[Flashback] Entretien exclusif avec Ridley Scott : Le créateur de l’univers d’ALIEN nous parle des coulisses de PROMETHEUS ! – Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 24 Septembre 2018

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Pourquoi avez-vous choisi Michael Fassbender pour incarner l’androïde de bord, David 8 ?

Tout simplement parce que Michael est l’un des plus grands acteurs de sa génération. Il est époustouflant. Après avoir vu ses films, je ne pouvais pas imaginer quelqu’un d’autre dans le rôle de David 8.

Vous lui avez demandé de regarder le film de Joseph Losey THE SERVANT, avec Dirk Bogarde, ainsi que LAWRENCE D’ARABIE, afin de l’aider à composer le personnage de David . Pourquoi ? Parce que ce serviteur finit par prendre le contrôle de son maître ? Et à cause du physique de Peter O’Toole dans le film de David Lean ?

Oui, pour cette raison, mais aussi parce que David 8 décide de se teindre les cheveux en blond dans le film, car il adore LAWRENCE D’ARABIE. Il s’amuse à l’imiter et à redire une des répliques célèbres de Peter O’Toole dans le film qui est : « Justement, sergent Potter, ce qui est important, c’est de ne prêter aucune attention au fait que cela fait mal ! » David s’ennuie tellement à bord du vaisseau, alors que tout l’équipage est en hibernation, qu’il a vu et revu ce film et se promène en citant ces répliques. Il est également devenu un fantastique joueur de basket, comme vous pourrez le voir dans le film.

Quel est votre avis sur les autres “aliens” qui ont suivi le vôtre ?

Mmm…Je les ai trouvés “comme ci comme ça” (Ridley Scott dit cela en français). Disons qu’ils étaient OK.

Même celui de James Cameron ?

Non, celui-là est différent. ALIENS est un excellent film d’action.

Dès que la production de PROMETHEUS a été annoncée, tout le monde s’est demandé s’il s’agissait d’un film complètement original ou d’une préquelle…

Oui, c’est bien naturel. Mais au-delà de cette question de définition, ce que nous voulions vraiment, c’est disposer d’une histoire et d’un script vraiment solide, et nous y sommes parvenus grâce à Damon. Ensuite, la seconde étape la plus importante a été le choix des acteurs qui allaient interpréter tous ces merveilleux rôles. J’ai donc réfléchi très longtemps à cela de mon côté, puis avec l’aide du directeur de casting, mais je dois dire que j’avais déjà des idées assez précises des comédiens auxquels j’allais proposer les rôles principaux. J’ai donc attendu leur réponses avant d’aller plus loin, car j’avais déjà énormément avancé dans la préparation de ces personnages et de ma conception du film. J’avais également passé assez de temps à les regarder jouer dans différents films pour savoir qu’ils correspondaient à ce que je recherchais. Quand je travaille avec un acteur ou une actrice, et je crois que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je parle rarement du script au début. Je passe d’abord une ou deux heures avec eux pour les connaître en tant que personne. J’essaie de « briser la glace » afin qu’ils s’ouvrent à moi, et une fois que nous avons établi ce nouveau rapport de travail, notre collaboration peut évoluer parce que je les connais aussi bien que cela m’est possible dans ces circonstances. J’agis toujours ainsi parce que je cherche de gens qui seront en mesure de devenir de bons partenaires pendant tout le processus de création du film. C’est comme cela que j’aime travailler. Quel que soit le projet, j’essaie de l’aborder comme un travail d’équipe, conçu en commun. En procédant de cette manière, on obtient de meilleurs résultats, et de meilleures performances des acteurs, parce les interactions entre les membres de l’équipe sont continuelles pendant le tournage, devant et derrière la caméra.

Vous avez tourné PROMETHEUS directement en 3-D Relief. Il ne s’agit pas d’une conversion réalisée en postproduction. C’est la première fois que vous réalisez un film dans ce format. Comment cette expérience s’est elle déroulée ? Êtes-vous heureux de la manière dont les choses se sont passées, et du résultat final ?

