Entretien exclusif avec Kenneth Branagh sur la réalisation de THOR, nouvelle réussite des Studios Marvel - Seconde Partie
Article Cinéma du Dimanche 08 Mai 2011

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Quelles recherches sur les aventures de BD de Thor avez-vous faites pendant la phase de préparation ? Y a t’il des histoires spécifiques, ou des dessinateurs de Marvel comme Jack Kirby auxquels vous faites plus particulièrement référence dans le film ?

Oui. Vous retrouverez à coup sûr des éléments graphiques de Jack Kirby, qui a co-créé Thor et l’a dessiné dans les années 60 et 70. J’ai eu le plaisir de rencontrer l’autre co-créateur du personnage, Stan Lee, et de discuter longuement avec lui au cours d’un dîner très agréable. Je l’ai soumis à un interrogatoire en règle pour savoir où il avait puisé ses sources d’inspiration ! (rires) Pour revenir aux dessinateurs, nous avons également étudié le travail de Walt Simonson dans les années 80, pour l’évoquer dans nos designs. J’ai rencontré Walt pendant le tournage du film et il a été merveilleux, très enthousiaste en voyant ce que nous faisions. Nous avons également tenu compte de certaines des dernières aventures du personnages, dont certaines ont été écrites par JMS, Joe Michael Straczynski, qui a participé à l’élaboration de notre histoire, et a été également impliqué dans le tournage. JMS a beaucoup travaillé sur la manière d’incorporer le monde contemporain dans celui de Thor. En tout, je pense que nous avons puisé dans une dizaine d’époques différentes de la saga de Thor, qui s’étend sur 50 ans. Nous les avons étudiées attentivement pour choisir certains de leurs éléments. Bo Welch, notre directeur artistique, et moi nous sommes également inspirés de peintures classiques du 17ème siècle évoquant des scènes épiques et des batailles, ainsi que des représentations de paysages européens. Le sens de la composition et de l’utilisation de la lumière de ces artistes nous a aidé à concevoir les scènes les plus spectaculaires du film.

Vous êtes-vous référé aussi à l’art nordique primitif ?

Absolument. Aux peintures rupestres de Norvège et de Scandinavie, aux premières évocations symboliques des dieux, aux runes… Ce travail de recherche en profondeur était tellement important que j’ai insisté pour que nous puissions disposer d’un long temps de préparation. Cela nous a obligé à décaler un peu le début du tournage, mais c’était la bonne décision. Il était vital que nous ayons le temps d’absorber toutes ces sources d’inspiration, d’en réaliser une synthèse efficace, puis de faire des choix mûrement réfléchis en nous laissant le temps de faire des tests, des erreurs, et de revoir notre copie jusqu’à ce que nous soyons totalement sûrs de nous. Il y avait tant de choix vitaux à faire sur les couleurs, les textures, les architectures, et la manière de les combiner, pour parvenir à créer un environnement à la fois harmonieux, et crédible en prises de vues réelles !

Avez-vous aussi puisé votre inspiration dans les légendes et les mythes nordiques originaux ?

Oui. Pendant les 18 derniers mois, dans la pile de livres qui se trouvaient à côté de mon lit, il y avait les derniers comics de Thor, des compilations des meilleures aventures du personnage depuis sa création, toutes époques confondues, de 1962 à 2010, et à côté de cela, il y avait un exemplaire de Mythes Nordiques, un ouvrage condensé très bien fait, qui répond efficacement à toutes les questions que l’on peut se poser : les circonstances dans lesquelles Odin a perdu un œil, ou le duel avec Beta Ray Bill et le défi qu’il lance à Thor. J’ai rempli mon esprit de milliers d’informations provenant à la fois du monde des comics de Thor et des mythes nordiques originels.

Quelles sont les idées que vous avez ajoutées, changées ou supprimées dans le script ?

Nous nous sommes focalisés sur les origines de Thor, puisque nous présentons le personnage pour la première fois aux spectateurs de cinéma. Il y a beaucoup de gens qui n’en savent pas autant sur lui que les fans de comics. Nous avons donc essayé de dépeindre le monde d’Asgaard et la famille d’Odin, nous avons expliqué les relations qui existent entre père et fils, et entre frères. Il fallait aussi établir le rapport qui lie Asgaard au reste du cosmos, les règles qui lui permettent de veiller sur neuf mondes, parmi lesquels se trouve la terre. Nous avons voulu expliquer le plus clairement possible cette cosmologie des dieux nordiques, revue à la manière de Marvel. Au sein de tout cela, de toutes ces explications, il fallait trouver le moyen de raconter notre histoire de la manière la plus simple et la plus directe possible. Au cours du film, Thor apprend qui il est vraiment, et où se trouve sa vraie place au sein de sa famille, de son monde et du cosmos, puisqu’il est un dieu. Tout en jetant les bases de cet univers, nous voulions nous assurer que nous construisions des fondations solides pour d’autres histoires que Marvel pourra consacrer plus tard aux personnages d’Asgaard et à Thor.

Quel style de mise en scène avez-vous choisi d’utiliser dans les grandes séquences d’effets visuels ?

J’ai voulu retrouver le style dynamique et le sens de la composition des cases des bandes dessinées Marvel. J’aime bien les cadrages en légère diagonale, les effets de grand angulaire qui soulignent les perspectives des décors. Je voulais que ces images aient un fort impact graphique, sans que cette évocation des comics soit trop intrusive. Je voulais que les plans larges aient une dimension épique, une certaine majesté, notamment quand on découvre Asgaard. Je crois qu’en voyant ces images, on sent la puissance de cette dynastie de dieux nordiques, toute leur puissance, leur longue histoire. J’ai revu les films de Kubrick et de David Lean, j’ai révisé tous les classiques des grandes fresques d’aventure, en fait. En temps normal, j’essaie d’aller au cinéma au moins deux fois par semaine, mais là, j’ai vu beaucoup plus de longs métrages que d’habitude, sans oublier toutes les adaptations récentes de BD de superhéros. Parmi les films qui décrivaient des conflits ou des guerres, j’ai revu Les sentiers de la gloire de Kubrick, qui est une œuvre particulièrement impressionnante.

