Exclusif : Entretien avec Louis Leterrier, réalisateur du CHOC DES TITANS
Article Cinéma du Jeudi 06 Mai 2010

Né en 1973 à Paris, Louis Leterrier semblait destiné à travailler dans le cinéma : son père François est réalisateur - notamment des comédies JE VAIS CRAQUER (1980) et TRANCHES DE VIES  (1985) – et sa mère Catherine l’une des créatrices de costumes les plus réputées en France (elle vient de signer ceux de COCO AVANT CHANEL  d’Anne Fontaine, et fut nominée à l’Oscar pour ce travail.). Si Louis Leterrier est d’abord le batteur d’un groupe rock pendant son adolescence, à 18 ans, après quelques stages en publicité, il décide de suivre des études de cinéma à la New York University. Jean-Pierre Jeunet, qui ne maîtrise pas la langue de Shakespeare et cherche donc des collaborateurs bilingues pour l’aider sur le tournage d'ALIEN IV, LA RESURRECTION, engage Leterrier et lui confie le poste d’assistant de production. De retour en France, Leterrier exerce la même fonction aux côtés de Luc Besson sur JEANNE D’ARC puis sur des publicités pour Club Internet ou L'Oréal, et achève sa carrière d'assistant ( de réalisation) sur ASTERIX ET OBELIX, MISSION CLEOPATRE. En 2002, il fait des débuts de réalisateur sur le film d'action LE TRANSPORTEUR, (avec Corey Yuen en co-réalisateur, qui supervise les scènes d’action) , puis réalise seul l’excellent DANNY THE DOG, écrit par Besson, qui lui permet de développer une approche plus personnelle de la mise en scène.  Il enchaîne avec LE TRANSPORTEUR 2, qui marque la fin de sa collaboration avec Luc Besson. Désormais, Leterrier vole de ses propres ailes et est choisi par Marvel pour réaliser L’INCROYABLE HULK, à la fois suite et « reboot » du HULK particulièrement bancal réalisé par Ang Lee, superproduction qui fut un flop critique et une déception commerciale. Louis Leterrier sait qu’il joue gros en acceptant de réaliser le second HULK avec un budget nettement plus modeste, après l’accueil négatif du premier volet. Il se lance malgré tout dans l’aventure et réussit son pari : L’INCROYABLE HULK  récolte des critiques positives et fait une belle carrière au boxoffice et en vidéo, récoltant 349 millions de dollars dans le monde, soit 40 millions de plus que le premier épisode, qui avait pourtant bénéficié d’une colossale campagne de promotion. Un bel exploit, qui permet au Studio Marvel d’envisager un futur pour son géant vert : il a confirmé que Hulk apparaîtra bien dans le film THE AVENGERS aux côtés de Thor, Iron Man, Captain America, Ant Man et Wasp.  Ce succès a incité les autres studios américains à solliciter le réalisateur français. Il confirme avec LE CHOC DES TITANS, produit par la Warner, son affection pour le fantastique…

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Moteur, action !

En attendant que Louis Leterrier vienne nous rejoindre, nous pouvons l’observer sur un moniteur en train de diriger Liam Neeson (Zeus) et Ralph Fiennes (Hadès) dans un décor qui évoque celui d’une scène du Choc des titans original : il s’agit de la salle de l’Olympe dans laquelle les dieux conservent les petites figurines d’argiles de tous les mortels. Dans cette nouvelle version aussi, les figurines sont rangées dans les alvéoles des murs, mais le lieu est différent cette fois-ci. Il s’agit d’une grande pièce circulaire. Une carte en relief du monde, qui représente les continents, les montagnes et les océans recouvre la partie centrale du sol. Liam Neeson, superbe avec sa longue barbe et son armure étincelante, joue plusieurs fois la même scène avec Ralph Fiennes. Hadès, qui a la charge du monde souterrain des enfers, vient signifier à son frère qu’il ne lui obéira plus. Hadès semble avoir toutes les raisons d’être mécontent de son sort : sa longue tunique terne et usée, qui contraste avec la tenue de Zeus, prouve que son exil dans les entrailles de la terre a été, à tous les sens du terme, infernal… Plutôt que de crier, c’est d’une voix douce que Hadès annonce à Zeus ses intentions, qui vont semer le chaos sur terre. La scène n’en est que plus efficace… On doit procéder à une pause technique, et Louis Leterrier en profite pour nous rejoindre, souriant et décontracté, comme à son habitude.

