De STAR TREK, LA SERIE ORIGINALE à STAR TREK, LA NOUVELLE GENERATION : Retour sur les deux séries-phares de la SF, désormais disponibles en Blu-Ray, et sur toute la saga de l’univers Trek !
Article TV du Dimanche 23 Septembre 2012

Suite de notre grand dossier STAR TREK, à l’occasion de l’extraordinaire remastérisation HD de STAR TREK LA NOUVELLE GENERATION.

Par Pascal Pinteau

Qu’on se le dise une fois pour toutes : Star Trek n'est pas seulement une série kitsch dans laquelle les gens déambulent en pyjama. Si cette oeuvre de Science-Fiction est devenue culte, c’est parce qu’elle présente une vision humaniste et généreuse du futur, qui a conquis des dizaines de millions de téléspectateurs depuis les années 60. Voyagez au-delà des clichés et découvrez avec nous comment sont nés les capitaines Kirk et Picard, l’imperturbable Mr Spock et le légendaire vaisseau Entreprise !

L’esprit des pionniers de l’ouest

En 1964, le scénariste Gene Roddenberry imagine un « western spatial ». Ce n’est pas à la conquête de l’ouest que l’on va assister, mais à l’exploration de l’univers, décrit comme le prolongement de la quête des pionniers de l’ouest sauvage. Son projet s'intitule d’abord Wagon to the stars (Convoi vers les étoiles), puis Star Trek (Randonnée stellaire). Intéressée par le concept, la chaîne NBC finance un pilote intitulé The cage. Roddenberry tient à représenter le 23ème siècle de manière crédible. Il consulte la NASA pour établir la forme de l'astronef Entreprise. Les savants suggèrent que les réacteurs soient placés loin des quartiers d'habitation, au bout de supports indépendants, pour limiter les risques (A cette époque, on imagine encore utiliser l’énergie nucléaire pour propulser les astronefs vers leur destination !) Des conseillers militaires établissent les règles hiérarchiques au sein du vaisseau, et le fonctionnement de La Fédération des planètes unies à laquelle il est rattaché. Des médecins imaginent les lits d'auto-diagnostic de l'infirmerie de bord, qui préfigurent de façon frappante les scanners, IRM et autres systèmes d’imagerie médicale actuels. On fait fabriquer trois maquettes de l'Entreprise : une de 7,62cm, une de 91cm, et une version très détaillée de 4m26, dotée de nombreuses sources d’éclairages (hublots, réacteurs), qui servira à filmer les plans rapprochés du vaisseau, incrusté ensuite sur un fond d’étoiles filantes.

Economies et créativité

Les explorateurs de Roddenberry doivent se poser sur des planètes inconnues chaque semaine, ce qui impliquerait de tourner des atterrissages de navettes dans des décors miniatures. Renonçant à ces scènes coûteuses, Roddenberry invente la téléportation. On se contentera de filmer les acteurs dans le décor de l'Entreprise, puis on les fera réapparaître au milieu du paysage fabriqué en studio, grâce à un mélange de fondu-enchaîné et d’incrustation qui remplira leurs silhouettes d’un poudroiement de paillettes étincelantes. D'autres effets spéciaux mémorables se préparent dans les loges des comédiens. John Chambers, expert en prothèses (il réalisera deux ans plus tard celles de la planète des singes), conçoit les oreilles en pointe de l'officier vulcain Spock, qui seront tirées en mousse de latex et collées chaque matin à l’aube par le maquilleur Fred Phillips. L’acteur Leonard Nimoy a rasé la moitié extérieure de ses sourcils car Phillips doit les prolonger avec des postiches relevés pour donner à Spock l'air diabolique voulu par Roddenberry. Le capitaine de l'entreprise, Pike, est interprété par Jeffrey Hunter. Dans le pilote, il est enlevé par des extraterrestres qui collectionnent les êtres de lointaines planètes et les gardent dans une sorte de Zoo privé. NBC apprécie le pilote, mais juge l’intrigue "trop intellectuelle" et le look de Spock inacceptable : le vulcain doit disparaître ! Faisant preuve d’un bonne dose de culot, Roddenberry s’oppose à son commanditaire. Il refuse catégoriquement de zapper Spock. Au cours d’une réunion orageuse, il affirme même que le Vulcain deviendra l'un des personnages les plus populaires de la série. La suite des événements lui donnera amplement raison. Ébranlée par l’aplomb de Roddenberry, la chaîne se laisse convaincre et commande un second pilote pour donner à l’auteur-producteur l’opportunité de peaufiner les détails de l’univers de Star Trek. Après Jeffrey Hunter, retenu par d'autres projets, c'est le canadien William Shatner qui devient le capitaine de l’ Entreprise. Kirk fait ainsi son apparition dans le second pilote, intitulé Where no man has gone before (Où l'homme dépasse l'homme). Cette fois-ci, le cocktail d’action et d’anticipation est accepté par NBC, et la production de la série commence aussitôt.