Comment avez-vous préparé les scènes d’effets visuels ? Avec des storyboards et des animatiques ?

Oui, avec ces deux méthodes, et aussi en réécrivant maintes et maintes fois ces passages du script. Je me souviens qu’au tout début de mon travail il y a deux ans et demi de cela, j’ai collaboré avec un artiste de storyboard absolument génial qui s’appelle Federico Alessandro, afin de mettre au point les plans de la séquence d’introduction du film. C’est la toute première chose que j’aie faite, avant même que le script ne soit prêt. Une fois le storyboard terminé, il a été transposé en animatique schématique, puis en animatique révisé et détaillé, puis nous avons tourné les plans en prises de vues réelles, et la séquence est désormais dans le film, pratiquement sous sa forme initiale. Deux ans et demi plus tard, j’ai été content de voir que j’avais eu raison de suivre mon instinct , car ces visuels ont bien tenu le coup, et m’ont permis d’apposer ma marque personnelle dès les premières minutes du film. J’aimais beaucoup cette scène sous forme de storyboard, je l’ai appréciée plus encore en animatique, et je suis ravi de voir qu’elle a si bien abouti sous sa forme définitive !

Est-ce une scène d’ouverture qui concerne Asgaard ?

Sans vous en dire trop, disons que c’est une ouverture qui a un rapport avec Asgaard, mais c’est aussi une surprise…

Dans ce cas, ne gâchons pas la surprise ! Comment avez-vous choisi Chris Hemsworth pour incarner Thor ? Comment avez-vous travaillé ensemble pour rendre le personnage crédible ?

Nous avons rencontré Chris au début du processus de développement du film, puis nous l’avons revu à la fin de la préparation, et nous nous sommes tous rendus compte que nous avions le Thor idéal sous les yeux. Il avait un physique magnifique, une stature impressionnante, une forte détermination et une belle intensité dans le regard. Au-delà de tout cela, qui est déjà énorme, nous avons vu la richesse de jeu dont il est capable. Tout comme Christopher Reeve, qui avait incarné parfaitement Superman, Chris est un acteur extrêmement doué. Même si le personnage de Thor est très différent de celui de l’homme d’acier, nous avions besoin d’un garçon comme Chris, qui est intelligent, sophistiqué, qui a un excellent sens du comique, qui sait être romantique, et qui a le charisme naturel d’une star de cinéma. Toutes ces qualités lui permettent d’être extrêmement expressif dans le rôle de Thor, car le personnage joue sur plusieurs registres. Chris n’a pas eu peur de sembler impulsif ou même brutal dans les scènes du début du film. Pas plus qu’il n’a hésité à montrer un côté plus vulnérable de sa personnalité quand il est exilé sur terre par Odin. On suit ainsi sa transformation en tant qu’homme et l’évolution de son caractère. Chris a un registre d’acteur très étendu et il a aussi le courage d’aller au bout de tout ce que le rôle exige qu’il fasse. Il possède une extraordinaire diversité de dons.

Pouvez-vous nous décrire le processus de la création du costume, du marteau et du casque de Thor, afin que cette tenue fonctionne bien sur le grand écran ?

Cette création a été le fruit d’une très longue série de conversations entre notre directeur artistique Bo Welch, notre directeur de la photo Haris Zambarloukos, notre superviseur des effets visuels Wesley Sewell, notre chef costumière oscarisée Alexandra Byrne et moi-même. Pour mettre au point ce costume, nous avons tenu compte de nombreux paramètres importants. Il fallait d’abord qu’il s’intègre à la palette de couleurs du film et qu’il puisse se prêter au tournage des différents effets spéciaux et effets visuels qui étaient prévus. Il fallait qu’Alexandra mette au point un design que tout le monde trouve, à défaut d’un autre adjectif, « cool » ! Nous devions évoquer le style graphique et dramatique de la BD, sans aboutir à un design involontairement amusant. Il fallait faire référence aux racines nordiques du personnage, et souligner sa force et sa stature par la forme et la tenue de sa cape. Les mouvements de la cape devaient accompagner ceux de Chris. Tout cela a fait l’objet de recherches méticuleuses. Tout comme l’aspect, la texture et le format des six disques qui se trouvent sur son costume. Nous avons travaillé en détail sur chacun des aspects du costume, et il nous a fallu un an et demi pour arriver à la finalisation de la tenue, et à l’étape de la conception du casque ! Casque qui a été littéralement sculpté à partir du moulage de la tête de Chris et qui a été conçu pour souligner et mettre en valeur les structures particulières de son visage. La conception de chacun des éléments du costume de Thor a soulevé des problèmes extrêmement complexes. Et cela jusqu’à la taille de son marteau Mjolnir, du diamètre de la poignée du marteau, et de la largeur de la boucle de cuir que Thor passe autour de son poignet lorsqu’il le manipule. Tout devait fonctionner parfaitement pour que Chris puisse évoluer aisément en portant ce costume. Il y a eu bien sûr beaucoup d’essais et d’erreurs au cours de ce processus. Nous avons dû concevoir une bonne centaine de casques, de marteaux et de textures de la cape avant d’arriver enfin aux bons résultats !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.