Dossier AVATAR - Exclusif : Dans la peau du Colonel Quaritch - Entretien avec Stephen Lang, seconde partie
Article Cinéma du Dimanche 17 Janvier 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



L’histoire d’Avatar évoque certains westerns dans lesquels on pouvait voir des militaires haut gradés déterminés à éradiquer des tribus indiennes rebelles, sans jamais chercher à comprendre leur point de vue. Vous êtes-vous inspiré de cette époque de l’histoire américaine pour composer votre personnage ?

Je crois que l’élimination systématique des indiens d’Amérique du Nord est un fait auquel on ne peut pas s’empêcher de songer quand on voit Avatar. Les Na’vis, par leur apparence, par leur mode de vie, par les armes qu’ils emploient, par leur manière de se déplacer dans la fôret, ont beaucoup de point communs avec notre vision de ce qu’étaient les indiens. Je crois que votre remarque est très juste. Comme les indiens, les Na’vis sont expulsés de leurs terres afin que l’on puisse exploiter les richesses naturelles du sous-sol. Aux Etats-Unis, on cherchait du pétrole, des filons d’argent, ou des bisons, et sur Pandora, les terriens recherchent un minerai très rare. On pourrait citer des centaines de tribus qui ont été chassées de leurs terres pour toutes ces raisons liées au profit et à la cupidité. C’est bien la même situation que décrit Avatar. Je crois que Jim a établi ces parallèles de manière tout à fait consciente. Il me semble aussi qu’il a puisé une partie de son inspiration dans les écrits d’Edgar Rice Burroughs, afin de donner à son récit le souffle épique d’une grande aventure.

La scène du combat entre l’Ampsuit que vous pilotez et Neytiri et son Thanator a t’elle été difficile à tourner ?

Oui. Nous avons tourné cette scène de plusieurs manières différentes. Je l’ai d’abord tournée en capture de performance, puis en prises de vues réelles, en étant installé dans le cockpit d’un ampsuit monté sur une plateforme animée. C’était un travail qui exigeait à la fois de la concentration et de la minutie, car il y avait beaucoup d’éléments techniques en jeu. Il fallait que chaque geste soit calibré, que chaque coup porté atteigne un endroit très précis. La difficulté, c’est qu’il fallait jouer à la fois l’abandon à la violence, et donner l’impression de contrôler l’ampsuit. C’était comme si je dansais avec la caméra, que Jim tenait dans ses mains. Et puis au printemps dernier, nous avons tourné d’autres plans de cette scène, qui étaient plutôt des plans de réactions, et d’autres pendant lesquels j’étais bousculé de tous les côtés dans l’ampsuit. Nous avons filmé aussi des plans dans lesquels l’ampsuit s’écrase, et où je brûle. C’était difficile, mais amusant à faire. Je ne dirais pas que c’est moins difficile que de jouer, mais en tous cas, on n’a pas à faire appel à des sentiments profonds comme pendant que l’on joue une scène d’amour.

Comment avez-vous travaillé avec James Cameron sur le développement de votre personnage ? Quelles sont les idées que vous avez suggérées ?

Je suis parti du principe que Quaritch est un excellent professionnel, qu’il sait parfaitement jauger les hommes et les commander.  J’avais établi toute cette « checklist » dans ma tête avant de tourner. J’en ai parlé à Jim et il était d’accord. Nous avons également choisi ensemble la manière dont Quaritch s’exprime, le langage qu’il utilise. Son choix de mots. Sa conception du métier de Marine. Tout au long du tournage, nous nous sommes rendus compte, Jim et moi, que notre vision du personnage coïncidait parfaitement. Ce n’était pas si compliqué. Il s’agissait juste de bien déterminer les nuances, les intonations des phrases, et le choix des mots précis. De même, s’il m’arrivait d’hésiter brièvement pendant une scène, nous nous arrêtions de tourner pour nous demander si ce petit incident n’était pas utile, et si nous ne devions pas le conserver ainsi. Une hésitation apporte quelquefois un élément imprévu et spontané qui est intéressant. Nous y réfléchissions dix minutes, et puis nous tournions la scène à nouveau, pour disposer de différentes options, et nous assurer ainsi que Jim puisse être satisfait en fin de compte. Dans la plupart des cas, les versions n’étaient si différentes les unes des autres. La seule scène pour laquelle Jim a tourné trois fins différentes est la conclusion du film. Et je dois dire que je suis assez curieux de voir quelle sera celle qu’il décidera de conserver.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à jouer ?

