THE AMAZING SPIDER-MAN : Entretien exclusif avec Dave Smith, superviseur des effets visuels au sein de Sony Imageworks - Seconde partie
Article Cinéma du Jeudi 19 Juillet 2012

[Retrouvez la première partie de ce dossier]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous travaillé avec Andrew Garfield afin que sa doublure numérique bouge exactement comme lui ?

Les mouvements du Spider-Man animé en 3D ont vraiment été un défi artistique à relever plus qu’une solution « technique » à élaborer. Andrew était extrêmement impliqué et passionné par le style de gestuelle très spécifique qu’il voulait donner à Spider-Man. Apparemment, il a toujours été un grand fan de ce personnage. L’équipe d’animation a étudié le style des mouvements d’Andrew en analysant de nombreuses séquences de référence dans lesquelles on voyait Andrew bouger sur le plateau, et aussi en coulisses, pendant les répétitions. Une fois que les animateurs ont fait la démonstration qu’ils étaient capables d’imiter la gestuelle de notre acteur principal pendant ses performances, Marc Webb a voulu ajouter de plus en plus de plans avec notre Spider-Man 3D, parce qu’il était convaincu que cela marchait très bien. Ce type de mouvements est poussé jusqu’à ses extrêmes quand on voit Spider-Man de balancer de fil en fil à travers la ville. Dans ces moments-là, c’étaient davantage les cascadeurs / acrobates qui servaient d’inspiration à la gestuelle que souhaitait Marc. Ce qu’il fallait par-dessus tout, c’est que le personnage semble réel, comme s’il avait un vrai poids et comme s’il obéissait aux vraies lois de la physique.

Quand nous l’avons interviewé, Marc Webb nous a dit que le temps passé à filmer le vrai cascadeur se balançant suspendu à des câbles pendant la courte scène qui se déroule sous le pont de Harlem a été une source d’inspiration très forte qui lui a permis de mieux régler l’animation des plans avec le Spider-Man numérique. Pouvez-vous nous en dire plus et nous expliquer comment cette approche a changé la manière d’animer le personnage 3D ?

Dans les prises de vues réelles, les mouvements du cascadeur suspendu aux câbles commencent de manière très fluide, alors qu’il se balance de manière acrobatique, puis il y a un mouvement de ponctuation brutal quand il fait semblant de projeter un nouveau fil et transfère le poids de son corps sur une autre ligne de support de son câble…Juste après, il recommence à se balancer de façon souple et régulière. Bien sûr, la scène du pont se passe à une altitude plus faible… Plus Spider-Man se trouve loin du sol, plus ses mouvements deviennent fluides en raison de l’augmentation de l’accélération de ses balancements. Par exemple, dans la séquence de l’alignement des grues de chantier, vers la fin du film, les mouvements de Spider-Man sont particulièrement fluides, très acrobatiques, parce qu’il bénéficie d’un énorme élan qui le propulse.

Pendant les grandes scènes d’action, quel pourcentage de « Spider-Man numérique » y a-t-il comparé au « vrai Spider-Man » ? S’agit-il d’un partage 50/50 ?

Marc voulait donner un aspect naturel et « organique » à Spider-Man, mais il voulait aussi que la représentation des pouvoirs surhumains de Spider-Man soit en mesure de satisfaire pleinement les attentes du public, et cela, on pouvait l’obtenir pleinement en employant une doublure numérique de Spider-Man. Même en tenant compte de cela, il était important de conserver l’aspect « organique » des mouvements du personnage, en utilisant des références très précises des prises de vues d’Andrew Garfield ou d’un des cascadeurs. Dans de nombreuses séquences, nous passons constamment d’un plan en prises de vues réelles avec un « vrai Spider-Man » à un plan avec la réplique 3D. Dans les scènes ou Andrew Garfield ne porte plus la cagoule du costume, nous utilisons bien évidemment la doublure numérique appropriée.

Pouvez-vous décrire le processus de mise au point du design et de l’animation du Lézard ?

