Entretien exclusif avec le réalisateur Nimrod Antal à l’occasion de la sortie DVD & Blu-Ray de PREDATORS - Seconde partie
Article Cinéma du Vendredi 19 Novembre 2010

Retrouvez la précédente partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez utilisé certains clichés pour créer des situations amusantes…

Oui. L’un de nos personnages est un prisonnier qui est resté enfermé dans une cellule minuscule pendant très longtemps. Ses interactions avec les femmes sont de ce fait assez drôles, qu’il s’agisse de clichés ou pas. J’espère que certaines de ses remarques feront rire le public autant qu’elles nous ont amusées pendant que nous les filmions.

Robert Rodriguez et vous êtes deux grands fans de S.F, d’horreur et de Fantastique. Avez-vous été inspirés par d’autres films que Aliens pour créer Predators ? Si oui, lesquels ? Les chasses du comte Zaroff ? Sorcerer, le remake du Salaire de la peur réalisé par William Friedkin ? Les nerfs à vif ?

La réponse est oui, oui et oui ! (rires) Les trois films que vous citez nous ont effectivement inspirés. Au moment où nous développions la première version du scénario complet,  la nouvelle originale (écrite par Richard Connell, NDLR.) dont a été tiré Les chasses du comte Zaroff est la première référence dont j’ai parlé avec Robert et avec le studio. En ce qui concerne Sorcerer, il nous a servi de référence visuelle sur la manière de filmer la jungle. Nous savions que nous ne voulions pas montrer une végétation abondante, luxuriante et belle, comme celle de la série Lost. Nous voulions que la jungle devienne un personnage cauchemardesque,  aussi effrayant que les predators. Un milieu hostile, qu’il faut toujours considérer avec la plus grande méfiance. Et Les nerfs à vif, qu’il s’agisse de l’original de 1962 de Jack Lee Thompson avec Gregory Peck et Robert Mitchum ou du remake de Scorcese avec Nick Nolte et Robert De Niro (réalisé en 1991, NDLR), sont tous les deux des modèles en matière de suspense. Cela étant dit, ces références sont très utiles quand vous préparez un film, mais dès que le tournage commence, vous chassez de votre esprit les influences des romans, des BDs et des films que vous avez pu voir pour essayer de créer quelque chose de nouveau et d’original. Vous devez vous concentrer sur la nouvelle histoire que vous filmez, et sur les plans que vous allez imaginer pour la raconter, afin de captiver les spectateurs. Je dois avouer que mes vraies idoles à moi, mes stars du rock, si vous voulez, sont tous des réalisateurs. L’année dernière, j’ai été époustouflé par trois films : Démineurs de Katherine Bigelow, Moon de Duncan Jones, et District 9 de Neil Blomkamp. Je les ai adorés. J’ai même écrit une lettre à Duncan Jones, pour lui dire à quel point j’avais aimé son film ! Je peux rencontrer des chanteurs et des acteurs dont j’aime le talent et la carrière, mais si vous demandiez à Mick Jagger et à David Lynch de s’asseoir dans un canapé en face de moi, je crois que je ne remarquerais même pas Mick Jagger ! (rires) Je suis toujours un fan, un « geek ». Un de mes amis m’a envoyé un gros paquet hier. Je me demandais de quoi il s’agissait, et en l’ouvrant, j’ai vu que c’était une planche de skatebord décorée avec une image du film Max et les maximonstres, signée par Spike Jonze. C’était l’un des plus beaux cadeaux que l’on m’ait fait ! (rires) J’adore les réalisateurs, je les admire, mais plus vous vous approchez du moment où vous allez mettre en scène vous-même un film, plus le projet devient une entité unique, indépendante de vos propres références.

Pour revenir aux Chasses du comte Zaroff, est-ce ce film qui vous a donné l’idée de faire intervenir un predator qui utilise une meute de chiens ?

 (Nimrod Antal sourit) Oui, absolument !

Quelles sont les nouvelles idées que vous avez apportées à la première version du scénario que l’on vous a donné ? Qu’avez-vous modifié ?

C’est difficile de le dire avec exactitude, plus d’un an après que ce processus ait eu lieu, non seulement parce que j’ai du mal à m’en souvenir, mais aussi parce qu’à chaque étape du processus, c’est toujours la meilleure idée qui a eu gain de cause, qu’elle vienne de Robert ou de moi. Ce que je peux dire, c’est que j’ai tenu à ce que les scènes de chasse soient plus nombreuses. Cela me semblait très important, car le personnage titre est, à la base, un chasseur, un stratège. Cette caractéristique a été négligée dans les derniers films, dans lesquels les predators devenaient des harceleurs, qui poursuivaient sans cesse leurs proies, sans leur tendre des pièges !  Nous sommes donc revenus à l’utilisation de vraies techniques de chasse, en employant des trappes, des filets, des fosses camouflées, des tactiques pour attirer les proies à un certain endroit, des méthodes d’observation, etc. On retrouve tous ces éléments dans le film… Dans une version précédente du script, les deux héros étaient américains. Quand je suis arrivé, j’ai pensé qu’il était important que parmi les proies humaines, il n’y ait qu’un seul américain, et que les autres protagonistes soient originaires d’autres nations, afin de suggérer que les predators avaient choisis les meilleurs parmi les meilleurs, dans le monde entier… Mais en fin de compte, savoir qui a eu telle ou telle idée n’est pas très important, parce que pendant le film, les acteurs viennent vous voir pour vous proposer de changer une réplique qui les ennuie par une autre qui leur convient mieux. Ensuite, quand arrive l’étape du montage, vous vous rendez compte que ce qui vous semblait très important dans le script n’a pas le même impact à l’image, et ne fonctionne pas aussi bien que prévu dans l’histoire, et vous faites alors d’autres choix. C’est un processus en perpétuelle évolution, pendant lequel on happe toujours la meilleure idée au vol, d’où qu’elle vienne.

