Le Magicien d'Oz : Découvrez le monde merveilleux de L. Frank Baum
Article Cinéma du Jeudi 16 Aout 2018

Depuis 118 ans, les fantastiques aventures des personnages arpentant le Pays d'Oz fascinent de nombreuses générations d'enfants. Profitons de l'été pour revenir sur la carrière de L. Frank Baum, ainsi que sur les péripéties qui rythment son univers littéraire...

Par Pierre-Eric Salard


Lyman Frank Baum est né le 15 mai 1856 dans la petite ville de Chittenango, dans l'Etat de New York (où le festival Oz-Stravaganza! est organisé, au printemps, depuis plus de trois décennies). Septième enfant d'une fratrie qui en comptera neuf, le jeune garçon a cinq ans lorsque la Guerre de Sécession débute. Mais les combats se déroulent bien loin de son petit monde. Son père d'origine allemande, Benjamin Ward Baum, est un homme d'affaires qui a fait fortune dans l'industrie du pétrole. Notons que ses parents lui ont offert son prénom, Lyman, en l'honneur de son oncle paternel. Un prénom qu'il déteste tant qu'il se fera appeler Frank durant le reste de sa vie. L. Frank Baum grandit dans un milieu privilégié – un véritable paradis, se souviendra-t-il à l'âge adulte. A l'âge de douze ans, ses parents, qui souhaitent endurcir cet adolescent un brin rêveur, l'envoient étudier dans une académie militaire. L'expérience n'est pas concluante, et L. Frank Baum retourne au sein de sa famille au bout de deux petites années. Il se met très tôt à écrire. Avec son frère cadet, il édite d'abord plusieurs numéros d'un journal amateur destiné à son entourage, The Rose Lawn Home Journal (du nom de la demeure familiale, située dans la ville de Mattydale, dans l'Etat de New York). A dix-sept ans, il développe et écrit un second journal amateur, The Stamp Collector, ainsi qu'un essai d'une dizaine de pages, dédiés à l'une de ses passions : les timbres. Trois ans plus tard, il se lance dans une activité d'un tout autre registre, mais qui remporte un franc succès à l'époque, l'élevage de volailles. Il se spécialise dans une race de poule extrêmement rare aux États-Unis, originaire des Pays-bas. Le jeune homme développe en parallèle une passion pour le théâtre. Mais les désillusions se succèdent. Il occupe notamment un emploi de vendeur en magasins, tout en réussissant à jouer dans quelques pièces de théâtres. A 24 ans, il combine deux de ses centres d'intérêts en publiant un mensuel, The Poultry Record (que l'on pourrait traduire par « les dossiers de la volaille »!). Admirant les efforts de sa progéniture, son père, richissime, lui fait construire un petit théâtre à Richburg, toujours dans l’État de New York. Ravi, L. Frank Baum s'investit dans l'écriture de plusieurs pièces. L'une d'entre-elles, The Maid of Arran, rencontre un modeste succès. La première de ce mélodrame musical, tiré du roman A Princess of Thule de l'écossais William Black, se déroule le jour du 26ème anniversaire de l'auteur, le 15 mai 1882, à Syracuse, dans l’État de New York. Elle sera jouée dans une quinzaine de grandes villes au cours de l'année. Le jeune homme a non seulement écrit le texte et les chansons, mais il incarne également l'un des rôles principaux. Pendant la tournée, un incendie ravage le théâtre de Richburg ; les textes de certaines pièces de l'auteur partent à jamais en fumée... Cet événement provoque un coup d'arrêt à sa carrière d'acteur. Le 9 novembre 1882, L. Frank Baum épouse Maud Gage, fille d'une célèbre féministe et suffragette. Quatre ans plus tard, il publie son tout premier livre – entièrement consacré à sa race de poule favorite : The Book of the Hamburgs: A Brief Treatise upon the Mating, Rearing, and Management of the Different Varieties of Hamburgs (Le Livre de la Hambourg : un bref traité sur l'accouplement, l'élevage et la gestion des différentes variétés de Hambourg). Si le jeune homme a indubitablement de la suite dans les idées, Le Magicien d'Oz semble encore bien loin...

