Max la Menace sur ESI : Entretien avec Steve Carell
Article Cinéma du Jeudi 04 Septembre 2008

Par Pascal Pinteau

Nous tournons pas autour du pot : Steve Carell est un acteur de génie. Formidable dans le rôle du « geek » de 40 ans et toujours puceau (2005) et de l’oncle dépressif de Little Miss Sunshine (2006), il avait déjà révélé son talent dans de nombreux seconds rôles comiques à la télévision, notamment dans Saturday Night Live et The Daily show with Jon Stewart, puis au cinéma dans Bruce tout puissant (2003) et Anchorman : the legend of Ron Burgundy (2004). C’est en 2005 qu’il s’est fait connaître du grand public américain en tenant le rôle principal de l’adaptation US de The Office, série culte anglaise co-créée et interprétée par Ricky Gervais de 2001 à 2003. Carell a réussi à créer sa propre version du personnage de patron inepte et imprévisible inventé par Gervais et Stephen Merchant. Son impeccable sens du timing et la gamme de sentiments qu’il sait exprimer avec une virtuosité époustouflante lui ont permis de devenir l’un des plus grands acteurs comiques de sa génération. Quand les studios Warner ont choisi Carell pour reprendre le rôle de Maxwell Smart dans le film Max la menace, les fans de la série originale, conquis d’avance, ont poussé un soupir de soulagement ! Digne successeur de Don Adams, Carell est parfait en agent secret gaffeur mais plein de bonne volonté. ESI vous conseille d’aller le voir au plus vite dans cette comédie aussi drôle que spectaculaire. En attendant, voici notre entretien avec l’homme à la chaussure téléphone !



Vous avez fait un travail exceptionnel à la télévision et au cinéma. Quelles sont les différences principales entre ces deux médias et quel est celui que vous préférez ?

Steve Carell : La différence, c’est que tout avance très très vite sur un plateau de télévision. Nous n’avons que cinq jours pour tourner un épisode de 30 minutes de The Office, tandis que Max la menace a demandé quatre mois de travail pour deux heures de film. Vous disposez de plus de temps au cinéma, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Quand vous êtes en train de tourner une scène pour la télévision, vous êtes obligé de vous lancer et de fonctionner à l’instinct, ce qui est bien. D’autres fois, vous vous mettez à douter de ce que vous venez de faire, et vous aimeriez avoir la possibilité de reprendre la scène et d’explorer des idées alternatives, mais c’est trop tard, car il faut avancer.

Les acteurs de comédie développent une manière particulière de bouger et d’utiliser leur voix. Comment définiriez-vous votre jeu, en tant qu’acteur comique ?

Oh…Vous savez quoi ? Dès que vous commencez à analyser votre gestuelle et votre manière de parler, vous êtes foutu parce si vous prenez conscience de tout ça, et que vous essayez de rationaliser ce qui amuse les gens, vous perdez votre spontanéité et vous cessez d’être drôle. Il ne faut pas se prendre la tête en abordant une scène, ni essayer d’appliquer une sorte de formule comique toute faite, sinon, ça devient une approche mathématique, désincarnée.

Comment avez-vous abordé votre interprétation de Maxwell Smart ? Avez-vous décidé d’absorber une partie du travail de Don Adams, le créateur du rôle, ou avez-vous préféré vous en éloigner ?

J’ai essayé de faire dans Max la Menace ce que j’avais déjà fait dans The Office. Ricky Gervais avait développé son personnage de manière très précise et très spécifique, et je n’ai pas voulu me borner à reproduire ce qu’il avait fait. Don Adams est un comédien très apprécié, qui a beaucoup marqué les téléspectateurs. Une véritable icône du petit écran. J’avais envie de retrouver l’essence du personnage de Max sans tomber dans l’imitation de Don Adams. Je voulais lui rendre hommage de manière respectueuse, sans essayer de le copier, car cela n’aurait pas grand intérêt.



N’avez-vous pas été tenté de reprendre les intonations de Don Adams, notamment lorsque vous dites certaines de ses répliques cultes ?

J’ai utilisé ma propre voix parce que celle de Don est si connue que le simple fait de dire « Je l’ai loupé d’un cheveu » ( « I missed it by that much » en v.o.) en jouant ce personnage évoque immédiatement de nombreux souvenirs. C’est suffisant. Je ne voulais pas aller au-delà car il n’y a eu qu’un seul Don Adams. C’était un acteur comique exceptionnel.

Vous aviez l’avantage que le film raconte les débuts de Maxwell Smart, une période de sa carrière que la série n’avait jamais abordé…

Exact. Max a fait ses débuts au sein de C.O.N.T.R.O.L. en tant qu’analyste de renseignements. C’est quelqu’un qui aspire à devenir un agent secret, mais les années ont passé sans qu’il quitte son bureau. Il a plus de 40 ans, et se désole de n’avoir jamais été promu, malgré la qualité de son travail. Grâce à une série d’évènements que vous découvrirez dans le film, il obtient enfin le grade d’espion et peut enfin utiliser les connaissance qu’il a accumulées au cours de sa mission. L’une des choses que j’aimais dans la manière dont Don Adams interprétait Max, c’est qu’il n’en faisait pas un idiot. Ce n’est pas un imbécile qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. En réalité, il est très efficace. Il sait se défendre quand une bagarre éclate. Il sait tirer et atteindre sa cible. Il utilise intelligemment ce qu’il a appris en analysant des informations secrètes. Il est malin. Il se tire de toutes les situations, quelquefois en agissant contre son intuition , et finit par atteindre son but. Je crois que s’il y a une chose spécifique que je voulais reprendre de la série, c’est bien cela : le fait que Max n’est pas un imbécile. Il peut avoir des réactions amusantes et qui réparties d’une telle franchise qu’elles font rire, mais ce n’est pas un crétin.



