WOLVERINE : LE COMBAT DE L’IMMORTEL en Blu-ray : Entretien exclusif avec le réalisateur James Mangold – Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 02 Decembre 2013

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment vous êtes-vous préparé à adapter au cinéma la saga écrite par Chris Clairmont et dessinée par Frank Miller ? Vous avez déclaré avoir été influencé par des films de samouraïs comme 13 ASSASSINS et par des westerns comme L’HOMME DES VALLEES PERDUES, mais je me demandais si les aventures japonaises d’un autre héros solitaire et brutal, James Bond, dans ON NE VIT QUE 2 FOIS, vous avaient également inspiré ?

Non, j’avoue que je n’y ai pas songé à ce moment-là, car Bond a beaucoup trop confiance en lui ! Ce qui n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel se trouve Wolverine au début de cette histoire : il est encore sous le choc de la mort de Jean Grey, du professeur Xavier, de Cyclope…Je voulais montrer comment il réagit après avoir subi ces pertes tragiques, à l’instar du personnage que joue Clint Eastwood dans JOSEY WALES HORS LA LOI, cet homme dont la famille est massacrée à la fin de la guerre de sécession, et qui passera d’un camp à l’autre pour la venger… Le seul point que je trouvais trop vague dans la BD de Claremont & Miller, c’était la description de l’état d’esprit émotionnel de Logan…Il vit dans une isolation presque totale, puis il entame une relation avec une femme qui vit au Japon, mais on n’en sait pas plus sur lui. Or, je voulais que dans le film, on sache tout de suite dans quel état se trouve notre héros. Pour parvenir à ce résultat, je me suis basé sur les conséquences des évènements qui ont été décrits dans les précédents films de la série X-MEN, et que l’on peut résumer en disant que Wolverine a perdu tout le monde : Jean Grey, l’amour de sa vie, le professeur Xavier, son mentor, des compagnons qu’il estimait…Il est plus seul qu’il ne l’a jamais été. Le rapport avec JOSEY WALES, c’est que la violence a accompagné Wolverine tout au long de sa vie, et la conséquence, c’est qu’il ne lui reste plus rien. Et la malédiction qui le frappe, c’est que cette violence qui le suit partout ne peut pas le détruire parce qu’il est immortel, mais qu’elle anéantit tous les gens fragiles qu’il aime. C’est un calvaire épouvantable, et vivre ainsi, sans les gens que Wolverine aimait le plus, est la pire des punitions que lui impose la nature.

Quels éléments de la BD originale avez-vous décidé de modifier d’emblée et pourquoi ?

Certains changements sont des surprises dont je préfère ne pas parler pour vous laisser le plaisir de les découvrir…Mais je crois que la plus grosse modification que j’ai apportée au récit, en travaillant sur le script avec mes amis Scott Frank et Mark Bomback, a consisté à nous emparer des personnages de la saga, mais sans inclure toutes les intrigues et tous les rebondissements de la BD, car pour y parvenir, il aurait fallu disposer de bien plus de temps, et adapter cette aventure dans un autre format, comme celui d’une minisérie de télévision de 10 épisodes. Il était quasiment impossible de résumer l’intégralité du récit original en 2 heures. J’ai donc tenté de donner un autre angle au film, tout en conservant les éléments de l’histoire originale que je préférais comme les yakusas, et l’intrigue autour de Yashida, de Shingen, de Mariko et de Yukio…C’était un bel univers à explorer. Je crois que les fans se rendront compte que nous avons voulu rendre hommage au travail de Clarmont & Miller, en respectant l’esprit de leur récit. Nous évoluons bien dans le monde qu’ils ont créé, mais sans aller absolument partout. Plutôt que de risquer de nous perdre en traitant toutes les intrigues, nous nous sommes concentrés sur certains aspects importants de l’histoire que nous avons développés au-delà de ce que l’on avait vu dans la BD. Mais certains des rebondissements du film sont nouveaux, car j’avais besoin que le mystère et le suspense soient renouvelés tout au long du film, jusqu’aux dernières scènes.

Comment avez-vous utilisé les multiples opportunités de jouer sur le contraste qui existe entre le Wolverine rebelle, sauvage et irrespectueux des règles que l’on connaît et tous les codes de comportement japonais, issus de traditions séculaires ?

