Dossier AVATAR - Exclusif : Entretien avec Zoe Saldana (Neytiri) - Troisième partie
Article Cinéma du Dimanche 23 Mai 2010

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment êtes-vous redevenue Zoe après être devenue Neytiri ?

Il suffit de rentrer chez soi, de prendre une bonne douche et d’enfiler une paire de jeans. Mais j’ai tout de même éprouvé une sensation de manque à la fin du tournage, semblable à celle que les réalisateurs et les metteurs en scène de théâtre doivent ressentir. Vous créez quelque chose et vous vous impliquez tellement dedans que vous avez l’impression d’avoir donné naissance à un enfant dont vous êtes contrainte de vous séparer. Mais j’ai été très heureuse de pouvoir voir Neytiri pendant le tournage. C’était assez étourdissant. C’est quand j’ai vu le film pour la première fois que j’ai eu le plus de vague à l’âme. Je voyais Neytiri et je reconnaissais mon visage et mes expressions, tandis qu’à d’autres moments, j’étais tellement happée par l’histoire que je voyais un personnage totalement indépendant de moi. Nous avons tous travaillé dans un esprit de communion si intense pendant un an et demi que Sam et moi avons pris l’habitude de nous revoir pour en parler. Nous nous disions « Bon sang, c’est fini à présent ! » Nous avons eu l’impression de vivre dans un merveilleux magasin de jouets pendant un an et demi, en nous amusant comme des fous. Et le seul film qui me donne ce sentiment, c’est BIG, avec Tom Hanks. Nous jouions et c’était absolument merveilleux.

Pendant combien de jours avez-vous tourné ?

Eh bien, j’ai terminé mon dernier plan de raccord à la fin juin 2009. Nous avions commencé à tourner en février/mars 2007 et nous n’avons pas arrêté jusqu’à Noël 2008.

Aviez-vous sous-estimé le temps de réalisation du projet ? Avez-vous été surprise ?

Non, car je n’ai jamais pensé à AVATAR en ces termes. Nous faisions partie d’un projet radicalement nouveau, unique, et différent de tout ce qui a été fait auparavant, et en plus, nous tournions avec James Cameron ! Dans de telles conditions, vous ne considérez pas que le film doit être réalisé comme d’autres films. Vous ne vous préoccupez même pas de savoir si le film va bien marcher. Le simple fait d’y participer est déjà un triomphe en soi, et c’est tout ce qui compte.

Quel est le film de James Cameron que vous préférez ?

Je dirais TERMINATOR, à cause de Sarah Connor.

Vous avez joué dans deux des plus gros blockbusters de 2009, STAR TREK  et AVATAR. Que ressentez-vous en pensant à cela ?

J’ai pleinement conscience de ma chance, car pour une actrice, il est rare d’avoir l’opportunité de jouer deux rôles d’une telle qualité l’un après l’autre, et de travailler avec des réalisateurs aussi talentueux. JJ Abrams et James Cameron savent tous deux écrire des rôles formidables pour des femmes, et c’est rare à Hollywood. Dans la plupart des films américains que je vois, je trouve que les rôles de femmes sont assez stéréotypés. Ils ne reflètent pas vraiment les personnalités des femmes que je connais dans la vraie vie, et qui font partie de ma famille, de mes amis ou des gens avec lesquels je travaille. Collaborer avec le créateur de Sarah Connor, et avec celui qui a fait d’Ellen Ripley une baroudeuse redoutable au combat dans ALIENS, c’était avoir l’assurance d’être entre les meilleures mains que l’on puisse imaginer. JJ est lui aussi fantastique. Et tous les deux n’hésitent pas à utiliser le côté fragile et féminin de leur personnalité. C’est ce qui leur permet de créer des personnages plus complexes et qui échappent aux clichés. D’ailleurs, James a beaucoup aimé STAR TREK, et l’a fait savoir à JJ.

Revenons au procédé de capture de performance…James Cameron s’est appuyé sur le travail réalisé par Peter Jackson et Robert Zemeckis pour pousser cette technique encore plus loin. Comment ces progrès ont-ils été intégrés à sa mise en scène, et à son travail avec les acteurs ?

Jim voulait bénéficier de la même intimité avec ses acteurs que pendant un tournage « classique ». Il ne voulait surtout pas être contraint à nous donner ses indications à distance, isolé derrière une batterie de moniteurs et d’équipements par peur de bloquer le point de vue des caméras de captures de performance s’il s’aventurait sur le plateau. Le système a été conçu pour lui permettre de nous diriger pendant que nous jouions. Dans certains cas, Jim était tout prêt de moi et nous travaillions alors comme si nous étions seuls sur le plateau, sans gêner en rien l’enregistrement des expressions et des mouvements. Comme Jim ne portait ni une tenue spéciale, ni une caméra pour filmer son visage, il était en quelque sorte « invisible » quand il venait à nos côtés. Nous appelions d’ailleurs le plateau « le volume », car c’est en fait un espace délimité dans lequel nous pouvons être enregistrés en trois dimensions sous tous les angles en même temps. « L’invisibilité » de Jim est un des avantages de cette technique, car c’est bien évidemment impossible de travailler ainsi sur un tournage classique, à moins de tourner un très gros plan, avec le réalisateur placé juste à côté de la caméra.