Ah, c’est absolument magnifique. C’est ce que j’éprouve à chaque fois que je vois ces images projetées sur le grand écran. Mais je tiens à dire que j’ai eu la chance de travailler avec un grand directeur de la photo qui s’appelle Dariuz Wolski. Nous nous sommes très bien entendus et j’ai été ravi de notre partenariat pendant tout ce processus. Vous savez, comme j’ai toujours tendance à aborder d’emblée l’aspect visuel des projets – c’est ce que j’ai fait pendant toute ma carrière – j’ai le défaut de m’occuper des acteurs dans un second temps, quand tout est réglé pour l’image, et les comédiens ont souvent eu l’occasion de s’en plaindre. Il est vrai que je ne leur parle pratiquement pas, au départ. Pour ne rien vous cacher, tous les acteurs de PROMETHEUS se sont plaints de cela dès le premier jour du tournage. Je dois confesser qu’il y a 20 ans, quant ils me disaient cela, je me contentais de leur dire : « Oui, c’est horrible n’est-ce pas ? », parce que je voulais qu’ils se sentent sur la corde raide, mais surtout parce qu’en réalité, j’étais terrifié à l’idée de leur parler. Mais les choses se sont arrangées depuis, je crois…Pour revenir au sujet du relief et de l’aspect général du film, les images sont superbes. Mais cela étant dit, il faut que je mentionne aussi tous les départements qui ont contribué à la création de ce film. Il y a Arthur Max, qui est un grand chef décorateur, les superbes costumes de Janty Yates, toutes les équipes des effets spéciaux et des effets visuels, et toutes celles et ceux qui ont apporté leur talent à la création de PROMETHEUS, et qui nous ont permis d’obtenir ce résultat absolument magnifique.

Est-ce que les progrès accomplis dans le domaine des effets numériques ont affecté votre travail et votre manière d’aborder le genre de la SF mêlé d’horreur ? Vous aviez créé ALIEN en ayant recours à des trucages « classiques » alors que vous pouvez utiliser des effets 3D aujourd’hui…Le faites-vous ? Est-ce une solution très tentante ? Bref, comment avez-vous tourné le film ?

Aujourd’hui, en utilisant les techniques numériques, on peut faire pratiquement tout ce que l’on veut. Cela étant dit, les effets 2D et 3D ne sont pas moins coûteux que les trucages filmés « en direct ». Au contraire, ils sont plus chers. Et ils prennent aussi plus de temps à préparer et à réaliser. C’est ce que j’ai appris de PROMETHEUS, et c’est une bonne chose parce que j’aimerais beaucoup réaliser un autre film de SF aussi vite que possible, tellement j’ai apprécié cette expérience. Cela a été très rafraîchissant, très agréable.

Qu’avez-vous appris sur les effets numériques en travaillant sur ce film ? Vous aviez déjà eu l’occasion d’en employer dans des films comme GLADIATOR et BLACK HAWK DOWN, par exemple…

Oui, mais il ne s’agissait pas des mêmes trucages. Prometheus m’a permis de m’initier à l’animation numérique. Plus vous animez numériquement les choses en amont, plus vous êtes en mesure d’obtenir un devis de réalisation précis, et au-delà de l’aspect financier, plus vous êtes en mesure de pré-visualiser ce que donnera le rendu final des images. Même si l’on peut faire pratiquement tout ce que l’on veut en 3D, cela rend paradoxalement les choses encore plus complexes parce que vous devez surpasser tout ce que l’on a pu voir auparavant dans les meilleurs films d’action et les meilleurs films de Science-Fiction. Et pourtant, il ne faut pas que cela vous stoppe dans votre élan créatif. L’une des questions primordiales à la base de ce travail était donc « A quel point allions-nous réussir à obtenir un résultat original ? » Nous ne pouvions pas nous contenter de reproduire ce qui avait déjà été fait dans d’autres film, car cela n’aurait eu aucun intérêt. Voilà le principal défi qu’il a fallu relever.

Avez-vous eu des difficultés à vous replonger dans un genre cinématographique que vous n’aviez plus exploré depuis la fin des années 70 / le début des années 80 ?

Non, pas du tout. J’estime que nous avons tous eu énormément de chance de travailler sur ce projet et de le faire aboutir. Personnellement, je dirais même que je suis un sacré veinard : la profession que j’exerce est fantastique. Avoir la possibilité de revenir à la SF et de réaliser un nouveau film dans ce registre – quel que soit ce film – est déjà en soi un soulagement, car je suis reconnaissant qu’on m’en donne la possibilité. Bien au contraire, j’ai eu énormément de plaisir à revenir à la SF.

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