Entretien avec Peter Berg, réalisateur de Hancock
Article Cinéma du Mercredi 02 Juillet 2008

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Est-ce que Charlize Theron se révèle être dotée de superpouvoirs dans le film ?

Non ! Il y a bien une surprise la concernant qui est révélée à la fin du film, mais ce n’est pas ce que vous croyez.

Quelle est la vision du projet que vous avez eu à la lecture du script ?

J’ai tout de suite pensé à ce que l’on pourrait tirer d’un superhéros alcoolique, au comportement imprévisible, dont les maladresses peuvent avoir des conséquences comiques. Hancock se fiche de tout. De son apparence, de l’opinion que les gens ont de lui, de ce qui peut lui arriver…Et cela change beaucoup de choses par rapport à la manière dont on met en scène les superhéros habituellement.

Beaucoup d’autres réalisateurs se sont impliqués dans ce projet avant vous. Est-ce que le fait de vous atteler à cette tâche après tant de personnes vous a un peu inquiété au début ?

Non. Les gens qui sont partis avaient leur propre vision du projet, ou ont préféré prendre d’autres engagements. En ce qui me concerne, quand j’ai découvert le script, j’ai trouvé des variations de ton dans le traitement des scènes qui m’ont parues intéressantes et innovantes, tandis que d’autres me semblaient plus discutables. Ce n’est pas un film au format conventionnel. Il est de ce fait plus difficile à mettre en scène, mais en fin de compte, si nous faisons bien notre travail, nous obtiendrons peut-être un résultat plus original que ce que l’on donne à voir habituellement aux spectateurs. Pendant la préparation du projet, je me suis rendu compte que chaque personne qui lisait le script en avait un opinion légèrement différente, à cause de la manière dont les scènes étaient écrites. J’ai trouvé ça vraiment intéressant. De toutes évidences, nous allions travailler en territoire inconnu, sur un projet qui était à la fois une comédie, un film de superhéros et une comédie dramatique émouvante. Je me suis dit que ça valait la peine de porter ce projet à l’écran, et de prendre le risque de travailler sur quelque chose d’inhabituel. Je comprends très bien pourquoi beaucoup de gens ont préféré renoncer. C’est un film dont il est difficile de parler, justement parce qu’il échappe à toutes les définitions traditionnelles. Certaines personnes ont été déstabilisées par ce traitement. En ce qui me concerne, je me suis dit que j’étais prêt à participer à cette aventure avec Will Smith. Je savais qu’il avait le talent requis pour exprimer toutes les nuances de ce personnage, qu’il s’agisse des aspects amusants de sa personnalité ou de la tristesse qui le ronge.

Comment avez-vous travaillé avec Will Smith pour mettre au point l’apparence, le comportement, la gestuelle et la voix de son personnage ?

Nous en avons parlé longuement, puis nous avons fait des tests. Will a essayé plusieurs manières de s’exprimer, de marcher, puis plusieurs tenues avant de mettre au point ce look particulier avec le bonnet de laine et les énormes lunettes de soleil.

Il parle avec un ton de voix plus bas cette fois-ci…

Oui. Je voulais que Will parle plus bas et plus doucement. Les spectateurs ont l’habitude de le voir agir avec beaucoup de confiance et d’aplomb, en portant sa voix, et en parlant fort. Il fallait « baisser le volume ». Je voulais qu’on ait l’impression que Hancock porte un poids énorme sur ses épaules. Je voulais qu’on sente que ses jambes lui font mal. Qu’il est fatigué, et n’arrive plus à dormir.



Est-ce que vous lui avez demandé d’arrêter un peu ses exercices de musculation pendant le tournage, pour changer sa silhouette ?

Non, parce que nous n’avions pas à le montrer torse nu. Quoi qu’il arrive, Will est toujours dans une forme physique incroyable, parce la gymnastique et la musculation font partie de son hygiène de vie. Il a un corps de superhéros !

Pouvez-vous nous parler des effets visuels du film ?

Ils ont été réalisés par Sony Imageworks. C’est l’équipe qui a réalisé les effets spéciaux de Spider-Man qui s’est occupé de nos trucages. Dès le début du projet, je leur ai demandé de donner un aspect « brut » et violent aux images, comme si elles avaient été prises sur le vif, sans préparation. Je ne voulais pas voir de grands panoramiques très fluides quand Hancock se met à voler. Je voulais que le cadre bouge en suivant ses trajectoires approximatives.

