Entretien avec Michael Key, créateur de l’IMATS et éditeur en chef de Make-Up Artist Magazine - Seconde partie
Article 100% SFX du Vendredi 15 Juin 2012

[Retrouvez la première partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Jean-Philippe Lomas. Photos par Jean-Philippe Lomas.

Après le premier IMATS, est-ce tout de suite devenu un évènement annuel ?

Tout à fait. Je savais que c'était tellement d'effort pour en organiser un que si j'y survivais je voudrais en faire d'autres vu le travail que cela représentait pour lancer les choses. C'est comme un avion de ligne, l'essentiel du carburant est utilisé au décollage, après ce n'est pas si dur. C'est le démarrage qui est difficile. Donc oui, je souhaitais en faire un évènement annuel. Lors de sa première édition en 1997, une dame de Sydney en Australie est venue me voir demandant à me parler. Nous avons pris rendez-vous pour le lendemain. Je venais de terminer le premier IMATS et y avais survécu. Cette dame m'a dit "Vous devriez organiser le même salon à Sydney." Moi qui étais encore en train d'apprendre comment faire fonctionner l’IMATS, voilà que cette dame voulait déjà que j'en organise un de l'autre coté de la planète ! J'étais très honoré qu'elle pense que ça valait la peine, mais c'était hors de question. Je n'étais pas encore prêt. Donc initialement j'ai créé l'IMATS pour promouvoir le magazine, c'est le magazine qui était l'essentiel des deux. C'est drôle parce que maintenant c'est le contraire, le salon est devenu beaucoup plus important que le magazine. Le second salon que j'ai créé est celui-ci en Angleterre. Je suis venu faire les repérages en 2000, pour chercher des endroits susceptibles de l'accueillir. Et nous avons tenu le premier en 2001. Je crois que les choses se sont déroulées de cette manière.

Donc vous avez dit que six IMATS étaient largement suffisants pour vous…

Pour qu'un IMATS puisse avoir lieu quelque part, il y a quelques conditions. Premièrement, il faut que ce soit un pays anglophone, parce que culturellement c'est déjà assez difficile comme ça, même avec les Anglais. Les Américains et les Anglais sont très similaires mais malgré cela ils diffèrent sur de nombreux points. C'est comme pour vous et Montréal, vous parlez français mais c'est différent, peut-être pas autant mais c'est similaire pour les Etats Unis. Même si comme les Canadiens, les Australiens et les Anglais nous parlons tous anglais à la base, notre jargon reste différent. Culturellement les choses diffèrent aussi. Quand j'ai rencontré des gens ici pour discuter de l'organisation du salon nous buttions constamment sur les termes techniques. Eux comme moi, nous avions l'habitude d'organiser ce genre de manifestations pourtant tellement de choses n’étaient pas les mêmes. Ouvrir un compte en banque dans un pays étranger est compliqué même quand on parle la même langue. Ajouter à cela le problème d’une langue étrangère, ce serait vraiment trop. Donc pour moi la manifestation doit avoir lieu dans un pays Anglophone. Il faut aussi que ce soit dans une cité où il y a une forte communauté cinématographique et télévisuelle. Et la troisième condition est qu'il faut que ce soit un endroit où j'ai envie de revenir chaque année. Vous pourriez avoir les deux premières conditions, mais si c'est un lieu où je n'ai pas envie d'aller tous les ans, je n'y organiserai pas de salon.

Donc il n'y a aucune chance pour qu'on ait un IMATS à Paris?

Eh bien la seule façon qui permettrait de faire en sorte que cela arrive en France serait la suivante : la prochaine étape que nous envisageons pour le développement de notre salon est de le faire produire sous licence. Produire six salons est suffisant pour ma société. Actuellement nous discutons avec des sociétés qui souhaiteraient organiser un IMATS sous licence. Elles se chargeraient de le produire et nous nous contenterions de nous assurer que le niveau de qualité et d'intégrité satisfasse à nos exigences pour l'IMATS. Je pense que ce serait le meilleur arrangement. Pareil pour le magazine, j'adorerai également le voir publié dans d'autres langues.

Avez-vous déjà songé à inviter des maquilleurs français à Londres ? Ou bien est ce qu'ils rechignent parler en public à cause de la barrière linguistique ?