Les débuts de la série

Le premier épisode - The Man Trap - est diffusé sur les ondes le 8 septembre 1966. Les scénaristes tirent le meilleur parti du trio formé par l’audacieux Capitaine Kirk, l’imperturbable Mr Spock et le chaleureux Docteur Mc Coy (DeForest Kelley). Quelles que soient les situations auxquelles ils sont confrontés, les réactions opposées de ces trois personnages vont générer de savoureux conflits. Loyaux, pacifiques, humanistes, Kirk, Spock et Mc Coy partent à la rencontre de civilisations inconnues avec le désir de les comprendre. Un message d'autant plus sympathique que les USA sortent alors à peine de la guerre froide. Au sein de l’équipage, on découvre l’Africaine Uhura (Nichelle Nicols) chargée des communications, le lieutenant Japonais Sulu (George Takei) , expert en navigation, et l’ingénieur écossais Scotty (James Dohan), capable de réparer le vaisseau avec une clé à molette, un fer à souder et deux bouts de ruban adhésif. « C’est un scandale ! », clame alors le très officiel journal soviétique La Pravda, « Pourquoi n’y a t’il aucun russe au sein de l’équipage ?! » Le lieutenant Pavel Tchekov (Walter Koening) est téléporté à bord à partir de la seconde saison pour réparer cet oubli.

Quand la Science-Fiction devient le miroir d’une époque

Grâce à la Science-Fiction, les scénaristes de la série sont libre d’aborder les sujets brûlants qui divisent la société Américaine : le racisme (on est alors en pleine période de lutte pour l’égalité entre blancs et noirs), les injustices sociales, l’absurdité de la guerre (la guerre du Vietnam fait rage), le conditionnement psychologique. Dans l’épisode Plato's Stepchildren, diffusé le 22 novembre 1968, on assiste au premier baiser entre un homme blanc et une femme noire diffusé aux USA. On a du mal à imaginer aujourd’hui qu’un tel tabou ait pu exister, et pourtant…Cette scène entre le capitaine Kirk et la ravissante Uhura fut même soigneusement cachée aux censeurs avant la diffusion ! 79 épisodes sont produits en trois saisons. Les plus intéressants apparaissent surtout au cours des deux premières années, car la troisième est perturbée par l’arrivée d’un nouveau producteur associé, qui cherche à attirer le public en utilisant de grosses ficelles : plus d’action, plus de jolies filles, plus de monstres. Malheureusement, il se soucie peu de la qualité des histoires, ce qui désespère Roddenberry. La courbe des audiences continue à décliner et la direction de la chaîne menace d’arrêter la série. Le couperet tombe définitivement en 1969, faute de sondages satisfaisants. Les acteurs se séparent, pensant ne jamais se revoir. Ils sont loin d’imaginer que leur aventure dans l’univers de Star Trek vient à peine de commencer…