A un niveau purement physique, il s’agit d’une scène pendant laquelle mon vaisseau est fortement endommagé. Le décor bougeait énormément, et c’était assez difficile de jouer tout en sautant et en escaladant des éléments de décor. C’était très fatigant à tourner, au bout de plusieurs prises. A la fin de la journée, j’étais épuisé. C’en était trop pour ma vieille carcasse ! (rires) En terme de jeu pur, et d’émotions qu’il fallait solliciter, aucune des scènes du film ne m’a vraiment paru difficile à interpréter.

Comment James Cameron travaille t’il avec les acteurs ? A t’il une idée très précise de la manière dont vous devriez jouer la scène, ou aime t’il en tourner plusieurs versions, ou improviser certaines choses pour ajouter des idées venues spontanément ?

Jim Cameron est très exigeant envers lui-même, et il attend aussi que vous lui donniez le meilleur de ce que vous savez faire. Il se consacre à un tel point à son projet, et déploie une telle passion, une telle férocité pour parvenir à ses buts, qu’il place la barre extrêmement haut. Vous savez donc, sans qu’il ait besoin de le dire, qu’il attend que vous vous donniez à fond. Jim éprouve beaucoup de joie à travailler, et il laisse toujours une grande part d’improvisation dans son travail avec les acteurs, parce que tout le reste a été préparé dans les moindres détails. Jim vous encourage à improviser, parce que s’il vous a engagé, c’est à cause de la personne que vous êtes, à cause de votre créativité. Il n’a pas envie d’avoir juste des marionnettes dociles et inertes en face de lui. Il m’a semblé très clair qu’il attendait que l’on propose des choses, autant quand je l’observais en train de travailler avec d’autres acteurs que lorsque nous tournions ensemble. C’est très agréable et très amusant de tourner avec Jim. Il agir avec  beaucoup de respect lorsqu’il travaille avec les techniciens et les acteurs de son équipe. Mais le grand avantage que nous avons, c’est que Jim est conscient du fait qu’il ne sait pas jouer la comédie. Et je crois qu’il n’y a pas énormément d’autres choses qu’il ne sache pas faire sur un plateau de cinéma ! Je crois que cela l’incite à avoir d’autant plus de considération pour les comédiens. Il a coutume d’engager des acteurs qui ont une grande puissance de jeu et beaucoup de charisme.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de choses que vous avez improvisées et que James Cameron a aimées et gardées dans vos scènes ?

Le discours que je prononce quand j’accueille les troupes qui viennent d’arriver a été le fruit d’une collaboration étroite entre Jim et moi. Il m’a laissé une liberté quasi totale quand nous avons tourné cette scène. Plusieurs fois, il m’a dit « Qu’est-ce que tu veux faire ? Où as-tu envie de te placer ? A un moment, il faut juste que tu arrives ici, devant la baie vitrée, parce qu’on pourra voir la jungle au travers et que ce sera bien. » Il m’a donné quelques points de repères, puis il m’a laissé faire. Ensuite, nous sommes revenus sur certains détails de la scène. Il m’a demandé de marquer un petit temps de pause entre certains mots, certains gestes. Il travaillait autour de ce que je lui proposais. Nous avons procédé de même pendant le tournage des combats. Quand je donnais des coups en pilotant l’ampsuit, Jim voulait que cela semble aussi organique que ce qu’il avait visualisé dans sa tête. Quelquefois nous travaillions ainsi sur le plateau, et dans d’autres cas, nous allions dans son bureau pour visionner les montages 3D préparatoires de certaines scènes, afin de visualiser l’environnement et les animations provisoires des personnages. Grâce au système Simulcam couplé avec la capture de performance, nous avions aussi la possibilité d’improviser en temps réel tout en voyant le résultat s’afficher sur l’écran, comme si nous jouions à un jeu vidéo. Je ne me souviens pas de la moindre scène qui ait été préconçue de manière stricte et rigide, même s’il nous arrivait de nous conformer à certaines contraintes techniques précises. Les scènes dans le cockpit du Dragon, mon vaisseau d’attaque, étaient assez contraignantes à filmer en raison de l’exiguïté de ce décor. Je ne pouvais pas adopter des attitudes très variées, et Jim ne pouvait pas non plus placer sa caméra de 100 manières différentes. Il arrivait donc que nos envies d’improviser soient limités par ces contraintes…géographiques !

