The X-Files Régénération : entretien avec Mat Beck, superviseur des effets visuels du film
Article Cinéma du Jeudi 13 Septembre 2018

A l'occasion du 25ème anniversaire de The X-Files, nous vous proposons de (re)découvrir cet entretien originellement publié durant l'été 2008 :

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Mat Beck, fondateur et président de la société Entity FX est un superviseur d’effets visuels, un directeur de la photographie et un réalisateur dont on a pu voir le travail dans plus de 60 films, de nombreuses séries télé, émissions, spots publicitaires et clips vidéo. Il a notamment collaboré à Titanic, The Abyss, True Lies, Galaxy Quest, X-Files the movie, et poursuit sa fructueuse collaboration avec Chris Carter sur X-Files : I Want to Believe (En VF : X-Files Regeneration).

Votre collaboration à la saga X-Files dure depuis plus d’une dizaine d’années, puisque vous aviez déjà signé les effets visuels de la série… Quels sont vos meilleurs souvenirs de ce travail ?

Oh, j’en ai tellement que je vais avoir du mal à vous les raconter tous ! C’était une tâche passionnante à plus d’un titre, d’abord parce que nous avions à créer des trucages très intéressants, et ensuite parce que cela m’a donné l’occasion de collaborer avec des gens formidables. Je me souviens par exemple d’être resté à tourner sous la pluie pendant des heures dans une forêt canadienne…et d’avoir été complètement trempé une fois le plan terminé. Ce qui est drôle, c’est que tous ces souvenirs me reviennent maintenant que je travaille sur le film, quand je croise d’autres personnes qui ont participé à la série, elles aussi. Nous nous rappelons ces anecdotes, et cela crée une ambiance très sympathique. C’est très agréable de retrouver Chris Carter, qui est toujours aussi plaisant, drôle et inventif. Chris est une véritable mine d’idées, comme les fans de X-Files et de Millenium ont eu l’occasion de s’en rendre compte !

Quelles sont les séquences ou les effets visuels spécifiques de la série dont vous êtes le plus fier ?

Je me souviens d’un épisode dans lequel on voyait un homme capable de se contorsionner et de tasser son corps afin de passer au travers de conduits très étroits (Ndlr : il s’agit du personnage principal de Tooms, Eugene Victor Tooms, incarné par Doug Hutchison). Ces effets-là ont été très intéressants à créer. A l’époque, au milieu des années 90, les outils de trucage numériques n’étaient pas aussi puissants qu’aujourd’hui. Nos capacités d’intervention en post-production étaient de ce fait beaucoup plus limitées. Nous avons cependant réussi à déformer numériquement l’image de la main de l’acteur - qui était doublé par un vrai contorsionniste – et à l’incruster sur un fond d’image réelle. Nous avons aussi construit un faux conduit de cheminée dans lequel le contorsionniste était capable de se faufiler. Le résultat était vraiment très étrange à voir.

Oui, cet épisode a marqué beaucoup de téléspectateurs !

Nous avons réalisé un plan intéressant pour un épisode où l’on voyait Mulder traverser un beau paysage d’une réserve indienne du Sud-Ouest des Etats-Unis. Bien sûr, nous avons dû tourner ce plan à Vancouver, dans une carrière de pierres ! C’est la seule fois que nous avons utilisé un système de motion control (NDLR : une caméra aux mouvements pilotés par ordinateur) pendant la production de la série. Nous avons d’abord tourné un plan en déplaçant la tête de la caméra à la main, pendant que David Duchowny descendait un des chemins d’accès de la carrière. Nous avions teint le sol en rouge, pour le faire ressembler à celui que l’on trouve dans la partie des USA où l’action était sensée se dérouler. Ce plan a été tourné en une seule fois, car nous ne voulions pas faire courir des risques à David. Nous nous sommes ensuite rendus à Sedona, en Arizona, et avons trouvé sur place un paysage qui correspondait à ce que nous avions tourné auparavant. Le hasard a fait que l’endroit qui ressemblait le plus au chemin de la carrière de Vancouver se trouvait au sommet d’un de ces énormes rochers aux formes étranges que l’on voit souvent dans les décors des cartoons de Bip Bip et le coyote ! Il y avait une forme de pilier au bord de la falaise de ce rocher. Nous y avons placé notre équipement de motion control avec la caméra, avons reproduit le mouvement enregistré au Canada au moment du coucher de soleil, afin que la lumière soit raccord, et combiné les deux plans en post-production, une fois de retour à Vancouver. Et voilà ! Mulder semblait faire de la moto en Arizona !

