Battlestar Galactica – L'apogée des effets spatiaux
Article TV du Mercredi 22 Avril 2009

Alors que les derniers épisodes de ce space-opéra du petit écran ont été diffusés sur Sci Fi Channel aux Etats-Unis, Battlestar Galactica n'en finit pas d'être encensé pour ses multiples qualités. Ses formidables effets visuels ont indéniablement contribué à ce succès. En 2007 et 2008, la profession a d’ors et déjà célébré cette réussite grâce à deux Emmy Award particulièrement justifiés....

Par Pierre-Eric Salard



Dès la diffusion de la minisérie (qui fait désormais office de pilote à Battlestar Galactica), en 2003, la supervision des effets spéciaux incombe à Gary Hutzel. De 1989 et 1998, Hutzel avait travaillé sur Star Trek : The Next Generation et Deep Space Nine, et fait ainsi la connaissance de Ronald D. Moore. Après quelques incursions au cinéma (sur les effets visuels de Planète Rouge et Spy Kids), il est engagé sur Battlestar Galactica. Il fait d'abord appel aux studios Zoic (Terminator : The Sarah Connor Chronicles), qui s’étaient déjà fait remarquer par leur utilisation de plans truqués qui semblaient filmés par un opérateur, « caméra à l’épaule », pendant les séquences spatiales de la série Firefly. A partir de la seconde saison, Gary Hutzel met en place un studio de développement interne à NBC Universal, qui produit la série. L'équipe des effets visuels compte douze infographistes, dont cinq artistes Lightwave, deux spécialistes du compositing des plans truqués et une poignée de superviseurs, producteurs et techniciens. "La plupart des animateurs sont fans de la série originale de 1978", souligne Gary Hutzel. "Cette passion s’exprime dans la qualité des travaux effectués pour Battlestar Galactica". Pour réaliser les animation 3D, ils utilisent principalement les logiciels LightWave 3D et Maya. Le compositing des images est accompli grâce à Adobe After Effects et Discreet Combustion. Enfin, la solution graphique NVIDIA Quadro FX a été choisie pour créer les extensions de décor. "Nous utilisons une pipeline 64 bits afin de travailler de concert", précise Aurore de Blois, responsable du compositing des effets visuels. "En choisissant des logiciels 64 bits, comme LightWave, nous utilisons l'intégralité du potentiel de notre système ! En outre, cela permet de décentraliser le travail. Nous créons les images de synthèse à Los Angeles, alors que nous faisons le compositing à Vancouver".

Prévisualisation

Lors de la pré-production, chaque plan est prévisualisé sous forme d'animatique. Cela permet de choisir le meilleur angle de prise de vue. Normalement, un trucage débute sous la forme d'une description dans le scénario, accompagné d'un storyboard. Un animatique rudimentaire reprend éventuellement le storyboard, plan par plan. Sous l'impulsion de Ronald D. Moore, les studios Zoic ont expérimenté un système d'« animatiques améliorés ». Véritable magicien du logiciel Lightwave aux studios Zoic, Adam 'Mojo' Lebowitz a donc programmé un système permettant de créer rapidement des séquences entières de « trucages avancés ». Ces animations sont alors combinées avec des effets sonores, de la musique et des dialogues, puis montés sur une station Avid afin d'être montrés aux producteurs. D'un côté, ces derniers peuvent visionner une prévisualisation d'une qualité plus proche de celle des trucages définitifs. De l'autre, les artistes ont l'opportunité de contribuer à la conception visuelle et au style cinématographique de ces séquences ! Ce type de collaboration entre les producteurs et les artistes des effets visuels était jusqu'alors inédit dans le milieu télévisuel...



Au coeur des batailles

L'un des aspects les plus célèbres de Battlestar Galactica est la manière de filmer, qui évoque les prises de vues des reportages de guerre. A l'instar des documentaires sur la guerre en Irak, les plans bougent sans cesse et sont ponctués d’effets de zooms, de recadrage, et de mise au point de la netteté. Dans un soucis de cohérence, ce style est bien sûr appliqué aussi aux effets visuels. Le téléspectateur assiste donc aux combats spatiaux comme s'il était effectivement présent ; il se retrouve au coeur de l'action ! Ces plans d’effets visuels acquièrent ainsi une énergie visuelle et un réalisme exceptionnel. Cette esthétique tranche radicalement avec les plans majestueux des films et séries de science-fiction classiques, tels Star Wars et Star Trek ! Afin de créer ces plans aux mouvements erratiques, les animateurs placent la caméra, le temps d'une image, sous un angle légèrement différent dans le logiciel LightWave. En reproduisant ce schéma plusieurs fois durant le plan, la caméra semble tressauter en permanence ! "Nos animateurs seraient immédiatement licenciés dans n'importe quelle autre série (rires)", ajoute Gary Hutzel. "Nos plans ne restent jamais statique, ni systématiquement nets !" Mais cette manière de procéder ne facilite pas le travail des infographistes...

