Exclusif: visite du tournage du Choc des Titans - Seconde partie
Article Cinéma du Vendredi 20 Novembre 2009

Entretien avec les producteurs Basily Iwanyk and Kevin De La Noy (seconde partie)

Retrouvez la première partie de l'interview.


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment décririez-vous l’apport de Liam Neeson au film ? Il semble avoir la stature nécessaire pour incarner la personnalité hors du commun d’un dieu…

Kevin De La Noy : Il apporte une crédibilité dramatique au rôle.

Basil Iwanyk : En ce qui me concerne, j’ajouterais qu’il jouit aussi d’une grande popularité en raison de tous les films dans lesquels il a joué, et aussi que son physique imposant convient parfaitement au rôle. Il est très grand (NDLR : Liam Neeson mesure 1m93). Il possède aussi une très belle voix et des yeux qui expriment une grande douceur. Dans notre film, Zeus a créé les humains et les aime. Mais il est devenu paresseux et trop indulgent. Et de ce fait, il se met dans une posture qui permet à Hadès, son frère qui le hait, de le duper. De son côté, Zeus n’éprouve aucune haine vis à vis de Hadès. Il est bienveillant, mais ce trait de caractère l’a amené à devenir complaisant à force de tolérance. Il éprouve envers les humains la même affection que nous pouvons ressentir pour nos animaux domestiques favoris. Un beau jour, il sort de cette torpeur et réalise que les humains possèdent désormais les moyens de se faire entendre des dieux, et il est pris au dépourvu par ce changement de situation. Nous recherchions donc un acteur dont le public pourrait percevoir le regard bienveillant, au-delà de l’apparence classique d’un dieu grec barbu et portant une armure. On sent une empathie et une gentillesse naturelle dans le regard de Liam, tandis que sa voix et sa présence à l’image sont impressionnantes. Il fait partie de ces gens que l’on aime immédiatement, dès qu’on les voit. En découvrant Batman Begins, les spectateurs ont été d’autant plus surpris que son personnage soit finalement le méchant de l’histoire, à cause de cette caractéristique. On éprouve spontanément de la sympathie pour Liam.

Que pouvez-vous nous dire à propos de Poséidon ? Le verra t’on lors de scènes sous-marines ?

Basily Iwanyk: Non. Vous découvrirez bien des scènes tournées sous l’eau dans le film, mais il n’en fait pas partie. Pour l’instant, Poséidon reste au sein de l’Olympe. Je me souviens que dans le film original, on le voyait libérer le kraken, mais ce n’est pas comme cela que les choses se passent dans notre version.

Dans ce cas, que pouvez-vous nous dire à propos du kraken ?

Kevin De La Noy: Nous en avons un. (rires)

Basily Iwanyk: Il est énorme. Gigantesque. Et encore en pleine phase de design au moment où nous parlons ! (rires) Andromède sera une toute petite silhouette quand on la verra à côté de lui. Ce sera différent du film original, et de la mythologie grecque, parce que le kraken, en réalité, ne vient pas des récits grecs, mais des légendes des pays nordiques. Dans notre version, c’est Hadès qui donne naissance au kraken – et en le disant, je me rends compte que cela a dû être douloureux ! (rires) – afin de tuer les titans. Le kraken, c’est comme l’option nucléaire. C’est la comparaison qui me semble la plus juste. Quand le monde est menacé d’anéantissement, vous libérez le kraken, et il est extrêmement dur à contrôler. Les dieux libèrent le kraken assez tôt dans notre histoire pour se débarrasser des titans, et Zeus le renvoie ensuite dans les profondeurs abyssales des océans. Ensuite, Hadès vient le trouver et lui dire « Les humains prennent de l’assurance. Ils détruisent les idoles qui nous représentent. » Cela semble être peu important, mais à cette époque, pour les dieux, c’est un terrible outrage. Un grand « Allez vous faire voir… » adressé aux dieux ! Une des choses que nous avons inventées pour ce film, c’est que les prières des hommes sont littéralement la source d’énergie vitale qui anime les dieux. Dès que les humains arrêtent de les implorer et de leurs adresser leurs prières, les dieux s’affaiblissent et peuvent même mourir. Le choix qui s’offre à Zeus rappelle les principes souvent utilisés par les dirigeants religieux ou les gouvernements à travers l’histoire : « Devons-nous nous faire vénérer parce que nous sommes bons, ou devons-nous effrayer la population par tous les moyens pour qu’elle s’en remette à nous pour assurer sa sécurité ? » Cette peur panique leur assurerait le retour des prières humaines. Pour sa part, Zeus croit que la bonté des dieux permettra d’inciter les hommes à prier davantage. Quand nous découvrons Hadès au début du film, son point de vue est différent. Il dit « Les prières ne nous parviennent plus. Les humains se rebellent contre nous. Nous devons leur faire peur. Je vis dans le monde souterrain, dans les enfers. Je sens leur terreur tout le temps, et elle est bien plus convaincante que tous les rites religieux. Terrifions-les en libérant le kraken. C’est la force la plus destructrice de l’histoire. Il a vaincu les titans. Ensuite, ils seront si craintifs qu’ils feront tout ce que nous leur ordonnerons de faire. » Et voila comment le kraken surgit dans notre histoire. Nous devons donc imaginer une chose si colossale et si puissante qu’elle pourrait détruire le monde entier si on ne trouvait pas le moyen de la contrôler. Pour revenir à votre question sur l’aspect du kraken, nous n’avons pas encore établi le design définitif, mais nous avons déjà une très bonne idée de ce que cette créature devrait être. Malheureusement, comme le disait Kevin, c’est le seul acteur qui n’a pas encore rejoint notre casting. Nous allons le rencontrer seulement en décembre !