Star trek renaît

La série quitte alors NBC pour être diffusée par les stations de télé locales sur tout le territoire Américain (C’est ce que l’on appelle là-bas la Syndication). Les étudiants et les jeunes adultes découvrent les rediffusions de Star Trek l’après-midi et se passionnent pour les aventures de Kirk, Spock et Mc Coy. Dans les années 70, la popularité de la série devient absolument phénoménale. Elle provoque l’apparition de jouets, de maquettes, de posters et d’innombrables produits dérivés qui se vendent comme des petits pains. William Shatner et Leonard Nimoy profitent de cette aubaine pour enregistrer des chansons absolument insoutenables (croyez-nous sur parole !), et sont invités dans des conventions Trek plébiscitées par des dizaines de milliers de fans. Le studio Paramount, qui détient les droits de Star Trek, décide de faire fructifier cette licence en or. En 1973, il produit une nouvelle série Star Trek …en dessin animé ! C’est un moyen astucieux de plaire aux fans sans courir de risques financiers. Les acteurs originaux reprennent les voix de leurs personnages, mais les « trekkies » (le surnom donné aux fondus de la série) réclament le vrai retour de leurs héros. Le 17 septembre 1976, en présence des acteurs et de Roddenberry, la NASA rend un superbe hommage à Star Trek en baptisant Entreprise l’un de ses premiers prototypes-test de navettes spatiales . Une pétition signée par 100 000 fans, avait été adressée auparavant à la Maison blanche pour réclamer cette consécration ! En 1977, le triomphe de Star Wars incite brièvement Paramount a produire une deuxième série : Star Trek Phase II. Quelques scripts sont écrits, on dessine aussi de nouveaux uniformes et un nouvel Entreprise, mais le projet n’aboutit pas. Paramount décide d’abandonner cette idée afin que le grand retour de Kirk, Spock et Mc Coy se fasse au cinéma, sous la direction de Robert Wise (Le jour où la terre s’arrêta, West side story).

Bande-annonce de Star Trek : le film :


Téléportation sur le grand écran

Le tournage de Star Trek : The Motion Picture s’avère plus complexe que prévu. La première équipe d’effets spéciaux dirigée par Robert Abel tente de réaliser des plans en images de synthèse qui s’avèrent inutilisables. A cette époque, on peine encore à créer des vaisseaux réalistes en 3D. On fait appel de toute urgence à Douglas Trumbull (2001 l’odyssée de l’espace, Blade Runner) et à John Dykstra (Star Wars) pour produire des trucages de qualité, avec de superbes maquettes. Les évolutions élaborées de l’entreprise sont filmées avec une caméra fixée sur une grue qui se déplace sur un rail de travelling. Des dizaines de moteurs pilotés par un ordinateur permettent de bouger la caméra dans tous les axes, au centième de millimètre près, de changer de mise au point pendant la prise de vue, et de faire défiler la pellicule en avant et en arrière, à l'image près. La caméra bouge autour de la maquette de l’Entreprise fixée devant un écran bleu. C’est en virevoltant et en se rapprochant, qu’elle créait l’illusion de voir le vaisseau se déplacer. Lorsque le film sort en 1979, certaines séquences sont inachevées et le montage n’est pas abouti. Si certains fans adorent les effets de Trumbull (le survol de l’engin spatial géant V’ger est digne des délires graphiques de Philippe Druillet) la grande majorité se plaint du manque d’action. En 2001, Robert Wise présentera enfin la version DVD "Director's Edition" de son film, qui bénéficie de nouveaux trucages réalisés en images de synthèse, d’un nouveau mixage son très efficace et d’un montage serré. En 1982, Star Trek II : la colère de Khan , réalisé par Nicholas Meyer, renoue avec le charme de la série. Le méchant Khan (Ricardo Montalban), vu dans l’épisode Space Seed, est décidé à tuer Kirk par tous les moyens. L’affrontement des deux hommes est passionnant et les effets visuels sont signés par Industrial Light And Magic, le studio de George Lucas. Le film de démonstration de l’effet Genesis, qui transforme une planète morte en un clone de la terre, est la première séquence 3D photoréaliste du cinéma. A la fin de l’aventure, Spock se sacrifie pour sauver l’équipage. Sa mort est l’une des scènes les plus touchantes de la saga. Naturellement, le choc est trop violent pour les fans, qui réclament le retour du vulcain. Le film suivant, réalisé en 1984 par Leonard Nimoy, s’intitule tout naturellement Star Trek 3 : à la recherche de Spock. On y voit Spock, ressuscité par l’effet Genesis, renaître de ses cendres ! En 1986, Star Trek IV : retour sur terre toujours réalisé par Nimoy, nous présente l’équipage de l’entreprise faisant un voyage dans le passé, au vingtième siècle. Très bien accueilli par le grand public, ce film au ton burlesque eut plus de mal à plaire aux fans.

