Entretien exclusif avec Sebastian Stan / James « Bucky » Barnes dans CAPTAIN AMERICA, LE SOLDAT DE L’HIVER
Article Cinéma du Lundi 07 Avril 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Après avoir joué Bucky en tant que héros de la seconde guerre mondiale et meilleur ami de Steve Rogers, comment vous êtes-vous préparé à l’incarner en tant que Soldat de l’Hiver ? Etait-ce comme si vous jouiez un être totalement différent ? Un esprit vidé de tout souvenir ?

Bucky souffre d’amnésie à la suite d’un accident (On l’a vu tomber dans un précipice au cours de l’attaque d’un train blindé de l’Hydra dans CAPTAIN AMERICA, LE PREMIER AVENGER, NDLR), mais toutes ses émotions anciennes n’ont pas été effacées quand il a été retrouvé par des agents ennemis, puis soigné, reprogrammé mentalement, et placé en hibernation pour être utilisé ponctuellement comme tueur à gages sans identité... J’ai eu la chance de pouvoir suivre la saga du personnage que j’incarne dans les comics. Cela m’a permis d’avoir déjà une vision d’ensemble de sa trajectoire avant même que je ne lise le script de ce film, qui reprend fidèlement les situations de la BD d’Ed Brubaker. Quand j’ai commencé à travailler ce rôle, je me suis préparé à refléter tous les visages de Bucky / Le Soldat de l’Hiver, afin de faire transparaître les différentes facettes de sa personnalité. Il fallait que l’on puisse établir le lien avec l’ancien Bucky Barnes vu dans CAPTAIN AMERICA, LE PREMIER AVENGER, et que l’on sente qu’il s’agit bien du même homme, même s’il a vécu entretemps une expérience profondément traumatisante. Comme son nouvel aspect physique et son comportement sont très différents, je voulais être en mesure de montrer quelques similitudes avec celui qu’il était jadis.

Avez-vous lu des articles ou regardé des documentaires consacrés aux gens qui ont subi des lavages de cerveaux ?

Oh oui, j’ai vu énormément de documentaires sur ce sujet.

Avez-vous étudié aussi les conséquences psychologiques de la propagande sur les gens ?

Oui. J’ai lu plusieurs livres sur ce thème, ainsi qu’un ouvrage passionnant qui s’intitule ON KILLING et qui est consacré aux techniques psychologiques que les militaires ont mis au point pour permettre aux soldats de surmonter la répulsion qu’ils éprouvent à l’idée de tuer quelqu’un, et de passer à l’acte dès qu’on leur en donne l’ordre. Cette description de la manière dont on désensibilise les soldats est saisissante. Ce livre a été écrit par Dave Grossman qui a été chef de patrouille dans l’infanterie, puis lieutenant colonel, et qui a enseigné la psychologie à l’académie militaire de West Point. Il aborde aussi les conséquences traumatiques que subissent les soldats après avoir tué, surtout s’ils n’ont pas été encadrés et soutenus correctement par leurs supérieurs ou si cet acte n’a pas été expliqué et justifié officiellement par la hiérarchie. Quand on lit cela, on comprend mieux ce que ces soldats subissent après avoir été soumis continuellement à des actes violents pendant de longs mois et même des années. Cela m’a donné une perspective très intéressante pour aborder mon personnage, qui a été déjà été exposé à la violence en tant que soldat de la seconde guerre mondiale, puis qui a subi un autre traumatisme puis un lavage de cerveau avant d’être mis en hibernation. C’est la raison pour laquelle j’aime beaucoup ce personnage et ce film : ils sont différents de ce que l’on a vu jusqu’à présent dans les productions des studios Marvel.

Qu’est-ce qui subsiste de l’esprit de Bucky Barnes dans la tête du Soldat de l’hiver ?

Son esprit est toujours là, enfoui quelque part. Toute la question est de savoir quelle proportion de sa personnalité est en sommeil, et quelle proportion est éveillée. Nous avons tous des souvenirs qui remontent au tout début de notre existence, des choses qui se sont ancrées dans notre corps et notre mémoire, et qui peuvent ressurgir à la suite d’un déclic visuel, sonore ou olfactif. Il y a aussi un parallèle avec les symptômes de la terrible maladie d’Alzheimer : une personne qui n’a pratiquement plus de mémoire immédiate et qui est incapable de reconnaître son conjoint ou son enfant pourra malgré tout évoquer avec beaucoup de précision un souvenir qui date de 30 ou 40 ans. Cela peut ressurgir grâce à une chanson qui passe à la radio, et qui est liée à un événement marquant de la vie de cette personne, comme un mariage, une naissance, un voyage. C’est un peu comme si sa mémoire avait éclaté et que des débris de milliers de souvenirs aient été dispersés dans des recoins difficilement accessibles de son cerveau. Cet état de régression correspond assez bien à celui dans lequel se trouve le Soldat de l’Hiver au début de ce récit.

