Exclusif : Les maquillages de Pandorum - Entretien avec Shane Mahan, du studio Legacy Effects : Seconde partie
Article Cinéma du Jeudi 12 Novembre 2009

[Retrouvez la première partie de l'entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Quelles sont les inspirations visuelles que vous avez utilisées pour créer les premiers concepts des créatures ? Aviez-vous certaines caractéristiques animales en tête, comme celles de certains insectes, ou de certains mammifères qui vivent dans des cavernes obscures, et dont la peau est blanchâtre et translucide ?

Non, nous n’avons pas utilisé ces références-là. Nous avons seulement tenté d’inventer toutes sortes de mutations, qui soient à la fois grotesques et crédibles. Nous voulions que la situation du film paraisse crédible, ce qui nous interdisait d’aller puiser dans des références du monde des insectes ou de nous inspirer des créatures du fond des mers.

Vous êtes donc restés dans le domaine de l’humain…

Oui, ces créatures sont proches de l’humain, tout en étant très étrangement mutantes.

Quelles sont les approches initiales que vous avez soumises au réalisateur ? Aviez-vous conçu différents « niveaux » de mutations ?

Oui, c’est effectivement comme cela que nous avons procédé. Sans révéler l’histoire et les détails de l’intrigue, il y a certaines créatures qui sont plus déformées que d’autres. Ainsi, quand les personnages principaux explorent certaines parties plus profondes du vaisseau spatial, ils découvrent qu’il existe un autre groupe de créatures, une colonie qui est encore plus difforme. Et pour créer ces monstres, nous avons du fabriquer des masques et concevoir des images grotesques, et de nombreux types de corps différents les uns des autres. Je crois que nous avons créé à cet effet cinq créatures principales avec des prothèses de « niveau A », que nous avons utilisé des séries de prothèses ajustables de « niveau B » pour les autres, et des masques de « niveau C » pour les personnages placés à l’arrière-plan. C’est ainsi que nous avons pu peupler cet endroit avec de nombreuses créatures.

C’est une approche du maquillage très similaire à ce qui avait été fait sur la série des films de La Planète des Singes…

Oui, tout à fait. Nous étions obligés de procéder ainsi, parce que nous n’avions pas assez de personnel, ni assez de temps et de matériaux à disposition pour fabriquer autant de maquillages de « niveau A ». Notre objectif était d’obtenir des images très efficaces et très spectaculaires tout en travaillant à une échelle réduite. Mais au final, on a l’impression de voir des scènes réalisées avec de gros moyens.

Quelles sont les matières que vous avez employées pour fabriquer les prothèses A et B, et les masques de « niveau C » ?

Les prothèses de « niveau A » étaient réalisées en silicone et détaillées avec beaucoup de soin. Pendant le tournage des scènes d’action, nous utilisions les prothèses de « niveau B » qui étaient fabriquées en mousse de latex plus solide, et pour les personnages d’arrière-plan, nous avons utilisé de simples masques en latex et des pièces en plastique thermoformé.

Avez-vous abandonné certains concepts de maquillage, certaines idées ?

Pas vraiment. Une fois que Christian a choisi ce qu’il aimait, nous avons retravaillé les designs et avons construit les prothèses et les masques. Nous avons tout envoyé à Berlin, puis installé un petit atelier sur place pour pouvoir commencer à travailler sur le film dans la foulée.

Le film étant tourné à Berlin, comment avez-vous procédé pour créer les maquillages ? Avez-vous moulé les visages des acteurs à Los Angeles, et fabriqué les prothèses sur place, avant de les envoyer à Berlin ?

Nos collègues nous ont envoyé des moulages des têtes des acteurs allemands. Un de mes collègues et moi-même étions en train de travailler à Prague sur les effets des tenues accélératrices de G.I. Joe, Le Réveil du Cobra. Nous avons pris un avion pour aller à Berlin, et avons moulé le visage d’André Hennicke, l’acteur allemand qui joue Heflin, la créature principale. Nous avons réalisé un positif à partir de ce moulage et l’avons envoyé au studio, à Los Angeles. Nous avons également monté une équipe en Allemagne. Birger Laube, qui est un maquilleur allemand qui travaille à Berlin, a réalisé les autres moulages pour nous et nous les a envoyés à Los Angeles. Ensuite, nous avons tout construit à Los Angeles et tout renvoyé à Berlin, aux studios de Babelsberg ! Et quand nous étions sur place pour le tournage, nos collègues de Los Angeles nous envoyaient constamment des matériaux de maquillage et des prothèses fraîchement fabriquées. Pratiquement tous les jours ! Ces envois ont nécessité une organisation assez importante.

De combien de personnes était composée votre propre équipe, à Los Angeles et ensuite, à Berlin ?

Je crois que nous étions environ trente personnes à Los Angeles, et ensuite une quinzaine à Berlin.

Combien de créatures avez-vous produites au total ?

Je crois que nous avons dû nous approcher de la centaine de créatures, certains jours. Notamment lorsque nous tournions les scènes qui se situent vers la fin du film, quand on découvre la foule de la colonie.

Le plan de la créature à l’aspect enfantin que l’on voit dans la bande-annonce, et qui est dotée d’yeux noirs semblables à ceux des araignées, est à la fois très effrayant et très dérangeant. La ressemblance avec des yeux d’araignée est-elle intentionnelle ?

