GODZILLA : Dans les coulisses d’un remake titanesque. Suite de notre visite du tournage et entretien avec le réalisateur Gareth Edwards !
Article Cinéma du Mercredi 14 Mai 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Gareth Edwards profite d’une mise en place technique longue pour venir nous parler, et aussi du passage assez bruyant d’un train sur les voies ferrées. Impossible d’enregistrer la moindre prise de vue sonore avec un tel vacarme ! Le jeune réalisateur est calme, souriant et aimable, comme à son habitude.

En vous voyant tourner et en découvrant les décors que vous avez créés ici, on a le sentiment que votre nouvelle version de GODZILLA est à la fois un remake et une sorte de suite du film original de 1954. Surtout compte tenu du fait que vous allez nous présenter non pas un mais plusieurs kaijus !

C’est une manière intéressante de présenter les choses, mais ce film n’est pas vraiment une suite de l’original de 1954. Disons que j’en ai gardé l’atmosphère sérieuse, le ton, et que certaines parties de l’histoire sont similaires. Les fans du film original reconnaîtront tout de suite lesquelles. Nous sommes plus proches de ces racines du personnage de Godzilla que de la manière dont il était montré dans les films suivants. (Le convoi ferroviaire qui passe alors sur les voies à côté de nous fait un bruit métallique si assourdissant que Gareth Edwards s’interrompt en souriant…) Le timing est parfait, n’est-ce pas ?! (rires)

Ce bruit n’est pas très éloigné du rugissement original de Godzilla !

Oui ! (rires) Au début, quand nous sommes venus nous installer le long de ces voies ferrées, je m’inquiétais un peu du bruit du passage des trains. Ce n’est que plus tard, sur le tournage, quand une assistante est venue me voir pour me demander « Est-ce que l’on peut laisser passer le prochain train? » que j’ai compris que nous avions la possibilité de les faire stopper et attendre en amont, le temps de finir la prise en cours ! (rires) Je n’avais aucune idée que nous détenions un tel pouvoir !

Comment votre travail sur ce projet a-t-il débuté ?

Après que mon film à petit budget MONSTERS ait été achevé, on m’a convié à rencontrer beaucoup de gens à Hollywood. C’est un processus assez commun après que vous ayez fait un film qui a été bien accueilli et qui a rapporté de l’argent. Mon rendez-vous avec Legendary Pictures s’est particulièrement bien passé. Je leur ai expliqué quels types de longs métrages j’avais envie de faire, et je leur ai décrit un autre projet auquel je réfléchissais à ce moment-là. Nous nous sommes très bien entendus, et j’ai senti que mes idées avaient plu à Thomas Tull, qui est l’un des producteurs de ce film. Le projet que je voulais développer a finalement abouti chez une autre société de production, mais le dialogue a continué entre Legendary Pictures et moi. Nous avons essayé de trouver un projet qui nous permettrait de collaborer. Je leur faisais passer régulièrement des notes avec des idées, mais je dois dire que je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il me proposent de réaliser une superproduction. Un peu de temps est passé, et un jour, j’ai reçu en même temps des emails de tous mes agents anglais et américains. Je me doutais qu’il devait s’agir d’une nouvelle importante, car ils me disaient tous « Rentre chez toi et appelle-nous !! ». Je suis rentré en hâte et quand j’ai eu l’un de mes agents en ligne, il m’a dit « Tu devrais t’asseoir… » Je lui ai obéi et il a poursuivi en m’annonçant « Legendary vient d’appeler et ils voudraient savoir si tu serais prêt à réaliser GODZILLA. » Là, je suis resté sans voix, un peu groggy. « Mais est-ce que tu aimes Godzilla ? » m’a demandé mon agent. Je lui ai répondu « Je suis en train de le regarder en ce moment-même », car le DVD du film original de 1954 était posé sur l’étagère juste en face de moi ! (rires) Ensuite, j’ai entamé toute une série de conversations avec Legendary, car ils voulaient savoir quelle était ma vision de ce que l’on pourrait faire du film, aussi bien au niveau du style visuel que du ton général. Dieu merci, nous étions sur la même longueur d’ondes sur tous ces points. Sans vouloir faire des rapprochements abusifs, je pense que les films de BATMAN après ceux de Burton étaient devenus trop parodiques et bébêtes jusqu’à ce que Christopher Nolan adapte le personnage dans un contexte réaliste. De la même manière, les films les plus récents de la saga GODZILLA manquaient eux aussi de sérieux. Je ne devrais probablement pas dire cela, mais c’est trop tard, je l’ai dit ! Bref, nous avons pensé qu’il serait judicieux de revenir aux racines du personnage, à ses origines de 1954.