Puisque nous parlons des scènes qui se déroulent dans le cockpit de ce vaisseau, le plan où l’on vous voit boire tranquillement une tasse de café pendant l’attaque aérienne contre les Na’vis est formidable. Tout est dit sur le personnage de Quaritch en une seule image ! Cette scène était-elle écrite ainsi dans le script ou la tasse de café a t’elle été une idée de dernière minute ?

Nous avons ajouté la tasse de café à la dernière minute, parce qu’il nous a semblé que c’était un petit détail qui exprimait parfaitement l’attitude de Quaritch. C’est comme s’il disait « Je fais juste mon boulot ! » (rires) On comprend aussi qu’il ne s’attend pas à ce que le moindre problème survienne pendant l’attaque. La seule chose que je regrette, c’est que j’aurais bien voulu que l’on mette un petit morceau de carboglace dans ma tasse pour que l’on puisse voir de la fumée s’en échapper. Mais on s’est rendu compte que cela aurait fait apparaître de la buée sur les vitres du cockpit, et je me suis donc contenté de faire semblant de boire mon café ! (rires)

Quels ont été les défis les plus intéressants à relever pendant ce film ?

Probablement la longue durée du projet, car le tournage a été réparti sur près de deux ans. J’ai été définitivement choisi pour ce rôle en juin 2007, et j’ai tourné mes derniers plans en mai 2009. Cela signifie que j’avais la responsabilité de rester en forme et de garder la même apparence physique pendant deux ans, ce qui n’était pas évident. Il fallait aussi que je puisse facilement entrer à nouveau dans ce rôle, et retrouver mes marques sans hésitation. Il fallait que je puisse incarner sans hésitation la férocité et la détermination de Quaritch. Je me souviens qu’à la mi-octobre de cette année, quand nous nous sommes retrouvés pour réenregistrer certains éléments de dialogues, comme on le fait toujours au cinéma, Jim m’écoutait attentivement pendant que je jouais Quaritch, puis il s’est tourné vers moi et m’a dit « Tu sais, Slang, tu te glisses avec beaucoup trop de facilité dans la peau de Quartich…C’en est presque inquiétant ! » (rires)

Est-ce que les séances de maquillage étaient longues ? Quaritch porte beaucoup de balafres…

S’il fallait que l’on fasse très vite, le maquillage pouvait être appliqué en 1h45. Mais la plupart du temps, cela prenait 2h30, surtout quand on me voit en maillot de corps, avec des cicatrices sur mes épaules et mes bras. Johnnie Rosengrant et toute la merveilleuse équipe de Legacy Effects ont accompli un travail extraordinaire, ainsi que leur collaborateur en Nouvelle-Zélande, Rick Findlater.

Quels ont été les moments du tournage que vous avez préférés ?

Les repas ! (rires) Ne tenez pas compte de cette boutade, bien sûr…Je dois dire que je garde un très bon souvenir du tournage de la scène de l’accueil des troupes, avec près de 300 figurants. C’était un discours qui durait cinq bonnes minutes, mais je l’ai fait en une seule prise. Quand on a crié « Cut », tout le monde a fait « Wow, c’était génial ! » et a applaudi. Quand j’arrive sur un plateau, je sais toujours parfaitement mon texte, mais dans ces circonstances, compte tenu de la scène, c’était particulièrement agréable à interpréter. Je me souviens aussi d’une scène où je saute d’un hélicoptère juste un peu avant qu’il ait fini de se poser. Jim avait demandé au pilote qu’il pose fermement sur le sol, sans que l’appareil semble hésiter, et j’ai fait de même quand j’ai sauté, pour donner l’impression que Quaritch était parfaitement à l’aise dans cette situation. Ce sont des petits détails, des petits plaisirs que vous ressentez en faisant bien votre métier. J’ai aimé réussir à recharger un pistolet sans même regarder l’arme, ou parvenir à surprendre Sigourney en lui lançant une réplique à laquelle elle ne s’attendait pas.

Quels sont les souvenirs amusants que vous garderez du tournage ?

Oh, il y en a tellement que j’aurais du mal à vous les citer tous. Nous avons beaucoup ri pendant le tournage d’Avatar…Dans la plupart des cas, c’était à mon détriment ! Je me souviens avoir vu Jim arriver tout guilleret lors des dernières journées de tournage. Il se frottait littéralement les mains. Je lui ai demandé « Eh Jim, pourquoi es-tu si content ce matin ? ». Il m’a regardé en souriant et m’a dit « Parce qu’on va te faire griller, mon cher Slang ! » (rires)

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