Producteur depuis 1983, Charles Roven a participé à la création de nombreux films Fantastiques et de la SF, tels que L’ARMEE DES 12 SINGES, les remakes de LA CITE DES ANGES et de ROLLERBALL, LE GARDIEN DU MANUSCRIT SACRE, BATMAN BEGINS, LES FRERES GRIMM, THE DARK KNIGHT, LE DERNIER DES TEMPLIERS et THE DARK KNIGHT RISES. Il a retrouvé Christopher Nolan pour initier le projet MAN OF STEEL, puis en a accompagné la préparation, le tournage et la postproduction aux côtés de Zack Snyder…Une grande aventure dont il a longuement parlé à ESI alors que le film était en cours de finition…

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Dans sa représentation « classique », Superman est à la fois résolument optimiste et invincible. De ce fait, il peut sembler moins profond et moins tourmenté qu’un superhéros comme Batman, même s’ils ont tous les deux en commun la perte de leurs parents dans des circonstances tragiques…En considérant tout ce que symbolise Superman, véritable icône américaine depuis 1938, comment avez-vous travaillé avec David Goyer, Chris Nolan et Zack Snyder sur ce personnage pour le moderniser et rendre à nouveau surprenant ?

A la base du projet, il y a cette notion, ce but fort difficile à atteindre, de répondre au désir de tout le monde en réinventant le personnage pour l’intégrer à la société du 21ème siècle. Il fallait parvenir à le rendre attractif pour les fans qui ont lu ses aventures, tout en trouvant aussi la manière de le présenter à une grande partie du public qui a entendu parler de Superman parce que c’est une icône, mais qui ne connaît pas les détails de son histoire. Il fallait aussi prendre en compte une partie du public qui a grandi et changé avec le personnage au fil des ans. C’est mon cas : je lisais les BDs de Superman quand j’étais un petit garçon… Toute l’équipe du film a ressenti le besoin de rendre l’homme d’acier plus proche des gens, de leurs préoccupations et de leurs vies actuelles. En lui faisant expérimenter des choses que nous avons tous vécues, en le confrontant à des problèmes contemporains et universels, nous faisons en sorte que son invincibilité et ses pouvoirs ne soient pas constamment au premier plan, tout simplement parce que nous décrivons le personnage comme un être sensible, qui se pose des questions, qui doute, qui réfléchit… Pour nous, c’était la clé qui allait permettre de donner aux spectateurs le sentiment que Superman est proche d’eux, et bien intégré au monde présent. Il se demande d’où il vient, pour quelle raison il est arrivé sur terre et quel doit être le but de son existence… Il sait qu’il vient d’une autre planète, mais il n’apprend que peu à peu à quel point il est différent des terriens… Pendant son enfance, il lui arrive d’être mis à l’écart parce qu’il agit de manière un peu étrange. Dans le film, rien n’est décrit de manière caricaturale, en noir et blanc. Superman est confronté à des situations délicates, complexes, qui le contraignent à prendre des décisions difficiles. Cela contribue aussi à le rapprocher des spectateurs.

Iriez-vous jusqu’à dire que ce nouveau Superman « doute » beaucoup plus que ses précédentes incarnations ?

Oui, je pense que c’est une bonne description de notre approche, car son chemin au cours de cette aventure n’est pas aussi facile que dans les films précédents. Il a des choix drastiques à faire.

Quelles ont été les principales recommandations de Christopher Nolan sur la manière de décrire Superman ? Comment est-il intervenu sur le script de David Goyer ?

En fait, les choses ne se sont pas passées dans cet ordre-là. Chris est intervenu sur le projet avant que David Goyer ne se lance dans l’écriture du scénario de MAN OF STEEL. Tout a commencé pendant qu’ils travaillaient ensemble sur l’histoire de THE DARK KNIGHT RISES. David a suggéré à Chris que ce serait peut-être une bonne idée de réfléchir à la manière d’adapter et de moderniser Clark Kent et Kal El, et qu’il y avait peut-être certains moyens d’y parvenir…C’est ainsi que leurs conversations autour de Superman ont commencé, et qu’ils ont écrit ensemble l’histoire du film. Voilà la raison pour laquelle Chris est crédité comme étant l’un des auteurs de l’histoire de MAN OF STEEL. Quand toute la structure narrative à été établie, David a travaillé seul sur le développement et l’écriture du scénario.