Le premier film écrit et réalisé par Ishiro Honda est très sérieux, très ancré dans le contexte du Japon des années 50 respectueux de ses traditions, mais déjà tourné vers le futur…

Effectivement. Si je procède par comparaison pour définir ce qu’est ce nouveau GODZILLA, je dirais qu’il y a aussi des touches de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE et d’APOCALYPSE NOW. Je n’essaie pas de dire que mon film sera aussi réussi que ceux-là, mais ce sont des références cinématographiques que j’avais en tête. Joe Brody se bat pour découvrir une vérité cachée par les autorités, comme le personnage de Richard Dreyfuss dans RENCONTRES DU TROISIEME TYPE. Bien sûr, le projet a acquis sa propre personnalité quand nous avons mélangé ces influences, et fait intervenir une équipe d’artistes très créatifs pour lui donner un style unique. J’espère que nous avons réussi à créer une approche visuelle intéressante, mais dans laquelle il y a constamment une retenue. Plutôt que de jouer sur la surenchère, nous misons sur le suspense, le mystère, les détails intrigants, les choses entraperçues plutôt que montrées de manière ostentatoire. Il me semble que dans les films à grand spectacle actuels, il y a souvent une surabondance d’effets superflus, comme si le réalisateur était terrifié à l’idée que les spectateurs s’ennuie s’il y avait une demi-seconde sans explosion ni écroulement d’immeuble. Bon, il y a aussi des explosions et beaucoup de bâtiments qui s’effondrent dans GODZILLA - heureusement, d’ailleurs ! - mais nous essayons vraiment de présenter des personnages auxquels on va s’attacher et dont on va suivre les aventure avec plaisir en croisant les doigts pour qu’ils s’en sortent indemnes. Je dois dire que j’ai été particulièrement gâté concernant le casting, avec Bryan Cranston, Aaron Taylor-Johnson, Juliette Binoche, Elizabeth Olsen, David Strathairn… C’est une distribution extraordinaire. Et tous ces acteurs ont eu à cœur de jouer leurs personnages d’une manière différente de celle que l’on a pu voir dans de nombreux blockbusters. Nous essayons d’étonner, d’émouvoir et de captiver les spectateurs. Nous voulons que GODZILLA soit émouvant – c’est vraiment le mot qui revient le plus quand nous racontons le projet – épique, et d’une grande ampleur cinématique. Nous suivons non seulement les personnages principaux pendant les évènements cataclysmiques qui se produisent, mais aussi beaucoup de personnes qui subissent les conséquences dramatiques de ce chaos. Pendant les grandes séquences d’action, nous avons essayé de concevoir des images de manière à leur donner le plus grand impact émotionnel possible. J’espère que c’est ce que vous ressentirez quand vous verrez les prévisualisations des scènes que nous avons préparées pour vous aujourd’hui. Nous avons visé un impact viscéral et émotionnel immédiat. J’espère avoir évité les pièges de l’utilisation trop abondante des images de synthèse, car mon envie était de rester dans la lignée d’effets sobres comme ceux des films qui m’ont marqués pendant mon enfance. Je suis persuadé que cette restreinte rend ces images plus réalistes et augmente d’autant le sentiment de peur qu’elles peuvent générer. Quand un immeuble s’écroule dans notre film, il le fait comme dans la réalité, en générant énormément de poussière, ce qui masque en grande partie son effondrement. Ce n’est pas comme cela que l’on procède habituellement dans les films catastrophes, on préfère mieux voir ce qui se passe, mais alors on s’éloigne de la réalité et on n’a plus la même réaction en découvrant les images. Quand on crée un film comme GODZILLA, on le fait grâce à un grand nombre de jouets sophistiqués que l’on met à notre disposition, et grâce à beaucoup d’argent. On peut donc faire quasiment tout ce que l’on veut. Mais il faut éviter de s’emballer et de vouloir aller trop loin, juste parce que l’on a les moyens techniques et financiers de le faire.

La suite de ce GIGAdossier paraîtra bientôt sur ESI !

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