Le film sera distribué en salles au mois de mars aux USA, comme l’a été 300, qui était aussi une production Warner. Y a t’il une stratégie derrière cela ?

Basily Iwanyk: Warner a connu beaucoup de succès en utilisant cette date de sortie par le passé. C’était la date de sortie choisie pour 300 et pour Watchmen. Il s’agit du premier week end après le « springbreak », la fête qui suit la remise des diplômes aux USA. C’est une période où le grand public revient en masse dans les salles, après Noël, et l’horizon est traditionnellement assez dégagé en termes des sorties de films de la concurrence. Warner aime cette date pour beaucoup de raisons. Ils ont un nouveau film de Christopher Nolan à venir, et les dirigeants du studio considèrent que ce moment de l’année leur appartient. Ce fut aussi la date de sortie du premier Matrix, il y a dix ans.

Quels sont les problèmes que vous avez dû résoudre en allant filmer sur les plus hautes montagnes des îles Canaries ? Ce n’est pas facile d’atteindre ces sommets, surtout avec tout le matériel de cinéma que vous avez dû utiliser. Cela a dû ressembler à une véritable opération militaire…

Kevin De La Noy: Oui, cela ressemblait effectivement à une opération militaire de grande envergure, mais c’est notre métier de faire cela. Nous avons l’habitude de nous rendre dans des décors naturels difficiles d’accès. Quand nous en avons parlé, Basil, Louis et moi, nous étions tous bien décidés à ne pas filmer le Choc des Titans dans des paysages maintes fois utilisés auparavant. Cela nous aurait semblé complètement inapproprié. Quand vous partez à la découverte d’un monde de dieux et de titans, vous n’avez pas envie de vous retrouver dans des endroits où traînent encore des vieux accessoires de Gladiator. (rires) Je crois qu’une des raisons pour lesquelles la trilogie du Seigneur des Anneaux a eu autant de succès, c’est que personne avant Peter Jackson n’avait su filmer les superbes paysages naturels de la Nouvelle Zélande avec une telle majesté. Je crois que c’était un des atouts majeurs de ces films. Peu après, je suis allé là-bas pour produire Le dernier Samouraï et nous savions tous déjà quels environnements nous allions trouver. Jackson les avait découverts. Pour toutes ces raisons, le choix des paysages nous a posé de nombreux dilemmes, parce que quelle que soit l’époque pendant laquelle le film est sensé se dérouler, lointaine ou contemporaine, les décors naturels rarement filmés sont toujours très difficiles d’accès. Une fois que vous les avez trouvés, il vous faut amener sur place votre équipe de 300 personnes, et le groupe de la seconde équipe, qui compte 100 personnes de plus. Il faut nourrir toutes ces personnes, et leur trouver des chambres d’hôtel dans la région, et il faut aussi être en mesure d’amener tout l’équipement technique et les caméras sur place. Nous avons fait beaucoup de recherches pour trouver le site idéal. Au début de ces recherches, quand je me trouvais encore en Angleterre, avant que la préparation ne débute à Los Angeles, j’ai envoyé des photos des îles Canaries à Basil et à Louis. Nous recherchions des paysages de volcans, où l’on voit la terre se former, des endroits qui évoquent toutes les forces colossales qui participent à la création de notre planète. Nous avons étudié avec attention les environnements naturels de l’Islande et des îles Canaries, parce que nous savions déjà que la production du film serait basée en Europe. Dans le cas de l’Islande, nous savions que de nombreux films avaient déjà été tournés là-bas, et que les panoramas y sont fantastiques, mais le problème majeur était la météo. On peut compter sur trois jours de beau ciel bleu par an, mais on ne sait jamais quand ils vont arriver. Le reste du temps, les nuages sont si bas qu’on ne peut pas filmer quoi que ce soit. Et même si nous avions eu de la chance, l’inconvénient était que ces endroits avaient déjà été vus au cinéma. Nous avons donc contacté le gouverneur des îles Canaries et nous l’avons rencontré à Madrid à cause de leur implication là-bas. Nous lui avons expliqué ce que nous avions l’intention de faire. Et à ce moment, comme Louis nous avait rejoint, et que personne n’avait tourné dans ces lieux…

Basily Iwanyk: J’avais entendu parler des îles Canaries, mais je suis américain, et donc, quand tout le monde a commencé à parler de ces îles, je me suis dit « Ça semble être une bonne idée. Elles sont probablement proches de Majorque, avec des décors très méditerranéens, dans les alentours des Açores. C’est chouette ! » (rires) Et finalement, je me suis rendu compte que les îles Canaries se trouvaient sur la côte ouest de l’Afrique…

Kevin De La Noy: Oui, elles sont situées en fait au large des côtes marocaines. Quand les gens pointent une carte du doigt en essayant de les situer, ils se trompent généralement de plusieurs milliers de kilomètres. Ils les imaginent plutôt vers Malte ou vers Gibraltar, qui sont des endroits où il n’y a pas d’îles.