Avez-vous eu à intervenir sur les créatures de la série ?

Oui. Je me souviens d’un épisode qui s’intitulait Jose Chung’s from Outer Space, et qui était réalisé par Rob Bowman, dans lequel deux jeunes gens qui garent leur voiture sur un petit chemin de campagne sont kidnappés par deux extraterrestres. Juste après, un autre vaisseau spatial atterrit et enlève à la fois les terriens et les autres aliens ! (rires) C’était une idée géniale. Cet épisode avait été écrit par Darin Morgan. Tony Morelli, le chef des cascadeurs qui travaille avec nous sur X-Files Régénération jouait justement un des extraterrestres de cet épisode. Il était vêtu d’un costume qui le faisait ressembler à une créature d’un film de Ray Harryhausen. Nous l’avons filmé avec une caméra qui tournait en accéléré, et je dirigeais le cascadeur pour qu’il bouge comme un monstre animé image par image ! (rires) Ensuite, en ralentissant les prises de vue et en retirant certaines images en post-production, nous avons pu donner un aspect légèrement saccadé aux mouvements de cette créature, sans avoir à créer la scène en animation.

Vous êtes-vous rendu compte dès cette époque que la série était devenue culte, et que des millions de gens la suivaient passionnément ?

Pas avant de m’être rendu dans une convention de Science-Fiction ! C’est là que j’ai compris que X-Files était devenu un véritable phénomène. On voyait des gens habillés comme Scully et Mulder un peu partout, qui se promenaient dans les allées. Et quand nous sommes venus parler de la série au cours d’une conférence, une foule énorme s’est rassemblée pour nous écouter. C’était très impressionnant.Quand on passe son temps sur un tournage ou dans un studio de post-production, on ne peut pas prendre la mesure de l’impact d’une série…

Venons-en à X-Files Régénération …Combien de temps la préproduction du film a-t’elle duré ?

J’ai lu le script fin octobre 2007, et le tournage a commencé en décembre. Mais je suis sûr que Chris Carter et Frank Spotnitz avaient déjà commencé à préparer le film avant, sur la base de la version précédente du scénario.

Chris Carter avait-il des idées très précises sur l’aspect visuel des trucages ? Avez-vous utilisé des animatiques pour pré-visualiser les séquences d’effets spéciaux ?

Oui, c’était une approche dont nous avions parlé dès le début de nos discussions. Je suis un fervent supporter de la prévisualisation. Ce procédé nous a tiré d’affaires à plusieurs reprises et nous a permis de mener à bien la finalisation de plusieurs séquences. Grâce à lui, Chris a commencé à préparer sa narration visuelle avant même de mettre les pieds sur le plateau de tournage. C’était un énorme avantage. Je voudrais préciser que Chris a seulement utilisé la pré-visualisation sur les séquences qui exigeaient une préparation technique de haut niveau. Les autres scènes ont été préparées avec la bonne vieille méthode des storyboards.

Avez-vous utilisé des animations 3D schématiques pour réaliser cette préparation ?

Oui. Mais seulement pour certaines séquences particulièrement complexes. Chris est à la fois quelqu’un qui imagine les choses très précisément dans sa tête, et un réalisateur qui a des idées visuelles qui lui viennent spontanément à l’esprit pendant le tournage. Cette étape animatique a permis de le faire réagir à l’avance comme s’il était déjà sur le plateau, ce qui nous a donné la possibilité de nous préparer pour obtenir exactement l’effet souhaité.

Comment avez-vous utilisé les effets spéciaux pour terrifier les spectateurs ?

Je vais certainement utiliser un cliché en vous disant cela, mais les choses les plus effrayantes ne peuvent être créées qu’avec la collaboration active du public ! Les spectateurs sont capables d’imaginer des choses bien plus horribles que tout ce que nous pourrions projeter sur le grand écran ! Notre démarche a toujours été de suggérer plutôt que de montrer en détail, afin de laisser les pensées et les émotions des spectateurs « remplir les vides » de certaines scènes. Quand certaines choses inquiétantes se déroulent dans le film, on ne vous donne pas forcément toutes les informations visuelles que vous souhaiteriez avoir pour comprendre ce qui se passe, et cela crée un sentiment d’angoisse beaucoup plus fort.

