Dossier Avatar : Entretien exclusif avec Sigourney Weaver (le Docteur Grace Augustine) – troisième partie
Article Cinéma du Lundi 12 Avril 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Combien de temps votre personnage apparaît-il sous sa forme d’avatar ?

Pendant à peu près la moitié de son temps de présence à l’image dans le film.

Est-ce que les personnages participent à beaucoup de scènes d’action ?

Je dirais que la plupart des scènes d’action ont lieu pendant que Neytiri apprend à Jake comment faire tout ce que font les Na’vis, c’est à dire comment se déplacer dans la forêt sans se faire remarquer par les prédateurs les plus dangereux, comment chasser, comment voler sur le dos d’une Banshee, etc. Quand Grace entre en contact avec les Na’vis, elle joue un autre rôle. Et ces deux aspects de l’histoire sont complémentaires et très satisfaisants.

Partagez-vous la fascination de James Cameron pour l’espace et pour l’exploration ?

Oui, je crois que je peux dire cela. Mon père était un expert en astronomie et j’avais appelé mon chien Vénus par référence à la planète ! J’avais l’habitude d’imaginer des histoires qui se passaient dans l’espace, mais je n’ai jamais été une de ces personnes qui sont des fans de littérature de Science Fiction. Les quelques romans que j’ai lu dans ce registre m’ont paru froids et un peu trop « cérébraux ». Je viens de louer un classique des années 50, Les mines du roi Salomon, avec Stewart Granger et Deborah Kerr. Je n’avais jamais eu l’occasion de le voir, et je l’ai adoré. C’est un bon vieux récit d’aventure avec des personnages passionnants et du suspense. Et quand je pense à Avatar, je suis entièrement d’accord avec Jim, quand il dit que c’est un film qu’il avait envie de voir quand il avait 14 ans. Moi aussi, j’aurais adoré voir le film à cet âge-là. Et aujourd’hui qu’il existe, je me sens particulièrement chanceuse de participer à cette grande aventure qui va vraiment vous faire oublier qui vous êtes, et vous entraîner dans un autre monde avec une telle intensité que vous allez avoir l’impression de respirer l’air de Pandora. Le film vous saisit complètement. Je n’ai jamais éprouvé une telle impression au cinéma.

Comment vous a t’on proposé le rôle ?

Jim m’a téléphoné. Il m’a dit « Je voudrais que tu joues ce rôle, et je t’envoie le script. J’avais suivi le travail qu’il avait fait sur ses documentaires, ses tournages dans les grands fonds et je trouvais cela passionnant. J’étais évidemment très heureuse qu’il m’ait choisie pour jouer Grace. Comme nous l’évoquions auparavant, c’était un personnage conçu pour être incarné par un homme, mais le fait de l’avoir transformé en femme est tout à fait justifié. J’ai du mal à imaginer un acteur tenant ce rôle, à présent. Grace est un personnage très instinctif, et dont le comportement devient très maternel à la fin de l’histoire. Mais pour revenir à notre premier contact à propos du projet, oui, c’est Jim qui m’a appelé. Nous étions restés en contact depuis Aliens, et il avait eu la grande gentillesse de participer à la cérémonie de l’inauguration de mon étoile sur  le « Hollywood Walk of Fame » de Hollywood Boulevard. Il avait même écrit et prononcé un discours à cette occasion. Nous nous sommes également revus de temps en temps. Je me suis toujours sentie très proche de Jim. C’est une personne merveilleuse avec laquelle j’avais envie de travailler à nouveau. Je savais que si j’avais la chance que cela se produise, il m’entraînerait dans un univers où je n’avais jamais eu l’occasion d’aller. Et Avatar a été particulièrement passionnant à faire. Quand nous avons commencé à travailler sur le film, c’était comme si notre dernier tournage avait eu lieu l’année dernière, comme si nous reprenions une conversation brièvement interrompue.

Avez-vous utilisé des références en dehors du script pour composer votre personnage ?

Pas vraiment. Mais je me suis quelquefois inspirée de Jim, parce qu’il est perfectionniste. Il est totalement impliqué dans son travail, et peut être furieux quand quelque chose ne marche pas comme c’était prévu, mais cela ne l’empêche pas d’être chaleureux et d’avoir bon cœur. Mais il m’est arrivé de jouer en agissant comme il l’aurait fait, notamment en ce qui concerne le « rythme de fonctionnement » de Grace. Jim peut sembler décontracté, mais il est toujours en train de faire avancer des travaux en cours, toujours en train de réfléchir à quelque chose. Son esprit n’est jamais vraiment au repos. Je peux dire que les choses que j’ai empruntées à Jim ne sont pas des traits de sa personnalité, mais plutôt le rythme soutenu qu’il s’impose dans son travail.

