De Jason à Predator : dans la peau des monstres - Entretien avec Derek Mears - Seconde Partie
Article Cinéma du Dimanche 03 Octobre 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Venons-en à PREDATORS. En quels termes Nimrod Antal vous a t’il décrit votre personnage de predator ?

Avec beaucoup de minutie, et beaucoup de finesse. J’ai tout de suite senti qu’il avait longuement réfléchi à tous les aspects de chaque scène, et qu’il voulait que le film plaise à tous les fans, parce qu’il en est lui-même un. Après m’avoir donné mes indications, il observait la scène pendant qu’elle était filmée, et il avait toujours un mot encourageant à dire à tout le monde. Cela crée une excellente atmosphère de travail. Tous les acteurs et tous les techniciens ont envie de se surpasser pour lui faire plaisir. Je me souviens qu’après avoir joué une scène, je l’ai vu se lever de derrière un moniteur et me dire «  Derek, il y a un ancien ado hongrois rondouillard qui avait un poster de PREDATOR sur le mur de sa chambre, qui tient à te dire qu’il a déliré en voyant ce plan ! » (rires) C’est merveilleux d’entendre un réalisateur vous dire ce genre de choses. Nimrod vous dirige en utilisant sa passion et sa gentillesse, tandis que d’autres réalisateurs créent une ambiance de crainte sur leur tournage, et jouent sur le stress qu’ils imposent aux gens pour se faire obéïr…

Avez-vous visionné plusieurs fois de suite PREDATOR pour vous préparer à bouger et à jouer en portant le costume ?

Etant fan, je l’avais déjà vu plusieurs fois. Le film était gravé dans mon esprit, mais j’ai tenu à le revoir, pour étudier le travail de Kevin Peter Hall, qui jouait le predator. Vous savez, dans un film comme PREDATORS, on tente de faire plaisir aux fans en traitant avec respect les références à l’original, mais on essaie aussi de les surprendre en créant de nouvelles choses. Pour répondre à votre question, quand on travaille avec des masques au théâtre, on découvre que le masque est une entité en lui-même et l’acteur qui le porte une seconde entité. Le personnage qui en résulte est un mélange des deux. C’est pareil dans le cas du masque et du costume de Predator. Si vous mettez différents acteurs dans le même costume, vous allez voir naître des personnages différents.

Comment enfiliez-vous le costume ?

 (rires) En utilisant beaucoup, beaucoup, beaucoup de talc ! Le costume est fait sur mesures et comme il est conçu comme une seconde peau, il est très ajusté. C’est impossible de l’enfiler tout seul. Il fallait que deux personnes du KNB, le studio d’effets de maquillages, m’aident à le revêtir. Le costume collait si bien à ma peau que l’on pouvait voir les muscles bouger sous l’enveloppe de lycra et de mousse de latex. Je portais deux types de têtes : l’une prévue pour les cascades, qui ne contenait pas de mécanismes, afin que je ne me blesse pas en cas de chute, et la tête animatronique, qui était ahurissante de réalisme.

Comment voyiez-vous au travers du masque de métal, et au travers de la tête animatronique ?

Oh, j’ai eu de la chance sur ce film, car ce sont mes vrais yeux, recouverts par des lentilles de contact, que l’on voit sur le personnage. J’avais donc, pour une fois, une assez bonne vision, même si les volumes du visage du personnage cachaient ce qui se trouvait sur le sol, à côté et au-dessus de moi quand je regardais droit devant. Et le masque métallique était conçu avec un matériau semblable à ces lunettes de soleil qui ont un aspect argenté : je pouvais voir au travers.

Quels sont les problèmes que l’on rencontre quant on joue un personnage comme celui-ci ?

Comme le costume et la tête animatronique que je portais sont de véritables œuvres d’art, je faisais extrêmement attention quand je me déplaçais rapidement. Je n’avais pas envie qu’une branche d’arbre qui aurait échappé à mon attention vienne soudain griffer le visage du predator ou arracher une des mandibules ! D’autre part, étant donné que ma vision périphérique était limitée, et mes yeux très renfoncés, il fallait que je gère mon regard non pas comme je le sentais, mais en me souvenant de ce qu’il donnait à l’image, dans le contexte du masque du predator. Pour mieux vous expliquer ce que cela signifie, il y a une scène pendant laquelle le predator que je joue regarde le détonateur qui est fixé à son avant-bras. J’ai baissé les yeux pour observer l’appareil, mais Nimrod m’a fait remarquer que cela donnait l’impression que la créature était piteuse ou effrayée. Il a fallu tricher en baissant davantage la tête et en regardant un peu au-dessus de mon avant-bras pour que le regard semble déterminé au moment où le predator arme la bombe. Voilà le genre de chose qu’il faut garder à l’esprit ensuite. Il faut arriver à bouger et à jouer tout en visualisant le rendu de cette enveloppe extérieure que forment le costume et le masque.  Heureusement, une fois que j’ai appris à me servir du costume, j’ai pu l’utiliser en suivant précisément les indications de vrai fan de fantastique que Nimrod me donnait : « Bouge comme dans un Tarantino. Et maintenant, ajoute une petite touche des sentinelles d’ALIENS ! » (rires) Je comprenais tout de suite ce qu’il voulait dire !

Quelle est la scène que vous avez préféré jouer ?

Il s’agit d’une scène où Adrien Brody parle au predator que j’incarne. Nous avons une petite conversation… Nous l’avons tournée de nuit, au Texas, par un froid terrible. Il devait faire moins 7 degrés. Nous avons d’abord filmé ses plans, et quant est venu le moment de filmer le contrechamp sur moi, Adrien est resté, malgré le fait qu’il grelottait, pour me donner la réplique alors qu’on ne le voyait pas dans le cadre. Il a fait cela juste pour moi, pour m’aider à jouer cette scène, alors que bien des stars se seraient contentées de dire « Bon, à tout à l’heure !  Je retourne me réchauffer dans ma caravane ! » et auraient laissé un assistant lire le texte du script à leur place… Adrien est resté jusqu’au bout, alors qu’il n’était pas absolument pas obligé de le faire. Cette attitude prouve qu’il respecte tous ses partenaires, y compris ceux qui sont cachés derrière les masques des monstres. C’était un beau moment de camaraderie, dont je me souviendrai longtemps.

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