Vous avez probablement employé aussi les effets visuels pour représenter les situations périlleuses dans lesquelles se retrouvent les héros…

Oui. C’est un autre cas de figure. Là, les effets servent à créer le monde du film, et permettent de donner l’impression que les acteurs sont en danger alors que ce n’est bien évidemment pas le cas. On peut par exemple placer un acteur au bord d’un précipice virtuel et créer une sensation de vertige. Nous avons créé des environnements, des extensions de décors et des atmosphères de ce type pour certaines scènes. Nous avons aussi eu recours à des câbles et des harnais de sécurité pour protéger les comédiens pendant que nous faisions croire qu’ils tombaient.

Vous avez aussi travaillé avec l’équipe de prises de vues aériennes…

Oui. Nous avons travaillé sur des plans qui ont été filmés depuis un hélicoptère, et avons aussi transformé certaines vues aériennes pour leur donner l’aspect d’images obtenues avec une caméra infrarouge. Ces fausses images infrarouges ont ensuite été insérées sur les écrans du cockpit de l’hélicoptère. J’ai dirigé une autre équipe de prises de vues aérienne qui a tourné rapidement une petite scène, à un autre endroit. Nous avons travaillé sur un plan très intéressant, que je ne peux hélas pas vous décrire sans révéler un des secrets du film…

Avez-vous passé beaucoup de temps sur le tournage, dans les paysages glacés du Canada ?

J’ai eu froid pendant un moment sur le tournage, mais j’ai aussi payé des gens très talentueux et très expérimentés de mon équipe pour travailler sur place et avoir froid à leur tour! (rires) Plusieurs équipes de Entity FX se sont succédées au fil des semaines, et ont eu à affronter la neige et le blizzard canadien ! Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire en voyant le film, la neige ou l’absence de neige ne sont pas toujours dus à mère nature. Pour assurer une bonne continuité des plans, et pour suivre les indications du script, il a fallu utiliser des effets visuels pour contrôler le climat. Ajouter de la neige quand il ne neigeait pas, et retirer les flocons quand il ne devait pas neiger dans un plan ! J’ai fait des études de cinéma, et je me souviens qu’à la fin du film de François Truffaut Tirez sur le pianiste, on voit des gens se tirer dessus, autour d’une cabane. Dans les plans filmés dans un axe, il neige, et dans ceux filmés dans l’autre, on voit un ciel bleu et un soleil éclatant ! Pendant toute la scène, on passe ainsi de la neige au grand beau temps ! (rires) On sent bien que Truffaut s’est dit « Bon, on ne peut rien faire, alors allons-y comme ça ! ». (rires) Aujourd’hui dans un film Hollywoodien, on ne pourrait pas se permettre ce genre d’approximation. Les gens ont l’habitude de décortiquer un film image par image, et ils repèrent très vite les gaffes ou les erreurs de continuité. Nous avons donc fait en sorte que les plans d’une séquence soient parfaitement homogènes, mêmes quand ils ont été filmés avec des conditions météorologiques très différentes. Les scènes dans lesquelles nous avons ajouté de la neige ont été réalisées grâce à un logiciel qui a été développé par Entity FX, et qui s’appelle Frosty. Ce programme génère de la neige dans un environnement en trois dimensions. Il tient compte de la direction du vent, de sa force, et des turbulences qu’il engendre. Frosty est également capable de créer différentes formes et textures de flocons, et de caler leurs déplacements sur les mouvements de caméras effectués pendant le tournage des prises de vues réelles. Quand les plans sont achevés, on a l’impression de voir de la vraie neige qui tombe, avec un effet de profondeur très réaliste.

Les spectateurs seront loin d’imaginer les efforts que vous aurez dû déployer pour créer de simples flocons de neige !

Oui. C’est un processus extrêmement complexe…pour arriver à un résultat que l’on ne doit pas remarquer !

