LA PLANETE DES SINGES : LES ORIGINES - Entretien avec Dylan Clark, producteur, Rupert Wyatt, réalisateur et Rick Jaffa, scénariste
Article Cinéma du Jeudi 24 Novembre 2011

[Retrouvez la précédente partie de ce dossier]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Cela va faire dix ans qu’est sorti le remake de LA PLANETE DES SINGES réalisé par Tim Burton. Qu’est-ce qui vous a donné envie de relancer cette saga aujourd’hui ?

Dylan Clark : Eh bien c’est Rick qui a trouvé l’idée qui a servi de base à ce nouveau projet, avant même que nous ne travaillions avec lui. Je crois que c’est donc à lui vous répondre…

Rick Jaffa : Cette idée de script m’est venue après que je me sois intéressé à différents sujets tournant autour du même thème pendant de longues années, et notamment à ces gens qui avaient décidé d’élever de jeunes chimpanzés chez eux. Certains en prenaient soin comme animal familier, tandis que d’autres se comportaient comme des parents éduquant un enfant humain. J’ai également fait des recherches sur les travaux en matière d’ingénierie génétique, et j’ai lu beaucoup de récits de gens qui avaient été brusquement attaqués par les chimpanzés qu’ils avaient élevés. Toutes ces idées ont mitonné dans ma tête, et un jour, en prenant du recul, je me suis rendu compte que ces situations pourraient être un point de départ pour une nouvelle approche de LA PLANETE DES SINGES. Comme Amanda Silver et moi avions souvent travaillé avec la Fox, nous les avons appelés pour leur soumettre cette idée, sans y croire vraiment, car nous pensions qu’ils étaient soit en train de réfléchir à d’autres options de développement, soit qu’ils avaient déjà songé à aller dans cette direction plus réaliste et qu’ils y avaient renoncé pour ne pas froisser les fans de la saga originale.

Le scénariste-producteur Scott Franklin a été pendant un moment associé à ce projet…

Dylan Clark : Oui, Scott avait commencé à écrire sa propre version du concept que Rick et Amada nous avaient apporté, en vue de réaliser le film, mais finalement, cela n’a pas aboutit et Rick s’est consacré au développement d’un autre projet.

Rick, depuis combien de temps avez-vous travaillé sur ce projet, depuis la première réponse positive de la Fox, jusqu’à aujourd’hui ?

Rick Jaffa : Depuis quatre ans au total. Amada et moi avons travaillé sur le script pendant deux ans, puis Scott est arrivé, et nous avons collaboré avec lui au poste de réalisateur, ce qui nous a amené à écrire plusieurs nouvelles versions du scénario avec lui. Cela a duré pendant plusieurs mois, puis Scott a écrit une version du script tout seul, et ensuite, il est parti travailler sur autre chose. A ce moment-là, nous avons décidé de revenir à notre concept initial.

Les fans de la saga originale vont être très curieux de voir comment vous vous en êtes inspiré dans cette nouvelle version, et quelle sorte de continuité vous allez essayer d’établir…

Rick Jaffa : Je vais revenir sur tout cela, mais je dois d’abord dire que quand les médias ont commencé à parler du film en l’appelant un « reboot » ou une préquelle, ou même un remake de La conquête de la planète des singes, tout cela nous a semble assez surprenant, parce que nous n’avons jamais considéré le projet de cette manière, en lui collant telle ou telle étiquette. Au départ, nous nous sommes simplement dit qu’il serait très intéressant d’imaginer comment tout cela avait pu débuter. En d’autres mots, nous avions envie de poser les dominos narratifs qui en tombant les uns sur les autres, dans le contexte contemporain des années 2010, allaient nous conduire dans le monde de LA PLANETE DES SINGES.

Comment avez-vous essayé de vous intégrer dans les canons des cinq films préexistants, même si ceux-ci sont eux-mêmes truffés d’incohérences en matière de continuité temporelle…

Rick Jaffa : Justement, nous n’essayons pas de nous situer dans la continuité des cinq films précédents. Je suis d’ailleurs ravi que vous avez mentionné leurs incohérences…

Dylan Clark : Pour revenir à votre première question, quand nous avons fondé notre société de production, Peter Chemin et moi, nous ne pensions pas qu’un film du calibre de LA PLANETE DES SINGES serait notre premier projet. Je savais que Rick et Amanda travaillaient sur le script, et Scott Franklin est un de mes amis proches, ce qui m’avait permis d’entendre parler de ce concept. Je l’avais trouvé intéressant et astucieux, un peu dans l’esprit de la nouvelle approche de Batman qu’a eue Christopher Nolan. Peter Chemin et moi n’avons jamais pensé « Oh chouette, on va faire un film de la série de LA PLANETE DES SINGES ! » parce que l’idée de base était si forte en elle-même que nous voulions plutôt concevoir un grand divertissement qui serait aussi un film intelligent, abordant des thèmes capables d’intéresser tout le monde.

