Entretien exclusif avec Marc Webb, réalisateur de THE AMAZING SPIDER-MAN 2 - 2ème partie
Article Cinéma du Dimanche 01 Juin 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Avez-vous coupé certaines scènes du film ?

Oui, mais aucune qui ait une importance ou une signification qui risquait de modifier énormément le reste du film. C’est un peu difficile de vous dire lesquelles, car au moment où nous parlons, nous sommes encore en train de travailler sur le montage et de vérifier que toutes les informations que nous voulions faire passer seront bien comprises par les spectateurs. Cela dit, quand on coupe une séquence parce que son rythme est trop lent ou qu’elle doublonne avec une autre, c’est réconfortant de pouvoir se dire que ce travail n’aura pas été accompli en vain parce qu’on pourra le présenter au public dans les bonus DVD et Blu Ray du film.

Sony a annoncé qu’il y aurait des épisodes trois et quatre avec la même distribution. En êtes-vous arrivé au point où vous pourriez envisager de réaliser aussi le troisième et le quatrième volet ?

Mmm…je dois dire que je suis très attiré par l’intrigue du troisième…Je ne sais pas encore ce qui est prévu pour le quatrième. Cette annonce de Sony Columbia correspond à la mise en place d’une stratégie pour toute la saga.

Mais pour être clair, seriez-vous partant pour réaliser le suivant ?

Oui, absolument ! Si la sortie de ce deuxième épisode est bien accueillie par le public, je serais ravi de retrouver cette équipe et ces personnages. Ce serait formidable. Nous avons déjà réfléchi à certaines idées.

Dans cet épisode, il devient clair que la société Oscorp est une sorte d’incarnation du mal : tous les ennemis de Spider-Man en sont issus, d’une manière ou d’une autre. Et Oscorp a également pesé sur le destin du jeune Peter Parker…

Exactement. Quand je pense à Oscorp, je me la représente comme une tour de Babel contemporaine. Cette société s’est fondée et a été construite sur l’ego de Norman Osborne. Il œuvre en secret pour transformer le monde selon sa volonté, et il est prêt à toutes les transgressions morales et scientifiques pour y parvenir. C’est un endroit vraiment sinistre. Les choses qui sortent de là sont terrifiantes, horribles. S’il n’y avait qu’un seul « méchant » à désigner dans l’univers de Spider-Man, ce serait sans aucun doute Oscorp. Mais cet ennemi invisible a de nombreuses dents et de nombreuses griffes…et même des tentacules ! (rires)

Est-ce que Oscorp est en train de créer peu à peu le groupe des « Sinistres Six » dans le but de se débarrasser de Spider-Man ?

Mmm…ce serait intéressant si c’était le cas ! C’est une bonne idée ! (rires)

Bon, considèrerons cela comme un oui ! (rires) Parlons de Jamie Foxx et des idées qu’il vous a soumises à propos de son double personnage, le timide Max Dillon, et l’impitoyable Electro…

Jamie est venu me trouver avec beaucoup d’idées excellentes. Il tenait à ce que les scènes de présentation de Max aient un certain pathos, car on découvre là un homme doux et gentil, qui ne mène pas une vie très agréable, et qui est un grand fan de Spider-Man depuis que notre héros lui a sauvé la vie. Jamie voulait qu’on éprouve de la compassion pour Max et que l’on puisse le comprendre. La grande question que nous nous sommes posée était « comment faire comprendre aux spectateurs pourquoi Max agit ainsi ? » Et nous avons décidé de montrer un moment tragique de son existence. Nous le voyons donc revenir chez lui, dans un appartement modeste où il habite en compagnie de sa mère, et quand il arrive, il découvre qu’elle a complètement oublié que c’était le jour de son anniversaire. Et cela lui fend le cœur, car la seule personne au monde pour laquelle il devrait compter, celle qui est sensée l’aimer le plus, l’a tout simplement oublié ! Jamie est allé plus loin en imaginant que Max s’achetait un gâteau d’anniversaire et faisait semblant de croire que son ami Spider-Man le lui avait apporté, afin de se sentir moins seul. Nous avons gardé ces idées et Jamie les a jouées avec beaucoup de sensibilité. La encore, ce fut une collaboration formidable.

Après sa transformation, Electro a-t-il le même sens de l’humour percutant que Jamie Foxx dans la vie ? Il semblerait que le courant électrique qui traverse son corps ait fait « griller quelques fusibles » dans son cerveau !

(Rires) Oui, c’est vrai. L’une des références que nous avions en tête avec Jamie était le personnage de l’humoriste amateur Rupert Pukpin incarné par Robert De Niro dans LA VALSE DES PANTINS de Martin Scorcese. Car Max se berce d’illusion en croyant avoir une relation amicale avec Spider-Man, comme Rupert avec son idole comique Jerry Langford, joué par Jerry Lewis dans le film de Scorcese.

Vous avez aiguisé l’appétit des fans en annonçant que les Sinistres Six feraient leur apparition dans cette saga. Cela signifie que toutes les informations autour de ce film et du prochain vont être scrutées à la loupe et la moindre fuite examinée. Comment gérez-vous la confidentialité de ce que vous faites pendant que vous travaillez ?