Êtes-vous obligés de reconstituer une partie des formes du vrai paysage en 3D, afin de guider la trajectoire des flocons de manière naturelle ?

Oui. Nous devons reconstituer les mouvements de caméras des plans les plus complexes et les volumes des décors, à la fois pour gérer la collision des flocons 3D avec les décors réels, et leur disparition derrière les objets réels ou les acteurs. Nous n’avons pas à reconstituer tous les détails du paysage, mais nous devons au moins en reprendre les formes principales pour tirer le meilleur parti de notre logiciel.

Vous disiez précédemment que vous avez eu aussi à retirer les vrais flocons de neige de certains plans…Comment avez-vous accompli ce tour de force ?

Nous avons utilisé plusieurs techniques pour obtenir ce résultat, mais c’était un travail incroyablement long et compliqué. Disons que c’est comme si vous combiniez des effacements de câbles très difficiles avec le gommage des rayures et des poussières les plus contraignantes que l’on puisse trouver sur de vieux négatifs de films ! Certaines techniques habituelles ne fonctionnent pas car il y a tellement de flocons de neige à retirer que l’on ne peut pas utiliser de grandes parties de l’image A pour compléter les zones à corriger sur l’image B, comme on le fait souvent pour retirer des poussières sur les films anciens que l’on restaure. Etant donné que les personnages bougent dans le cadre, nous sommes obligés de prélever des petites parties d’images pour fabriquer des caches de textures avec lesquels nous masquons en 2D ou en 2D ½ les endroits où se trouvent les flocons. C’est une tâche de longue haleine. Comme si nous avions dû recouvrir des millions de tâches de poussière ! Nos équipes ont effectué ces corrections minutieuses sur des plans larges, mais aussi sur des plans moyens et des plans serrés des acteurs.

Le soleil ne vous a pas posé de problèmes ?

Si, car nous avons aussi été contraints de gommer l’éclairage solaire dans un plan. Il y avait beaucoup de plans pendant lesquels il devait neiger abondamment, mais les scènes d’action ont été tournées la plupart du temps sous un soleil éclatant, avec un éclairage très fort, des reflets étincelants et des ombres très marquées. Il y avait aussi des montagnes escarpées qui n’étaient pas sensées se trouver là. Comme vous pouvez l’imaginer, il a fallu s’occuper de ces plans avec beaucoup de soin et d’amour !

Le film a-t’il été tourné en 35mm ?

Oui. Le film a été tourné en 35mm, sur 3 perforations. Une caméra numerique P2 suppleméntaire a été utilisée pour filmer des plans « à la main ». Nous avons employé aussi une caméra numérique Genesis pour tourner quelques scènes pendant la nuit. Par la suite, nous avons dû harmoniser l’aspect des différentes sources d’images, qui utilisent des techniques différentes: les scans Cineon de 10bits pour les plans en 35mm, les données Panalog enregistrées par la Genesis, et les données linéaires haute définition de la caméra P2.

Avez-vous modifié aussi d’autres séquences ?

Oui. Le film a été entièrement tourné au Canada, mais à certains moments, les personnages sont sensés se trouver dans d’autres pays. Il a fallu compléter les prises de vues réelles par des éléments de paysages qui créent l’illusion que l’on se trouve ailleurs, à Washington D.C., par exemple. Nous avons aussi effacé certaines parties des sites naturels canadiens pour leur donner l’aspect d’autres endroits.

Avez-vous ajouté des monuments célèbres dans certains plans, pour obtenir ce résultat ?

Exactement. Nous avons aussi donné l’impression que les personnages se trouvent sur un endroit situé à une très grande hauteur, alors que nous n’avons pas tourné vraiment là. On voit notamment un personnage en train d’escalader un édifice très haut, et on joue sur les sentiments de vertige, de danger, et de crainte de la chute. Ces effets-là ont été créés grâce à des extensions de décors faites en 3D, des peintures numériques et des références photographiques. Dans certains cas, nous avons créé les vues en plongée, dans le vide, et dans d’autres, les vues en contre-plongée, qui montrent les étages supérieurs de ce décor. Les acteurs ont été filmés sur des fonds verts, et nous avons gommé les câbles qui les retenaient. Nous avons employé aussi le procédé de géométrie 3D qui consiste à créer dans certains cas une sorte de sphère virtuelle recouverte de photos pour créer un paysage lointain tout autour des personnages. Cette technique-là est très utile pour créer des plans dans lesquels la caméra bouge énormément. En ce qui nous concerne, nous avons utilisé les informations recueillies uniquement pour créer les environnements qui correspondaient à des plans très précis, et avons fait correspondre ces rajouts virtuels aux mouvements de la vraie caméra présente sur le plateau, afin de créer des extensions de décor. Nous n’avons pas eu à créer une sphère entière, bien que nous l’ayons déjà fait par le passé, sur d’autres projets.