Pensez-vous que c’est parce que vous avez réussi à remettre la franchise Hulk sur les rails que la Warner a fait appel à vous pour réaliser LE CHOC DES TITANS ?

Oui, je le crois. Ils ont fait ce pari en se basant sur peu de choses, sur le « bouche à oreille » qui circulait à Hollywood à propos de L’INCROYABLE HULK, et ils m’ont offert ce job avant que le film ne soit sorti en salles, et donc avant que les premiers résultats du boxoffice ne soient tombés. Aussi étrange que cela paraisse, ils n’ont visionné le film qu’après m’avoir fait cette proposition. J’imagine que le « buzz » autour de L’INCROYABLE HULK  devait être vraiment bon pour qu’ils prennent ce risque avant même de l’avoir vu !

Quelle a été votre vision initiale du projet ? Comment vouliez-vous le différencier du CHOC DES TITANS de 1981 ?

J’ai tout de suite été emballé par le projet, car je suis un grand fan de Ray Harryhausen. Mais je dois dire que c’était également stressant de réaliser le remake d’un de mes films préférés, que j’ai souvent regardé pendant mon enfance. C’est la raison pour laquelle je vous ai contacté, Pascal, pour que vous me donniez le numéro de téléphone de Ray Harryhausen. Quand je l’ai appelé de votre part,  je lui ai expliqué que j’étais un réalisateur français, et que je m’apprêtais à tourner le remake d’un de ses films. Je crois que Ray avait un peu de mal à s’y retrouver, car apparemment, on l’avait contacté auparavant pour lui parler d’un autre projet de remake. Je me souviens qu’il m’a dit « Mais combien de nouvelles versions de mes films allez-vous donc faire ?! » (rires) Grâce à notre passion commune pour KING KONG et pour les grands films d’animation image par image, j’ai pu lui parler de certaines de mes idées, et il a été assez aimable pour me dire qu’il les trouvait intéressantes. Cela m’a rassuré, car j’avais besoin « d’embrasser la bague du maître » avant de me sentir libre d’aller plus loin. Ensuite, j’ai revu le film original, et j’ai réfléchi aux choses que l’on pourrait faire différemment aujourd’hui. Il fallait que cette nouvelle version ait sa propre identité, même si l’original était déjà un canevas très solide, sur lequel nous pouvions nous appuyer. Je viens d’avoir 36 ans, et avoir la chance de pouvoir tourner un film sur l’une des grandes histoires de la mythologie grecque, avec toutes ces créatures fantastiques, c’est vraiment une opportunité extraordinaire. Je ne pouvais pas la laisser passer !

Comment Ray Harryhausen a-t’il réagi quand vous lui avez expliqué votre vision du film ?

Il n’avait pas envie que cette nouvelle version soit traitée à la manière de 300, c’est à dire tournée en studio, sur fond bleu. Je lui ai dit que nous allions tourner en extérieurs, dans de superbes paysages naturels. Bien sûr, il n’a pas été étonné que je lui dise que nous allions utiliser la 3D pour représenter les créatures. Il aurait été difficile d’utiliser de l’animation image par image aujourd’hui, car le public n’est plus habitué à voir ce genre de mouvements un peu saccadés dans les effets visuels. Dans certaines scènes d’action, nous utilisons un appareil qui s’appelle un « clip shutter », qui permet de donner un aspect légèrement stroboscopique et saccadé aux images. C’est un petit clin d’oeil aux techniques de Ray que j’ai glissé là. Mais nous n’avons pas vraiment parlé des créatures. Ce qui l’intriguait surtout, c’étaient les acteurs que nous allions engager. Il avait envie que le casting soit prestigieux, et je lui ai promis que nous allions aller en ce sens.

Est-ce qu’il y a un acteur qu’il avait plus particulièrement envie de voir dans le film ?

Sam Worthington ! (rires) Non, je plaisante… Nous avons simplement parlé de manière informelle de l’importance d’un bon casting, puis je lui ai posé des questions sur le film original. Je lui ai parlé deux fois. J’avais le projet d’aller le rencontrer, mais je n’en ai pas eu le temps, malheureusement.

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