Vous avait-on donné beaucoup d’informations sur le monde de Pandora, en dehors de celles qui figuraient dans le scénario ?

Nous nous sommes rendus à Hawaï et j’ai travaillé aux côtés d’un botaniste. J’ai appris à prélever des échantillons de plantes, mais il a tout de même fallu que nous improvisions certaines choses, étant donné que l’action du film se déroule sur une autre planète. Au cours de ses expéditions dans la jungle, Grace emporte avec elle des appareils pour analyser l’air, pour mesurer les différents gazs qui le composent, et faire d’autres tests. Il y a donc un aspect scientifique dans le film, qui a été traité très sérieusement. Nous ne l’utilisons que de manière subtile, mais cette partie du récit est restée intacte dans le film, comme j’ai pu le constater en assistant à la projection. Je crois qu’un personnage comme Grace pourra être une source d’inspiration, particulièrement pour les jeunes filles. Les choses se sont arrangées à présent, mais pendant longtemps, on a inculqué aux filles l’idée que les métiers scientifiques n’étaient pas faits pour elles, qu’elles n’était pas douées pour comprendre la science. Mais pour revenir au script, beaucoup de choses qui concernaient Grace étaient ouvertes . J’ai travaillé avec plusieurs botanistes, mais j’ai surtout lu et relu le script pour réfléchir au personnage. Grace est très particulière, vous savez. Elle me rappelle des gens comme Dian Fossey, qui sont tellement focalisés sur leur but principal qu’ils ne font pas vraiment attention à quoi que ce soit ni qui que soit d’autre. C’est pour cette raison que des choses nouvelles se passent dans la vie de Grace quand Jake arrive et quand il parvient à unifier le peuple Na’vi et à faire en sorte que l’on puisse rassembler les différents clans.

Diriez-vous que l’un des thèmes du film est l’environnement et ce qui est en train d’arriver à notre planète ?

Je crois que la cupidité, qui est l’un des personnages de notre histoire, joue un rôle majeur dans notre monde actuel. Nous savons tous qu’elle est à l’origine de la crise économique que nous traversons, et qu’elle est omniprésente, au moins aux Etats-Unis, dans le monde de Wall Street, et dans les agissements de quelqu’un comme Bernie Madoff. De manière générale, la cupidité est à l’origine des agissements de beaucoup de gens sur cette planète. Ce qui peut nous amener à réfléchir à la véritable importance des choses. Au fond, qu’est-ce qui compte vraiment ? En quels termes mesure t’on le bonheur ? Ce que Jim nous a dit auparavant, c’est que la Science Fiction existe pour que les humains puissent découvrir par eux-mêmes ce que c’est que d’être un humain, quelle est notre relation avec l’univers, et ce qui est vraiment essentiel dans nos vies. Tous les thèmes que l’on trouve dans l’histoire d’Avatar sont devenus des questions capitales depuis que nous avons tourné le film, et je crois qu’ils sont beaucoup plus présents qu’avant dans nos esprits. Je ne pense pas que le film assène un message aux spectateurs pour autant. Stephen Lang, qui incarne le Colonel Quaritch, parvient à le rendre attirant, au moins à certains moments du film. Dans certaines scènes, sa façon d’agir le rend même assez merveilleux. Mais sur cette planète, sur cette lune qu’est Pandora, les aliens, ce sont les humains. Et vous savez, je crois que cette idée en dit beaucoup sur notre propre monde, sans vouloir faire passer un message. Avatar présente des gens qui font confiance à la nature, qui la comprennent, qui sont connectés les uns avec les autres et qui ont aussi un lien particulier avec les animaux. Il y a beaucoup d’idées développées dans cette histoire, mais ce n’est pas pour autant un film à message. C’est un divertissement très riche dans lequel vous trouverez une histoire d’amour, des scènes de comédie, beaucoup d’action, et un enjeu si important qu’il incite les personnages à risquer leurs vies. Je crois que cette histoire arrive au bon moment et qu’elle incitera les spectateurs à réfléchir aux thèmes que nous abordons, mais cela n’interférera en rien avec le plaisir qu’ils éprouveront à découvrir le film dans les salles. Les gens n’auront pas le temps de réfléchir pendant le film, parce qu’ils seront entraînés par les événements à une telle allure qu’ils auront l’impression de se trouver dans une montagne russe !