Comment procédez-vous concrètement ?

On repère les mouvements de la vraie caméra, et on ajoute des bâtiments et un sol 3D dans le décor pour compléter l’illusion d’un environnement réel. Certains des immeubles 3D que nous avons créés devaient ressembler à ceux qui avaient été filmés auparavant en prises de vues réelles. Une fois que cet univers virtuel est prêt, le réalisateur a encore plus de liberté dans le choix de ses angles de prises de vues. Il peut placer sa caméra exactement là où il le souhaite. Et s’il nous demande de rajouter quelques étages à un immeuble, ce n’est pas non plus un problème ! (rires) Cette technique nous a permis de créer des scènes qui se déroulent dans une ville d’un autre pays, en reconstituant des parties de son paysage.

Pour revenir aux scènes de vertige dont vous parliez, avez-vous utilisé aussi des effets directement à la prise de vue, pour compléter les effets 3D ?

Oui. Nous avons mêlé des trucages traditionnels à ces environnements 3D. Nous avons également recréé l’environnement d’une scène où on voit les personnages marcher sur un immeuble, car il fallait remplacer le vrai paysage canadien par celui d’une autre ville. C’est là que la géométrie 3D a été utilisée. Nous avons aussi reconstitué une grande partie du bâtiment en 3D pour créer un autre plan.

Quels ont été les effets les plus complexes et les plus subtils que vous avez créés ?

Nous sommes intervenus sur une séquence très intéressante avec des voitures 3D, pour donner l’impression que certains personnages se trouvaient dans une situation périlleuse. Dans cette scène, nous utilisons à la fois des extensions de décors et des peintures numériques.

Pour quelle raison avez-vous utilisé des voitures 3D au lieu de tourner de véritables cascades ? Parce que cela aurait été trop dangereux à faire ?

A la fois parce que cela aurait été dangereux, mais aussi parce que les véhicules n’auraient pas forcément pu effectuer les évolutions très spécifiques dont nous avions besoin.

Comment donne-t’on un aspect réaliste à une cascade de voitures réalisée en images de synthèse?

Il faut d’abord construire des modèles 3D très détaillés. Il y a notamment une voiture qui se rapproche beaucoup de la caméra à un moment, et nous avons dû utiliser des références photographiques de la véritable voiture qui a servi pendant le tournage, pour en reproduire les textures et les petits défauts : les saletés, les rayures, les défauts de peinture, etc…Ce sont ces détails minuscules et ces nuances infimes qui « font vrai » et permettent de tromper le regard des spectateurs. Une fois que le modèle est prêt, il faut soigner l’animation pour donner du poids et de la masse aux trajectoires de la voiture virtuelle. La dernière étape est bien sûr l’éclairage de la scène, qui doit être très soigné lui aussi. C’est ainsi que l’on obtient un résultat hyperréaliste, indiscernable d’une cascade réalisée en prises de vues réelles. Sinon, toujours dans le domaine des trucages sur des automobiles, nous avons gommé en 3D une déformation de la carrosserie d’une voiture. Ce creux n’était pas sensé apparaître dans cette scène-là !

Avez-vous créé des doublures numériques des acteurs pour certaines scènes du film ?

Nous avons créé un double numérique pour un plan qui ne figurera dans la version cinéma du film, mais plutôt dans sa version DVD. Je ne peux pas vous décrire ce plan, mais juste vous dire qu’il n’a pas été validé pour un film classé PG13. Et nous avons aussi ajoutés des vêtements 3D sur de vrais acteurs !

Des vêtements 3D ?! Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Disons que pour ajouter au réalisme d’une scène, il fallait que l’on donne l’impression que les vêtements étaient soulevés par un vent très violent.

