Entretien exclusif avec Kenneth Branagh sur la réalisation de THOR, nouvelle réussite des Studios Marvel - Troisième Partie
Article Cinéma du Mercredi 18 Mai 2011

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Est-ce difficile de transposer les pouvoirs de Thor en prises de vues réelles ?

Il fallait que nous choisissions prudemment ce que nous voulions montrer. Nous savions qu’il était crucial de bien évoquer les pouvoirs décrits dans la BD, car les lecteurs des aventures de Thor s’attendent par exemple à voir le marteau évoluer d’une certaine manière, à voir leur héros passer d’un monde à l’autre d’une certaine façon. D’une manière générale, après avoir fait des essais, nous nous sommes rendu compte que plus nous traitions ces effets simplement et sobrement, mieux ils marchaient. Ce processus a été difficile, mais en même temps très amusant à initier. Une bonne partie de notre travail a été faite en engageant les bonnes personnes : Chris pour donner sa puissance physique et sa crédibilité au personnage, Anthony Hopkins dans le rôle d’Odin, Tom Hiddleston dans le rôle de Loki. Quand tous ces personnages se trouvaient ensemble, vêtus de leurs costumes, sur le plateau, il émanait une telle puissance de leur aspect, de leur charisme, qu’une partie du travail des effets spéciaux était presque déjà faite ! Nous avons cependant beaucoup travaillé pour magnifier toutes leurs actions, qu’ils combattent, sautent, volent, ou assènent des coups, et nous nous sommes assurés que chacune de ces actions avait un sens dans la narration de l’histoire.

Pouvez-vous nous parler de la relation entre Thor et Jane Foster, et aussi de la rivalité entre Thor et Loki ? Comment avez-vous dépeint le personnage de Loki pour qu’il soit à la fois un « méchant » et un être attachant ?

Quand Thor arrive sur terre, il y a immédiatement une certaine tension entre lui et le docteur Jane Foster, parce qu’il est tellement surpris et démuni par son exil forcé dans ce monde qu’il a besoin de son aide, et ne sait pas s’il peut lui faire totalement confiance. Il se méfie d’elle, autant qu’elle se méfie de lui. Cet antagonisme initial évolue en curiosité mutuelle, puis en attirance romantique. Il y a une sorte de duel permanent, teinté d’humour entre Jane la scientifique et Thor le dieu aux pouvoirs qui dépassent l’entendement humain. Jane est une forte femme, et Thor un mâle dominant ! (rires) il y a donc souvent des étincelles qui jaillissent entre eux, et des échanges de répliques cinglants et drôles. Il y a une tension intellectuelle et sexuelle entre eux. Thor a des côtés horripilants. De par son éducation dans une famille régnante, il a l’habitude d’obtenir tout ce qu’il veut, de passer avant les autres dans une file d’attente, de donner des ordres. Il ne s’est pas rendu compte, pendant la première partie de sa vie, à quel point cette vie trop facile a affecté son frère Loki. Le développement de leur relation au cours du film est compliqué mais intéressant. Il y a autant d’amour fraternel entre eux que de haine, pour différentes raisons. Leurs passions et leurs ambitions respectives sont exacerbées lorsqu’ils se retrouvent l’un en face de l’autre. Je crois que c’est justement l’un des points forts du film : le récit est alimenté et propulsé par les passions des personnages. Pour un grand film d’action, les caractères des protagonistes sont particulièrement forts et bien définis.

Anthony Hopkins a t’il suggéré des idées à propos de son personnage, Odin ?

Je crois qu’Anthony était très intrigué par les pouvoirs politiques d’Odin, par le fait qu’il soit à la fois un père attentionné et aimant, mais aussi exigeant et parfois très sévère. Il a voulu l’incarner comme un politicien subtil, roué et complexe. Dans les mythes originaux, Odin est un personnage particulièrement intelligent et rusé. Tony a aimé jouer les scènes dans lesquelles on sent cette tension qui existe entre Odin et son fils, en partie parce que Thor lui ressemble énormément. La plupart des traits de caractères de Thor qui agacent Odin sont directement issus de lui, mais il ne veut pas s’en rendre compte. Odin fait partie de ces gens qui disent « Ne faites pas ce que je fais, faites ce que je dis ! » Je crois que Tony a beaucoup aimé cette contradiction interne du personnage. Il en a fait plus qu’un roi fier et courageux : Odin est aussi un père complexe.

Quelles ont été les séquences les plus difficiles à mettre en scène ?

