SHERLOCK : « les autres détectives mènent des enquêtes, Sherlock Holmes, lui, vit des aventures »
Article TV du Vendredi 28 Janvier 2011

En 1887, paraît le roman A Study in Scarlet [Une étude en rouge], écrit par Sir Arthur Conan Doyle. Le roman ne rencontre guère de succès, pourtant c’est la première apparition d’un personnage qui va fasciner les lecteurs du monde entier et inspirer les cinéastes depuis les débuts du cinéma jusqu’à nos jours. En 2010, la BBC décide d’adapter le personnage pour une nouvelle série, diffusée en France sur France 4.

par Nicolas Jonquères


Sherlock Holmes - BBC Mini-Series - Trailer


Origine de la série

« Lors de nos nombreux voyages en train de Londres à Cardiff [où est réalisé Docteur Who], Mark Gatiss et moi parlions longuement de notre passion pour Sherlock Holmes et de l’incroyable modernité de l’écriture de Conan Doyle, explique Steven Moffat, l’un des co-créateurs de la série. Nous étions persuadés qu’il fallait en faire une adaptation contemporaine et nous avons donc décidé de nous y coller avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. ». « Le fait que Steven, moi-même et des millions d’individus lisent et relisent les brillantes histoires de Conan Doyle témoigne de leur longévité » indique Mark Gatiss.

C’est tout d’abord un épisode de 60 minutes qui est commandé par la BBC. Mais la décision est prise de ne pas diffuser cet épisode. A la place, la chaîne commande 3 épisodes de 90 minutes. Ce processus, qui est classique dans la mise en œuvre d’une série au Royaume-Uni, comme aux Etats-Unis, a fait néanmoins couler beaucoup d’encre outre-manche, devant le budget ( 800 000 livres soit un peu moins d’un million d’euros) englouti par cet épisode.

Hasard de calendrier, la diffusion de la série en juillet 2010 est précédée six mois auparavant, par le Sherlock Holmes de la Warner Bros, avec Robert Downey Jr. « C’est bizarre, on n’avait pas eu de nouvelle version de Sherlock Holmes pendant des lustres et soudain, on en sort deux quasiment coup sur coup, s’exclame Mark Gatiss. Nous avons tous les deux beaucoup aimé le film de Guy Ricthie, mais il n’a vraiment rien à voir avec notre version. »

Une actualisation des histoires

« Les histoires de Conan Doyle ne parlent pas de redingotes et d’éclairage au gaz, s’exclame Steven Moffat, elles parlent de déductions brillantes, d’affreux malfrats, de meurtres sanglants et franchement, au diable la crinoline ! ». Au lieu de reconstituer la fin du XIXème siècle, les scénaristes ont donc ancré les personnages dans le Londres d’aujourd’hui. « Londres reste au centre des intrigues, déclare Benedict Cumberbatch, alias Sherlock. Ce qui inclut les lieux fétiches de la capitale comme Soho, China Town, Piccadilly Circus, le pont de Westminster et tout ce que la vie londonienne moderne implique : les taxis, la Tamise, les embouteillages, les téléphones portables et les ordinateurs. ». Sherlock Holmes, en vrai geek, use et abuse de son téléphone portable et d’Internet. « Le modus operandi de Sherlock Holmes est secouru par la technologie : sa spécialité est de déduire des faits, de les mettre en relation avec son expérience et un vaste répertoire d’informations, qui lui permettent de comprendre ce qu’il voit, précise Benedict Cumbertach. Mais il a également besoin d’instinct humain. Il conserve la capacité de faire un mauvais choix et ce n’est pas camouflé par le fait que la technologie soit présente. »

Malgré la transposition au XXIème siècle, les puristes auront relevé plus d’un détail présents dans les écrits de Conan Doyle. « Même si ce qui constitue la nouveauté de cette adaptation est son "cadre contemporain" , confie Benedict Cumbertach, nous sommes partis de la base des écrits originaux. Nous racontons l’histoire depuis le tout début, depuis son origine. Le premier épisode A Study In Pink [Une étude en rose] reprend beaucoup ce qui se passe dans Une Étude en rouge, notamment la scène de rencontre entre Sherlock et John, qui est rarement présente dans les adaptations cinématographiques et télévisuelles. » « Steven et Mark sont très respectueux de l’œuvre de Conan Doyle, tout en s’en détachant, renchérit Martin Freeman alias le docteur Watson. Ils sont excellent pour rassembler l’intrigue et les personnages sans sacrifier ni l’un ni l’autre. »

