Dans les coulisses de JOHN CARTER : Entretien exclusif avec Bill Corso, chef maquilleur – Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 06 Aout 2012
A l’occasion de la sortie de JOHN CARTER en DVD & Blu-Ray, ESI vous propose la suite de notre dossier sur cette épatante adaptation d’un des classiques de la littérature de Science-Fiction.
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
En fin de compte, combien d’acteurs portaient des transferts de ta touages sur la peau, et combien portaient les costumes avec les tatouages imprimés sur soie ?
Généralement, sur une centaine d’acteurs présents sur le plateau, il y en avait 15 à 20 qui portaient des transferts sur la peau et un maquillage, et les autres, soit 80 à 85 personnes, portaient les costumes en soie. Je peux vous assurer que les jours où il y avait une centaine de figurants en plus, ces fameux costumes de soie nous sauvaient la vie ! (rires) La création de ces effets de tatouage a vraiment été une tâche monumentale à accomplir.
Comment avez-vous réussi à cacher les coutures des costumes en soie ?
Elles sont cachées sur les faces intérieures des bras et des jambes.
Quel type de maquillage avez-vous créé pour Taylor Kitsch ? Avez-vous utilisé un aérographe pour souligner les contours des muscles de son corps, par exemple ? Avez-vous travaillé sur sa barbe de trois jours ?
Ce qui est amusant, c’est que je pensais que le maquillage le plus complexe à mettre au point serait celui de Lynn Collins. Mais j’ai décidé de commencer par celui de Taylor en me disant qu’il serait assez rapide à déterminer. En réalité, il a fallu maquiller Taylor presque autant que Lynn ! (rires) Le maquillage de Taylor évolue en 7 étapes au cours du film, depuis le moment où on le découvre sur terre, pendant l’époque de la guerre de sécession, jusqu’au moment où il devient le John Carter légendaire de Mars. Vous savez, si vous voyez Taylor Kitsch bien rasé, au naturel, vous pourriez jurer qu’il a à peine 18 ans. Il est très beau et a une belle peau parfaitement lisse. Il était un peu trop parfait pour incarner un soldat d’une trentaine d’année qui a beaucoup souffert pendant la guerre civile. Il fallait donc que je vieillisse Taylor chaque matin, quant il arrivait dans la loge de maquillage ! J’employais un produit à base de latex pour créer des petites rides sur sa peau, afin de lui donner l’allure fatiguée d’un soldat endurci. Je lui dessinais des cernes et j’ajoutais des rides aux coins de ses yeux. Au début du film, on le voit avec une longue barbe, ce qui est un aspect atypique pour un héros. Quand John arrive sur Mars, il est capturé par les Tharks qui le rasent et le nettoient, parce qu’ils le trouvent vraiment dégoûtant avec tous ces poils ! (rires) Pour en revenir à votre question sur sa musculature, nous avons d’abord réfléchi à la manière dont John Carter était représenté sur les couvertures des livres et dans les BDs depuis des décennies. On le dessine toujours comme un champion de culturisme, avec des pectoraux et des biceps énormes, mais si on y réfléchit un peu, il n’y a strictement aucune raison pour qu’un soldat de la guerre de sécession, même s’il accomplit des tâches extrêmement physiques, soit aussi musclé qu’un Mr Univers ou que Conan le Barbare. Andrew a donc demandé à Taylor de se muscler juste assez pour avoir l’allure d’un combattant en très bonne forme, avec des muscles bien définis et fins, et non pas des grosses masses musculaires saillantes. Il ne fallait surtout pas qu’il ait l’air d’être un superhéros indestructible.
Quel maquillage corporel avez-vous employé sur lui ?
Contrairement à d’autres héros que j’ai pu maquiller, comme Harrison Ford jouant Indiana Jones, Taylor n’est vêtu que d’un pagne pendant le film. On voit donc son corps tout le temps, ce qui voulait dire qu’il fallait lui appliquer tous les jours les cicatrices résultant des blessures reçues au combat. Et je dois dire que certaines d’entre elles sont vraies, car Taylor a récolté quelques belles égratignures en faisant lui-même la plupart de ses cascades sans pouvoir porter des protections, en raison de la tenue de son personnage.
Une partie du tournage a eu lieu dans le désert de l’Utah. Comment arriviez-vous à entretenir les maquillages des acteurs lorsqu’ils transpiraient abondamment à cause de la chaleur ?
