des contraintes liées au budget ou à la construction de véritables décors », explique ce dernier. Ceux de la série Battlestar Galactica ayant été scannés, à l'époque, en haute-résolution, les différents compartiments du vaisseau spatial sont reproduits avec une étonnante fidélité. « Cette technologie nous permet également de les modifier à loisir », ajoute David Eick. « Nous avons ainsi pu revoir le design du centre de commandement du Galactica afin de l'agrandir et de lui faire retrouver sa prime jeunesse ». Sans pour autant le rendre méconnaissable aux yeux des fans ! « Rien ne dérange davantage ma sensibilité de geek que de m'apercevoir que telle suite ou préquelle de ma franchise préférée a complètement réinventé mon engin préféré », souligne Doug Drexler. « L'astuce a donc consisté à respecter une logique de conception qui ne choquerait pas nos fans. Si vous examinez les décors de la passerelle du Galactica, vous remarquerez que leur structure est intacte. S'ils sont plus vastes et complexes, ils ne semblent pas avoir vraiment changé. Le hangar ressemble toujours au hangar, mais ses dimensions sont désormais bien plus imposantes ! Des Vipers sont accrochés au plafond, d'autres reviennent du pont d'envol... Nous n'aurions jamais pu montrer cela si les décors avaient été véritablement construits ! ». Grâce aux fonds verts, la seule limite est l'imagination. «Je peux mettre en place, par exemple, un ensemble d'animations qui seront visibles depuis plusieurs points de vue. Il y aura toujours quelque chose d'intéressant, peu importe où vous portez votre regard. Sur mon ordinateur, je peux aisément supprimer tel élément de décor qui ne fonctionne pas dans un plan. Sur un plateau, cela demanderait beaucoup de temps, et donc d'argent ! » La passerelle d'un autre vaisseau spatial, l'Osiris, ressemble quant à elle à l'intérieur d'un sous-marin. Et pour cause : les infographistes se sont inspirés des coursives du film Das Boot de Wolfgang Petersen ! « La direction artistique de la franchise a toujours pris racine dans de véritables designs militaires, en particulier les engins des forces navales », rappelle David Eick. « Dès que cela est possible, nous nous inspirons de la réalité ». Au final, l'équipe des effets visuels a créé, sous Lighwave 3D, 23 environnements numériques distincts (sans compter les extérieurs de la planète de glace). Malgré leur omniprésence, les décors virtuels doivent cependant passer inaperçus auprès des spectateurs, et donc approcher le photo-réalisme. Un défi relevé en ce qui concerne les coursives des vaisseaux spatiaux - et l'incrustation des comédiens au sein des environnements numériques ! On ne peut en dire autant des étendues enneigées de la planète, dont la nature virtuelle saute aux yeux... Plusieurs modèles de robots Cylons – ainsi qu'une créature serpentine – ont également été modélisés et animés sous Lightwave. « Le design, le rendu et l'animation des Cylons sont formidables... et réalisés très rapidement », souligne Gary Hutzel. « Chaque robot a pourtant été animé par un seul artiste, Jesse Toves. Et il y en a des dizaines ! » L'une des spécificités de Blood & Chrome est son montage, dont les plans sont plus courts que dans les séries précédentes. En moyenne, un plan n'y dure que trois secondes ! Ce qui explique pourquoi plus de 1800 plans à effets visuels ont été réalisés par une équipe de vingt à trente infographistes...