Nous prenons toutes les précautions nécessaires. Par exemple, quand nous tournons en décors extérieurs, nous n’utilisons pas les éléments les plus confidentiels de l’histoire. Mais même en étant prudents, on ne peut pas empêcher les gens de faire toutes sortes de déductions et de commentaires farfelus sur le film sur internet. On y trouve souvent des remarques très négatives venant de gens qui ne se manifestent que pour être sarcastiques. Après avoir vu comment tout cela se développait pendant le premier épisode, je dois dire que j’avance désormais sans tenir compte de ce genre de choses. En revanche, je lis les commentaires des fans quand la première bande annonce est révélée ou quand nous publions un des premiers visuels du film. Là, les réactions sont utiles et intéressantes. De toutes manières, vous devez prendre vos propres décisions quand vous faites un film, sans tenir compte du brouhaha médiatique ou des commentaires perfides du web.

Vous avez posté aussi des tweets pendant le tournage et la postproduction de THE AMAZING SPIDER-MAN 2. Cette interactivité immédiate avec les fans vous est-elle utile quand vous réfléchissez à votre mise en scène ?

Oui, dans le sens où la grande majorité des réactions est positive et donc encourageante. Il y a aussi des remarques brutales et agressives de temps en temps, mais pas souvent.

Quelles étaient les difficultés à résoudre pour rendre dynamiques les combats entre Electro et Spider-Man ? Utilisez-vous autant d’effets spéciaux filmés en direct que dans le premier épisode ?

Eh bien je dois avouer que nous avons utilisé davantage les images de synthèse dans ces combats-là, car au-delà d’un certain point, c’est la seule solution viable pour décrire les évolutions d’un personnage dans les airs. D’autant plus que son corps est parcouru de décharges électriques que l’on voit en transparence, au travers de sa peau. Cet aspect est la raison pour laquelle nous avons du construire une version virtuelle d’Electro dès le départ, afin de créer ces effets d’éclairs qui parcourent l’intérieur de son corps. Le plus important pour nous était de créer ces effets en nous basant sur les véritables performances d’acteurs de Jamie et Andrew, en reprenant leurs expressions et leurs gestes afin de recréer les mêmes émotions en animant leur doubles 3D. Nous avons organisé beaucoup de séances de captures de mouvements avec eux. L’autre jour, nous avons profité d’une séance de réenregistrement de dialogues avec Jamie pour le filmer pendant qu’il rejouait ces scènes. Il portait une tenue spéciale avec des points de repères de tracking, et les informations prises dans ces séquences vidéo nous ont permis de transférer son jeu et ses mimiques sur son clone pendant qu’il vole et combat Spider-man. J’adore les effets spéciaux et les cascades filmées en direct, et nous les utilisons très souvent, mais il faut reconnaître que la mise en place et le tournage de ces effets nécessite beaucoup de temps, ce qui est parfaitement justifié en raison de leur complexité et des mesures de sécurité qu’il faut prendre pour que personne ne soit blessé. L’équipe supervisée par Andy Armstrong et son fils James est incroyablement créative et douée. Ils trouvent toujours des idées géniales pour faire voler les gens, les projeter à des dizaines de mètres, ou organiser des carambolages de voitures stupéfiants pour embellir et amplifier ces séquences de combats.

Cette fois-ci, il y a beaucoup plus d’humour dans les scènes d’action, comme dans celle où Spider-Man provoque Rhino pendant qu’il conduit un camion volé contenant des isotopes radioactifs. Et comme il comprend vite que Rhino est colérique, il s’amuse à le faire tourner en bourrique pour lui faire perdre ses moyens…

Comme il y avait beaucoup d’évènements dramatiques dans le premier épisode, nous étions obligés de dissocier les séquences d’action et les moments amusants. Dans ce nouveau volet, la page est tournée, et nous pouvons renouer pleinement avec la grande tradition des combats de Spider-Man dans les comics, où on le voit utiliser des plaisanteries sarcastiques pour irriter ses adversaires, et les capturer en les abandonnant dans des postures assez ridicules. C’est cela l’ambiance que nous voulions donner à ce nouvel épisode : un ton chaleureux, drôle et attrayant. Nous avons d’ailleurs fait appel à Cal McCrystal, qui est un acteur et metteur en scène de théâtre qui a travaillé sur des numéros comiques avec le Cirque du Soleil, et dirigé lui-même de nombreux shows. Cal est un expert en comédie physique et il nous a aidé à rendre ces moments encore plus drôles. Il nous a suggéré beaucoup d’idées très intéressantes, et c’était formidable de le faire travailler avec James Armstrong, qui est comme lui un grand fan des gags physiques et des acrobaties de Buster Keaton. Un bon gag visuel est une chose, mais il y a aussi une partie de notre cerveau qui se rend compte presque inconsciemment de l’exploit physique qui vient d’être accompli et de la virtuosité que cela implique. Ce mélange d’amusement et d’ébahissement admiratif produit un impact très particulier sur les spectateurs, et c’est sur cela que nous avons voulu jouer.

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