Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Revenons au choix de Scott Derrickson : comment l’avez-vous sélectionné et qu’a-t-il apporté à DOCTOR STRANGE ?

Je dirais que la manière dont se déroulent nos rencontres avec les gens déterminent en grande partie notre décision de travailler avec eux ou pas. Pour ma part, j’aime être surpris. Quand on s’assoit en face de quelqu’un et que l’on lit son CV, on peut se dire qu’il s’agit d’un bon candidat potentiel pour un projet, mais ce n’est qu’au moment où l’on commence à parler avec lui et à échanger des idées au sujet du film que l’on se rend compte si nos visions vont pouvoir s’accorder et s’il pourra se crée un enthousiasme commun qui va nous donner envie de pousser cette collaboration plus loin, dans des directions qui semblent prometteuses. C’est précisément ce qui s’est passé avec Scott. Il est arrivé avec des idées judicieuses et une approche du film qui nous ont plu. Je me souviens qu’il nous a dit dès le début « Je sais que la plupart de mes films sont des films d’horreur, mais ce n’est pas de cette manière que je voudrais aborder DOCTOR STRANGE. Je voudrais traiter le film sérieusement, mais sans y amener des images cauchemardesques ni sanglantes. » Je crois que Scott a participé à une dizaine de réunions en tout. D’abord avec moi, puis avec Kevin Feige et les autres producteurs exécutifs de Marvel. Et plus nous avancions dans ces échanges de points de vue, plus il apparaissait que Scott et nous avions effectivement envie de faire le même film. Quand on arrive à ce point-là, les choses deviennent particulièrement excitantes pour un producteur car cela signifie qu’il a trouvé le réalisateur avec lequel il va pouvoir construire et développer le projet en l’améliorant à chaque nouvelle étape. Je peux vous dire que la plupart des idées que Scott nous a présentées lors de ces réunions figurent aujourd’hui dans le film. Hier encore, quand je me trouvais sur le plateau et que j’observais la scène en cours de tournage, je me disais « Ah oui, je me souviens très bien du jour où nous avions parlé de cette idée en réunion de travail ! » (rires) Quand une idée est vraiment bonne, elle a tendance à survivre au long processus de développement, et à se retrouver dans le film !

Dans les comics, même si le Docteur Strange appartient parfois aux côtés des autres personnages Marvel, il reste une figure solitaire qui agit de manière totalement indépendante. Il ne participe pas aux interventions « banales » des autres super-héros, lorsque ceux-ci arrêtent des gangsters ou sont confrontés à des ennemis de force égale. Nous aimerions donc vous demander de quelle manière vous allez intégrer ce personnage très particulier dans l’univers cinématographique de Marvel…

Nous aimons beaucoup cet aspect de « loup solitaire » du personnage. Nous n’allons pas traiter ses interactions avec les autres super-héros dans ce film, car cette première aventure a pour but de présenter le Docteur Strange au public et d’établir les fondations de son monde à lui. Nous sommes très attachés au côté distant et atypique de Strange, qui regarde avec un peu de condescendance les évènements d’ampleur moyenne qui se déroulent sur la terre, en pensant « Tout ça est fort intéressant, mais j’ai à gérer des menaces interdimensionnelles autrement plus graves de mon côté ! » (rires) Je crois que ce sera un rôle très intéressant et amusant à jouer pour lui dans l’univers cinématographique de Marvel… Je peux vous confier que nous sommes encore en train de réfléchir s’il apparaîtra ou pas dans les prochains films que nous préparons actuellement…mais s’il participe à ces aventures, il le fera d’une manière unique et personnelle qui correspondra parfaitement à ses caractéristiques. Narrativement, ce sera intéressant de jouer sur cette distance, ce décalage qui existera toujours entre lui et les autres personnages. Quand il sera en train d’agir en solo à sa manière, les Avengers, par exemple, devront réfléchir au meilleur moyen de l’intégrer à leurs plans, et cela créera forcément des situations nouvelles, insolites et drôles.

L’un des principaux ennemis du Docteur Strange s’appelle Cauchemar et vit dans une dimension dont l’aspect correspond bien à son nom. Sans aller jusqu’à des situations d’horreur, allez-vous explorer aussi l’aspect cauchemardesque de ses aventures ?

Cauchemar n’apparaît pas dans ce film, mais c’est amusant que vous le mentionniez, car Scott nous a souvent parlé de ce personnage au cours des premières réunions que nous avons eu à propos du projet, et il a longtemps figuré en tête de la liste des ennemis du Docteur Strange que nous pourrions choisir. Nous trouvons tous que le monde psychique des rêves serait un endroit fantastique à explorer plus tard, mais notre héros a énormément de dimensions à visiter avant, puisqu’il évolue dans un « Multivers ». Ses aventures l’entraînent dans certaines de ces dimensions parallèles afin d’en repousser les menaces ou d’y acquérir d’autres pouvoirs. Il serait assez simple de suggérer que le monde des rêves, ou plutôt le collectif psychique de tous les songes de l’humanité, puisse constituer lui aussi une dimension parallèle et un endroit intéressant à explorer par la suite. Mais nous ne l’avons pas utilisé dans ce film parce qu’il nous fallait déjà présenter toutes les bases du monde de sorcellerie du Docteur Strange, expliquer les règles de magie qu’il emploie, et décrire le Commertage, qui est le lieu dont les maquettes des décors se trouvent juste à côté de nous. Il aurait été difficile de rajouter d’autres notions en disant au public quelque chose comme « Ah, au fait, en plus de tout cela, il faut aussi que nous vous parlions de la dimension des rêves ! » (rires) Ce n’est que dans un prochain épisode que nous serons libres d’explorer ces dimensions-là et de décrire des univers parallèles encore plus fous, car les spectateurs se seront familiarisés entretemps avec le monde du Docteur Strange.

La suite de notre avant-première DOCTOR STRANGE apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI.

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