Et pour vous, que ressentiez-vous en jouant, tout en vous voyant immédiatement transformée en Neytiri sur les écrans disposés sur le plateau ?

C’était fascinant, parce que c’était comme si on validait immédiatement en image la vision mentale de la scène que nous nous étions construite. Nous pouvions ajuster nos mouvements en fonctions des éléments de décor qui étaient également représentés en 3D. Mais il y avait des accessoires simples sur le plateau pour nous faciliter la tâche, notamment quand nous devions faire semblant de traverser la jungle très dense de Pandora. Les troncs d’arbres et les grandes tiges de bambou était figurés par ces longues tiges de mousse plastique que l’on utilise dans les piscines, et avec lesquelles les enfants s’amusent. Concernant mon personnage, les seules choses qui n’apparaissaient pas en temps réel sur les images de synthèse, c’étaient les mouvements des doigts – parce qu’ils sont trop compliqués à capturer, et doivent être reconstitués ensuite par les animateurs – et les mouvements de langue. Mais on voyait tout le reste en gros plan : les lèvres, les dents, les expressions.

Vous avez débuté au théâtre et vous êtes apparue dans deux blockbusters de SF. Avez-vous le sentiment d’abandonner quelque chose en délaissant la scène ?

Non, pas du tout. Je crois que c’est justement mon expérience théâtrale qui m’a permis d’accomplir tout ce que je devais faire dans AVATAR. Jouer pour la capture de performance ressemble beaucoup à une répétition théâtrale. On n’a pas besoin de revêtir un costume élaboré, ni de se maquiller. On enfile juste la tenue de capture, on pose le casque avec la caméra sur sa tête, et après qu’on vous ait dessiné quelques points verts sur le visage, vous êtes prêts à tourner. C’est très rapide, et vous pouvez vous concentrer uniquement sur votre jeu et sur les indications que vous donne le réalisateur. De plus, comme les prises sont enregistrées sous tous les angles en même temps, Jim n’avait pas besoin de filmer les plans de raccord ou les contre-champs avec nous, après avoir tourné le plan principal. Il y avait un début un milieu et une fin dans chaque scène que nous jouions, et nous avons même pu tourner dans un ordre semi-chronologique, parce que Jim travaillait parallèlement sur le montage de chaque scène avant de l’envoyer à Weta, en Nouvelle-Zélande. Rien n’était traditionnel dans la manière dont ce film a été tourné. C’était quelquefois un peu effrayant pour nous, car nous avions du mal à suivre ce qui se passait. Il a fallu que nous apprenions à nous servir du système en même temps que Jim, mais c’était une expérience extraordinaire. Comme si nous retournions tous à l’école ! Une fois que le système et les équipements sont prêts, vous restez seuls avec le réalisateur, et vous travaillez intensément sur votre personnage. C’était un environnement d’imagination sans limite, puisque nous n’avions pratiquement pas d’accessoires sur le plateau. Tout était dans nos têtes. Nous n’avions plus qu’à jouer, guidés par Jim qui avait fait un travail préparatoire incroyable. Pour Sam et moi, AVATAR a été d’abord un entraînement intensif, puis un tournage où nous jouions en étant extrêmement concentrés et en donnant tout ce que nous avions dans nos tripes. Il a fallu se battre avec Jim, pour lui donner exactement ce qu’il voulait. Je me répète, mais cela a vraiment été une expérience de deux ans absolument unique.

Quels ont été les meilleurs moments que vous avez vécus pendant ces deux tournages ?

Sans hésiter, la joie de travailler avec des réalisateurs de grand talent. Je n’ai besoin de rien d’autre pour me sentir parfaitement heureuse.

Votre personnage change beaucoup au cours du film…

Oui, et celui de Sam également. Leur rencontre a un tel impact sur eux qu’ils ne peuvent pas continuer à penser et à agir comme avant. Jim sait écrire de très belles histoires d’amour, et celle-ci va rester dans les cœurs des spectateurs tout comme celle de TITANIC. Jake et Neytiri étaient destinés à se rencontrer, parce que tout autour d’eux les poussait à ce que leurs chemins se croisent. Une fois qu’ils se sont trouvés, ils vont changer le monde, et c’est une très belle histoire.

Quels sont vos projets futurs ?

J’ai des cicatrices un peu partout sur les jambes, parce que je viens de terminer le tournage d’un film d’action qui s’intitule THE LOSERS, dans lequel j’ai fait presque toutes mes cascades moi-même. Nous avons d’ailleurs travaillé avec le même superviseur des cascades que sur AVATAR. Après, je vais sans doute chercher un sujet plus dramatique, focalisé sur l’évolution des personnages, pour changer un peu de registre. Mais peu après, je serai ravie de me retrouver avec des armes dans chaque main, suspendue à des câbles pour tourner des scènes spectaculaires. (rires) J’adore tourner des scènes d’action bien conçues, ou vous jouez des choses intéressantes, tout en ayant des cascades très physiques à faire. L’esprit et le corps fonctionnent au diapason, et c’est très agréable.

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