Bande-annonce de Star Trek IV : retour sur terre :


La nouvelle génération

Paramount décide alors de produire une nouvelle série télévisée. Les acteurs de la série originale étant accaparés par le cinéma, c’est un équipage nouveau qui va apparaître. En 1986/87, Star trek, la nouvelle génération est imaginée et co-produite par Gene Roddenberry et Rick Berman. L’action se situe environ 100 ans après la première série, au 24ème siècle. La mission du nouvel Enterprise est cette fois-ci diplomatique, et le gigantesque vaisseau transporte non seulement un équipage d’une haute compétence réuni par Starfleet (la fédération de la flotte spatiale,  représentée dans des milliers de mondes), mais aussi des familles entières avec leurs enfants, des savants, des philosophes, des historiens et des ethnologues. La grande réussite de cette nouvelle génération est la composition du groupe des personnages principaux, tous originaux et attachants. Ainsi, au lieu de choisir un jeune acteur américain au physique « classique » pour jouer le héros, Roddenberry invente non seulement un capitaine français appelé Jean-Luc Picard, mais en plus choisit un acteur anglais déjà mûr – Il a 47 ans au début du tournage – au crâne dégarni et aux cheveux gris pour l’incarner. A l’époque, le choix courageux et inspiré  de Patrick Stewart crée une grande surprise, mais son talent d’acteur, son charisme naturel, sa belle voix et sa diction parfaite lui permettent de s’imposer sans effort dans le rôle du capitaine Picard et de devenir le véritable pilier de cette nouvelle série. A ses côtés, Jonathan Frakes incarne le premier officier Will  Riker, un américain trentenaire, célibataire endurci et grand séducteur. Riker est tout surpris de retrouver dans l’équipage l’une de ses anciennes conquêtes, la conseillère betazoïde Deanna Troi (Martina Sirtis), dont les pouvoirs télépathiques sont fort utiles pour sonder l’état d’esprit des interlocuteurs de Picard pendant les missions de l’Enterprise. Le lieutenant Worf (Michael Dorn) est le premier Klingon à avoir intégré Starfleet. Il a encore du mal à réprimer ce que son instinct impulsif de guerrier lui dicte dans l’environnement courtois et feutré du vaisseau terrien. Le Lieutenant commandeur Geordi Laforge (LeVar Burton) est lui aussi atypique, car il est aveugle. Le viseur/camera qui masque ses yeux est connecté au niveau de ses tempes à son cerveau. Si Geordi n’a pas la même perception visuelle que tout un chacun, il peut voir les spectres lumineux qui nous sont invisibles et comprendre d’un coup d’œil qu’un objet est brûlant ou glacé, qu’un gaz se répand dans l’atmosphère ou qu’une radiation émane d’un lieu apparemment inoffensif. Autre personnage original dans une série de SF, celle qui représente toutes les mères de famille qui vivent à bord de l’Enterprise : le docteur Beverly Crusher (Gates McFadden), une jeune veuve qui élève son fils Wesley (Wil Wheaton), aspirant cadet de Starfleet et génie scientifique en herbe . Le mari de Beverly était l’un des meilleurs amis du capitaine Picard, qui a dû prendre la décision déchirante de le sacrifier pour sauver tout l’équipage de son précédent vaisseau, le Stargazer, dans des circonstances critiques. Ne lui tenant pas rigueur de l’épilogue de ce drame, Beverly et Wesley ont gardé une haute opinion de Picard, et lui sont restés très attachés. L’un des personnages les plus attendrissants de l’équipage est sans conteste Data, l’androïde