Bien sûr que nous avons essayé ! Vous savez, c'est étrange, la France est très proche d'ici pourtant il y a très peu de Français qui viennent, même si leur nombre augmente. Au début il n'y avait pratiquement aucun Français. En revanche les Allemands arrivaient par cars entiers. La présence des Espagnols s'est accrue aussi, évidemment avec David Marti et Montsé Ribé. Mais c’est étrange de voir venir tellement d'Allemands, même s'ils ont beaucoup plus de chemin à faire que les Français. Nous avons tenté d'inviter des écoles françaises, mais ça n'a pas l'air de susciter beaucoup d'intérêt, et je ne suis pas vraiment certain de comprendre pourquoi. Ca ne peut pas être uniquement la barrière linguistique. Voyez le nombre de langues que l'on parle ici. Et à Los Angeles nous avons des quantités d'Asiatiques. Et vous savez, les Français sont culturellement beaucoup plus semblables que les Asiatiques. Il y a ici tellement de nationalités différentes qui assistent au salon qu'on pourrait croire que la France, étant le pays le plus proche, arriverait en seconde place en termes de représentation. Prenez par exemple l'école Metamorphoses; au fil des ans ils ont eu de très bons résultats aux concours, pourtant ils n'exposent pratiquement rien. Ils ont présenté quelques pièces dans le Musée et cette année ils font une démo sur le stand de SmoothOn, mais ils n'ont ni leur propre stand, ni véritable représentation. Si vous songez à vous inscrire dans une école, il y a celles qui ont un stand, et puis il y a un gars qui a un peu de documentation sur le stand de quelqu'un d'autre. Cela ne donne pas exactement l'impression que vous êtes une école sérieuse. (Note de la rédaction : voir le droit de réponse que nous avons tenu à donner ci-dessous à Laurent Zupan, de l’école Metamorphoses…) Les seuls stands français à l'IMATS de Londres sont Paris Berlin et Make Up For Ever créé by Dany Sanz, qui est très douée, très talentueuse.

Pourriez-vous maintenant nous dire ce qui vous a décidé à créer la carte Pro et maintenant la carte Gold ?

La raison pour laquelle j'ai créé carte Pro est parce qu'il commençait à y avoir un déséquilibre. Dès le tout premier salon, nous avons autorisé l'accès au grand public. Une partie de ma mission était de faire en sorte que les gens prennent conscience de ce que fait un maquilleur. C'est très facile tout particulièrement au cinéma de ne pas se rendre compte de la contribution du maquilleur, alors qu'elle est significative. Si le maquillage est réussi, vous y croyez. Prenons comme exemple le travail de Mark Coulier sur Meryl Streep pour lequel il a été nominé aux Oscars. Evidement tout au long du film on voit le personnage de Margaret Thatcher à différents âges, par conséquent on est conscient qu'il y a un travail de maquillage. Mais si le film s'était focalisé sur une seule époque, celle de Margaret Thatcher âgée, alors vous verriez cette personne âgée sans forcément vous rendre compte du maquillage, alors que sa contribution est déterminante. J'ai donc toujours voulu que le public prenne conscience de la quantité de travail que fournit le maquilleur, même en maquillage beauté. Une actrice peut paraître resplendissante, mais vous ne savez pas à quoi elle ressemble sans maquillage, vous ne vous rendez pas compte de ce que le travail du maquilleur lui apporte. Cette prise de conscience du public est une grande partie de l'objectif que nous voulons atteindre. Par conséquent nous avons toujours laissé entrer le grand public. Mais il y a trois ans, il y a eu l'explosion de YouTube. Les soi-disant "gourous de la vidéo" ont découvert notre salon et ont commencé à en parler sur YouTube. La fréquentation du salon a explosée. Mais qui étaient tout ces gens ? Comment faire la différence entre les professionnels et les autres ? A quoi ressemble un maquilleur professionnel ? Ils sont de toutes formes, tailles et couleurs. OK, nous tenions à ce que le public soit de la partie, mais la raison du salon reste les professionnels. Donc avant de pouvoir nous occuper de ce problème nous devions d'abord déterminer qui étaient les professionnels et qui était le public. Evidement on ne pouvait pas demander à chacun individuellement. Par conséquent j'ai créé la carte Pro pour que les exposants ainsi que mon équipe le sachent. Quand nous avons fait la première carte, nous n'avions rien fait de tel auparavant. Nous avons dut apprendre. Plus tard nous avons fait la carte Platinum pour les artistes vraiment extrêmement importants et rares, la crème de la crème, les superstars. Nous-nous sommes ensuite rendus compte qu'il manquait un niveau intermédiaire, d'où la carte Gold. Je l'ai créée tout spécialement pour les maquilleurs de cinéma représentés par un syndicat, ceux qui travaillent dans des ateliers d'effets spéciaux depuis longtemps, ou ceux qui sont représentés par une agence renommée, ou encore des maquilleurs de théâtre de longue date ; essentiellement le cœur du maquillage dans le secteur des médias. Laissons entrer ces personnes gratuitement. Ce n'est que le début ; le but n'est pas de créer une carte que tout le monde puisse obtenir. Les gens sont encore en train de découvrir de son existence. A un moment donné cela atteindra un niveau de saturation ; tous les professionnels auront une carte Pro. Certains monteront d'un niveau et passeront à la carte Gold. La prise de conscience des exposants s'accroîtra. Et compte tenu du sérieux de notre réputation, quand quelqu'un verra une carte Pro, il saura à qui il a affaire.