Pourquoi n’avez-vous pas pu animer les vrais vêtements sur le plateau, avec de gros ventilateurs ?

Mmm…(rires)…Je me contenterai de dire qu’ils n’étaient pas assez puissants pour provoquer l’effet souhaité, et pour correspondre à la situation de cette scène ! (rires) Vous ne pouvez pas utiliser des ventilateurs trop puissants quand vous vous trouvez sur un plateau avec des écrans verts en tissu, et que vous partagez le plateau avec une autre équipe de tournage.

La bande-annonce du film laisse entrevoir un plan où l’on découvre un corps emprisonné dans la glace…

Oui. Ce plan a été réalisé sans intervention de notre part, directement à la prise de vue, avec un personnage qui a été fabriqué par l’équipe des effets spéciaux de maquillage, dont le superviseur est Bill Terazakis. Ce sont des gens extrêmement doués, qui ont fait un très beau travail.

Essayez-vous de créer les trucages le plus souvent possible « devant la caméra », pendant le tournage, pour leur donner un aspect plus viscéral ?

Toujours, toujours, toujours ! On ne peut pas surpasser un effet que l’on obtient directement à la prise de vue. Depuis quelques années, le coût des effets visuels a beaucoup baissé grâce aux techniques de manipulations numériques des images. On peut faire pratiquement tout ce que l’on veut, mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de faire les choses sur le plateau, en prise de vues réelles. C’est systématiquement l’approche que je privilégie : tenter d’abord de faire les choses « en direct », et ensuite, si ça n’a pas donné exactement le résultat voulu, corriger ou modifier avec les effets visuels numériques.

Il y a-t’il un plan en particulier que vous considérez comme le plus complexe de tout le film ?

Mmm…Oui, mais je ne vais pas pouvoir vous le décrire de manière trop précise. Voici un exemple d’un autre plan complexe. Il s’agit d’une scène dans laquelle Mulder et Scully se trouvent dans un bateau. Notre emploi du temps ne nous a pas permis de mettre les acteurs dans un vrai bateau et dans un paysage réel. Pour résoudre ce problème, nous avons placé les comédiens sur un bateau construit par le département décoration de Mark Freeborn, dans un piscine construite en extérieurs par l’équipe des effets spéciaux de Dave Gauthier. Nous avons pré-visualisé le plan avec plusieurs vitesses de déplacement pour que Chris et Frank pour choisir celle qui leur convenait, et nous avons déterminé comment placer le bateau sur un support caché, et préparé le mouvement de caméra assez complexe avec une grue technocrane. Le tout a été filmé devant un fond bleu. Ce plan a été tourné avec une caméra 35mm sur 4 perforations, et à une vitesse de prise de vue plus grande, pour ralentir la scène à la projection. Le bateau a été superbement éclairé par le directeur de la photographie Bill Roe, et partiellement par le vrai soleil, sous le bon angle, ce qui signifie que nous devions nous tenir prêts à filmer ce plan au bon moment de la journée, en espérant que la météo conviendrait ! Bénéficier du beau temps à Vancouver en hiver est une chose hasardeuse…Plus tard, j’ai emmené une équipe de prises de vues aériennes au-dessus du paysage réel où la scène est sensée se dérouler, et nous avons tourné les arrière-plans en espérant que la météo serait de notre côté, et en attendant que l’angle de l’éclairage solaire corresponde à ce que nous avions déjà tourné. Nous avons ensuite construit un plan composite à partir de la prise de vue aérienne, à laquelle nous avons ajouté une surface d’eau en 3D (travail supervisé par notre responsable du département 3D, David Alexander) et le bateau avec les acteurs. Au moment où nous parlons, ce plan est encore loin d’être terminé, mais nous pensons qu’il sera spectaculaire.

Avez-vous collaboré avec d’autres studios d’effets visuels ?