Le costume de Superman créé en 1938 et légèrement retouché au fil des ans est l’une des images américaines les plus célèbres qui soient. Est-ce que la décision de retirer de sa tenue son fameux short rouge quelque peu daté a été délicate à prendre ? Sur la toute première image officielle du film, cette partie du costume était laissée dans l’ombre, comme si vous redoutiez des réactions négatives des fans…

Non, nous n’avons pas fait un effort délibéré pour cacher cette partie du costume. Cette pose de Superman était une question de circonstances, car dans le film, il est projeté sur la porte du coffre de la banque par l’un de ses adversaires , puis se relève…Bien sûr, la modernisation du costume a été au centre de nombreuses discussions. Nous avons testé maintes variantes de designs de la tenue en y intégrant ce short rouge…D’ailleurs, il faut rappeler quelle est l’origine de ce costume avec une combinaison et un short : dans les années 30, c’était ainsi que s’habillaient les « hommes forts » qui se produisaient dans les fêtes foraines, les cirques et les spectacles de music hall…Mais pendant ces essais, nous nous sommes rendu compte que quoi que nous tentions, placer ce short par-dessus la tenue ne pouvait plus marcher aujourd’hui. Heureusement, les images du nouveau costume du Superman qui ont été diffusées semblent avoir été bien accueillies. Je crois que cette attitude positive envers le projet vient du fait que les gens ont deviné que nous allons leur expliquer exactement l’origine de ce costume, et leur montrer d’où il vient. Ce ne sera pas une simple tenue, mais une trace tangible des racines kryptoniennes de Superman.

Cette fois-ci, la tenue de Superman et son blason évoquent plus une armure protectrice qu’un simple costume de tissu. Cela signifie-t-il que Jor-El et la famille de Superman appartiennent à une lignée de chevaliers de Krypton ? Sont-ils de nobles guerriers qui veulent défendre le peuple des agissements de Zod ?

Je préfère ne pas vous dire ce que nous racontons sur le passé de la famille de Superman, car ce serait vraiment dommage de priver vos lecteurs du plaisir de découvrir cela quand ils verront le film, mais je crois que sans nous éloigner des bases du récit « classique », nous sommes parvenus à créer une histoire de Krypton et de son peuple qui est très intéressante. Elle répondra aussi à de nombreuses questions restées en suspens depuis longtemps, notamment en révélant toutes les intentions de Jor-El quand il prend la décision d’envoyer son fils Kal-El sur la terre…Nous allons découvrir aussi la culture de Krypton et en apprendre beaucoup plus sur le monde dont notre héros est issu. Dans le film, quand Loïs Lane demande à Superman pourquoi il y a un « S » sur le blason de son costume, il lui répond « Ce n’est pas un S, c’est un symbole d’espoir. » Dans cette histoire, on apprend la signification réelle de ce symbole que porte Superman. Comme vous le verrez, Zod porte aussi un blason de ce type, qui a une signification différente pour lui. Dans les deux cas, ce sont des idéogrammes issus de la culture de Krypton.

Comment décririez-vous le ton global du film ? Diriez-vous qu’il est réaliste au point de décrire l’époque actuelle sans concession, mais tout en gardant un ton positif ? Ou avez-vous légèrement stylisé certaines situations, en référence au style « Comic Book » ?

Notre manière de rendre les personnages attachants a consisté à les dépeindre avec réalisme, même si nous présentons les aventures d’un superhéros. Très franchement, dès que Zack a accepté de participer au projet, tout le travail créatif et visuel sur les images, la création des costumes et des décors, la conception des trucages, et la manière de filmer a eu un seul but : vous donner l’impression que tout pourrait se passer aujourd’hui devant vos yeux, comme si vous sortiez de chez vous et que vous étiez témoin de ces évènements par hasard. Notre but est de vous plonger au cœur de l’action de manière hyperréaliste.

Dans les images de la bande-annonce ainsi que sur la pré-affiche, Superman est traité comme une menace par l’armée et la police américaine, et il semble n’opposer aucune résistance…Pourquoi ce nouveau rebondissement a-t-il été ajouté à l’histoire « classique » de Superman ? Est-ce un commentaire sur le manque de confiance de notre monde moderne envers les « étrangers en situation illégale » ?

