Entretien exclusif avec le superviseur des cascades James Armstrong et avec William Spencer la doublure cascades d’Andrew Garfield dans THE AMAZING SPIDER-MAN 2, LE DESTIN D’UN HEROS – 3ème partie
Article Cinéma du Jeudi 01 Mai 2014

Dans ce deuxième chapitre de la saga revisitée avec talent par Marc Webb, Spider-Man affronte de nouveaux ennemis liés à la redoutable société Oscorp : Max Dillon, paisible technicien transformé en Electro le lanceur d’éclairs, Aleksei Sytsevich, maffieux russe doté d’un exosquelette en forme de rhinocéros, et Harry Osborne, le meilleur ami de Peter Parker, qui va se métamorphoser en bouffon vert…Ces confrontations donnent lieu à des scènes d’action dont nous avons pu voir de larges extraits époustouflants à Los Angeles lors de notre rencontre avec l’équipe du film.

Dans cette seconde grande partie de notre dossier, nous poursuivons nos discussions avec le superviseur des cascades James Armstrong, la doublure d’Andrew Garfield William Spencer et les producteurs Avi Arad et Matthew Tolmach, tandis que Marc Webb nous explique quelle a été sa démarche après l’apprentissage de la réalisation de l’épisode précédent.

Entretien avec James Armstrong et William Spencer

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

L’utilisation de la capture de mouvements est-elle aussi importante que par le passé, dans les épisodes précédents de SPIDER-MAN ?

James Armstrong : Non, car depuis quelques années, on tourne de plus en plus de vidéos de référence et moins de séquences en Mocap. C’est une tendance qui s’accentue. Je pense que cela vient aussi du fait que tout ce que nous avons enregistré en Mocap pour le volet précédent a été conservé et que Sony Imageworks peut ainsi puiser dans ce vaste stock de séquences Mocap et le recycler pour servir de base à de nouvelles animations 3D.

William Spencer : Oui. Ils disposent d’une gigantesque banque de données Mocap, car nous avions passé des semaines entières à enregistrer des animations de course, de marche, de saut, de balancement suspendu à une corde, d’escalade le long d’un mur, etc.

Avez-vous tourné davantage dans les vraies rues de New York, cette fois-ci ? Quels types de problèmes cela pose-t-il ?

James Armstrong : Le premier problème, c’est le manque de patience des New Yorkais ! (rires) Ils n’ont vraiment pas envie de vous aider à tourner le film ! Tout dans leur attitude vous fait comprendre que vous les ennuyez parce que la rue est bloquée, et que vous leur faites perdre leur temps qui est précieux. Et d’ailleurs, s’ils peuvent ruiner le plan en faisant exprès de regarder droit dans l’objectif de la caméra, ils le font ! (rires) Pourtant, les New Yorkais adorent Spider-Man. Dès qu’Andrew arrive dans son costume ou que Willliam tourne une cascade, leur mauvaise humeur s’estompe : ils applaudissent, poussent des exclamations enthousiastes et sont ravis. Mais on peut toujours se retrouver dans des situations étranges. Je me souviens d’un moment insolite du tournage de l’épisode précédent : j’étais déguisé en flic New Yorkais pour conduire une voiture de police pendant une séquence de cascade, et tout d’un coup , pendant que j’étais en train de me concentrer sur l’action en répétant mentalement ce que je devais faire, un passant est arrivé vers moi en courant et m’a demandé de venir avec lui pour régler un problème. Quand je lui ai expliqué que je n’étais pas un vrai policier, il s’est mis dans une colère noire. Il était furieux et hurlait de rage. J’avais beau lui dire « S’il vous plaît, laissez-moi travailler, éloignez-vous ! » , il n’arrivait pas à se calmer ! (rires)

Vous avez aussi tourné des scènes au sommet de certains gratte-ciels…

William Spencer : C’est exact.