Dans le film, les trucages numériques servent à produire des effets comiques. Est-ce difficile de trouver le bon équilibre entre l’aspect réaliste des images et le « timing » des gags visuels que vous aviez conçus ? Je pense notamment à la scène où l’on voit Hancock remettre à l’eau une baleine échouée…

Nous avons voulu traiter le film de manière complètement réaliste. Pour chaque action précise, nous nous disions, par exemple « Qu’est-ce qui se passerait si Hancock traversait le mur pour atterrir dans cette pièce ? » et nous tentions d’imaginer le plafonnier qui serait brisé au passage, les morceaux de mur qui voleraient de tous les côtés, les meubles qui seraient pulvérisés et ainsi de suite. Et pour revenir au plan dont vous parliez, le mouvement de caméra et l’effet de zoom qui permet de suivre l’action ont été conçus pour être légèrement exagérés, tout en restant crédibles. Les gens ont souvent vu des images de baleines échouées à la télévision. Nous nous sommes donc procurés des images de reportages montrant ce genre d’évènements pour y puiser des références visuelles.

Avec-vous utilisé d’autres images de références pour expliquer à l’équipe de Sony Imageworks quel traitement vous souhaitiez donner à d’autres scènes ?

Oui : des images de crashs d’avions, de tremblement de terre, de collisions de voitures. YouTube est vraiment un allié très précieux pour des recherches de ce type, on y trouve rapidement beaucoup de choses.

La séquence de l’accident avec le train est très impressionnante…

Ce que vous avez vu hier n’était pas encore fini. Nous sommes encore en train de travailler dessus. Mais merci du compliment !

Aux USA, faire un « John Hancock » est une expression qui a un sens particulier, qui risque d’échapper aux spectateurs des autres pays…

Oui, vous avez raison. Vous faites bien de me le dire. Il va peut-être falloir qu’on change le titre du film !

Pouvez-vous nous expliquer l’origine de cette expression ?

Volontiers. Avez-vous déjà lu le document original de la constitution américaine ?

Non.

Je dois avouer que je ne l’ai pas lu en entier moi-même, mais il s’agissait d’une lettre envoyée à l’Angleterre par les pères fondateurs de la nation Américaine, afin de déclarer son indépendance. Vingt personnes ont participé à l’écriture de ce document, et lorsque ce travail était fini, il a fallu le signer. Chacun de ces hommes savaient que ce document allait être lu par le roi d’Angleterre et que cet acte de rébellion pouvait leur valoir une condamnation à mort. A chaque fois que quelqu’un le signait, il prenait le risque d’être pendu un jour prochain. George Washington a signé le document, puis Benjamin Franklin a fait de même, et ainsi de suite. Mais chacun signait un peu timidement, comme s’il le faisait en essayant de ne pas se faire remarquer ! A ce moment-là, John Hancock, qui était apparemment une grande gueule, et qui n’était pas connu pour sa sobriété, s’est emparé de la plume et s’est écrié « Qu’est-ce qui vous prend d’écrire ces pattes de mouches ? Vous avez peur ? Vous n’êtes qu’une bande de lâches ! » et il a alors apposé une signature énorme sur la feuille ! Quand on voit le document original, c’est celle que l’on remarque en premier. Depuis ce jour, quand on parle d’un « John Hancock », on fait référence à une signature, mais aussi à un acte que l’on revendique haut et fort, sans avoir peur des conséquences que cela pourrait entraîner.

Pourquoi avez-vous donné ce nom au personnage ?

L’idée, c’est que notre héros s’est réveillé un jour sans savoir qui il était, et a découvert alors qu’il avait des pouvoirs surhumains. En le retrouvant, la police a fini par lui demander son nom afin de signer des papiers d’identité, et nous avons imaginé que quelqu’un lui avait réclamé un « John Hancock », c’est à dire une signature, et qu’il avait alors choisi de prendre ce nom.

Faites-vous une apparition clin d’œil dans le film, puisque vous êtes acteur ?

Oui. Je joue le rôle du frère de Hancock. Mais je ne vous en dirai pas plus !


[Entretien avec Akiva Goldsman, producteur de Hancock]


[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.