conscient,  dont le vœu le plus cher est de se comporter comme un humain, même s’il n’est pas capable de ressentir des émotions. Amusant de par ses réactions basées sur la pure logique, Data est également irritant par le trop plein de données (datas en anglais) dont il abreuve ses coéquipiers. Mais ce robot vivant, véritable puits de science, est aussi un camarade de mission d’une loyauté infaillible. Plus rapide et plus fort que n’importe quel humain, Data aura souvent l’occasion de sauver l’équipage de l’Enterprise. Grâce à l’alchimie qui naît des interactions entre ces personnages sympathiques et bien typés, le miracle qui a fait le succès de  Star Trek, la série originale se reproduit lors de la diffusion de la première saison de Star trek, la nouvelle génération , et ce, dès la diffusion de l’épisode-pilote Rendez-vous à Farpoint (Encounter at Farpoint)   . Le spectateur prend plaisir à voir ces personnalités très différentes réagir dans les situations de crises auxquelles elles sont confrontées, en l’occurrence l’apparition d’un extraterrestre tout-puissant nommé Q, qui va soumettre l’équipage de l’Enterprise à un test grandeur nature, afin de juger ce que valent ces étranges humains qui explorent l’univers. Si le pilote est de belle facture, spectaculaire et intéressant à suivre, la naïveté des scripts de quelques épisodes de cette première saison étonne un peu. Formidablement inspiré quant il crée son casting de personnages, Gene Roddenberry pêche par indulgence en validant certaines histoires qui semblent avoir été écrites non pas à la fin des années 80, mais à l’époque de la série originale, dans les sixties. Un défaut qui sera corrigé peu à peu : après des débuts hésitants, l’équipe créative produit des scripts plus convaincants, puis d’excellents épisodes comme Le long adieu (The Big Goodbye) qui se déroule en grande partie dans l’Holodeck, grande salle close dans laquelle on peut matérialiser les personnages et les décors de mondes imaginaires ou réels, parfaitement reconstitués. En l’occurrence, Picard, qui a besoin de se détendre avant un contact particulièrement délicat avec une race extraterrestre très pointilleuse sur le protocole, se projette dans l’univers des aventures de Dixon Hill, détective privé héros d’une série de polars. Bien évidemment, une erreur de fonctionnement de l’Holodeck va donner un tour particulier à cette confrontation avec des gangsters plus vrais que nature, qui deviennent réellement dangereux ! Grâce à de vraies trouvailles de ce genre, la série réussit rapidement à fidéliser un large public. Cependant un des personnages réguliers de cette première saison peine à convaincre et intervient comme une pièce rapportée: le lieutenant Tasha Yar (Denise Crosby), chargée de la sécurité. Contrairement aux autres protagonistes, qui ont chacun un regard différent sur les situations auxquelles ils sont confrontés, Tasha Yar se contente de ne juger les choses que sur leur apparence, toujours prête à se battre ou a dégainer son phaser. C’est bien peu. Même si les scripts font plusieurs fois allusion à sa jeunesse marquée par la violence – orpheline et vite abandonnée par sa famille d’adoption, Tasha a survécu dans les bas-fonds d’une colonie terrienne, dans un environnement de meurtres et de trafics de drogue – ils ne creusent pas les conséquences au long terme que ces traumatismes devraient  avoir sur sa personnalité. Au lieu de faire preuve de cette capacité d’improvisation et de réaction surprenante qui est la marque de ceux qui se sont  débrouillés seuls très jeunes, le lieutenant Yar est juste une version blonde et plus sexy d’un garde lambda : elle ne fait jamais avancer l’histoire de manière déterminante. L’empreinte de la vision positive de Roddenberry était peut-être trop marquée pour que Tasha puisse apporter un regard vraiment décalé, méfiant et cynique sur les événements, et s’imposer ainsi comme la « dure à cuire » de l’équipage.  