Avant-première Effets-speciaux.info : notre critique de Watchmen
Article Cinéma du Mardi 03 Mars 2009

Le tour de force réussi de Zack Snyder

Par Pascal Pinteau

Chef d’œuvre de la BD, Watchmen fait partie de ces récits réputés inadaptables au cinéma. Cette « apocalypse des superhéros », située dans une réalité alternative – Richard Nixon dirige toujours les USA dans les années 80, et fait interdire aux justiciers costumés le droit de lutter contre les criminels – a dynamité les clichés des BD de héros masqués, lors de sa parution en 1985. Dans le monde imaginé par Alan Moore et dessiné par Dave Gibbons, on ne retrouve ni les « bons », ni les « méchants » des récits traditionnels, mais seulement des individus torturés, en proie au doute, souvent dépassés par les évènements complexes dont ils sont les témoins ou les acteurs involontaires…Plusieurs cinéastes et studios se sont penchés sur l’incroyable roman graphique de Moore et Gibbons, sans jamais parvenir à faire décoller leur projet de film. A l’annonce du tournage de la version co-écrite et réalisée par Zack Snyder, deux camps se sont immédiatement formés : ceux qui soutenaient le point de vue d’Alan Moore, c’est à dire « un film ne peut être qu’une version bâtarde et simplifiée de la BD originale, et est donc voué d’avance à l’échec », et ceux qui se souvenaient qu’avant d’avoir fidèlement adapté 300, d’après la BD de Frank Miller, Zack Snyder avait déjà réussi une formidable nouvelle approche des films de zombie avec L’armée des morts.



Après avoir vu Watchmen, nous ne pouvons que déplorer l’obstination d’Alan Moore, qui persiste à cracher son venin sur un film qu’il ne voudra jamais voir, car il s’agit du plus bel hommage qu’un cinéaste ait jamais rendu à un roman graphique. Bien sûr, les afficionados regretteront certainement que certaines scènes de la BD aient été raccourcies ou supprimées, et hurleront en reprochant à Snyder d’avoir inventé une fin qui ne duplique pas celle de la BD. Ce dénouement alternatif est pourtant parfaitement fidèle à l’esprit du récit. Dans leur ensemble, ces variations étaient indispensables pour permettre au film de tenir dans un format de cinéma normal (2h40 tout de même !). Mais à part l’inévitable sentiment de « compression » du très long récit original (qui multiplie les digressions et histoires parallèles chère à Moore), on ne peut que saluer la formidable réussite de ce projet ô combien difficile ! Zack Snyder démontre une fois de plus sa maîtrise de la mise en scène et de la création d’images fortes, qui ne sont pas de simples décalques des dessins de Dave Gibbons, mais des réinventions toujours pertinentes. Snyder n’a admis aucun compromis sur les scènes de violence et de sexe. Le Dr Manhattan apparaît souvent entièrement nu, comme dans les cases de Dave Gibbons. Le sang gicle souvent. Bref, on va de surprise en surprise, quand on se rappelle que le film a été produit par deux grands studios habitués à présenter des divertissements « grand public » : rien n’a été amoindri par peur de choquer les spectateurs, car Watchmen assume sa nature de divertissement pour les adultes. Saluons le courage de Paramount et de Warner, qui ont été bien inspirés de donner carte blanche à Snyder ! Les idées originales abondent (fantastique générique de début !) et on ressort de la salle en se souvenant déjà avec plaisir de plusieurs morceaux de bravoure parfaits, totalement jouissifs (notamment Le Dr Manhattan sur Mars, et Rorschach en prison). Autre grande réussite : le casting du film, globalement excellent. Les premières scènes que nous avions découvertes nous laissaient penser que Jeffrey Dean Morgan allait tirer la couverture à lui dans le rôle du comédien ( il prend visiblement beaucoup de plaisir à le jouer), mais au final, la performance la plus forte est sans conteste celle de Jacky Earle Haley, absolument extraordinaire dans le rôle de Rorschach. Ce qu’il accomplit là est aussi fort que la prestation du regretté Heath Ledger dans The Dark Knight. Vous vous en souviendrez longtemps ! Bravo aussi à Patrick Wilson qui campe un Night Owl très touchant, tandis que Malin Akerman est une Silk Spectre fort honorable. Seul (petit) bémol : Matthew Goode aurait pu être un Ozymandias un peu plus charismatique. Comme vous le savez déjà après les avoir vus dans les différentes bandes-annonces diffusées sur le web, les nombreux effets spéciaux du film sont très réussis (nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement sur Effets-speciaux.info), notamment les apparitions du Dr Manhattan, la séquence sur Mars et les scènes finales à New York. Dans la bande dessinée, les adversaires des Watchmen inscrivaient sur leurs pancartes de protestation « Who watches the Watchmen ? » (Qui surveille les Watchmen ?). Eh bien, nous, nous allons non seulement les surveiller de près, mais aller les revoir avec un vif plaisir au cinéma dès le 4 Mars !

[Preview : Watchmen – Les gardiens d'une Amérique alternative]


[Entretien avec le réalisateur Zack Snyder et l'illustrateur Dave Gibbons]


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