La logistique des scènes de bataille a été très difficile à concevoir et à mettre en place. Particulièrement la première bataille qui se déroule sur un monde de glace, avec des monstres que combattent tous les personnages principaux. Il y a des guerriers qui volent, d’autres qui lancent leurs armes, d’autres encore qui se battent de manière complexe, au corps à corps. Il y avait des parties du décor qui étaient construites réellement, d’autres qui étaient simplement des fonds verts avec des repères qui allaient permettre de compléter cet environnement en 3D. Certains personnages étaient réalisés partiellement avec des maquillages et partiellement en image de synthèse, il fallait aussi prévisualiser le déplacement des monstres qui allaient être créés ensuite en 3D, afin que les acteurs puissent jouer comme s’ils les voyaient devant eux. Tous ces éléments devaient fonctionner simultanément, en interaction, dans plusieurs plans, et il fallait que toutes ces actions soient lisibles à l’image et compréhensibles. Ces scènes-là ont été très dures à tourner, parce qu’elles requièrent non seulement toute votre énergie créative, mais aussi parce qu’elles sont basées sur des connaissances techniques très précises, et sur la bonne utilisation d’équipements sophistiqués. Il a fallu que j’apprenne assez vite comment utiliser et combiner toutes ces techniques.

Pouvez-vous parler des différents monstres du film ?

Il y a le destructeur, un géant mécanique au corps de métal qui est normalement contrôlé à distance par Odin. Mais en réalité, c’est celui qui dirige Asgaard qui devient automatiquement le maître de cette créature, et comme Odin est brutalement privé de son pouvoir, le destructeur obéït alors aux ordres du nouveau souverain…C’est une machine de guerre qui est comme une énorme armure vide, remplie d’une force destructive effrayante, et qui peut projeter un rayon qui annihile tout sur son passage. C’est une coquille vide remplie de haine…Il y a aussi la race des géants des neiges, dirigée par le roi Laufey, interprété par Colm Feore. Ils sont originaires d’un monde que Odin a conquis et vaincu autrefois, et ils entrent à nouveau en rébellion pour conquérir le cosmos. Les géants des neiges sont des trolls colossaux, très forts, très puissants, qui ont le pouvoir de créer et de façonner la glace pour former n’importe quelle arme ou objet avec, et ils se comportent de manière sauvage, enragée, animale.

Quels sont vos petits moments favoris dans le film, en tant que réalisateur ?

Ce sont généralement des répliques, des petites inventions des acteurs pendant qu’ils jouent. J’aime aussi beaucoup la manière dont Anthony Hopkins observe son fils Loki, alors qu’il a comploté contre lui et se prépare à être couronné nouveau roi d’Asgaard. Tony arrive à faire passer dans son regard de la colère, du dédain, et aussi une petite touche d’admiration pour cette traîtrise qui a si bien réussi ! Dans le registre des tout petits détails, nous nous sommes amusés à disposer les boules d’un billard pour qu’elles représentent une carte du territoire stellaire des 9 mondes d’Asgaard. (rires) J’aime bien ces petits secrets du film !

Est-ce que la conversion du film en relief vous a causé un gros supplément de travail ?

Le processus de conversion du film en relief est assez compliqué, mais nous nous y étions préparés assez longuement à l’avance. C’est toute une strate supplémentaire de travail en termes de visionnages, de réunions, de corrections, de vérifications, mais tout cela est très intéressant, et les aventures de Thor se prêtent parfaitement au relief. Cela a causé du travail en plus, mais j’ai trouvé le processus fascinant.

Avez-vous laissé vos acteurs improviser un peu pendant le tournage, en dépit de toutes les préparations techniques d’un tel film ?

Non, il n’y a pas eu beaucoup d’improvisation pendant le tournage, en raison de la logistique compliquée qu’il fallait gérer, mais en revanche, nous avons longuement répété les scènes avant le tournage, et c’est à ce moment-là que nous avons improvisé par rapport au script et modifié des dialogues ou des petits moments de certaines scènes. Ensuite, nous avons suivi assez fidèlement cette version du script.

Pouvez-vous nous parler de votre implication dans les éditions DVD et Blu-Ray du film ?

Je vais être très impliqué dans le contrôle de la qualité des masters vidéo, pour m’assurer de la manière dont l’image est présentée et transférée. Tout mes collaborateurs et moi-même voulons obtenir la meilleure qualité d’image, et tenons à présenter d’excellents bonus et documentaires.

Allez-vous enregistrer un commentaire ?

Oui. Je reviendrai en détail sur le travail formidable accompli par toute mon équipe

Allez-vous inclure des scènes coupées ?

Oui, mais je ne peux pas vous les décrire en détail sans gâcher certaines surprises du film. Ce que je peux vous dire, c’est que je placerai dans ces suppléments-là de formidables bouts de performances des acteurs, que j’aimais beaucoup, mais qui n’ont pas pu trouver leur place dans le montage final, pour préserver l’efficacité de la narration de l’histoire. Nous nous sommes astreints à une discipline très stricte pour que le film avance à un bon tempo, et dure environ 1h45 générique compris, et pas plus. Certaines scènes coupées vous montreront dans quelles directions l’histoire aurait pu aller, des apparitions un peu différentes de certains personnages que nous voulions montrer, mais dont la présence n’était pas nécessaire tout au long du film. Je crois que vous ne serez pas déçu en découvrant ces scènes.

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