Denise Crosby ayant reçu des propositions de rôles au cinéma, elle décide de tirer sa révérence. Tasha disparaît donc dans l’épisode L’essence du mal (Skin of Evil) , tuée par une entité malfaisante. Au terme de la diffusion des 26 épisodes de cette première saison, Star trek, la nouvelle génération jouit d’une énorme popularité en dépit de ses petits défauts initiaux. Alors qu’une seconde saison est commandée à la Paramount (il y en aura 7 en tout, dont la qualité ira crescendo jusqu’à une conclusion admirable), l’équipage original réapparaît en 1989, dans   Star Trek V : la dernière Frontière, réalisé par William Shatner (Kirk). A cette époque, Shatner vit très mal l’arrivée de la nouvelle série télévisée, conscient qu’une page se tourne et qu’il n’est plus l’unique capitaine-star de l’univers Trek. Tout en se préparant à succéder à Leonard Nimoy derrière la caméra (L’interprète de Spock a su faire des deux films précédents de grands succès au boxoffice) et à mettre en scène cette nouvelle aventure, Shatner ne se prive pas de faire des déclarations acides sur la nouvelle génération de concurrents qui triomphe à la télévision. Cela ne lui portera pas chance. Malheureusement pour lui, Shatner n’a réalisé jusque là que des épisodes de la série policière Hooker   dont il jouait le rôle principal, celui d’un sergent de police. Interrogé sur sa vision de ce 5ème épisode, il se contente de dire « Je voudrais que ce soit filmé comme sur le vif, caméra à l’épaule» mais n’avance aucune idée esthétique ou dramatique précise… Sans doute peu convaincu que ce nouvel épisode puisse connaître la même carrière que les deux précédents, la Paramount en réduit nettement le budget.  Handicapé par cette baisse de moyens, le film souffre à la fois d’un script peu convaincant, d’une réalisation peu inspirée et d’effets spéciaux bâclés, Industrial Light And Magic n’ayant pas été disponible pour les réaliser. Certaines scènes basculent même dans le grotesque, notamment quand Uhura, incarnée par une Nichelle Nicols presque sexagénaire et bien portante, se dévêt pour se lancer dans une danse du voile destinée à captiver les ennemis qui guettent nos vieux héros ! Même si le film prend la tête du boxoffice pendant la semaine de sa sortie, les critiques sont mauvaises et les fans bien déçus. Caquet rabattu, Shatner abandonne le siège de réalisateur, et commence à être plus diplomate et plus aimable  quand on lui parle de Star trek, la nouvelle génération ! Paramount rappelle alors Nicholas Meyer et lui confie le film suivant , Star Trek VI : The Undiscovered Country (1991). Cette sixième et dernière apparition de l’équipage d’origine au cinéma est une belle réussite. Sur fond de négociations serrées avec les Klingons, nos héros sont victimes d’un complot et envoyés au bagne, sur une planète glacée. Les scènes d’action et d’humour se succèdent à un rythme soutenu et l’accueil du public et des critiques est très positif.