Des personnages hauts en couleur

Dans le rôle-titre de la série, Benedict Cumberbatch, un acteur peu connu en France, et pour cause, il a surtout joué au théâtre et des rôles secondaires dans diverses séries télévisées britanniques. « Benedict est venu nous faire une lecture, et nous avons pensé en même temps "c’est lui !", raconte Steven Moffat. Il avait l’apparence et la voix du personnage, ainsi que beaucoup de talent. Il a un visage extraordinaire, des yeux surprenants et des joues osseuses, tout concordait parfaitement. ». « Je n’avais jamais travaillé avec Benedict avant, mais j’admirais son travail en tant que spectateur, confie Martin Freeman. Il ressemble vraiment à ce que Sherlock Holmes est dans notre imagination. »



« Dans cette version, déclare Martin Freeman, Sherlock et le docteur John Watson ont le même poids. John n’est pas un sous-fifre, il a un très bon rôle à jouer. Tout comédien veut jouer un personnage en trois dimensions, car c’est très proche de ce que nous sommes dans la vie.(…) Je ne vois pas de raison d’en faire un incapable. C’est un médecin militaire, tout juste rentré d’Afghanistan, c’est quelqu’un qui sait prendre soin de lui et peut prendre des décisions de vie et de mort tous les jours. »

Mais pour qu’un tandem fonctionne, comme c’est le cas ici, il ne suffit d’avoir deux personnes compétentes, il faut qu’elles puissent travailler ensemble, pour Holmes et Watson, comme pour Cumberbatch et Freeman. « C’est un travail d’équipe, explique Cumberbatch, je n’aurai pas pu le faire sans lui »

La première saison

Une étude en rose, le premier épisode, mené tambour battant, reprend en la modifiant, l’intrigue policière du roman une étude en rouge. L’humour est très présent dans cet épisode, notamment grâce aux réparties sèches de Benedict Cumterbach. Les effets visuels sont également très importants : informations des applications smartphones, plan style google map, apparaissant à l’écran pour signifier le trajet du tueur qui fuit en taxi et celui de Sherlock qui le poursuit sur les toits de Londres. La musique est aussi très réussie, même si elle rappelle fortement celle de Hans Zimmer pour le film de Guy Ritchie. Il est intéressant de constater que cette musique diffère fortement de celle de l’épisode non-diffusé.

Le deuxième épisode, le banquier aveugle, est le moins réussi des trois : l’intrigue est plus invraisemblable et moins prenante. Les comédiens sont toujours excellents, mais le film patine et ne nous surprend plus autant que le pilote.

Le grand jeu, troisième épisode sonne l’arrivée du plus grand ennemi de Sherlock Holmes : le professeur Moriarty. Pendant que son frère Mycroft, qui travaille pour le gouvernement, le presse de retrouver une clé USB volée à l’arsenal contenant les fichiers d’un sous-marin ultra-performant et ultra-secret, le Bruce-Partington, Sherlock se consacre à déjouer les plans de son nouvel ennemi qui pose des bombes sur des gens et menace de les faire exploser si Sherlock ne trouve pas la réponse à une énigme. Cet épisode, plus réussi que le deuxième, renoue avec le rythme endiablé du premier épisode et avec une intrigue, qui tient le spectateur en haleine.

Le plan final de ce dernier épisode, nous laisse en attente jusqu’à la saison 2, qui devrait être diffusé à l’automne 2011 sur la BBC. Des rumeurs sur le net laissent penser que cette prochaine saison pourrait comporter Irène Adler (la seule femme qui ait réussi à le battre) et son aventure la plus célèbre le chien des Baskervilles.

La version française

En France, la série est diffusée sur France 4, et prochainement sur France 2. La version française a été particulièrement soignée. Le texte incrusté à l’écran a lui aussi été traduit. Les trois premiers épisodes sont actuellement diffusés en France. Ci dessous, une interview des comédiens-doubleurs, réalisée par nos confères du site Le village.


"Sherlock" in French: reportage sur le doublage


Les diffusions des épisodes dur France 4 ont fait prendre à la chaîne la tête des audiences TNT : Une étude en rose, a attiré 1,15 millions de téléspectateurs, Le banquier aveugle 1,05 millions et le grand Jeu 820 mille. Une intégrale Sherlock est même prévu le samedi 29 janvier à 20 h 35.

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