Exclusif : Entretien avec Theo Kalomirakis, pionnier & magicien des Home Theaters - Troisième Partie
Article DVD Blu-Ray du Mardi 31 Aout 2010

Retrouvez la seconde partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous créez aussi des illusions frappantes, comme dans l’installation TUSCANY où l’on entre dans la salle en passant sous un toit assez bas, pour émerger sous un faux ciel nocturne aux étoiles scintillantes, sur une place de village italien. La différence de volumes renforce l’illusion du ciel ouvert…

Exactement. Le toit surbaissé m’a permis aussi de dissimuler le projecteur vidéo. Je suis en train de créer un autre décor de village italien encore plus grand dans une résidence située en Californie. Je suis allé en repérages à Sienne, et j’ai créé une place de village complète avec des décors qui représentent une pizzeria, un restaurant, un club de jazz et la façade du cinéma. Il y a même une fontaine qui marche vraiment au centre de la place !  Je prépare aussi un village des caraïbes dans le même esprit. A chaque fois que nous créons des décors exotiques de ce genre, je m’amuse beaucoup.

Vous avez créé beaucoup de décors qui évoquent les merveilleux « palaces du cinéma », ces grandes salles du début de siècle qui étaient richement ornementées, avec des colonnes, des bas-reliefs, des lustres, etc…

Oui, mais je dois dire qu’à force de faire des dizaines et des dizaines de salles dans cet esprit-là au début de ma carrière, j’ai fini par m’en lasser. Mon goût personnel me pousse plutôt vers le modernisme. Dans ma maison, mon Home Theater actuel est une sorte de grande boite blanche complètement épurée. Je n’avais pas envie d’avoir chez moi un décor trop typé. J’adore en concevoir, et je me passionne pour chacun de mes projets quand je travaille dessus, mais quand je rentre chez moi, j’ai besoin d’un espace neutre. Je pense que c’est une sorte de déformation professionnelle ! (rires)

Est-ce la seule raison, ou est-ce que le style contemporain vous offre de nouveaux défis à relever ?

Il me donne en effet l’occasion d’affronter de nouveaux problèmes passionnants. Il faut réussir à intégrer parfaitement une salle dans l’environnement moderne d’une maison, pour en faire la continuité de l’esprit des lieux. Mais je crois que l’on me demandera toujours de faire des décors traditionnels dans l’esprit des palaces du cinéma du début du siècle ou des salles des années 50 et 60, parce que les gens aiment ces atmosphères rétro. Elles ont un aspect familier et rassurant. Aux Etats-Unis, la plupart des maisons sont décorées de manière très traditionnelle, ce qui explique que la plupart de nos clients ont le réflexe d’aller vers des thèmes du passé.

Le soin que vous apportez aux détails de vos décors thématisés est remarquable. Vous est-il déjà arrivé de choisir vous-même des accessoires en vous promenant dans des brocantes, ou d’acheter des éléments d’époque ?

Oui, quelquefois, quand je recherche quelque chose de très précis, il m’arrive de le faire, ou de commander des accessoires spécifiques à un antiquaire à l’autre bout du pays. Par contre, quand un client achète des accessoires qui viennent d’une vraie salle de cinéma qui a été détruite, et tient à les intégrer dans le décor, je suis confronté à un problème quasi-insoluble : celui de l’échelle. Quand je crée un décor, je joue sur des échelles réduites pour donner l’impression que la salle est bien plus grande qu’elle ne l’est vraiment. Or, si j’essaie d’intégrer des éléments de taille réelle dans mes effets de perspectives, l’illusion est ruinée…Je viens de réaliser une salle à base d’éléments récupérés dans un vieux cinéma, et je peux vous dire que cela a été l’un des projets les plus complexes que j’aie réalisé ces dernières années. C’était un puzzle, un vrai casse-tête… Il aurait été bien plus simple de tout recréer.