James Armstrong : Cela nécessite de faire des repérages très détaillés, et d’étudier la meilleure manière d’installer les différents systèmes qui assurent la sécurité des acteurs lorsqu’ils jouent au bord du vide : l’ancrage des câbles auxquels ils sont toujours attachés, des plateformes avec des filets fixées sur la façade pour amortir leur chute si jamais ils glissaient, des sortes de jambières en métal fixées du genou jusqu’aux chevilles et reliées à un support en métal sur lequel une personne de confiance est assise, de manière à les maintenir solidement en équilibre et à empêcher qu’ils ne basculent, etc. Nous avons mis en place tout notre matériel et nos collaborateurs de confiance pour tourner ces plans où l’on voit Spider-Man contempler l’immensité de sa ville, afin de symboliser le fait qu’il est vraiment LE justicier de New York. Vous me demandiez tout à l’heure quels étaient les inconvénients de tourner dans cette ville : l’un d’entre eux, ce sont les limitations de vitesse que nous n’avons pas l’autorisation de dépasser quand nous tournons des scènes de poursuites. Nous sommes alors obligés de les filmer hors des limites de la ville, vers le nord, où l’on nous permet d’aller plus vite. Ensuite, nous faisons un mélange des prises qui ont été tournées plus lentement, mais qui permettent de bien voir New York, et de celles tournées ailleurs à pleine vitesse, dont on se sert pour des plans plus serrés ou plus courts. Nous avons aussi conçu des rampes spéciales pour projeter des voitures exactement là où nous le voulons pendant un crash, en ayant l’assurance qu’aucun de ces véhicules n’ira atterrir plus loin que prévu. Car bien sûr, nous ne devons pas abîmer les façades des bâtiments ni le mobilier urbain. Les rampes que nous avons conçues nous permettent de faire rouler une voiture seulement à 55 KMH, et de la faire se retourner comme une crêpe, comme si elle avait roulé beaucoup plus vite et rencontré un obstacle. Nous avions aussi mis au point des systèmes de propulsion pneumatiques capables de lancer des véhicules en l’air pour le premier épisode, quand le Lézard avance sur le pont et projette dans le fleuve Hudson les voitures qui se trouvent sur son passage.

William Spencer : Le public ne s’en rend pas compte, mais nous déployons toutes sortes d’astuces pour le captiver.

La séquence de la poursuite du camion d’isotopes volé par Rhino est très impressionnante. On n’a pas dû voir autant de crashs de voitures de police depuis la fameuse scène des BLUES BROTHERS !

James Armstrong : Oui, nous avons d’ailleurs appelé ce plan « le plan BLUES BROTHERS » pour rendre hommage au film de John Landis. Ma génération de cinéphiles connaît LES BLUES BROTHERS, mais pas mes enfants. Nous avions une opportunité de surprendre les jeunes spectateurs et nous l’avons saisie.

Combien de voitures avez-vous détruites ?

James Armstrong : 70 véhicules de police et 80 voitures de civils, soit 150 voitures en tout. Dans certains plans, nous détruisons 20 voitures d’un seul coup ! A certains moments de la poursuite, quand le camion conduit par Rhino fonce dans les rues, il est suivi par un convoi de véhicules de police, et nous le montrons en train de traverser des carrefours sans ralentir, et sans se préoccuper des voitures qu’il va percuter. Dans ces plans-là, nous faisons généralement appel à des conducteurs de précision pour approcher deux ou trois autos perpendiculairement vers la trajectoire du camion, en s’avançant dans le carrefour. Mais ces véhicules avec des conducteurs sont simplement frôlés par le camion, il ne les touche pas. Les voitures qui sont placées en travers du trajet du camion sont vides, délestées des parties les plus lourdes comme le moteur, et fragilisées de manière à se déformer de manière très spectaculaire pendant l’impact. Ces voitures vides sont tractées grâce à des câbles, pour donner l’impression que quelqu’un est en train de les conduire, et nous libérons les câbles juste au moment de l’impact avec le camion. Nous faisons en sorte que les conducteurs et leurs voitures se soient éloignés à ce moment-là, car les voitures percutées de plein fouet peuvent se transformer en projectiles potentiellement dangereux. Il arrive aussi qu’elles soit réduites en pièces à un tel point qu’on n’arrive plus à les reconnaître parmi les débris ! Mais même si tout cela paraît extrêmement risqué, nous prenons toutes les mesures de sécurité pour que personne ne soit blessé et qu’il n’y ait pas de dégâts imprévus. Personnellement, je suis bien plus effrayé quand je vois des gens conduire leur voiture à 110 KMH sur l’autoroute tout en pianotant sur leur portable pour envoyer des textos. Ça c’est plus que dangereux : c’est de l’inconscience.

Avez-vous créé des machineries spéciales pour représenter l’exosquelette de Rhino ?

James Armstrong : Nous avons participé aux scènes où il entre en action, mais nous n’avons pas fabriqué de machinerie spéciale. Paul Giamatti était simplement surélevé sur un support muni de roues, qui permettait à son visage d’être à la hauteur supposée de l’exosquelette.

William Spencer : Et la plateforme sur laquelle il était installé pouvait aussi se pencher de droite à gauche pour simuler la manière dont le poids de l’exosquelette en forme de rhinocéros passe d’une patte à l’autre quand il marche comme un vrai rhino, sur 4 pattes. Je crois que c’était fait de manière toute simple, avec un axe de roues qui avait été tordu.