Rick Jaffa : Le premier volet de la saga est l’un de mes films préférés. Je l’ai vu de nombreuses fois. Mais en le revoyant, on finit par remarquer des choses. C’est principalement ce film-là que j’ai gardé en tête, avant de revoir les autres épisodes de la série. Amanda et moi avons essayé de rester fidèles à la mythologie de la série, afin que les fans se rendent compte que nous avions traité cet univers avec soin. Nous avons donc respecté l’esprit de la saga quand nous le pouvions dans le cadre de notre récit, mais à d’autres moments, nous avons du suivre notre propre chemin. Je pense que les fans des films originaux reconnaîtront de nombreux éléments que nous avons placés dans le film. Nous avons intégré une référence au vaisseau spatial Icarus, à la fois à titre d’hommage au film original, et aussi parce que cela ouvrait de grandes possibilités pour le futur. L’Icarus pourrait notamment nous permettre de lier notre histoire à la trame des films originaux. En lisant le script, un de mes amis qui est également fan du film de 1968 m’a dit « On dirait que tu essaies de corriger les petites incohérences du premier film ! ». Ce n’était pas exactement l’objectif que nous nous étions fixés, mais nous avions envie d’apporter certaines précisions qui justifient des choses que l’on mentionne dans le premier épisode de la saga. Certains spectateurs se diront peut-être que nous mettons en place des choses qui nous permettront de prévoir d’autres volets de cette histoire, mais à l’origine, nous avions surtout envie de construire un récit crédible et solidement ancré dans la réalité contemporaine. Un mélange de Science-Fiction et de faits scientifiques réels.

Pouvez-vous nous parler des raisons qui vous ont amené à choisir la motion capture pour créer les singes, et quel impact cette technique aura sur la post-production du film ?

Dylan Clark : Nous avons pris cette décision après avoir exploré de nombreuses options. Nous nous sommes renseignés pour comprendre les avantages et les inconvénients de chaque méthode, qu’il s’agisse du travail avec des animaux dressés ou du recours à des acteurs portant des masques et des costumes de singes. Après avoir passé du temps avec des dresseurs et des vrais chimpanzés, nous avons convenu que ce n’était probablement pas la bonne solution pour faire le film que nous avions en tête. Revenir aux maquillages et aux costumes était un choix esthétique qui nous aurait rapproché du récent remake de Tim Burton…Quand nous avons étudié l’opportunité de travailler avec quelqu’un comme Joe Letteri, qui est l’un des meilleurs superviseurs d’effets visuels au monde, nous avons eu envie de faire réaliser des tests de motion capture et de création de singes en 3D pour voir ce que cela pourrait donner, et une fois que cela a été fait, le choix de cette méthode est devenu une évidence. C’est aussi simple que cela.

L’inconvénient de cette méthode, c’est que le tournage de chaque plan est plus long, puisqu’il est tourné trois fois. Et c’est plus fastidieux aussi pour les acteurs qui jouent avec les comédiens/singes…

Dylan Clark : C’est vrai, mais une fois que vous avez bien expliqué aux acteurs comment les choses vont se passer, et qu’ils acceptent ces conditions de travail, cela ne pose plus de problème. De même, une fois que la méthode de tournage est mise en place, l’équipe s’y fait vite, et l’on avance assez rapidement. En revanche, c’est vrai que la post-production sera longue, mais nous en étions conscients en choisissant cette option. Encore une fois, toute l’équipe, qu’il s’agisse des producteurs, du réalisateur, du directeur de la photo, et des acteurs, savait très bien comment le tournage allait se dérouler et n’a donc pas eu de surprise en arrivant sur le plateau le premier jour. Le film a été construit sur la base d’un concept très solide, puis nous avons trouvé le bon réalisateur pour le mettre en scène, et les bons acteurs pour faire vivre cette histoire. En raisons des délais que le studio nous avait fixé pour produire et réaliser ce film, il fallait prendre rapidement des décisions en s’assurant que ce seraient les bonnes.

Selon vous, quels sont les atouts qui vont permettre à ce film de s’imposer parmi les blockbusters de l’été ?

Dylan Clark : C’est vrai que la compétition est de plus en plus rude de nos jours. Il y a tant de films qui sortent. Je dirai que ce qui est nouveau dans ce film, c’est la manière dont nous allons montrer le comportement de ces singes qui se révoltent, par le biais des performances de nos acteurs et grâce aux personnages créés en 3D par Weta. Le résultat sera quelque chose que l’on n’aura jamais vu auparavant au cinéma. Je pense que nous avons les atouts pour nous défendre pendant l’été. D’ailleurs, si l’on repense aux autres films de la saga, notre projet est plus spectaculaire et compte beaucoup plus de scènes d’action. Dans LA PLANETE DES SINGES de 1968, il n’y en a pas beaucoup, si l’on y songe. L’ambiance est très dramatique, il y a du suspense, mais à part la séquence de la chasse dans le champ de maïs et de la poursuite de Taylor dans la ville des singes, il n’y a pratiquement aucune autre scène d’action. Dans notre film, il y en a un peu dès le début, puis deux ou trois dans le premier acte, puis l’action est de plus en plus soutenue au fur et à mesure que le film progresse.

Pour revenir à ce que Rick disait, vous considérez donc vraiment que ce film est une nouvelle conception du départ de la saga, plutôt qu’un remake ou une préquelle ?

Dylan Clark : Oui, absolument. Mais maintenant que vous le dites, je me rends compte que Tim Burton avait dit lui aussi qu’il avait « ré-imaginé » sa version de LA PLANETE DES SINGES ! (rires) Loin de moi l’idée de vouloir le critiquer, car Tim Burton est un génie. J’ai adoré ce qu’il a fait dans Alice au pays des merveilles, mais franchement, ce qu’il a fait avec LA PLANETE DES SINGES, c’était essentiellement un remake, non ? Je n’ai pas bien compris pourquoi ils avaient pris la décision de faire parler les humains. Cela m’a semblé un peu fou, car l’inversion des rôles ne marchait plus…

La suite de ce dossier bientôt sur ESI !

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