Nous avions initialement conçu cette petite créature avec un design différent. La créature ne devait pas avoir ces yeux noirs, son regard devait ressembler à celui d’une personne ayant des tumeurs cancéreuses. J’imagine qu’au moment où la production a vu cela, elle a pris la décision de changer ce look et d’ajouter des yeux noirs en post-production, en ayant recours à des effets numériques. J’espère que cela fonctionne. Quelquefois, quand vous créez un maquillage pour qu’il soit complété par des effets numériques , comme c’était le cas de celui-ci, les choses changent un peu en cours de route sans que vous soyez tenu au courant. Je devine que ce changement vient probablement d’une idée de Christian.

Quel âge avait l’enfant qui portait ce maquillage ?

Il s’agit de la fille du réalisateur ! Son nom est Luna, et je crois qu’elle devait avoir onze ou douze ans au moment du tournage.

Quelles sont les difficultés que vous avez du résoudre pour appliquer un tel maquillage sur une actrice aussi jeune ? Devait-elle porter des lentilles sclérales, qui recouvraient entièrement ses yeux ?

Non, la partie des prothèses située autour des yeux était amovible, et les yeux eux-mêmes étaient ouverts, puisqu’ils étaient conçus pour être animés numériquement, par la suite. Luna avait aussi une doublure, une fille ravissante originaire de Mexico, qu’ils ont fait venir par avion de là-bas. Elle est cascadeuse et elle mesure la même taille que Luna. Nous avons donc tourné certains des plans larges avec elle, en tant que doublure cascade. Mais tous les gros plans ont été tournés avec la fille de Christian, et elle s’est très bien débrouillée. Elle n’avait jamais été maquillée avec des prothèses auparavant, n’avait jamais eu des choses de ce genre collées sur son visage, mais elle a très bien joué son rôle et a même réussi à nous donner des frissons ! Elle était vraiment très inquiétante. Luna a beaucoup aimé rester dans la peau du personnage pendant toute cette journée de tournage. De toute évidence, elle était ravie d’être ainsi transformée en créature…Elle portait aussi des fausses dents, en plus des prothèses.

Quels sont les maquillages de Pandorum qui ont été les plus complexes à réaliser et pourquoi ?

En fait, tous les maquillages ont été complexes, parce que les prothèses, et tout particulièrement celles réalisées en silicone, sont des éléments délicats. Nous devions tourner de nombreuses scènes d’action, au cours desquelles les gens se poursuivent et se combattent, et passer d’un plateau de tournage où la chaleur était accablante à un plateau où il faisait froid. Et nous devions travailler 12 à 15 heures pratiquement chaque jour. C’est la maintenance des maquillages qui nous causait le plus de travail, en dehors de la préparation de chaque créature pour qu’elle soit prête au moment voulu, chaque jour. Lindsay MacGowan préparait toutes les prothèses pour nous à Los Angeles, et nous les envoyait à Berlin, et de ce fait, nous étions constamment en train d’attendre que ses paquets arrivent, afin que nous puissions les utiliser pendant les jours suivants. Nous croisions les doigts pour qu’il n’y ait aucun problème d’acheminement des paquets, afin de rester à jour au niveau de notre stock de prothèses à poser. Les films qui sont tournés hors des Etats Unis posent ce genre de problèmes. Vous êtes contraint de dépendre de la poste, et de la bonne livraison des éléments dont vous avez besoin.

En dehors des créatures, quels autres effets avez-vous réalisés pour le film ?

Nous avons fabriqué certaines des victimes. Comme vous l’imaginez, au cours du film, il y a des victimes horriblement mutilées. Il y a un effet dont nous sommes particulièrement fiers, et que nous avons réalisé sur un acteur qui joue un des membres de l’équipage qui est attaqué par les créatures. Nous avons fabriqué une grande prothèse en silicone et l’avons appliquée sur son cou. En un seul plan, on voit les créatures happer un gros morceau de son cou, le sang jaillir et la blessure s’ouvrir. Tout cela a été filmé en une seule prise et sous une pluie battante. La préparation de cet effet a été très excitante et nous nous sommes beaucoup amusés à le préparer. Nous avons également fabriqué un double en silicone d’un de nos partenaires de Legacy Effects, Alan Scott. Son cadavre apparaît au milieu d’autres dépouilles, suspendues dans un des couloirs du vaisseau ! C’est ainsi qu’il « joue » dans le film ! Nous avons aussi fabriqué des corps momifiés et un effet intéressant pour le personnage que joue Ben Foster. Il s’agit d’une sorte de tuyau qui se déplace sous la peau de son bras, lorsqu’il sort de son hibernation artificielle. Dans le film, on le voit tirer sur des choses qui sont branchées sur ses artères. Nous avons fabriqué une réplique de son bras en silicone, en créant une sorte de petit tunnel sous la peau, à l’intérieur duquel nous avons pu faire coulisser un élément qui nous a permis de simuler l’effet du tuyau que l’on extrait de la chair. Je suis très content du résultat final. Ça rend vraiment bien à l’image. Nous avons donc produit des tas de choses intéressantes en plus des effets des créatures. C’était complexe à réaliser, mais très amusant aussi. J’adore avoir à inventer des choses de ce genre sur le plateau, alors que ce n’était pas prévu à l’avance.

Avez-vous aussi fabriqué des statuettes des créatures, afin qu’elles soient scannées par l’équipe des effets numériques ?

Non, mais nous avons envoyé des diagrammes et des dessins conceptuels à la société qui s’est occupée des effets digitaux, et nous espérons que ses équipes ont bien suivi nos indications lorsqu’elles ont créé les éléments 3D ajoutés aux maquillages. J’ai vraiment hâte de voir le film. Je crois que Pandorum sera un film très excitant, et nous sommes tous très fiers d’avoir contribué à sa création.

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