Une page se tourne

En 1888, un an après le décès de son père, il décide de se lancer dans une nouvelle aventure. Sa femme et lui emménagent à Aberdeen, dans l’État du Dakota du Sud, où il ouvrent un magasin, le Baum's Bazaar. Notons que cet état de l'ouest américain, victime de la sécheresse, influença sans doute les descriptions du Kansas dans la future série du Magicien d'Oz. Mais le jeune trentenaire n'a pas un profil de gestionnaire : à force d'accorder des crédits à ses clients, la boutique finit par faire faillite ! Il se tourne alors vers l'édition – mais de manière, cette fois-ci, professionnelle. Il rachète un journal local, l' hebdomadaire The Aberdeen Saturday Pioneer, dans lequel il se réserve le droit d'écrire une chronique intitulée Our Landlady (notre patronne). En décembre 1890, il signe une tribune exhortant à l'extermination des peuples indigènes en Amérique... tout en regrettant la récente mort de Sitting Bull. Neuf jours plus tard, le « massacre de Wounded Knee » - considéré comme étant l'incident ayant mit un terme plus ou moins définitif à l'interminable conflit opposant les indiens et les « américains » - fait entre 150 et 300 morts, dont de très nombreux femmes et enfants Sioux. Cet événement tragique est alors - généralement - reçu de manière positive par les citoyens des jeunes États-Unis ; de nombreux soldats seront d'ailleurs décorés. Comme souvent dans ce genre de conflit, un certain délai sera nécessaire avant que la tragédie ne soit reconnue pour ce qu'elle est, puis regrettée... Le 3 janvier 1891, L. Frank Baum aborde le sujet dans les colonnes de son journal. « En leur temps, les pionniers ont déclaré que notre sécurité dépendait de l'extermination totale des indiens », écrit-il. « Nous ferions mieux, afin de protéger notre civilisation, de débarrasser la surface de la Terre de ces créatures sauvages et indomptables ». Si ces propos racistes et ces stéréotypes choqueraient en 2013, rappelons que L. Frank Baum est le produit de son époque. Au XIXème siècle, le Dakota est majoritairement peuplé par les Sioux. A la fin de ce même siècle, la ruée vers l'or et la construction de chemins de fer provoquent l'arrivé massive de colons d'origine européenne. Des « blancs » qui vivent dans des États-Unis où la ségrégation est admise. La cohabitation entre les autochtones et les nouveaux arrivants s'avère extrêmement difficile. Dans ces conditions, le massacre de Wounded Knee n'est qu'une tragédie parmi tant d'autres. Les conflits sont récurrents dans le Dakota, qui n'a d'ailleurs rejoint les États-Unis qu'en... 1889 ! Les écrits de l'auteur ne font donc que refléter le sentiment de ses concitoyens, et l'environnement intellectuel de l'époque. Jamais plus il n'incitera au génocide ; au contraire, ses œuvres à venir vont promouvoir la tolérance. En 1891, il emménage avec sa femme et ses quatre enfants à Chicago, où il devient journaliste pour le Evening Post. Au cours des années suivantes, il alterne entre différentes activités professionnelles... sans pour autant trouver son bonheur. Après avoir été, un temps, représentant de commerce, puis avoir publié un livre dédié aux devantures de magasins, une page importante de sa vie s'apprête à être tournée. En 1897, il collabore avec l'illustrateur Maxfield Parrish afin de publier un livre pour enfants, Mother Goose in Prose. Les modestes ventes lui permettent de se consacrer à l'écriture. En 1899, il obtient son premier véritable succès avec Father Gosse, His Book, illustré par William Wallace Denslow, qui devient le livre pour enfants le plus vendu de l'année ! L'auteur et l’illustrateur s'attaquent immédiatement à un second projet commun. Le Magicien d'Oz est né !