Oh j’adore cet aspect de l’histoire ! Cela m’a donné la possibilité de montrer comment Logan se rebelle contre ces codes sociaux issus de la tradition, et aussi de décrire la manière dont ces règles le rassurent peu à peu, lui qui est complètement perdu, et qui n’a plus aucun repère…Pour un homme complètement déboussolé comme lui, arriver dans un pays où tout est soigneusement ordonné fait un bien fou. C’est un peu comme si Wolverine entreprenait une « cure de désintoxication » de ses pulsions sauvages et revenait à la civilisation ! On le force à se nourrir, à boire du thé, à dormir, à se réveiller tôt, et à traiter les gens avec respect. Il doit même s’incliner devant ses interlocuteurs, et leur parler poliment. J’ai tout de suite pensé que ce serait un contraste formidable avec lequel on pourrait s’amuser souvent dans le film, mais en évitant de tomber dans les clichés. Parce qu’il faut se rendre compte que nous avons beaucoup d’idées reçues sur ce pays. Nous pensons que les japonais se conforment aux règles, ne contestent pas l’autorité et répriment leurs sentiments, alors qu’il s’agit d’un peuple en pleine mutation, qui mise constamment sur les innovations, et dont la jeunesse vit plus librement qu’on ne l’imagine sa sensualité et ses passions. Bien sûr, ils ont des manières particulières d’exprimer cela, mais cette population est cependant incroyablement vivante et inventive. J’espère avoir réussi à montrer tout cela dans le film, et non pas seulement le visage traditionnel et « zen » du Japon, car toutes ces autres dimensions de la civilisation nippone actuelle me fascinent.

Vous décrivez donc à la fois les aspects modernes du Japon, et des lieux éloignés des grandes villes, que l’on voit rarement dans les films américains…

Oui. On voit ce Japon-là et aussi celui que j’ai été étonné de découvrir dans les films d’Ozu. Il y a d’ailleurs dans un film une séquence où l’on voit Wolverine aller de Tokyo jusqu’à l’extrémité Sud du pays avec Mariko. Et cet itinéraire est presque exactement l’inverse de celui que l’on voit dans ce film poignant d’Ozu qui s’intitule VOYAGE A TOKYO. Il y décrit un couple âgé qui quitte sa campagne pour rendre visite à ses enfants dans la grande ville, et constate que ceux-ci ne trouvent que bien peu de temps à leur accorder. C’est une partie du Japon que la plupart des gens n’ont jamais vu et ne soupçonne même pas l’existence. Quand on se rend là-bas, dès que l’on sort des grandes agglomérations, on se retrouve dans des paysages qui ressemblent à ceux de Tahiti ! Il y a des parties du Sud du Japon qui sont des archipels de superbes îles volcaniques, à la végétation tropicale luxuriante et aux insectes qui ont la taille de votre poing ! Il y a des perroquets et des oiseaux aux couleurs vives dans les arbres, des côtes qui offrent des vues superbes sur l’océan. Dans ces régions-là, l’économie est basée sur la pêche artisanale et l’agriculture. Je voulais montrer aussi cette facette du Japon parce que je voulais éviter à tout prix les éternels clichés sur ce peuple qui fabrique des téléviseurs à écrans plats et des consoles de jeux vidéo. Une partie des pouvoirs de Wolverine viennent de sa proximité avec la nature et le monde animal…et je pense qu’il était capital de souligner la profonde connexion qui existe entre le peuple japonais et la nature. C’est l’un des éléments majeurs de leur identité. Et l’un de leurs points communs avec notre héros.

Comment avez-vous travaillé sur la mise en scène des combats, où les griffes d’adamantium de Wolverine sont opposées aux épées des samouraïs et aux flèches des Ninjas ?

