Exclusif : Entretien avec Saoirse Ronan, l’héroïne de The Lovely Bones
Article Cinéma du Vendredi 05 Fevrier 2010

A 15 ans, la carrière d’actrice de Saoirse (prononcer seur-chia ) Ronan a déjà démarré sur les chapeaux de roues. Après avoir été nommée aux Oscars pour Atonement , et avoir tenu le rôle principal de La cité de l’ombre , elle a été choisie par Peter Jackson pour « incarner » le bouleversant fantôme de Lovely Bones. Une nouvelle performance irréprochable, qui confirme que la jeune actrice, tel Christian Bale avant elle, saura continuer à nous surprendre dans les années à venir…

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Vous avez envoyé une cassette à Peter Jackson pour auditionner pour le rôle de Susie Salmon. Pouvez-vous nous dire quelles scènes vous avez interprétées pendant cet enregistrement vidéo, et ce que vous avez fait pour montrer ce que vous pourriez apporter à ce rôle ?

C’est mon père qui tourné cette vidéo pour moi. On nous avait envoyé quelques scènes tirées du script. L’une d’entre elles était un dialogue assez amusant avec le personnage de Ray Singh (dont Susie est amoureuse, NDLR) et l’autre était une des premières versions de la scène où je m’adresse aux membres de ma famille depuis le paradis, en disant à quel point ils me manquent tous. C’est un passage très émouvant, dans lequel je me suis vraiment beaucoup investie. Je crois que c’est cette scène-là de mon audition filmée qui m’a valu d’être engagée.

Vous êtes-vous intéressée au projet après avoir lu le livre ?

En fait, je ne l’ai lu qu’après avoir tourné le film.

Vraiment ? Pour quelle raison ?

Je n’en avais pas entendu parler avant de préparer mon audition, et comme je n’avais que 13 ans à l’époque, j’ai pensé que j’étais un peu jeune pour le lire à ce moment-là. J’ai préféré me concentrer sur le script qui en avait été tiré. C’était bien sûr la possibilité de tourner avec Peter Jackson qui m’a poussée à m’intéresser à ce projet.

Quels sont les films de Peter Jackson que vous préférez ?

Mon favori est probablement King Kong. J’aime aussi beaucoup la trilogie du Seigneur des anneaux, que j’ai découverte quand j’étais petite, avec ma cousine, qui est une fan de Tolkien !  Je les avais trouvé très beaux, et remplis d’action. D’habitude, je ne m’intéresse pas tellement aux films d’action, mais ceux-là étaient différents. King Kong m’a beaucoup émue aussi, à cause de la relation qui existe entre la jeune femme et le gorille géant.

Avez-vous vu aussi Créatures célestes ?

Oui. J’aime beaucoup ce film, parce qu’il ne ressemble à aucun autre. J’adore les visions oniriques des choses que les deux filles font dans la réalité. Et le film est très drôle aussi.

Est-ce difficile d’entrer dans la peau d’un personnage comme celui de Susie ?

Ce n’est pas facile, en effet. C’est un défi, parce Susie change énormément pendant que l’histoire se déroule. Au début, c’est une adolescente normale, qui a été protégée par sa famille pendant toute son enfance. Elle est naïve, se laisse piéger, et après son assassinat, assiste impuissante aux répercussions de sa mort, et aux tourments qu’éprouvent les membres de sa famille. Elle souffre de ne pouvoir les aider. Ses tentatives d’entrer en contact avec Jake, son père, ne font qu’empirer les choses. C’était difficile d’exprimer tout cela et de répartir ces étapes de son évolution aux différents moments du film. La musique diffusée sur le plateau pendant que nous nous préparions à jouer m’a aidée, ainsi que les indications de Peter, bien évidemment.

Quelles musiques écoutiez-vous ?

Beaucoup de titres des années 70, notamment ceux de Brian Eno, qui a composé la musique du film, ainsi que des airs du répertoire classique.

Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle ? Avez-vous fait des recherches sur les adolescents des années 70, pour savoir quels étaient leurs soucis et leurs aspirations ?

Pas vraiment. Cela dit, j’ai souvent l’impression d’avoir une âme plus vieille que mon âge. Je ne suis pas du tout une adolescente « moderne », influencée par les modes, ou par les dernières séries pour ados de Disney. Ma mère a grandi dans les années 70, et comme Susan Sarandon, elle m’a parlé de cette époque. La plupart des gens qui participaient au film ont grandi pendant ces années-là : j’ai donc eu l’occasion d’entendre de nombreuses anecdotes sur les seventies, de la bouche de beaucoup de gens !

Pour revenir au thème du film, comment avez-vous réagi en apprenant que vous alliez interpréter une jeune fille morte ? C’est un sujet plutôt atypique…

Eh bien d’abord, je veux préciser que personne ne m’a dit « Tu vas jouer le rôle de Susie Salmon, que tu le veuilles ou pas ! ». C’est vrai que j’étais un peu nerveuse, car en tant qu’adolescente et que jeune actrice, je me suis demandée si c’était un bon choix pour ma carrière, et si c’était bien un rôle qu’il fallait que je joue, même s’il s’agissait d’un film de Peter Jackson… Mes parents hésitaient eux aussi… Mais j’ai tourné cette audition, puis j’ai rencontré Peter, et j’ai été vite rassurée. J’ai compris que tout se passerait bien, et que les choses seraient tournées de manière convenable.

Sentiez-vous une pression sur vos épaules parce que vous jouiez le rôle principal du film ?

