THOR, LE MONDE DES TENEBRES : Entretien exclusif avec Anthony Hopkins (Odin) – 1ère partie
Article Cinéma du Mercredi 06 Novembre 2013

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Avez-vous eu l’opportunité de lire des BDs américaines de superhéros au pays de Galles après la guerre, quand vous étiez enfant ? Et plus tard, avez-vous eu l’occasion de découvrir même partiellement l’univers des comics Marvel ?

Non, pas du tout. Je n’ai pas eu cette occasion pendant mon enfance. Je dois avouer que je suis complètement ignorant dans ce domaine.

Dans ce 2ème épisode, Odin est revenu à la vie et se retrouve entouré de ses proches et de ses amis. Comment avez-vous vécu vous-même ce retour dans l’univers de THOR et vos retrouvailles avec les autres acteurs de la distribution ?

C’était très agréable. J’ai été ravi de travailler à nouveau avec Chris Hemsworth et avec Tom Hiddleston, même si je n’ai pas eu beaucoup de scènes à jouer avec Tom cette fois-ci. D’ailleurs, après le tournage principal, l’équipe de Marvel et Alan Taylor ont jugé que la performance de Tom était tellement formidable qu’ils ont décidé d’écrire et de tourner plusieurs nouvelles scènes pendant le mois d’août, dont une à laquelle j’ai participé. Et dans cet épisode, j’ai eu le plaisir de travailler avec Nathalie Portman, ce qui n’avait pas été le cas dans le précédent. Ce nouveau volet de THOR m’a semblé différent, avec des changements intéressants. Ce que je dis là n’est en aucun cas une critique du travail qui avait été accompli par Kenneth Branagh sur le premier épisode, car sa mise en scène et l’ensemble du film étaient très réussis, et le succès qu’il a remporté auprès du public a permis au MONDE DES TENEBRES d’exister. Ce que je veux dire, c’est que les nouveaux développements imaginés par l’équipe de Marvel et par Alan Taylor pour ce 2ème volet sont vraiment sensationnels.

Qu’avez-vous apprécié le plus dans ces changements ?

Ce film est plus ancré dans la réalité. Je pense que cela provient en partie du fait que nous avons tourné en Angleterre, où le ciel est toujours gris et où la pluie s’invite souvent quand on filme des scènes en décors extérieurs. C’est d’ailleurs pour fuir ce climat que je suis venu vivre ici à Los Angeles ! (rires) On sent ce côté boueux, cette présence de la terre, de paysages bien réels…Les décors ont eux aussi été traités de manière très réaliste, moins stylisée que ceux du 1er épisode. Ils sont plus « patinés », usés, rouillés, cassés…Et cela produit forcément un effet pendant que vous jouez, car vous vous retrouvez au milieu d’un environnement qui paraît totalement réel, au lieu d’évoluer sur un plateau entièrement vide, entouré par un fond vert aussi haut qu’un immeuble de 7 étages ! Chris a été un partenaire formidable. Il a pris confiance en lui depuis le 1er épisode car il est devenu une grande vedette après THOR. Mais il est resté un homme très aimable, et en tant qu’acteur, je l’ai toujours trouvé très bon, excellent. J’ai eu plus de séquences à jouer avec lui cette fois-ci. La plupart de mes scènes se déroulent avec Chris, avec Renée Russo, qui joue mon épouse Frigga, et avec Nathalie Portman.

Un film de pur divertissement comme THOR est-il toujours un travail pour vous, ou est-ce aussi un moment de détente et d’amusement ?

En fait, le plus grand défi que j’aie à relever sur un tel projet est la lecture du script !

Pour quelles raisons ?