Un savoureux casse-tête

"Les plans sont conçus dans l'objectif que le résultat final soit efficace, et non pas pour rendre notre travail plus simple ! (rires)", explique Aurore de Blois. "Ces séquences nécessitent un long travail de rotoscopie". La rotoscopie se substitue aux fonds vert/bleu. Cette technique permet donc de détourer image par image les acteurs ou objets qui ont besoin d'être intégrés. "En tant que responsable du compositing, mon travail consiste à reproduire les mouvements de la caméra, et à superviser les plans des Cylons et des sauts FTL (l'équivalent des sauts en hyperespace). Je travaille principalement sur l'intégration des images de synthèse au sein des plans tournés en studio, avec des acteurs. Le compositing est l'art et la manière d'assembler, à travers des caches, des images provenant de sources différentes : matte-painting numérique, éléments 3D ou tournés avec des acteurs, etc... Nous assemblons l'image finale, élément par élément. Lorsqu'il faut travailler sur un plan contenant de nombreux robots Cylons, ou créer des extensions de décor qui combinent les prises de vues réelles à des peintures numériques et des personnages numériques, et que la caméra bouge en permanence, le travail de compositing est extrêmement long et ardu ! (rires) Mêler le réel et le virtuel nécessite de nombreuses retouches manuelles. Les éléments numériques doivent être ajustés en fonction du plan tourné auparavant. Certains plans en mouvement ont nécessité plus de deux millions de polygones en arrière-plan et un décor réel de 6 mètre carrés, placé au premier plan !" Notons aussi que le nombre de plans d’effets visuels varie énormément selon les épisodes...



Bouquet final

Selon Gary Hutzel, un épisode nécessite généralement entre 40 et 50 plans truqués. Or, si quelques épisodes intimistes n'ont eu besoin que d'une douzaine d'effets visuels, ceux au cours desquels ont lieu des batailles spatiales réclament jusqu'à 120 effets visuels sophistiqués ! "Le téléfilm Razor a même demandé la création de 164 plans truqués", ajoute Hutzel. "De plus, nous n'utilisons jamais de stock-shots, des plans qui peuvent être réutilisés plusieurs fois ! Nous en créons de nouveaux pour chaque épisode !" Même les sauts en hyperespace sont des séquences distinctes. "Je m'assure que chacun de ces sauts soit unique, qu'il ne ressemble à aucun autre", ajoute Aurore de Blois. "Pourtant, j'en ai déjà conçu une bonne cinquantaine..." Ces trucages donnent d'autant plus de fil à retordre qu'ils doivent être réalisés dans un temps très réduit, comme toujours lorsque l'on travaille pour la télévision.. "Tout ce que nous créons se retrouve dans la série, ou presque. Nous ne coupons quasiment rien au montage", explique de Blois. "Contrairement aux effets de cinéma, nous ne bénéficions jamais de six semaines pour réaliser un seul plan ! (rires) Au départ, deux spécialistes du compositing complétaient cent plans en seulement une semaine. Cela permet de se faire idée du programme intense que nous devions respecter ! Or, avec le temps, l'équipe s'est agrandie et la pression s'est diluée... Ces délais de réalisation très courts rendent cependant les choses plus intéressantes : au final, les plans sont excitants, et nous pouvons en être d’autant plus fiers !" C’est une grande satisfaction pour nos artistes, qui sont de vrais fans de Battlestar Galactica. "Chaque semaine, nous nous rassemblons pour voir le résultat, comme n'importe quel spectateur", confirme Gary Hutzel. Aurore de Blois apporte cependant un bémol à cette exaltation : "Lorsque vous connaissez la fin d'un livre, vous n'appréciez plus sa lecture de la même façon. Comme je travaille dans les coulisses de la série, il est difficile pour moi d'en apprécier pleinement la vision... Justement parce que j'en sais beaucoup trop !" Depuis 2003, Battlestar Galactica a largement bénéficié des talents de ces artistes. Alors que le vaisseau et sa flotte ont désormais terminé leur voyage, les effets visuels de la quatrième saison ont célébré cet évènement en nous réservant un éblouissant bouquet final...

[Retrouvez notre dossier consacré à la création de la série]


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