Un livre culte

Une jeune orpheline, Dorothée, vit une existence paisible et heureuse avec son chien Toto dans une ferme retirée du Kansas, auprès de son oncle Henri et de sa tante Em. Un jour, un puissant cyclone vient tout bouleverser. La fillette et son fidèle compagnon sont emportés par les vents déchaînes. Dorothée et son compagnon se réveillent, le lendemain matin, dans une bien curieuse contrée : le pays merveilleux d'Oz. Ici, les sorcières ressemblent à des fées, les arbres sont doués de parole et les rêves les plus fous se réalisent. A condition, bien sûr, de les formuler devant le grand Magicien d'Oz ! Seul ce mystérieux personnage pourrait exaucer l'unique vœux de Dorothée : retrouver sa demeure familiale, au Kansas. Mais le Magicien demeure loin, très loin, au bout de la route de briques jaunes qui mène à la splendide Cité d’Émeraudes. Dorothée et Toto partent en quête du de leur sauveur. En chemin, ils croiseront bientôt la route de trois personnages extraordinaires, qui deviendront leurs compagnons : l’Épouvantail sans cervelle, le Bûcheron en Fer Blanc et le Lion peureux. Eux-aussi souhaitent soumettre leurs propres requêtes au Magicien. Acceptera-t-il de les rencontrer ? Un cerveau, un cœur et du courage, cela ne se trouve pas dans la nature ! Or les apparences, comme dans tout conte, sont parfois trompeuses... « Oz ? Quel drôle de nom ! », s'exclamèrent les premiers lecteurs. Et pour cause : L. Frank Baum se plaisait à raconter qu'il avait trouvé cette appellation par hasard. Un enfant, à qui il racontait l'histoire avant même d'avoir choisi un titre, lui aurait demandé quel était le nom de l'étrange contrée fantaisiste où se déroulent les aventures de Dorothée. Son regard se serait porté vers une armoire où étaient rangés alphabétiquement des documents. O-Z aurait été inscrit sur l'un des classeurs ! Rien ne dit si l'anecdote possède un fond de vérité ; au fil de sa vie, l'auteur a lui-même offert des variantes à son histoire ! Selon sa femme, le nom lui serait tout simplement venu à l'esprit en 1898... Le Magicien d'Oz était alors l'une des histoires qu'il racontait à ses enfants, ainsi qu'à leurs amis et camarades de classe. Un soir, Maud Baum, qui avait tout entendu, insista auprès de son mari afin qu'il couche sur papier le fantastique récit qu'il venait d'inventer. En réalité, L. Frank Baum avait depuis longtemps le désir de mettre au point un nouveau type de contes de fées. Tout en s'inspirant des grands auteurs européens, dont Lewis Carroll (Alice au pays des merveilles), les frères Grimm (Blanche-Neige, Cendrillon...) ou encore Hans Christian Andersen (La Petite Poucette, La Petite Sirène), il souhaite renouveler le genre. « Il convient d'en éliminer les stéréotypes désuets de génies, de nains et de fées, en même temps que toutes ces horribles péripéties qui glacent le sang... », écrivait-il ainsi. « Mes livres sont destinés à tous ceux dont le cœur est resté jeune, quel que soit leur âge ». Son « conte de fées américain » revisite des thématiques classiques en ne conservant que les éléments merveilleux – les aspérités horrifiques sont gommés. Grand amateur des romans de Lewis Carroll, L. Frank Baum pensait que leur popularité était liée au choix de l’héroïne, à laquelle les enfants pouvaient s'identifier. Il est donc possible que Dorothy soit plus ou moins inspirée par Alice. Les critiques littéraires de l'époque ne s'y sont pas trompés : certains d'entre-eux ont encensé Le Magicien d'Oz en affirmant qu'il s'agissait d'une sorte de relecture d'Alice au pays des merveilles, modernisée afin de plaire aux enfants de ce début du XXème siècle... L'auteur se penche plus particulièrement sur la problématique de la confiance en soi – et, par extension, de la contradiction inhérente à l'être humain. Le Lion peureux pense qu'il n'a aucun courage ; il n'hésite pourtant jamais à faire acte de bravoure ! L’Épouvantail souhaiterait disposer d'un cerveau plutôt que la paille qui s'amoncelle sous son chapeau, alors qu'il est toujours le premier personnage à proposer des solutions sensées. Le Bûcheron en fer-blanc, enfin, aimerait avoir un cœur, lui qui passe son temps à verser des larmes... Une fois le premier manuscrit élaboré, William Wallace Denslow accepte d'en réaliser les illustrations. L. Frank Baum et son partenaire partent à la recherche d'un éditeur, mais personne ne s'intéresse à un conte de fées écrit par un américain. Ce genre de textes est traditionnellement signé par un européen ; aux États-Unis, rares étaient les écrivains à se lancer dans ce genre d'aventures ! La George M. Hill Company, la maison d'édition de leur premier livre commun, accepte finalement de publier Le Magicien d'Oz. Bien que les premiers exemplaires aient été envoyés à la presse en mai, le roman sort finalement le premier septembre 1900. Grâce au bouche-à-oreille, les 10000 exemplaires du premier tirage ont déjà été réservés ; Le Magicien d'Oz devient rapidement le livre pour enfants le plus vendu de l'année ! Un second tirage de 15000 exemplaires est quasiment épuisé dès le mois d'octobre. Paradoxalement, la maison d'édition George M. Hill Company fait faillite en 1901. L'éditeur Bobbs-Merril Company prendra le relais de la publication du livre, qui restera en tête des ventes pendant deux années. Si des éditions canadiennes et britanniques verront bientôt le jour, il faut attendre 1932 pour que le roman soit traduit pour une première fois en langue étrangère. Notons que, au fil du temps, certains analystes n'ont pas manqué de voir dans Le Magicien d'Oz une satire du monde politique ou une allégorie sur, au choix, les dangers du populisme, de la spiritualité, du capitalisme ou encore du communisme... L'auteur n'a jamais confirmé, bien au contraire. S'il ne dissimulait pas son engagement pour le droit de vote des femmes, L. Frank Baum n'était pas un activiste politique. « L'éducation moderne comprend déjà l'apprentissage de la morale », écrivait-il. « L'enfant des temps modernes ne recherche donc, dans les contes merveilleux, que le divertissement. Suite à cette observation, l'histoire du Magicien d'Oz a été écrite uniquement pour plaire aux enfants d'aujourd'hui ».