Voit-on un conflit intérieur surgir en lui pendant cette aventure ?

Absolument. Mais c’est un déchirement de la pire espèce, car il est incapable de le contrôler. Cela le rend totalement imprévisible, comme le personnage que l’on peut voir dans UN CRIME DANS LA TETE (THE MANCHURIAN CANDIDATE, réalisé par John Frankenheimer en 1962, avec Frank Sinatra et Lawrence Harvey, et dont Jonathan Demme a fait un remake en 2004). Vous vous souvenez de ce film ?

Oui, il s’agit de l’histoire d’un prisonnier américain de la guerre de Corée qui subit un lavage de cerveau pendant sa captivité, et qui est « programmé » pour assassiner le président des Etats Unis…

C’est cela. Et dans ce film, on voit que les choses ne se passent pas exactement comme prévu, parce que ce conditionnement psychologique cesse de fonctionner par moments. C’était une référence doublement intéressante , car UN CRIME DANS LA TETE décrit aussi le type d’univers dans lequel se déroule notre film : un monde d’intrigues politiques, de complots, d’assassinats et d’espionnage.

Des flashbacks mémoriels de son amitié avec Steve surgissent-ils dans l’esprit du Soldat de l’Hiver?

Oui, il y a quelques flashbacks dans le film, mais je préfère ne pas vous dire comment ils se produisent pour ne pas ruiner l’impact de certains scènes. Nous avons tenté de les présenter de manière subtile et bien intégrée dans la trame de l’histoire.

Que pouvez-vous nous dire des quelques scènes du film qui se déroulent dans les années 1939-1945 ? Y voit-on Cap et Bucky combattre ensemble ? Ou s’amuser pendant leurs permissions ?

Oui, on voit ce genre de scènes ça et là. Je crois que c’était indispensable pour permettre aux gens qui n’auraient pas vu CAPTAIN AMERICA LE PREMIER AVENGER et qui ne connaissent pas la BD de comprendre quelles sont les origines de Cap et de Bucky. Ces moments de flashback leur donneront juste assez d’informations pour savoir ce qui s’est passé 70 ans plus tôt, et comment l’amitié entre ces deux personnages est née.

Est-ce que l’on sent un peu de jalousie chez Bucky quand il voit l’incroyable popularité dont jouit Steve en tant que Captain America, pendant la seconde guerre mondiale ?

Peut-être un peu à ce moment-là, mais après son accident, le traumatisme qui provoque son amnésie, puis son reconditionnement psychologique, Bucky ne sait plus qui il est ni qui est Captain America. Il combat simplement une cible qu’on lui a désigné, un ennemi qui s’appelle Steve Rogers, et auquel il n’accorde aucune importance particulière. Captain America est juste un obstacle ennuyeux sur son chemin. La question que vous posez vient donc un peu trop tôt dans la trajectoire de mon personnage en tant que Soldat de l’Hiver ! Comme vous le savez sans doute, il continue à évoluer dans les comics après sa confrontation avec Cap… donc tout est possible par la suite. Mais comme ces deux hommes étaient comme des frères l’un pour l’autre, ils éprouvent les mêmes sentiments que dans une fratrie. Dans le premier film, Bucky joue clairement le rôle du frère aîné quand il protège et conseille le petit et chétif Steve avant sa métamorphose. Ensuite, les rôles sont inversés quand Steve, devenu un surhomme, libère Bucky des griffes de l’Hydra. Il peut effectivement exister un petit sentiment de jalousie chez Bucky quand il constate que son « petit frère » devient plus populaire et remporte plus de succès que lui. Que ce soient dans les rapports amicaux ou fraternels, il y a toujours des phases pendant lesquelles on rivalise, où l’on se pousse mutuellement à se dépasser. Il y a donc forcément un esprit de compétition entre Bucky et Captain America.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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