Oui, mais je ne l’ai vraiment ressentie qu’après le tournage, et à présent que j’assure la promotion du film. Je suis impatiente de voir ce que les gens vont penser du film. Pendant le tournage, ça allait. Je me tournais vers mes parents pour qu’ils me disent ce qu’ils avaient pensé de mon interprétation, et qu’ils me rassurent. Ce n’est pas évident d’avoir confiance en soi sur un tournage. J’avais tendance à douter que j’avais fait du bon travail.

Peter Jackson avait-il depuis le début l’intention d’éviter de montrer l’agression sexuelle et le meurtre de Susie, ou certaines parties de cette scène ont-elles été tournées comme elles sont décrites dans le livre ?

Dès le début, Peter avait décidé qu’il ne montrerait rien du meurtre en lui-même. J’ai pensé que c’était la meilleure décision possible, car dans ce cas, moins on en voit, mieux c’est. Dès la première version du script, la scène était décrite telle qu’on la voit dans le film. Et je ne pense pas que Peter, Fran Walsh et Philippa Boyens aient eu l’idée de l’écrire autrement auparavant. Peter m’a tout de suite dit qu’il n’irait pas dans cette direction-là.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à jouer ? Et quelles sont les plus grandes qualités de Peter Jackson, en tant que réalisateur ?

En fait, la scène la plus difficile a été celle du piège qui précède le meurtre. Nous ne l’avons pas tournée tout de suite. Nous avons attendu deux mois avant de la filmer. Nous redoutions tous ce moment, et en même temps, nous avions hâte de tourner cette scène pour en être débarrassés. Stanley Tucci (qui incarne le tueur, NDLR) était encore plus fébrile que moi. Il avait hâte d’en avoir fini !  Le tournage de cette séquence a duré une journée et demi et a été particulièrement intense. Mais je dois avouer que j’ai aimé jouer ces moments de grande tension. Je dois être très bizarre ! (rires) J’ai trouvé que c’était passionnant et plaisant à filmer, même si nous ne plaisantions pas pendant le tournage, en raison de l’ambiance de la scène. Pour répondre à la seconde partie de votre question, Pete est un réalisateur qui s’implique énormément dans son film. Je n’avais encore jamais travaillé avec quelqu’un qui ait une telle technique. Il est plus physique que vocal  dans ses indications de jeu, surtout quand il me montrait comment je devais évoluer dans les paysages du paradis. Il m’accompagnait sur le plateau pour mimer ce qu’il souhaitait, en se plaçant dans les décors, comme celui du petit kiosque de jardin. Il m’a donc surtout dirigé avec ses actions, ses exemples de gestuelle, et moins avec ses mots. Ce qui paraît logique, puisqu’il a été capable de réaliser une fresque gigantesque comme Le seigneur des anneaux ! Il a une énergie immense. Nous parlions aussi entre les prises, ce qui m’aidait beaucoup. Mais il prenait soin de ne pas trop répéter les scènes avant de les tourner. Et cela m’a beaucoup plu.

Dans le livre, Susie peut faire apparaître tous les environnements qu’elle souhaite voir autour d’elle, au paradis. Et ces paysages reflètent ses émotions et ses pensées. Avez-vous suggéré des pensées de votre personnage à Peter Jackson ? Et est-ce que certaines de vos idées sont devenues des paysages du film ?

Oui, j’ai dû faire quelques suggestions pendant le tournage, mais j’avoue ne plus m’en souvenir aujourd’hui. Je sais que j’ai suggéré que certains objets devraient se trouver dans le décor de sa chambre, et j’ai choisi aussi certains des pendentifs qui sont accrochés à son bracelet. Je dois dire que j’ai seulement commencé à prendre confiance en moi ces derniers temps. Après avoir tourné Lovely Bones, j’ai joué dans un film de Peter Weir, et là, j’ai compris que je pouvais faire des suggestions judicieuses à propos de mon personnage.

Vous avez 15 ans. Avez-vous certaines aspirations en commun avec le personnage de Susie ?

Nous sommes assez semblables. J’espère que je suis peu plus mûre que Susie, mais sa naïveté est aussi liée à l’époque à laquelle elle vit. Ce qui est appréciable, c’est qu’elle est vraiment une jeune fille typique, parfaitement crédible. Elle a été protégée toute sa vie par sa famille, qui est unie par des liens très forts, et n’a jamais eu à vivre des événements aussi durs que ceux qui l’attendent. Je crois que si je fréquentais la même école que Susie, nous deviendrions certainement amies. Elle est gaie et déborde de vitalité.

Quelles sont les parties des décors du paradis qui ont été réellement construites, et quelles sont celles que vous avez tournées sur un fond vert ou bleu ?

La plus grande partie a été tournée sur fond bleu. Nous sommes partis tourner en décors extérieurs pendant deux semaines, en Nouvelle-Zélande. Nous avons tourné là les scènes où l’on voit les hautes montagnes, le lac et la plage. Mais la plupart du reste a été tourné en studio, devant d’immenses fonds bleus. Certaines parties des décors ont été construites, comme le kiosque de jardin, et la forêt qui l’entoure. La scène où on le voit s’enfoncer dans le sol a été tournée en prises de vues réelles.

Vous a-t’on montré des storyboards de ces scènes, pour vous permettre de savoir ce que vous étiez sensée voir autour de vous ?

On m’a montré des dessins préparatoires, mais c’est vraiment Peter qui m’expliquait ce que j’étais sensée voir, au moment où nous tournions. Par exemple, pendant la scène où je cours au bord de l’océan, alors que les immenses bouteilles avec des bateaux à l’intérieur viennent se fracasser sur les rochers, Peter me criait « Maintenant les bateaux dans les bouteilles viennent s’écraser sur les récifs, et tu es bouleversée ! ». Il me disait ce qui allait se passer, ce qui me permettait de visualiser partiellement ce que cela donnerait quand le film serait fini.

Découvrez à présent la suite de cet entretien


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