Je crois que cela reflète plutôt le comportement du monde actuel envers les choses qu’il ne connaît pas, ne comprend pas, ou n’a pas encore eu le temps de découvrir… Dans le contexte actuel, nous sommes tous confrontés de près ou de loin à des menaces bien réelles. Je crois que si les gens sont confrontés à quelque chose d’inattendu, ou qui est radicalement différent de ce qu’ils connaissent, ils se demandent immédiatement « Est-ce un ami potentiel ou un ennemi ? Est-ce que cela représente un danger ou pas ? » Et plus cette personne ou ce phénomène est extraordinaire, plus ces réactions sont intenses, exacerbées. En voyant arriver cet être étrange qu’est Superman, les autorités le considèrent forcément comme un danger potentiel.

David Goyer et Chris Nolan ont-ils joué avec les bases de l’histoire de Superman de la même manière que JJ Abrams dirigeant le « reboot » de STAR TREK ? Les fans seront-ils surpris par certaines de leurs décisions ?

Vous savez, si l’on s’en réfère à BATMAN BEGINS, David Goyer et Chris avaient respecté les canons de la mythologie du personnage, tout en imaginant des rebondissements inédits autour de lui, afin d’intéresser le public en lui présentant des choses nouvelles. C’est la même approche que nous avons tous eu – David Goyer, Chris Nolan, Zack Snyder, Deborah Snyder, Emma Thomas et moi – en nous lançant dans le projet MAN OF STEEL.

MAN OF STEEL a-t-il été conçu comme la première étape de la construction du nouvel univers cinématique de DC Comics ? Faites-vous allusion à la présence d’autres superhéros dans le film ? Y a-t-il par exemple une réplique qui fait référence aux actions d’un certain Batman à Gotham City ?

(rires) J’ai pu constater que beaucoup de gens se posent cette question ! Comme vous vous en doutez, je ne peux pas vous répondre directement, mais ce je peux dire, c’est que si vous observez la manière dont l’équipe créative de MAN OF STEEL a travaillé par le passé, vous constaterez qu’elle s’est toujours préoccupée uniquement du film en cours, et non pas du ou des films suivants…Voilà, je ne peux rien ajouter de plus ! (rires)

A quel point la quête de l’acteur idéal pour jouer Superman a-t-elle été longue ? Combien de comédiens avez-vous auditionnés ?

Cette quête a été très intéressante, parce si elle a effectivement duré longtemps, le choix final, lui, a été très rapide. Laura Kennedy et Christie Carlson ont été les directrices de casting principales de MAN OF STEEL, et il se trouve que Laura avait travaillé il y a 8 ou 10 ans de cela sur le casting d’une version potentielle de SUPERMAN qui n’a pas vu le jour : il s’agissait du script que JJ Abrams avait écrit pour Warner. Henry Cavill avait passé des auditions à l’époque pour jouer ce Superman plus jeune. Et quand nous avons entamé le processus de recherche des acteurs qui correspondraient aux différents rôles de MAN OF STEEL, Laura nous a dit « Vous savez, il y a un comédien anglais nommé Henry Cavill qui joue dans la série LES TUDORS et qui vient de tenir le rôle principal du film de Tarsem Singh, IMMORTELS. Son audition pour l’ancien projet SUPERMAN avait été fantastique, et je pense que nous devrions l’inclure à tout prix dans la liste des acteurs de ce casting. » Nous l’avons donc rencontré et lui avons fait passer une audition assez tôt, dès que MAN OF STEEL a été lancé. Mais comme nous avions prévu de faire des recherches approfondies, nous avons continué à rencontrer des comédiens de tous les horizons, en étant aidés par d’autres directrices et directeurs de casting aux USA, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, bref, dans tous les pays où l’on parle anglais. Nous avons rencontré et auditionné énormément d’acteurs, mais Henry est toujours resté au sommet de notre liste. Au bout de toutes ces démarches, nous n’avons filmé un test qu’avec un seul comédien : Henry ! Nous avons décidé de tourner ces images en lui faisant porter le costume de Superman fabriqué pour Christopher Reeve, parce que c’était le seul dont nous disposions. Quand Henry est sorti de la caravane-loge où il s’était habillé, revêtu de ce costume de Superman, je peux vous assurer que tout le monde a compris qu’il y avait quelque chose de particulier en lui qui correspondait parfaitement au personnage. C’était évident, et cela en dépit du fait que ce costume réalisé pour Chris Reeve ne correspondait pas aux mensurations d’Henry.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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