Vous avez joué dans des films de Science Fiction vraiment inoubliables…

Je me fie à la qualité du script. J’ai tourné dans les quatre films de la série Alien, et dans Galaxy Quest, mais comme dans tous les genres, il faut d’abord trouver le bon script. Je crois que ce sont surtout les très bons scripts de comédie qui sont les plus rares. Et ceux de Science Fiction aussi. C’est d’abord la qualité du script qui motive mon choix, quel que soit le rôle que l’on me propose de jouer dedans, et quel que soit le genre du film. C’est ce qui m’a permis de jouer des rôles très variés, sans faire de plans de carrière très précis. Et c’est ce qui me plaît.

Comment décririez-vous Avatar à quelqu’un qui ne l’a pas vu ?

Je crois que dès que vous allez vous asseoir dans le fauteuil de la salle de cinéma, vous allez être entraîné très très loin. Il me semble que c’est un sentiment que nous aimons tous. Il y a tellement de choses dramatiques qui se passent dans le monde en ce moment… Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’adore qu’un film m’emmène ailleurs et me fasse oublier toutes mes préoccupations. C’est ce que l’on éprouvait en allant voir un film de David Lean. Dès que vous vous retrouviez dans votre fauteuil et que la musique commençait, vous saviez que quelqu’un allait s’occuper de vous et vous prendre par la main pour vous entraîner ailleurs. C’est exactement ce que j’ai ressenti en voyant Avatar. Jim a pensé à tout et c’est absolument magique. J’ai toujours su qu’il parviendrait à atteindre ce but, et je suis heureuse de voir que c’est fait.

Que pensez-vous des films en relief, en général, et de la manière dont James Cameron l’a utilisé dans Avatar ?

En ce qui me concerne, ce qui était le summum de la Science Fiction dans ce film, c’est la manière dont nous l’avons tourné, avec le système de capture de performance. Sur le point précis de la 3-D Relief, Jim a aussi imaginé de nouveaux équipements, qui placent Avatar nettement au-dessus de ce qui se fait d’habitude. Je n’ai vu que quelques films en relief, et bien souvent, j’ai trouvé que les effets 3-D étaient réduits à des gags qui vous détournaient de l’action. Ce n’est absolument pas le cas dans Avatar. Quand vous voyez une scène toute simple avec deux ou trois personnes qui parlent, la sensation de relief est parfaitement naturelle, rien ne vous choque ou ne vous semble artificiel. C’est un peu comme si vous aviez le meilleur siège dans le décor où se déroule l’action ! Je trouve que c’est une réussite assez exceptionnelle. Jim s’était fixé un but et il l’a pleinement atteint. Au départ, Avatar était un projet qui semblait vraiment impossible à réaliser. Et je dois dire que quand j’ai vu le film pour la première fois, en août dernier, j’ai été très émue de voir que Jim avait réussi à atteindre tous ses objectifs. Je ne l’ai vu qu’en 2D à ce moment-là, comme je vous le disais tout à l’heure, et c’était déjà suffisant pour moi, c’était déjà un spectacle exceptionnel sous cette forme. Je lui tire vraiment mon chapeau. Ce qu’il a accompli est tout simplement remarquable.

Aimeriez-vous participer à la suite d’Avatar ?

Je n’ai pas le droit d’en parler dans les détails, mais ce que je peux vous dire, c’est que désormais, Grace est dans l’arbre…Ce qui ne voudra rien dire pour les gens qui n’ont pas vu le film, et c’est très bien comme ça ! (rires) Par contre, ce que je peux vous dire, c’est que Jim n’a pas de projet précis pour l’instant. Tout ce qui compte pour lui, c’est d’offrir aux spectateurs cette aventure qu’il avait lui-même envie de voir quand il avait 14 ans. Cette grande saga épique d’aventure, d’amour, et de découvertes.

Pour conclure, pouvez-vous nous dire si vous participerez au nouvel épisode de SOS Fantômes qui se prépare actuellement ?

Je sais que ce sont de jeunes auteurs qui collaborent à la série The Office qui écrivent SOS Fantômes 3. Je crois que Bill Murray va jouer dans le film, et tous les acteurs des films originaux souhaitent le meilleur à ce projet. Je crois que l’histoire concerne une nouvelle génération de chasseurs de fantômes. Je n’imagine pas vraiment ce que je pourrais faire dans cette histoire. J’ai suggéré à Ivan Reitman que mon fils Oscar, que l’on a vu dans le second épisode, pourrait faire partie de la nouvelle équipe. Je trouverais ça amusant. Je ne pense pas que je ferai partie de ce nouvel épisode, mais en tous cas, je leur souhaite bonne chance.

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