Oui. L’un des défis de ce projet est le grand nombre de plans truqués qu’il faut réaliser en un temps très limité. C’est un peu un cliché de dire que la plupart des films sont conçus pour ne comporter qu’un nombre limités de plans truqués, mais qu’à la fin, on en rajoute énormément. On entend souvent dire « Ce n’est pas un film à effets spéciaux ». Mais les effets visuels sont souvent utilisés pour aider l’équipe de production à résoudre des problèmes qui ont surgi pendant le tournage. On fait appel aux effets numériques de plus en plus souvent pour corriger des problèmes, et ce sur un nombre de plans toujours plus grand. La quantité de travail sur le film a pratiquement triplé au dernier moment. Nous avons utilisé les talents de plusieurs autres sociétés d’effets visuels pour réussir à tout livrer à temps. Je voudrais citer notamment Illusion Arts, Frantic Films, Hybride et At the Post. C’est une course contre la montre, mais nous travaillons tous très dur pour atteindre notre but.

Vous arrive-t’il encore d’utiliser des trucages très simples, même sur une superproduction comme X-Files Régénération ?

Ah, je pourrais parler de ce sujet pendant des heures ! Mais rassurez-vous, je vous épargnerai cela ! (rires) Vous savez, je suis un peu de la vieille école, car cela fait déjà longtemps que je travaille pour le cinéma. J’ai débuté en tant qu’opérateur, à une époque où les effets numériques n’existaient pas encore. J’aime réfléchir à toutes sortes de manières de réaliser un trucage, et tout particulièrement en utilisant des méthodes atypiques, qui sortent des sentiers battus. Je crois que les meilleurs effets sont des hybrides de trucages classiques et de manipulations numériques, parce que ces mélanges permettent d’entraîner plus facilement les spectateurs dans l’histoire du film. Quelquefois, vous pouvez faire les choses d’une manière très simple, et cela marche parfaitement bien. L’un des avantages des trucages basiques , c’est qu’ils donnent souvent des résultats totalement inattendus. Quelquefois, quand vous crééz un plan de A à Z dans l’ordinateur, vous avez un peu trop de contrôle sur le déroulement des choses. Quand nous produisons nos effets numériques, nous veillons à introduire des petits accidents, des imperfections et des détails aléatoires qui renforcent le sentiment que ce que nous montrons est vrai. Malgré la puissance de nos ordinateurs, nous n’avons pas la capacité de reconstituer toute la complexité du monde réel.


Les trucages en direct sont aussi à l’origine d’heureux accidents…

Exactement ! Ils vous permettent aussi de rester l’esprit ouvert. Nous travaillons actuellement sur l’adaptation de la bande dessinée The Spirit, que réalise Frank Miller. Cet univers-là est très stylisé, très graphique, mais cela ne nous empêche pas d’utiliser des éléments réels, comme de la vraie fumée, des vraies explosions, et même des flocons de neige tournés sur un fond noir, sur le plateau, combinés aux flocons 3D générés par notre logiciel Frosty.

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre compagnie, Entity FX ?

Volontiers. Nous existons depuis 6 ans, et nous intervenons sur des films, mais aussi des projets de télévision et des films publicitaires. Nous avons réuni des gens de grand talent, qui travaillent à la fois dans nos locaux de Santa Monica, en Californie, et dans ceux qui se trouvent à Vancouver, au Canada. Ces dernières années, nous avons travaillé sur des films comme Miami Vice, The Aviator, Spider-Man 2, Into the Wild, Super Hero, et des productions de télévision comme Band of Brothers, Six Feet under et Traveler. Nous avons produit aussi beaucoup d’effets visuels for Pushing Daisies, et tous les effets de Smallville depuis 6 ans. Nous avons récemment travaillé sur un spot publicitaire pour Nissan pour lequel nous avons créé tout un centre commercial en 3D et inséré des voitures et des gens dedans. Nous venons aussi de gagner un Emmy Award pour notre travail sur le série documentaire Sports Science. En ce moment, nos équipes situées aux USA et au Canada travaillent ensemble sur X-Files Régénération. Nous aimons raconter des histoires avec des effets visuels, et effrayer les gens ! Nos collaborateurs sont tous des fans de BD, de fantastique et de Science-Fiction, et ils prennent énormément de plaisir à créer des images qui frappent l’imagination des spectateurs. Si le métier des effets visuels est devenu de plus en plus sophistiqué, grâce au développement continuel des techniques numériques, il est aussi une source de grande satisfaction pour ceux qui le pratiquent.

X-Files Régénération était donc le projet idéal pour vous et vos collaborateurs !

Absolument !

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