Une mythologie des temps modernes

En 1902, L. Frank Baum et William Wallace Denslow s'associent avec le metteur en scène Julian Mitchell et le compositeur Paul Tietjens afin de créer une adaptation scénique du Magicien d'Oz. Après avoir enchanté les spectateurs à Broadway, cette comédie musicale - peu fidèle au roman – tournera à travers les Etats-Unis durant une dizaine d'années. Suite à leurs nombreux succès successifs, L. Frank Baum et son illustrateur publient une troisième œuvre commune, Dot and Tot of Merryland. Ce projet est toutefois un échec ; il provoque l'arrêt de leur collaboration. En 1904, l'auteur préfère ne pas prendre de risques et, encouragé par les nombreuses lettres de fans qu'il reçoit, retourne vers l'univers d'Oz. Illustré par John R. Neill (qui signera par la suite les dessins de tous les livres de cette saga littéraire, jusqu'au milieu des années 1940) et publié par The Reilly and Britton Company, Le merveilleux pays d'Oz réintroduit deux des protagonistes du roman original, L’Épouvantail et le Bûcheron en fer-blanc. Cette fois-ci, un jeune garçon nommé Tip s'échappe, avec l'aide de Jack Tête-de-citrouille, de l'emprise de la méchante sorcière Mombi. Tip s'avère être en réalité la Princesse Ozma, véritable héritière du Royaume d'Oz, transformée par un maléfice de Mombi. L. Frank Baum dédie ce second opus à Fred Stone et David C. Montgomery, les interprètes de épouvantail et du Bûcheron dans la comédie musicale. Et pour cause : l'auteur souhaite également adapter ce roman sur scène ! Mais les deux vedettes refusent de se lancer dans cette nouvelle aventure ; la comédie musicale originale fait alors un triomphe... L'écrivain décide de remanier l'intrigue et d'exclure les deux personnages. L'histoire tourne désormais autour du Woggle-Bug – un insecte géant qui n’apparaît que tardivement dans le roman. Les musiques de cette nouvelle comédie musicale sont composées par l'américain Frederic Chapin. Mais le spectacle ne déplace pas les foules ; l'aventure se termine moins d'un mois après la première représentation, à Chicago. L'auteur, prolifique, se lance dans l'écriture de (très) nombreuses séries littéraires, qui seront publiées soit sous son véritable nom, soit sous divers pseudonymes. Publié en 1906, le premier des dix opus de Aunt Jane's Nieces est ainsi signé par une certaine Edith Van Dyne. Paru dès l'année suivante, Ozma, princesse d'Oz marque le retour de Dorothée ! Avec ce troisième volet, L. Frank Baum lance réellement une saga dédiée au Pays d'Oz ; il y introduit des éléments qui seront étoffés lors des livres suivants. Ce qui, à l'origine, ne faisait pas partie des objectifs de carrière... A l'occasion d'un voyage vers Australie avec son oncle Henry, la jeune fille est transportée - en compagnie d'une poule nommée Billina - à Ev, une contrée qui se trouve loin de la Cité d’Émeraudes, à l'opposé d'un gigantesque désert. Dorothée s'associe avec le robot Tik-Tok afin de sauver la famille royale d'Ev des griffes du Roi des Gnomes. Grâce à l'aide de la Princesse Ozma, elle pourra finalement retrouver le Pays d'Oz. Les intrigues du Merveilleux pays d'Oz et d'Ozma, princesse d'Oz sont également à l'origine du film Oz, un monde extraordinaire, sorti en 1985. A partir de 1908, L. Frank Baum publie un nouvel opus par année. Le succès semble l'y contraindre ; il déclarera à plusieurs reprises qu'il aimerait que les enfants lui permettent de raconter tous les autres contes qu'il a en tête... Mais Oz est devenu un véritable phénomène de société. Dorothy and the Wizard in Oz narre ainsi le voyage de retour de l’héroïne vers l'Australie. En chemin, elle rend visite à son cousin Zeb, en Californie. Suite à un tremblement de terre, les deux enfants tombent dans une crevasse et doivent arpenter des cavernes souterraines. Dorothée finira par retrouver le Magicien et, ensemble, ils rejoindront – à nouveau - le Pays d'Oz. Il n'est guère étonnant d'apprendre que le tragique tremblement de terre de San Francisco s'était déroulé quelques temps avant l'écriture de ce livre, et que l'auteur venait d’emménager près de Los Angeles ! Car L. Frank Baum souhaite se lancer, bientôt, dans une nouvelle carrière... En 1908, il fait un premier pas vers le cinéma en participant à The Fairylogue and Radio-Plays, une libre adaptation du Magicien d'Oz mêlant acteurs en chair et en os, lanterne magique et film muet.