La disparition du créateur

En 1991, Gene Roddenberry disparaît après une longue maladie. Ses cendres seront emmenées discrètement dans l’espace en 1992, à bord de la navette Columbia, grâce au commandant de vol Jim Weatherbee, puis restituées à Majel Barrett, la veuve de l’auteur. (En 1997, une partie des cendres de Roddenberry sera dispersée en orbite pendant un vol commercial de funérailles spatiales  et tournera autour de la terre pendant 6 jours.) Roddenberry reçoit à titre posthume la médaille de Distinguished  Public Service de la NASA. Début 1993, Star Trek : The Next Generation  atteint le sommet de sa popularité. Paramount décide de créer une série « spinoff », c’est à dire un prolongement du concept original. L’action se déroule sur la base spatiale Deep Space Nine, dirigée par un officier noir, le Capitaine Sisko, pour protéger la planète Bajor toute proche. Parmi les personnages principaux se trouvent Odo, le responsable de la sécurité qui peut changer d’apparence à volonté, Kira, une militante pour le front de libération de Bajor, et Quark, propriétaire du bar de la station et homme d'affaire dénué de  scrupule.  Contrairement à la tradition de Star Trek, cette série ne sera pas consacrée à l’exploration du cosmos, mais plutôt à des thèmes politiques, sociaux et religieux. D’abord fraîchement accueillie, elle finira par s’imposer et durera six ans. Comme la série originale, Star Trek : Deep Space Nine repoussera les limites  de la censure Américaine en montrant le premier baiser entre deux femmes.

Générique de la série Star Trek : Deep Space Nine :


Passage de pouvoir au cinéma

En 1994, Paramount décide de clore les aventures de l’équipage original et de lancer les héros de the next generation au cinéma. Star Trek : Generationsnous présente donc un Kirk perdu dans une faille temporelle, rejoint par Picard pour combattre Sauron (Malcolm Mcdowell)  un savant fou. Kirk meurt au cours de la bataille, cédant définitivement la place à Picard. Le film est plaisant mais pas exceptionnel, et surtout, bien trop pointu pour permettre au public qui ne connaît pas bien les séries de suivre toutes ces péripéties.. En janvier 1995, Paramount lance une quatrième série. Star Trek : Voyager narre les aventures du U.S.S. Voyager, un vaisseau projeté accidentellement à une énorme distance de la Terre, dans une partie inexplorée de l’univers. Le capitaine est cette fois-ci une femme, Katherine Janeway (Kate Mulgrew). Comme dans toutes les séries Trek, plusieurs personnages « différents » observent l'humanité avec curiosité : le docteur de bord (Robert Picardo) est un hologramme très sophistiqué dont l’intelligence  artificielle  permet de s’interroger sur la notion de l'être vivant. La ravissante Seven of Nine, autrefois transformée en cyborg anonyme, doit réapprendre à se comporter en humaine.  Cette série durera six ans elle aussi.



Des ennemis implacables

En 1996, l’équipage de la nouvelle génération est à nouveau confronté à ses ennemis les plus redoutables : les Borgs. Dans Star Trek : premier Contact, réalisé par Jonathan Frakes (qui incarne Riker),  on découvre la reine Borg, maîtresse de la conscience collective de son armée de cyborgs. Superbement interprétée par Alice Krige, la reine Borg est une adversaire sensuelle et terrifiante, qui tente de gagner la confiance de l’androïde Data pour vaincre Picard.  Le film reste à ce jour l’un des plus réussis de la série. En 1998, Star Trek : Insurrection, toujours réalisé par Frakes, évoque plus une production télé qu’une véritable aventure de cinéma. Cette histoire d’immortels dont le don est fort convoité, assortie d’une tiède romance entre Picard et l’une des habitantes de ce monde, ne passionne guère. Paramount lance une nouvelle série en 2001 : Star Trek Enterprise, dont l’action se situe en 2150, avant les aventures de Kirk et Spock, alors que le tout premier vaisseau Enterprise se lance à la découverte de l’espace. Dans l’excellent pilote de la série, le capitaine Jonathan Archer (Scott Bakula) déjoue un complot qui dévoile de nouveaux ennemis. A son bord, il accueille  une vulcaine particulièrement sexy, dont la froideur va générer moult situations comiques. Les producteurs de la série annoncent des épisodes surprenants , mais un sentiment de « déjà vu » s’impose : les téléspectateurs ont du mal à s’enthousiasmer pour cette nouvelle déclinaison de l’univers Trek, et les fans sont très partagés. A côté de ceux qui ironisent en affirmant qu’il ne s’agit que « d’une série Trek de plus », d’autres apprécient cette description bien menée des origines de la fédération et des voyages du premier Enterprise, encore rustique. Après des débuts prometteurs, les taux d’écoute s’étiolent et Paramount s’interroge sur le futur de Star Trek Enterprise.