L’un des plus gros problèmes du film était de gérer l’aspect bronzé des martiens, et de faire en sorte que la peau de Taylor reste très pâle, car c’est l’aspect que nous voulions qu’il garde pour le différencier des autres personnages. Mais réussir à éviter qu’une personne ne bronze alors qu’elle se promène seulement vêtue d’un pagne sous le soleil du désert de l’Utah, par une température de 50 degrés, est une mission quasi-impossible. Nous avons dû enduire tout le corps de Taylor d’écran solaire d’intensité maximale, puis appliquer les prothèses de cicatrices, le maquillage et les faux hématomes, puis nous vaporisions une seconde couche d’écran solaire par-dessus tout cela. Dès qu’il ne tournait plus, nous nous assurions que Taylor retourne vite sous une ombrelle ou sous une tente, à l’abri du soleil.
Malheureusement, John Carter passe une bonne partie du film à se battre et à être projeté par terre, dans le sable ! Autant de choses qui devaient retirer l’écran solaire que vous aviez appliqué…
Oui, hélas ! Et cela causait aussi des dommages aux prothèses de blessures. A chaque fois que Taylor se relevait après une bagarre de ce genre, nous devions l’inspecter, retirer le sable qui s’était collé en grosses plaques épaisses sur son maquillage et son écran solaire, puis réparer les prothèses qui avaient été endommagées, avant qu’il puisse tourner la prise suivante. Assurer la continuité de son apparence de plan en plan était un vrai cauchemar logistique ! (rires) Paradoxalement, les tatouages des martiens nous posaient moins de problèmes. Une fois que les transferts étaient posés et les corps maquillés, le sable et la poussière qui venait se coller sur leur peau formaient juste une petite couche qui donnait encore plus de réalisme à l’ensemble.
Comment entreteniez-vous les transferts des tatouages, une fois posés sur les acteurs ?
J’avais confié les maquillages des acteurs principaux à mes amis maquilleurs les plus performants et les plus doués, afin de m’assurer que la pose et l’entretien des tatouages seraient parfaitement effectués. Les transferts de tatouages avaient un aspect parfait le premier jour. Le 2ème jour, ils avaient encore une apparence correcte, mais à partir du 3ème et du 4ème jour, ils commençaient à se désintégrer. A ce moment-là, il fallait que des artistes très doués en peinture corporelle viennent réparer les transferts des tatouages en utilisant des feutres marqueurs spéciaux et des peintures aux couleurs exactement identiques à celles des transferts. Nous utilisions aussi des brochures de références qui permettaient de se référer aux motifs originaux. Nous ne pouvions pas nous référer aux transferts non posés, car ils sont imprimés à l’envers, face adhésive de front, pour prendre leur aspect définitif dans l’autre sens, sur la peau. Il arrivait quelquefois que nous dessinions de nouveaux motifs quand les transferts étaient très endommagés, et quand il s’agissait de figurants pour lesquels il n’était pas nécessaire de maintenir une continuité d’apparence. C’était un travail très difficile à faire, car il fallait compléter les parties manquantes des tatouages sur des peaux déjà couvertes de maquillage et de transpiration, sur lesquelles il est difficile de faire adhérer quoi que ce soit. Chaque acteur principal était suivi par deux maquilleurs chargés de veiller à ce que l’apparence de ses tatouages corporels et faciaux reste toujours la même. A la fin de la semaine, il fallait tout retirer, ce qui prenait plus d’une heure par personne, et au début de la semaine suivante, il fallait recommencer l’application du bronzage et des tatouages de A à Z. Pour nous avancer, nous commencions à vaporiser la lotion de bronzage pendant le week-end, pour être prêts à appliquer les transferts et le maquillage dès le lundi matin. C’était un processus qui ne s’arrêtait jamais.
Quels sont les autres effets de maquillage que vous avez créés pour ce film ?
En dehors des tatouages et des prothèses de blessures, les seuls autres effets dont nous nous sommes occupés sont liés aux personnages qui meurent pendant les scènes de combats. Nous avons décidé que le sang martien serait bleu, parce qu’un sang rouge aurait été quasi-invisible sur la peau de personnages très bronzés, couverts de tatouages rouges. Taylor est le seul qui saigne un peu du sang rouge dans le film, mais ce ne sont que des blessures légères et des éraflures. Etant donné qu’il s’agit d’un film Disney, Andrew a décidé assez tôt que toutes les scènes de carnage que l’on peut lire dans le livre seraient limitées aux personnages en images de synthèse dans le film. De ce fait, quand Taylor attaque une horde de Warhoons dans une séquence, il pourfend des ennemis réalisés en 3D, et se retrouve couvert de sang bleu, de la tête aux pieds ! (rires)
La suite de notre dossier bientôt sur ESI !