Combien de temps à l'avance commencez-vous à préparer un IMATS ? Pourriez-vous nous expliquer un peu comment ça se passe pour que nous puissions apprécier l'envergure de la tâche ?

Nous travaillons toute l'année durant sur les six salons à la fois ; gérant divers aspects. Ce salon de Londres est le plus dur car c'est le premier de l'année. Donc toutes les innovations de l'année doivent être prêtes à temps pour celui-ci, comme les nouveaux t-shirts et le merchandising que nous avons. Et ce n'est que le début. La même chose est vraie pour les nouveaux thèmes des concours. Ils sont testés pour la première fois lors de ce salon. Donc Londres est un peu plus long à préparer. Londres et L.A. car ce sont les plus matures et les plus anciens. Mais celui de New York se développe rapidement. Cela demande beaucoup de travail vraiment. Nous travaillons sur tous les salons à la fois. La semaine passée je revoyais des détails pour Sydney et Toronto, ainsi que L.A. et New York. J'ai une équipe de 14 personnes travaillant au sein de Key Publishing Group et il y a aussi un nombre de sous-traitants indépendants qui travaillent avec notre équipe. Nous ne sommes pas une armée, mais plutôt les Forces Spéciales ; un petit groupe qui travaille vraiment très dur et qui excelle à ce qu'il fait.

Toutes les conférences sont filmées en vidéo. Est-ce enregistré ou simplement diffusé lors du salon ?

Bonne question. Oui, nous en enregistrons une grande partie. Tout ce qui se déroule dans la salle de conférence principale est enregistré. J'ai commencé à monter des enregistrements datant de 1997, la première édition, avec Gordon Smith ; parce que c'était vraiment important. Pour beaucoup de gens, moi compris, c'était la première fois qu'ils voyaient des prothèses en silicone. Les voir avec ses propres yeux, les toucher et les voir bouger. Les gens ont pris l'avion pour venir voir cela. Donc c'était un évènement important dans l'histoire des effets spéciaux de maquillage.

Y a-t-il des chances que ce genre de chose sorte en DVD bientôt ?

Sur les deux ou trois heures que Gordon Smith a passées sur scène, nous sommes entrain de monter un clip de cinq minutes. Ca sortira dans quelques semaines.

Donc aucun projet pour sortir l'intégral de conférences en DVD ?

On en a discuté de nombreuses fois. Mais ce que je ne veux pas c'est inciter les gens à agir comme ceux qui attendent la sortie d'un film en DVD plutôt que d'aller le voir au cinéma. Je ne peux pas me le permettre avec mon salon : ils faut qu’il se déplacent pour y assister. Nous devons donc être prudents. Mais nous pouvons présenter des archives datant d'il y a 10 ou 15 ans, pour s’en remémorer.

Et pourquoi pas une compilation d'une heure des meilleurs moments des dix dernières années de l'IMATS de Londres ?

Oh, j'aime bien cette idée ! Il se pourrait bien que je le fasse. Je vais y songer. J'adore les bonnes idées !



Droit de réponse et précisions de Laurent Zupan, de l’école Metamorphoses de Strasbourg, au sujet des propos tenus par Michael Key dans cet entretien :

L’IMATS de Londres est pour Metamorphoses un évènement majeur du maquillage en Europe, c’est pour cette raison que nous y venons très nombreux, enseignants, dirigeants et élèves des années passées et en cours. Nous avons jusqu’à présent toujours axé l’IMATS vers les élèves davantage que vers nous-mêmes et cela a toujours été notre choix. Enfin, nous pensons que la gestion d’un stand sur place nous permettrait moins de profiter des intervenants, conférenciers et des autres stands ! Car l’IMATS est pour nous tous un évènement passionnant ! Bien plus que de tenir un stand…

Malgré cela, nous ne sommes pas fermés à l’idée de prendre un stand l’année prochaine. Il reste encore des zones d’ombre en termes de logistique et d’investissement mais nous ne déclinerons pas éternellement les invitations de Mickael Key ;-)

Laurent Zupan, Ecole Metamorphoses

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