Oh, parce que ce que je lis est totalement incompréhensible pour moi : je ne connais strictement rien à l’univers de THOR, ni à celui des BDs Marvel. Je ne suis pas un « geek » ! Ni même un connaisseur dans le registre des comics. Je me souviens que pendant le tournage du 1er épisode, il était question d’une bataille avec les « hommes-rochers » et avec d’autres méchants que je ne connaissais pas, et comme j’étais complètement perdu, il fallait que je demande à des gens de l’équipe de m’expliquer de quelles créatures il s’agissait. J’ai fait de même pendant le tournage du MONDE DES TENEBRES : j’ai demandé « Qui sont nos ennemis, cette fois-ci ? » et on m’a dit « Ce sont des elfes maléfiques qui viennent d’un univers obscur ». J’ai répondu « OK, si vous le dites, je m’en remets à vous ! » (rires)

Mais vous devez quand même avoir trouvé quelque chose d’intéressant à faire avec le personnage d’Odin, puisque vous avez accepté de l’incarner dans cette suite…

Non, en fait j’étais contraint contractuellement à jouer dans la suite ! (rires) Plus sérieusement, j’ai pris plaisir à retrouver toute l’équipe et à jouer Odin encore une fois, même si j’ai eu un peu de mal à trouver mes repères dans cet univers que décrivait le script et que je ne connaissais pas. Mais ce genre de choses arrive souvent quand on tourne dans des adaptations de BDs ou de romans que l’on n’a pas lu auparavant. Heureusement, les scénaristes qui venaient sur le plateau – j’étais d’ailleurs étonné qu’ils soient si nombreux ! – pouvaient me donner toutes les informations qui me manquaient. Après cela, je me sentais plus à l’aise. Généralement, les dialogues d’Odin sont écrits de manière très « Shakespearienne », avec beaucoup d’emphase. J’ai souvent proposé de les dire d’une façon plus simple et plus humaine, pour éviter ce qui me semblait trop grandiloquent. Je me rappelle d’une miniserie américaine intitulée PETER AND PAUL, que j’avais tournée en Grèce, et qui était très bien écrite. Les 2 protagonistes principaux étaient des disciples de Jésus Christ à l’époque des débuts de la chrétienté. C’est Robert Foxworth qui incarnait le personnage de Peter, et moi j’étais Paul. Et à un moment, il y avait une violente querelle entre nous car nous n’avions pas la même vision de la manière d’appréhender les enseignements du Christ. Au cours de cette dispute, Robert devait me répondre « Cela m’à ôté l’appétit ! » au lieu de dire, plus simplement « Ça me dégoûte ! ». J’avais protesté et demandé que l’on rende les dialogues plus naturels et plus modernes. J’ai procédé de la même manière pendant le tournage du MONDE DES TENEBRES, en proposant souvent des versions plus simples et plus directes des répliques d’Odin.

En tant qu’acteur et que spectateur, quel regard portez-vous sur les blockbusters actuels, et leur tendance à la surenchère d’explosions et de scènes d’action ?