Basily Iwanyk: Quand vous tournez à une telle altitude, vous subissez la terrible intensité du soleil du Sahara, parce que vous vous trouvez au large de la côte ouest de l’Afrique. Mais comme vous vous trouvez aussi au-dessus des nuages, vous mourrez de froid le matin, quand les vents glacés soufflent ! Pour ne rien arranger, la haute altitude vous déshydrate ! Votre corps ne sait plus si vous êtes en train de griller au soleil ou si vous êtes en train de geler…

Kevin De La Noy: Effectivement, à plus de 3000 mètres, l’oxygène est raréfié. Vous souffrez donc de nausées à cause de l’altitude. Toutes ces sensations sont amplifiées par l’itinéraire par lequel commence chaque journée. Le matin, quand vous quittez l’hôtel en voiture, vous vous trouvez au niveau de la mer, et une heure et quart plus tard, vous arrivez à 3000 mètres d’altitude. Une fois sur place, tout vous semble plus lourd à porter, et vous êtes constamment a bout de souffle. Et vous devez travailler toute la journée, parce que nous abattions des journées continues de dix heures, sans nous arrêter pendant que nous mangions, pour être toujours actifs. Et après, il fallait tout remballer dans les voitures et les camionnettes, revenir à l’hôtel et recommencer le lendemain matin. Je me suis cassé le poignet avant d’aller là-bas, et j’avais donc un plâtre en arrivant sur place. Pour moi, c’était devenu un outil qui m’indiquait le changement d’altitude. Le matin, au niveau de la mer, tout allait bien, mais dès que nous prenions la route et commencions à monter, je sentais ma chair se dilater à l’intérieur du moule, jusqu’à s’emboîter dans le moindre recoin du plâtre. C’était un peu comme une bouteille d’eau qui se gonfle dans un avion à cause de la pression. Nous avions donc aussi à subir des problèmes physiques de ce genre. Le soleil posait lui aussi des problèmes particuliers. Nous devions aussi prendre des précautions parce que nous travaillions dans un parc national. Nous avons collaboré étroitement avec les spécialistes de l’environnement et les responsables du parc pour savoir précisément où nous étions autorisés à aller, et où nous devions éviter de nous rendre afin de ne pas perturber les espèces animales en voie de disparition. Mais en fin de compte, tout cela en valait largement la peine, car le dernier film qui avait été tourné là-bas était Un million d’années avant J.C., avec Raquel Welch, en 1969. (NDLR : c’était Ray Harryhausen – encore lui ! - qui en avait signé la conception et les animations de dinosaures). Nous sommes donc particulièrement fiers aujourd’hui de pouvoir présenter à l’écran des paysages et des compositions visuelles que la majorité de la génération actuelle de spectateurs n’a jamais vu. De plus, nous avons réalisé ces prises de vues avec une technologie et des équipements bien plus perfectionnés. Personne n’avait filmé ce parc naturel depuis un hélicoptère avant notre tournage. Nous avons négocié pendant cinq mois pour obtenir l’autorisation de le faire, mais nous y sommes parvenus !

Cela signifie que vous avez dû créer des plateformes d’atterrissage pour les hélicoptères…

Kevin De La Noy: Oui, nous avons dû construire cela et bien d’autres types d’équipements. Mais grâce à ces efforts, les prises de vues que nous avons réalisées à Tenerife et à Lanzarote sont vraiment spectaculaires. Ces images seront l’une des belles surprises de ce film. A partir du moment où nos personnages débutent leur voyage, ils se rendent dans des endroits qui nous ont fait écarquiller les yeux quand nous avons découvert nos rushes.

Basily Iwanyk: Mais quand j’ai entamé mon dernier voyage depuis le haut de ces montagnes, je pleurais de joie tant ce voyage m’était devenu insupportable. C’était une véritable torture !

Et comment les comédiens ont-ils supporté les méfaits de la haute altitude ?

Basily Iwanyk: Ils ont réagi comme les membres d’un commando, comme s’ils étaient en mission spéciale. Il y avait un tel esprit de compétition entre tous les hommes du casting...

Kevin De La Noy: Ils ont été fantastiques. Ils devaient courir à toute allure pendant les séquences de poursuite, et ils l’ont fait sans aucun problème, et autant de fois que nous en avions besoin.

Basily Iwanyk: Ils ne se sont jamais plaints de l’altitude et du manque d’oxygène. Ils sont restés en mode « héros » pendant tout le tournage ! (rires)

Nous publierons prochainement la suite de notre visite du tournage du Choc des Titans.

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