Pour donner vie au Lézard en tant qu’effet visuel, nous avons commencé par créer une version digitale de la statuette du personnage qui avait été conçue et fabriquée par Legacy Effects. A partir de là, nous nous sommes référés à la nature pour ancrer la créature dans la réalité. Nous avons photographié et étudié des vrais lézards et d’autres animaux et avons intégré certaines des caractéristiques de ces créatures à l’aspect et aux mouvements de sa peau et de ses détails faciaux. Nous nous sommes particulièrement inspirés du Dragon de Komodo en raison de son énorme taille, tandis que les détails plus fins, comme les motifs des écailles et la transparence de la peau, ont été empruntés à des lézards plus petits comme les iguanes. Le physique imposant du Lézard est constitué de grands groupes de muscles, habillés de peau détendue par endroits. La simulation de la peau et de la dynamique des muscles était nécessaire pour animer chacun des plans du Lézard. Nous nous sommes référés aux dragons de Komodo pour animer les muscles sous une peau distendue et recouverte d’écailles. Rhys Ifans a été notre inspiration pour l’animation du personnage du Lézard, et ce sont les plans de référence tournés en vidéo sur le plateau qui sont devenus la source principale d’inspiration des équipes d’animation. C’était tout particulièrement vrai pour les gros plans, où il fallait reproduire la performance de l’acteur par le biais d’animations très subtiles, tenant compte de détails extrêmement fins. Nous procédions également ainsi quand le style de jeu était plus théâtral, dès que cela était possible. Mais une fois que les performances des acteurs deviennaient extrêmes (dans une scène de combat violent, par exemple), le choix de la manière dont les acteurs feraient ces mouvements s’ils étaient en mesure de les faire réellement revenait alors aux animateurs. Cette interprétation artistique était placée entre leurs mains. Même dans ces circonstances, les animateurs puisaient dans leurs connaissances du personnage acquises pendant la création des mouvements subtils – toujours en essayant de rendre ces gestes crédibles et réalistes – en conservant ses traits de caractère typiques, tels qu’ils ont appris à les connaître.

Avez-vous créé des effets de transformation sur Rhys Ifans, afin de montrer la métamorphose progressive de son personnage ? A quel point avez-vous mêlé effets visuels et effets de maquillage ?

Il y avait toujours certains effets de maquillage appliqués sur Rhys quand il se transformait. Certaines prothèses ont été utilisées pendant sa première transformation. Imageworks s’est focalisé sur le moment où le Lézard redevient le Docteur Connors. Au moment où le Lézard retrouve sa forme humaine, sa peau s’assèche et s’effrite en disparaissant, révélant ainsi plusieurs couches de peau qui se désintègrent. Ces effets ont été obtenus en utilisant Houdini pour créer des déchirures procédurales, et en donnant d’autres attributions d’animation aux couches extérieures composant le tramage 3D du personnage. Ces caractéristiques une fois attribuées, nous avons utilisé le logiciel Maya’ nCloth Solver pour conférer à la peau partant en lambeaux un aspect réaliste et des mouvements variés, en tenant compte du poids, de la flexibilité et de « l’âge » des différentes surfaces pendant qu’elles se détériorent. La dynamique des tramages différents a été créée à l’intérieur d’Houdini et mélangée aux simulations de couches afin de donner une véritable épaisseur à chaque morceau de chair. Au fur et à mesure que la peau s’ouvre, nous révélons différentes strates de tissu sous-cutané, avec chaque couche de tendons simulée l’une après l’autre pour assurer la stabilité du modèle et empêcher les interpénétrations. Des effets additionnels de génération de particules étaient dérivés des points de déchirures pour donner l’impression de voir de minuscules lambeaux de peau sèche partir en poussière, tout en créant un fin brouillard ponctué de chutes de petites plaques d’épiderme. Les mêmes attributs intégrés au modèle ont également été utilisés pour contrôler la coloration et le texturage de la peau en décomposition. Au niveau créatif, nous nous sommes inspirés de différentes sources pour parvenir à établir l’aspect de cette métamorphose : des images de peaux mortes de serpent après leur mue, de tissus souples d’embryons, et d’une enveloppe de peau de requin qui avait été « plastifiée » en injectant de la résine dans son système sanguin. C’est en mélangeant différents rendus du logiciel Arnold, notamment sa simulation de ray tracing et sa méthode de rendu des sous surfaces à base de nuages de points, que nous sommes parvenus à restituer l’aspect de profondeur et de transparence de la peau pendant qu’elle perd de son humidité et se dessèche. Pour assembler tous ces éléments, nous nous sommes appuyés beaucoup sur les outils de compositing 3D du logiciel Nuke, qui nous ont aidé à mêler tous les rendus des différentes couches dans le composite numérique final. L’avantage de pouvoir allonger la durée des transitions pendant les différents aspects des rendus du personnage a été l’un des éléments-clés de la mise au point de cette séquence. Cela nous a permis de pouvoir procéder rapidement aux modifications qui nous ont été demandées dans le déroulement de l’animation de la scène.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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