Star Trek en péril

Tandis que Star Trek : Enterprise connaît des difficultés,  un nouveau film entre en préproduction : Star Trek: Nemesis. Le scénariste John Logan (Gladiator) promet de ravir les fans car il en est un lui-même. S’il avoue d’emblée ne rien connaître de Star Trek, le réalisateur Stuard Baird a prouvé avec Executive decision et U.S. Marshalls qu’il sait trousser des films d'action très efficaces.  Les effets spéciaux sont confiés à Digital Domain, qui s’est distingué en créant les trucages de films marquants, comme Apollo 13, Le 5ème élément et Titanic. Nemesis démarre bien, mais un flottement s'installe  dès que l'on découvre le complot que prépare Shinzon (Tom Hardy, devenu depuis le Bane de THE DARK KNIGHT RISES) , clone de Picard, pour s'emparer d'une arme de destruction massive. Si le film contient son lot de bonnes idées, tous ses thèmes majeurs - le vieillissement des héros, la revanche d'un ennemi contre le capitaine, la menace d'une arme mortelle, et le sacrifice d'un des personnages principaux - sont des copies conformes de ceux de Star Trek 2, la colère de Khan. Et force est de constater que le film de Nicholas Meyer est autrement plus réussi que celui de Stuart Baird. Nemesis sort en 2002, et réalise des scores médiocres. Cet échec fragilise  encore la franchise Trek. Comble de l’horreur, voilà que Star Trek : Entreprise est menacé d’arrêt ! Les fans, effarés par l’idée qu’il ne subsiste plus aucune série Star Trek en production, lancent une pétition pour obtenir la prolongation d’Enterprise. D’autres fans plus fortunés décident de se regrouper pour financer la survie de la série et son transfert sur une autre chaîne de télévision ! Mais Paramount se borne à constater que les taux d’écoute ne permettent pas de rentabiliser le coût de production important de la série. Star Trek : Enterprise termine malheureusement sa mission au bout de quatre ans seulement, en dépit de ses indéniables qualités. Pour rassurer les fans, Paramount se contente d’affirmer dans un communiqué que la franchise Star Trek est trop importante pour ne pas continuer à la développer. Certes, mais sous quelle forme ? Après quelques mois d’incertitude, on apprend que c’est à J.J. Abrams, le créateur des séries Alias et Lost et réalisateur de l’excellent Mission Impossible 3 qu’est confié la réalisation du film sobrement intitulé Star Trek qui doit relancer la franchise auprès d’une nouvelle génération de fans, mais aussi tenter de séduire les spectateurs qui ne connaissent pas cet univers. Dans ce récit, on revient donc aux origines de l’aventure, et aux débuts de la carrière de Kirk et Spock au sein de l’académie de la flotte spatiale. Ce nouveau départ, boosté par la présence des jeunes comédiens Chris Pine et Zachary Quinto (Sylar dans Heroes)reprenant les rôles de Kirk et Spock popularisés par William Shatner et Leonard Nimoy, doit absolument convaincre un large public… Le verdict tombe en 2009. La nouvelle version cinéma de Star Trek est une belle réussite. Le scénario est intelligent, efficace etdynamique, la mise en scène de J.J. Abrams excellente, les performances des comédiens formidables et les effets visuels d’ILM à couper le souffle. Et cerise sur le sommet du gâteau, cet équipage rajeuni réussit sa mission en séduisant aussi les non-initiés. Même si certains trekkies ont grincé des dents en voyant J.J. Abrams profiter d’une faille temporelle intégrée au scénario pour modifier certains détails de l’univers de Star Trek , l'avenir de la franchise est indéniablement assuré.



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