L'avenir de la télévision

Les délais furent, en outre, particulièrement serrés. « Nous avions mis au point 320 plans truqués en six mois pour la mini-série Battlestar Galactica, qui était pourtant, à l'époque, un projet de taille », se souvient Gary Hutzel. « A titre de comparaison, nous avons créé pour Blood & Chrome 1800 plans - beaucoup plus complexes – en seulement cinq mois ! » L'équipe se retrouve donc contrainte à fournir pas moins de 150 plans par semaine. « Si nous avions utilisé le célèbre logiciel d'animation 3D Maya d'Autodesk, nous n'aurions jamais pu terminer ce projet dans les délais impartis. Grâce à Lightwave, notre équipe d'infographistes a pu se charger des différentes étapes de la création d'un plan. Ils ont réalisé les prévisualisations dans le logiciel qui nous sert ensuite à faire le rendu des plans. Ce processus s'est avéré très efficace ». Les plans prévisualisés sont envoyés aux producteurs pour approbation. Une fois intégrés dans le montage, ils n'ont plus qu'à être finalisés (éclairage, rendu, compositing, etc). « Lightwave nous a permis d'améliorer notre flexibilité et de réduire les coûts de production. Grâce à notre travail sur Blood & Chrome, nous savons désormais que nous pouvons tout faire à partir de simples fonds verts ». Si la technique peut encore bénéficier d'une large marge de progression, le résultat est d'ores et déjà impressionnant – en particulier pour une « simple » websérie ! « Ceci représente l'avenir des effets visuels, et de la télévision en général », affirme Doug Drexler. « Construire les décors sur ordinateur revient désormais moins cher que leur édification sur un plateau. Récemment, ce n'était pourtant pas encore le cas ! Une fois que vous disposez des éléments 3D, vous pouvez les réutiliser aussi souvent que nécessaire et créer l'environnement en un temps record. Bien entendu, cela permet également d'importantes économies financières. Après tout, nous avons réalisé Blood & Chrome pour un budget ridiculement petit... » En novembre 2011, la post-production du pilote est terminée. Le compositeur attitré de la franchise, Bear McCreary, se penche ensuite sur la bande originale. Il faudra pourtant attendre mars 2012, et l'apparition d'une bande-annonce officieuse sur Youtube, pour que les dirigeants de Syfy abandonnent leur mutisme. Dans un surprenant revirement de situation, ces derniers annoncent que le pilote de 90 minutes n'engendrera pas, finalement, de série télévisée ! « Notre enthousiasme pour Blood & Chrome n'a pas diminué », tempère Mark Stern. « Nous poursuivons activement cet ambitieux projet sous une forme novatrice. Le pilote de 90 minutes sera diffusé sur Syfy, dans son intégralité, à une date ultérieure ». L'objectif est de dépasser le cadre d’une diffusion (limitée) sur le petit écran afin de pouvoir proposer le le programme à des millions d’internautes. « Blood & Chrome n'a jamais été conçu comme un pilote traditionnel », se défend David Eick. « Ce projet a été développé, à l'origine, dans l'objectif d'une distribution digitale. L'intrigue est un véritable sérial en dix parties, comme ce qui était diffusé au cinéma dans les années 1930. Chaque segment possède sa propre structure narrative en trois actes. Après avoir lu le script, les dirigeants de Syfy ont voulu produire un véritable pilote. Mais diverses raisons nous ont poussés à revenir vers nos objectifs initiaux. Ce n'est pas la qualité de Blood & Chrome qui a été remise en cause ! » La diffusion sur le web n'a d'ailleurs pas impactée le processus de création. « Tous les choix que nous avons faits – qu'ils soient esthétiques, créatifs ou narratifs – ont été uniquement motivés par notre désir de réinventer et revigorer le franchise afin de pouvoir la proposer à un nouveau public. Si Blood & Chrome avait été un véritable pilote ou long-métrage, nous aurions respecté la même méthodologie de production ». Les revenus publicitaires étant bien moins importants sur internet qu'à la télévision, le budget d'une éventuelle suite s'annonce forcément ridicule comparé à celui dont bénéficiait Battlestar Galactica... Les fans, eux, ont dû patienter jusqu'au mois de novembre 2012 avant de pouvoir suivre les dix épisodes de la websérie sur la chaîne Machinima Prime de Youtube (qui proposait durant l'automne 2012 la série Halo 4 : Forward Unto Dawn de Microsoft). Près de trois millions d'internautes se sont précipités sur le premier épisode. Il est évidemment difficile de quantifier le succès de Blood & Chrome, les épisodes ayant été « copiés » sur de nombreux sites de partage vidéo. Impossible également de calculer le montant des revenus publicitaires. Le pari de la diffusion sous forme de websérie est-il rempli ? A l'heure où nous écrivons ces lignes, Syfy n'a pas encore commandé une seconde saison. Mais David Eick indique que les chiffres d'audience sont enthousiasmants, et que la suite des aventures du jeune William Adama a d'ores et déjà été imaginée. En outre, les cadres de Syfy attendaient de découvrir les résultats de la diffusion du téléfilm, en février dernier, ainsi que les chiffres de vente des éditions DVD et Blu-ray du pilote. Si une nouvelle saison obtenait le feu vert (ce qui ne semble malheureusement pas être le cas), l'équipe de production bénéficie en tout cas d'un atout de taille : l'intégralité des décors et autres vaisseaux spatiaux sont prêts, à l’abri des ordinateurs des infographistes...



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