Publié en 1909, The Road to Oz invite ensuite Dorothée à rencontrer d'étranges personnages sur une route enchantée. En 1910, elle emménage -enfin- au Pays d'Oz en compagnie de son oncle et de sa tante. The Emeral City of Oz raconte également le retour du Roi des Gnomes, qui a fait creuser un tunnel sous le désert séparant Oz du royaume d'Ev. Notons que l'auteur souhaitait originellement terminer sa saga littéraire sur ce sixième tome. Afin de prévenir toute nouvelle invasion, le sorcière Glinda utilise d'ailleurs ses pouvoirs magiques, dans l'épilogue, pour rendre le Pays d'Oz invisible... Des pressions financières auront cependant raison de la magie. Publié en 1913, The Patchwork Girl of Oz introduit de nouveaux protagonistes, dont la quête permet de redécouvrir Oz sous un nouveau jour. Parallèlement à l'écriture de ce roman, L. Frank Baum participe à une libre adaptation – en développement depuis plusieurs années - du roman Ozma, la princesse d'Oz. Cette comédie musicale est intitulée The Tik-Tok Man of Oz. Malgré un modeste succès, cette pièce est recyclée par l'auteur en 1914 sous la forme d'un huitième roman, Tik-Tok of Oz.

Dernier lever de rideau

Frank Baum, installé à Hollywood, se lance également dans le cinéma. En 1914, il fonde sa société de production cinématographique, The Oz Film Manufacturing Company. Son objectif est de proposer aux familles des divertissements de qualité – à une époque où les films pour enfants n'existent, pour ainsi dire, quasiment pas ! En une année, trois long-métrages tirés de ses romans, réalisés par J. Farrell MacDonald, seront produits par la jeune structure. Proposé dans les salles obscures à partir des premiers jours du mois de septembre, le premier film est une adaptation de The Patchwork Girl of Oz. Il s'agit de l'unique production de The Oz Film Manufacturing Company qui aura l'honneur d'être distribuée par les studios Paramount : les spectateurs ne répondent pas présent.