Là encore, il s’agissait de formidables opportunités. Ces combats « lames contre lames » entre Logan et ses adversaires avaient un potentiel visuel extraordinaire. On a vu beaucoup de duels à l’épée au cinéma, mais jamais avec un personnage dont les lames sortent de ses poings ! Nous les avons donc chorégraphiés pour les rendre spectaculaires, mais j’ai insisté pour que l’on reste toujours dans les limites de ce qui était crédible. Ce que je veux dire par là, c’est que Wolverine n’est pas Superman, ni Spider-Man. Je ne pense pas qu’il est judicieux de le montrer bondissant en l’air pour s’agripper à un hélicoptère et le tailler en pièces. (James Mangold fait ici une allusion directe à l’une des scènes de X-MEN ORIGINES : WOLVERINE, NDLR) Logan est certes immortel, et très fort, mais en dehors de ses capacités de régénération, et du squelette d’Adamantium que des scientifiques lui ont greffé, il n’a pas la capacité de bondir par-dessus un gratte ciel comme l’homme d’acier ! Il peut accomplir des exploits physiques, mais seulement dans un contexte bien ancré dans le monde réel. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que les combats soient âpres, hargneux, brutaux, afin que l’action ressemble davantage à celle de films comme FRENCH CONNECTION, ou la trilogie BOURNE avec Matt Damon. Il fallait que ce soient des combats filmés de manière brutale, agressive, où l’on montre que tous les coups sont permis. C’était ma manière d’aborder l’action dans ce film, car je ne voulais pas tenter de rivaliser avec ces films de superhéros aux budgets faramineux où l’on assiste à la destruction de villes entières. Je voulais que les spectateurs aient le sentiment que les combats de Wolverine restent toujours à l’échelle humaine, comme dans un western, un film de samouraïs ou un polar. D’ailleurs, ces 3 genres dont je me suis inspiré se ressemblent comme des frères. Dans les polars, il y a un mystère et les confrontations ont lieu la nuit, avec des petits calibres dans des rues mal éclairées au sol mouillé. Dans les westerns, il y a aussi des mystères à résoudre, des enquêtes à mener et tout se règle à coup de revolvers Remington, mais pendant la journée. Les films de Samouraïs utilisent ces codes extrêmement masculins. Il y a un minimalisme commun à ces 3 genres dans le traitement des affrontements. On pourrait citer beaucoup d’autres points communs entre les westerns et les films de samouraïs…Je crois qu’en nous appuyant sur ce traitement-là de l’action, et en basant les confrontations sur des actions crédibles, nous avons réussi à mettre Wolverine bien plus en valeur qu’en jouant la carte de la surenchère. Au lieu de miser sur la démesure, nous réduisons le cadre, et de ce fait, tout est focalisé sur notre héros. Cette échelle plus réduite le met en valeur alors qu’il aurait été perdu dans des scènes de trop grande ampleur.

Comme votre film se déroule juste après X-MEN, L’AFFRONTEMENT FINAL , dans lequel le groupe original a été décimé, éclaté, et privé de son mentor, va-t-il contenir aussi des liens avec un éventuel X-MEN 4, par exemple en faisant réapparaître Patrick Stewart ? Sa résurrection était clairement annoncée dans les derniers moments de L’AFFRONTEMENT FINAL …

J’ai pris seul la décision de situer l’action juste après celle du dernier X-MEN, car personne n’avait songé à le faire, ni les producteurs, ni les dirigeants de la Fox. Et pour vous dire le fond de ma pensée, je considère que préparer la suite de ce film ne fait pas partie de mon job ! Je me suis concentré uniquement sur l’histoire que j’avais à raconter, et j’espère que les spectateurs seront pleinement satisfaits par sa conclusion. (Qui constitue bel et bien un lien avec le X-MEN DAYS OF FUTURE PAST de Bryan Singer ! NDLR)

Ce film marque la 6ème apparition de Wolverine à l’écran. Comment décririez-vous les aspects les plus originaux et les plus inattendus de cette nouvelle aventure de Logan ?

Je crois que le traitement des tourments et des émotions de Wolverine va surprendre les spectateurs. Même s’il a été profondément marqué par la mort de Jean Grey, Wolverine trouve un nouvel amour en la personne de Mariko, qui devient la femme de sa vie. Et cette fois-ci, cet amour est pleinement partagé, ce qui nous permet de montrer pour la première fois des moments intimes de la vie de Logan qui osent miser sur le réalisme.Je crois qu’il y a énormément de facettes de la vie de Wolverine que l’on explore différemment ici. Et je pense que tout cela forme une immense mosaïque qui permet de mieux connaître ce personnage. On pourrait dire que WOLVERINE, LE COMBAT DE L’IMMORTEL est une sorte de kaléidoscope où l’on voit surgir tout à tour des situations fascinantes, violentes, émouvantes ou inattendues, mais toujours très divertissantes.

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