Comment vos techniques de design ont-elles évolué au fil du temps ? Est-ce que la technologie d’aujourd’hui vous permet de faire des choses que vous ne pouviez pas réaliser auparavant ? Le matériel technique est plus compact et des sources d’éclairage nouvelles comme les leds vous permettent sans doute de créer de nouveaux effets…

Le progrès le plus appréciable en matière de technologie, qui nous a permis de jouir d’une plus grande liberté de design, c’est l’apparition des projecteurs vidéo avec la technologie DLP. Avant cela, on était obligé d’utiliser ces énormes projecteurs à trois lentilles qu’il fallait placer au centre de la pièce, et qui étaient aussi horribles que difficiles à dissimuler. L’apparition des projecteurs DLP que l’on pouvait placer à l’arrière de la salle a été une vraie bénédiction. Dans le domaine des haut-parleurs aussi, de grands progrès ont été accomplis. On peut très bien se passer des modèles en forme de colonnes désormais, et dissimuler les haut-parleurs dans les murs. Ils sont parfaitement camouflés, et le son est formidable. Dans le domaine de l’éclairage, les fibres optiques et les Leds sont des sources lumineuses précieuses, car elles ont une très grande durée de vie, ne chauffent pas, et permettent de multiplier les points de lumière dans un décor.

Comment organisez-vous votre travail au jour le jour ? Supervisez-vous plusieurs projets en même temps, ou préférez-vous vous focaliser sur un seul ?

Je n’ai hélas plus le temps de créer un home theater de A à Z moi-même. Je collabore avec une équipe de dessinateurs, de designers et d’architectes, et je supervise leur travail en donnant l’impulsion de départ. Mais l’essentiel de notre prestation ne concerne pas l’exécution du design en lui-même : ce qui prend le plus de temps, c’est de s’occuper des clients, d’être à leur écoute, puis de leur « tenir leur main » pendant que le projet se construit. Il faut aussi répondre aux questions des entrepreneurs pendant que le chantier avance, trouver des solutions lorsque la salle doit être modifiée après-coup, à la suite d’autres travaux. Les jours où je pouvais travailler toute la journée devant mon ordinateur sont loin !  Il m’arrive encore de m’investir personnellement sur le design de projets très particuliers, de temps en temps. Dans ces cas-là, je travaille pendant deux ou trois jours chez moi, et je reviens au bureau pour donner mes designs à mes architectes, qui s’occupent ensuite de finir le projet. C’est la rançon du succès, quand une société a autant de travail que la nôtre, on travaille de moins en moins en tant qu’artiste, et on agit surtout comme chef d’équipe.

Quels sont les projets à venir qui vous passionnent le plus ?

Nous venons de terminer un Home Theater à Las Vegas qui est exceptionnel. Il y a plus de 13m de hauteur sous plafond et la décoration est inspirée de la salle du cinéma Paramount d’Oakland, en Californie. Les finitions en bois sont spectaculaires. Il y a même un étage de balcon, un bar dans le hall, une façade très soignée. C’est l’une des plus grandes salles dont nous nous soyons occupés. J’ai hâte de le voir terminé. Il y en a un autre que nous avons conçu pour un couple russe installé dans le Maryland, qui est également de style Art Deco, et qui est inspiré par les œuvres du sculpteur Edgar Brundt, qui travaillait beaucoup avec le métal. Nous avons donc utilisé beaucoup d’éléments en métal, entre lesquels nous avons placé des surfaces absorbantes en tissu pour préserver l’acoustique.

Quel serait pour vous le Home Theater ultime, que vous aimeriez construire pour vous-même s’il n’y avait aucune limite budgétaire ou technique ?

Je viens de développer un projet avec Imax qui correspond exactement à cela. Nous avons créé le premier Home Theater aux normes Imax. Il a été achevé en décembre 2009. Pour recréer les caractéristiques de l’expérience Imax à domicile, il faut installer un écran de 9 m de large minimum.  Je ne sais pas combien de personnes auront la place et les moyens de s’offrir une telle installation, mais ce qui m’intéresse, c’est de saisir l’opportunité de d’innover encore, et de rester un pionnier. Je n’aime pas me répéter.

Le système de projection vidéo doit être lui aussi très particulier…

Oui, pour obtenir une image de qualité sur un écran d’une telle taille, on utilise deux projecteurs dont les images sont superposées pour n’en former qu’une. Ils sont équipés d’un système de mise au point automatique pour se caler sur la surface de l’écran. La double projection permet d’obtenir une image deux fois plus lumineuse, et de mêler les deux trames d’images pour n’en obtenir qu’une de plus haute résolution. Le rendu est très net et très doux à l’œil. C’est très impressionnant.

Cette technologie de projection vidéo a t’elle été développée par Imax ?

Oui, elle leur appartient. Et si les retombées médiatiques de cette première installation Imax sont bonnes, nous passerons un accord de développement avec Imax et avec des installateurs techniques spécialisés pour proposer des installations de ce genre à tous les clients qui souhaiteraient s’équiper ainsi.

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.