Le projet étant un échec, les responsables de la Paramount refuseront de s'occuper des opus suivants. Une poignée de semaines plus tard, le 14 octobre 1914, His Majesty, the Scarecrow of Oz, écrit et produit par l'auteur, est une (très) libre adaptation du Magicien d'Oz. L. Frank Baum modifie en profondeur l'intrigue et introduit un certain nombre de personnages absents du roman. Mombi est ici au service du Roi Krewl, le dirigeant cruel de la Cité d’Émeraudes. La fille de Krewl, Gloria, s'échappe avec Dorothy après que son cœur ait été glacé...



His Majesty, the Scarecrow of Oz ne rencontre pas davantage de succès que son prédécesseur, ce qui provoque l'abandon de la distribution du troisième et dernier film, The Magic Cloak of Oz. Le récit va toutefois inspirer l'écriture du neuvième tome de la série littéraire, The Scarecrow of Oz, publié durant l'été 1915. The Magic Cloak of Oz, quant à lui, est une adaptation d'un autre roman de L. Frank Baum, Queen Zixi of Ix, paru en 1905. Si le livre ne semblait pas se dérouler au sein du Pays d'Oz, cette adaptation cinématographique nous apprend qu'Ix est une région avoisinant le merveilleux royaume. Le film n'a semble-t-il jamais été distribué en salle dans sa forme d'origine ; les fans peuvent cependant découvrir une version de 45 minutes sur l'édition Blu-ray collector du Magicien d'Oz (1939).



Malgré un changement de nom, l'aventure de The Oz Film Manufacturing Company (qui devient ainsi Dramatic Feature Films) se termine dès 1915, après la distribution de The Last Egyptian – une adaptation d'un roman d'aventures exotiques, que l'auteur avait publié (anonymement) en 1908. Cette décevante expérience hollywoodienne aura vraisemblablement un impact sur la santé de L. Frank Baum, qui se contentera désormais d'écrire les derniers livres de sa saga. Le dixième tome, Rinkitink in Oz, est ainsi publié en juin 1916. Il s'agit en réalité d'une réécriture d'un roman original, que l'écrivain avait laissé à l'abandon aux alentours de 1905. Ceci explique pourquoi l'intrigue se déroule majoritairement hors des frontières du Pays d'Oz, et qu'aucun personnage connu n’apparaît avant le dernier acte. En 1917, Dorothée découvre que la Pincesse Ozma a mystérieusement disparu dans The Lost Princess of Oz. La jeune fille partira à sa recherche avec l'aide du Magicien. L'année suivante, The Tin Woodman of Oz rencontre un succès inattendu ; jamais un roman de cette série littéraire ne s'était vendu à un si grand nombre d'exemplaires depuis le début de la décennie ! Se pourrait-il que les atrocités de la Première Guerre Mondiale aient conduit les lecteurs à rechercher une certain forme de nostalgie ? Ce douzième tome lève le voile sur le passé du Pays d'Oz en général, et celui du Bûcheron en fer-blanc en particulier. De son véritable nom Nick Chopper, ce dernier retrouve son amour de jeunesse, qu'il avait rencontré avant de devenir un homme de fer. The Tin Woodman of Oz sera malheureusement le dernier roman à paraître avant le décès de l'auteur. L. Frank Baum s'éteint effectivement le 5 mai 1919, quelques jours avant son 63ème anniversaire...