Etant donné que vous aviez déjà connu l’expérience de reprendre un rôle en jouant dans la version américaine de The Office, avez-vous eu un moment d’hésitation lorsqu’on vous a proposé de reprendre celui de Max la menace ?

Non, pas vraiment. Surtout quand tous les éléments du projet se sont mis en place : le réalisateur, les autres acteurs, les auteurs, la manière dont le script évoluait. Tout semblait très ouvert. Tout le monde avait envie que le film soit bon et surprenne agréablement le public. Nous avions aussi envie que ce soit à la fois un vrai film d’action et une comédie. Mais je n’ai jamais hésité avant de me lancer dans ce projet. J’ai dit oui dès le premier jour.

Une comédie d’action, c’est un registre nouveau pour vous…

Oui. Et je crois que je vais persister dans cette voie. Je me suis énormément amusé à faire ce film.

Pouvez-vous nous parler de cette nouvelle expérience, de ce que c’est de tourner un film d’action ?

Franchement, je ne crois pas que le tournage aurait pu être plus plaisant qu’il ne l’a été. Il ressemblait à ces rêves de cinéma que vous faites quand vous êtes gosse. C’était comme se retrouver sur un fabuleux terrain de jeu et s’amuser à jouer aux espions pendant plusieurs semaines. Il y a des scènes dans le film ou Annie et moi sommes accrochés à un câble le long de la façade d’un immeuble, suspendus sous un avion, ou en train de nous battre sur le toit d’une voiture en flammes qui fonce vers un train ! Toutes ces scènes ne ressemblent à rien de ce que j’avais fait auparavant. Donc oui, comme vous pouvez l’imaginer, on s’amuse énormément à tourner tout ça.



Jusqu’où allez-vous avant de vous faire remplacer par un cascadeur ?

Je pense que la scène la plus risquée que j’ai tournée moi-même est celle pendant laquelle je suis tiré par une voiture alors que je glisse sur des rails. C’était assez impressionnant. Les superviseurs des cascades sont d’excellents professionnels, et ils s’assurent que vous êtes en sécurité à tout moment. Je n’ai jamais eu l’impression que ma vie était en danger, à aucun moment du tournage. Grâce à ces cascades, je crois que le public percevra Max la menace comme un film d’action et comme une comédie.

Pouvez-vous nous parler de quelques-uns des gadgets que Maxwell Smart utilise ?

Volontiers. Nous avons réutilisé le fameux « Cône du silence », sous une forme différente de celle qu’il avait dans la série originale, mais le point commun , c’est qu’il fonctionne toujours aussi mal ! Il a été construit, mais il est absolument inutilisable. La célèbre chaussure-téléphone fait elle aussi son apparition. Beaucoup de gens se demandaient si nous allions l’utiliser, car elle semblait incompatible avec la technologie actuelle et les portables qui sont omniprésents. Mais les auteurs ont trouvé un moyen très astucieux de l’intégrer à l’histoire, de manière tout à fait plausible et sensée. J’ai aussi un nouvel accessoire qui joue un rôle important dans une scène qui se passe dans les toilettes d’un avion. Il s’agit d’un couteau suisse équipé de plusieurs gadgets. Il contient un lance-flammes, une arbalète et quelques autres surprises que vous découvrirez dans le film. Donc, ne vous inquiétez pas : les gadgets de Max la menace sont bel et bien présents dans le film.



Comment s’est passé la collaboration avec la ravissante Anne Hathaway, qui joue l’agent 99 ?

Formidablement bien. C’est une jeune femme très gentille et très drôle, qui aime beaucoup s’amuser sur un plateau de cinéma. Elle plaisante beaucoup et contribue à entretenir une ambiance décontractée pendant un tournage. Elle a été la seule femme sur le tournage pendant des mois, à son grand regret d’ailleurs. Dès que la caméra se mettait en route, elle redevenait une espionne pleine de ressources et une femme sophistiquée. On dirait qu’un mécanisme se déclenche en elle et lui permet d’entrer en une seconde dans la peau de son personnage. Peter Segal, le réalisateur, et moi en avons été stupéfaits dès le premier jour de tournage. On avait l’impression de voir deux personnes complètement différentes sur le plateau. C’est une grande actrice, qui a réussi à apporter beaucoup de choses au film, grâce à son talent, à son sens de l’humour et à son charme.

Quel est votre film préféré ?

Docteur Folamour, de Stanley Kubrick. C’est un film mémorable, qui fonctionne sur plusieurs niveaux. Il est à la fois effrayant, drôle, ridicule et parfaitement juste.



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