Eh bien je considère que les deux volets de THOR sont des blockbusters particuliers, dans le sens où les personnages ne sont jamais éclipsés par les effets spéciaux. Ils évoluent constamment, et c’est ce qui rend ces films agréables et intéressants à regarder. Il y a bien évidemment aussi des grandes scènes de batailles très spectaculaires qui vont plaire aux jeunes spectateurs…je les ai d’ailleurs vues pour la 1ère fois cet après-midi, et je n’en croyais pas mes yeux ! En me rappelant les plans que nous avions tournés dans les paysages de la forêt anglaise de Borehamwood avec quelques dizaines de figurants, je n’arrivais pas à croire que cette séquence fantastique avec des milliers de combattants faisait partie du MONDE DES TENEBRES. Tout en regardant ces extraits, je me suis tourné vers mes amis de l’équipe de Marvel et je leur ai demandé « Ces scènes-là sont dans notre film ?! Je ne me rappelle pas avoir vu tout ça ! » (rires) Et puis soudain, je me suis vu dans la scène, et je me suis demandé comment c’était possible ! Le résultat final est formidable. Je pense que mon ignorance des techniques d’effets visuels est une bénédiction, car elle me permet d’apprécier encore plus le film quand je le découvre sur le grand écran. Je redeviens un simple spectateur qui s’amuse beaucoup en regardant le film, et qui, de temps en temps, a la surprise de se voir sur l’écran et s’exclame « Oh mon dieu, c’est vrai que je joue dans ce film, je l’avais oublié ! » (rires) Mais pour revenir à votre question sur les blockbusters, ce n’est malheureusement pas toujours l’impression qu’ils me font. Dernièrement, j’ai passé quelques semaines de vacances aux Bahamas, à Hope Town. Il y avait un système de visionnage payant de films dans ma chambre d’hôtel, et plusieurs des titres proposés étaient des sorties très récentes, annoncées par un bandeau « Actuellement en salles ». Je ne mentionnerai pas les films en question, mais il y en a plusieurs que j’ai commencé à regarder, et dont j’ai été obligé d’abandonner le visionnage au bout de 7 ou 8 minutes tellement je les trouvais insupportables. D’abord je ne comprenais pas ce que les gens disaient. (Anthony Hopkins prend une voix murmurée très grave) Tout le monde parlait ainsi pour se donner un air cool et macho…(rires) Il y avait des poursuites de voitures sont le montage était tellement haché que j’étais incapable de comprendre qui poursuivait qui…Bref, j’ai capitulé, car à mon âge, on a plus de temps à gâcher en regardant des choses médiocres. Et la plupart des films d’action récents que j’ai tenté de regarder me semblent être tournés ainsi, hélas. Même quand ce sont de très bons acteurs qui tiennent les rôles principaux, on fait bouger la caméra inutilement dans tous les sens, comme si elle était portée à l’épaule par un opérateur incapable de faire des cadres stables ! La conséquence, c’est que je ne comprends plus rien à ce qui se passe parce que je me peux plus suivre la narration visuelle de l’histoire. Je sens bien que le réalisateur a une vision, des idées, mais quand je suis complètement perdu à cause de sa façon de filmer, eh bien je perds tout intérêt pour l’histoire ! Et je me console en regardant les vieux films qui sont diffusés tard le soir, comme les classiques avec Humphrey Bogart et Bette Davis, qui étaient magnifiquement photographiés et cadrés. Je crois que ce traitement actuel hystérique de l’image dans les films d’action est un témoignage assez navrant de notre incapacité à rester attentif si on ne nous agite pas constamment quelque chose devant les yeux. Attention, j’insiste bien sur le fait que ce que je dis là ne concerne ni le premier THOR, ni LE MONDE DES TENEBRES, car Kenneth Branagh et Alan Taylor sont d’excellents metteurs en scènes qui n’utilisent pas ce genre d’artifices. Ils donnent un sens précis à chacun des plans qu’ils conçoivent. Les films dont je parle sont les blockbusters un peu vains dans lesquels on voit d’excellents acteurs perdus dans ces mises en scènes qui s’agitent inutilement, et qui finissent par se ressembler toutes…C’est très triste. C’est même une honte parce que c’est une insulte à l’intelligence des spectateurs. Je sais que ce n’est pas « politiquement correct » de dire cela, mais les réalisateurs qui font ce genre de choses insultent le public. Ils sont supposés diriger les acteurs et imaginer la meilleure mise en scène possible pour raconter intelligemment toutes les facettes de l’histoire, y compris les plus subtiles... Mais ils ne le font pas. Ils préfèrent jeter de la poudre aux yeux et se faire plaisir en accumulant les effets gratuits et les images spectaculaires sans signification particulière tout au long du film. Le montage hyper-rapide et le mixage sonore dans lequel les bruitages et la musique sont mis trop en avant et rendent les dialogues inaudibles achèvent de rendre le film incompréhensible. Quelquefois, je me dis que je réagis peut-être ainsi parce que je suis vieux et grincheux, mais je peux vous assurer que si jamais un acteur murmurait ainsi au théâtre en Angleterre, les spectateurs dans la salle ne se priveraient pas pour crier « Eh ! On n’arrive pas à vous entendre ! » (rires) Cela étant dit, je ne désespère pas du cinéma actuel. J’ai vu tout récemment un excellent film australien intitulé WISH YOU WERE HERE dans lequel le suspense et la narration par révélations successives fonctionnaient remarquablement bien. Il y est question de la disparition mystérieuse d’une personne qui fait partie d’un groupe de 4 amis venu passer des vacances au Cambodge. Je vous le recommande.

La suite de cet entretien réalisé à Asgard paraîtra bientôt sur ESI !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.