Un univers immortel

Toute l'Amérique saluera le départ du célèbre romancier, qui est enterré au cimetière de Glendale, en Californie. Ironiquement, cette ville bordant Los Angeles accueillera plus tard d'autres conteurs des temps modernes, dont certains studios Disney (la division consacrée à la création d’attractions, Walt Disney Imagineering, ou encore Marvel Studios à partir d'avril 2013) et les locaux abritant Dreamworks Animation. Publié un mois après le décès de l'auteur, The Magic of Oz raconte la tentative d'invasion du Pays d'Oz par le nouveau Roi des Gnomes, Ruggedo. Ce roman est dédié aux enfants des soldats qui ont participé au conflit qui vient de ravager l'Europe. Le quatorzième et ultime opus écrit par L. Frank Baum, Glinda of Oz, sort le 10 juillet 1920. Plus sombre que ses prédécesseurs, ce roman tourne autour des efforts de Dorothée, Ozma et Glinda visant à mettre un terme à une guerre. L'héritage de la Première Guerre Mondiale n'est jamais loin... Il semblerait que l'auteur n'ait pas eu le temps de terminer l'écriture de ce dernier livre ; une tierce personne aurait donc retravaillé le manuscrit original. Outre les quatorze tomes principaux, L. Frank Baum a également signé un certain nombre de nouvelles dont les intrigues se déroulent dans le même univers. Mais le Pays d'Oz ne disparaît pas avec son créateur ! Plus de quarante autres ouvrages « officiels » seront ainsi publiés au cours des décennies suivantes. Les nombreux successeurs et héritiers de L. Frank Baum seront bientôt surnommés « les historiens royaux d'Oz ». Ruth Plumly Thompson prend le relais dès 1921 avec The Royal Book of Oz, qui se penche sur le passé de l'Epouvantail. Afin de comprendre ses origines, ce dernier se rend dans le champs où il avait faire la rencontre de Dorothée... Si les couvertures des premières éditions de ce roman indiquaient que L. Frank Baum en était l'auteur, The Royal Book of Oz a bel et bien été intégralement imaginé et écrit par Ruth Plumly Thompson. Ce dernier ne s'est pas non plus inspiré des notes laissées par son prédécesseur. Il écrira 18 autres tomes jusqu'en 1939, année durant laquelle Le Magicien d'Oz de Victor Fleming triomphe au cinéma. A partir de 1940, John R. Neill, l'illustrateur attitré de la saga depuis 1904, écrit trois nouveaux opus. Paru en 1942, Lucky Bucky in Oz, 36ème tome de la saga, sera aussi le dernier dont il signera les dessins. John R. Neill décède en 1943, sans avoir le temps de terminer le manuscrit de son quatrème livre. Alors que la Seconde Guerre Mondiale fait rage, les ventes des romans s'effondrent. Le papier étant rationné, les responsables de la maison d'édition Reilly & Lee décident de mettre entre parenthèse la publication de la saga, le temps que le conflit se termine. De nombreux écrivains pourusuivront l'écriture des romans Oz, dont Jack Snow, Rachel Cosgrove, Dick Martin, Roger S. Baum (un arrière petit fils de L. Frank Baum) et, dans les années 2000, Sherwood Smith. Le Pays d'Oz est ainsi resté vivant auprès des descendants des lecteurs qui attendaient impatiemment la sortie des tout premiers tomes, il y a plus d'un siècle ! Mais il existe aussi des mythologies alternatives, développées par l'intermédiaire de sagas qui n'intègrent pas le “canon” officiel. Depuis 1956, les droits du Magicien d'Oz sont en effet tombés dans le domaine public. Philip José Farmer (Riverworld), Gregory Maguire (Wicked) et même Stephen King (La Tour Sombre) ont offert à leurs lecteurs des versions inédites du célèbre conte de fées américain. Sans oublier Alexander Melentyevich Volkov, qui s'est permis de retoucher légèrement Le Magicien d'Oz lors d'une traduction officieuse en russe, The Wizard of the City of Emeralds, en 1939. Il a par la suite écrit des suites totalement originales, et ainsi développé son propre univers. Dans certaines régions du globe, cette saga russe est parfois plus connue que celle dont elle s'inspire ! Après le décès d'Alexander Melentyevich Volkov, d'autres auteurs ont pris sa suite et poursuivi l'exploration de cet univers alternatif... Quoiqu'il en soit, Le Pays d'Oz restera à jamais l'oeuvre la plus célèbre de L. Frank Baum, et le conte de fées américain par excellence. Dans les pages d'un roman ou sur un grand écran, le Magicien d'Oz continuera à enflammer l'imagination des enfants. Les jeunes français vont d'ailleurs pouvoir se plonger dans l’œuvre de l'auteur, puisque Les éditions du Cherche-Midi proposent depuis quelques années une édition intégrale du cycle d'Oz...

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