Vous n’avez eu à aucun moment la tentation de chambouler un peu l’univers de Predator ?

Non, parce que nous étions tous conscients que le premier film est considéré, à juste titre, comme un classique. Nous ne voulions pas outrepasser nos droits, ni briser les règles établies par le premier épisode. Je crois que ce sont justement ces dérives qui ont abouti à ce qui ne fonctionnait pas dans les AVP…

Aviez-vous déjà commencé à travailler sur l’édition DVD et Blu-Ray pendant que vous acheviez la post-production du film ?

Oui, nous travaillions dessus tous les jours alors que la post-production du film s’achevait, afin de choisir les éléments que nous allions inclure dans les bonus. Nous avons décidé à ce moment-là de compléter certaines scènes qui ne figurent pas dans la version cinéma, afin de les inclure dans le DVD et le Blu-Ray. C’est toujours plus agréable pour les spectateurs de voir une scène avec des effets visuels terminés, plutôt qu’un bout à bout de plans inachevés.

Que pouvez-vous nous dire des scènes coupées que nous allons découvrir ?

Nous allons en montrer plusieurs…Je suis en train de réfléchir à celles dont je peux vous parler sans gâcher les surprises du film à vos lecteurs qui ne l’ont pas encore vu et qui le découvriront en DVD et Blu-Ray…OK, j’y suis ! Il y a un personnage de prisonnier qui s’appelle Stans. Au début du troisième acte, juste avant que la chasse n’atteigne un nouveau paroxysme, il y a un petit moment de répit pendant lequel plusieurs personnages discutent. Au début, nous avions filmé deux discussions de Stans avec les autres personnages, mais la manière dont nous avons construit la structure du film nous a contraint à en couper une. Celle que nous avons coupée le montre en train de demander une faveur sexuelle à l’un de ses interlocuteurs, mais de manière comique… Les autres moments qui ont été coupés et dont je pourrais vous parler ne sont pas extrêmement importants dans le récit, car nous nous avons essayé de « filmer utile » et de nous focaliser sur les séquences que nous étions absolument certains d’inclure dans le montage final. En revanche, les autres scènes inédites concernent des éléments de l’histoire dont je préfère ne pas parler.

Avez-vous l’intention de monter une version longue de Predators, pour une sortie vidéo ultérieure ?

Nous sommes encore en train d’en parler et la décision finale n’a pas été prise. Pour être franc, quand j’ai remis mon montage du film à Robert, il n’a fait que quelques remarques, qui portaient toutes sur des points de détails. Et nous en avons tenu compte pour les incorporer immédiatement dans le film, car c’étaient des idées très judicieuses. Ma version du film et celle de Robert étaient donc quasi-identiques. Et quand les patrons de la Fox ont vu le film, ils n’ont suggéré que des changements minimes. Une version « Director’s cut » ne voit le jour que lorsque la vision du réalisateur diffère nettement de celle imposée par le studio. Heureusement, c’est bien le film que j’avais envie de réaliser que les gens ont découvert dans les salles…

Plus qu’à une édition « Director’s cut », nous faisions référence à une « version longue » avec quelques scènes supplémentaires intégrées au montage…

Pour l’instant, nous n’avons pas encore décidé si un montage plus long verra le jour en vidéo ultérieurement.

Avez-vous enregistré un commentaire ?

 (Nimrod Antal sourit) Oui. Mais auparavant, je n’avais jamais voulu enregistrer de commentaire pour les éditions vidéo de mes films… Je comprends bien que les fans et certains cinéphiles aiment écouter cela en regardant le DVD, mais je trouve que ce n’est pas bien, car cela détruit la magie du 7ème art. Cela démystifie le processus créatif. Ce n’est pas pour rien que l’on évoque souvent « la magie du cinéma » ! En revanche, aucun cinéphile ne vous parlera avec des étoiles dans les yeux d’un cours de cinéma, même s’il s’agit des confidences d’un grand réalisateur… Pour ma part, j’ai peur que l’on finisse par blaser les spectateurs en leur révélant toutes les ficelles du métier ! Ma grand’mère disait toujours qu’une femme portant une robe très longue est toujours plus sexy qu’une femme portant une minijupe, car la jupe longue laisse plus de place à l’imagination…

Avez-vous participé à d’autres bonus du DVD ?

Oui, je me suis rendu aussi disponible que possible pour les équipes qui se chargeaient des documentaires et making of. Mais au-delà d’un certain point, le studio vous fait les gros yeux, car il ne faut pas que cela empêche les cinéastes de superviser les ultimes étapes de la postproduction ! Quoi qu’il arrive, quand on est réalisateur, on est le premier arrivé sur place, et le dernier à partir, quelle que soit la tâche qu’il faut accomplir, à chaque étape de la vie d’un film !

La dernière partie de cet entretien sera publiée la semaine prochaine

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