James Armstrong : Oui, c’était comme un effet de roues carrées fixées à droite et à gauche en positions décalées, pour créer un effet de balancement de droit à gauche pendant que Paul Giamatti était poussé en avant. Sur ces films, nous essayons de penser d’abord aux techniques les plus simples pour créer des effets. Comme on le faisait à l’époque de Buster Keaton. Je crois que c’est plus convaincant que de jouer systématiquement la carte de la surenchère des effets visuels.

William Spencer : Je trouve qu’ils sont allés bien trop loin à la fin de MAN OF STEEL. Ce combat d’êtres indestructibles n’en finissait plus !

James Armstrong : Oui, il aurait fallu que Superman soit menacé par un peu de kryptonite pour être affaibli. Là il y aurait eu un peu de suspense, et on aurait pu craindre qu’il soit vaincu. C’est pour cela que Spider-Man a toujours un talon d’achille : il n’en est que plus attachant. On s’inquiète pour lui. Je peux vous assurer que dans ce film, il y a plusieurs moments où l’on se dit qu’il ne va pas pouvoir s’en sortir vivant.

Andrew Garfield a-t-il réalisé beaucoup de cascades lui-même ?

James Armstrong : Oui, Andrew a tourné la majorité de ses cascades. Il arrivait aussi que Andrew et William tournent la même scène, et après, que nous choisissions celle des deux que nous préférions.

William Spencer : C’est souvent une question de style que l’on donne à l’interprétation de la scène. Par exemple, dans une scène où il percute un mur, Andrew a eu l’idée de jouer une réaction presque cartoonesque, à la Vil Coyote (de BIP BIP ET LE COYOTE, NDLR) en vacillant sur ses jambes, groggy, puis en manquant de s’écrouler.

James Armstrong : C’était un énorme avantage de pouvoir tourner si souvent avec Andrew, parce que quelle que soit son approche sérieuse ou humoristique de l’action, c’était toujours sa présence physique que l’on sentait. Et nous pouvions aussi passer en continuité d’une scène de cascade à une scène jouée, sans avoir à couper le plan. Même si Andrew n’a fait que des cascades raisonnables, je trouve que c’est beaucoup plus réaliste d’aborder le personnage ainsi plutôt que d’avoir un Spider-Man 3D qui fait des centaines de pirouettes avant de céder la place au vrai acteur. Je suis vraiment fier de ce que nous avons réussi à filmer en direct avec lui et avec William.

William, quelle est la cascade la plus difficile que vous avez tournée ?

William Spencer : Probablement une scène où je me balance sur un fil tout en tenant Gwen Stacy avec mon bras gauche, et où j’arrive au niveau du sol et cours tout en continuant à la porter. En dépit de tous les systèmes de sécurité dont nous étions équipés, c’était extrêmement difficile à faire. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer ce que cela donne de devoir lâcher une corde puis courir en tenant une personne avec un seul bras, tout en ayant la cagoule de Spider-Man sur le visage qui vous empêche des respirer normalement. Dans ces moments-là, on se tourne vers les producteurs et le réalisateur en se disant «Ma parole, ils croient que je suis un vrai superhéros ! » (rires)

Quelles sont les principales scènes de combats et d’effets spéciaux réalisés en direct et comment les avez-vous préparées ?

James Armstrong : Après en avoir parlé avec Marc Webb afin qu’il nous explique sa vision de ces scènes et leur rôle dans l’histoire, nous commençons à les décortiquer techniquement. S’il s’agit d’une bagarre, nous demandons à Marc quels styles d’affrontements et quelles ambiances lui sembleraient appropriés. Pour l’aider à prendre ces décisions, nous préparons rapidement des démonstrations de combats, par exemple des gardes qui attaquent un cascadeur qui représente le personnage en question, nous les filmons en vidéo pendant le week-end, puis nous les montrons à Marc le lundi, et il peut alors immédiatement nous donner son avis et affiner avec nous ce qu’il veut. Nous passons alors à un second test filmé avec nos cascadeurs et nos équipes de tournage. Nous utilisons les valeurs de cadres prévues ainsi que celles qui nous semblent les plus efficaces, puis nous faisons un montage de la scène que nous remettons à Marc pour qu’il la visionne et puisse réagir. Pendant cette étape, on tâtonne encore un peu. Même si globalement, on avance dans la bonne direction, il se peut que l’ambiance ne soit pas exactement la bonne, ou que l’on accorde trop d’importance à certaines parties du combat, ou que l’on en montre trop alors que Marc préférera garder certains effets pour un moment ultérieur. Pendant la troisième étape, il nous donne les indications définitives, les objectifs à atteindre pendant le tournage.

La suite de ce Spider-Dossier paraîtra bientôt sur ESI !

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