Entretien exclusif avec l’héroïne de PROMETHEUS, Noomi Rapace - Première partie
Article Cinéma du Jeudi 07 Juin 2012

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

A quel point Elizabeth Shaw est-elle différente d’Ellen Ripley ? Y a t’il des similitudes entre les deux personnages ?

Elizabeth Shaw est un peu plus féminine qu’Ellen Ripley, et l’on apprend davantage de choses sur elle et sur son passé. Son petit ami participe à la mission avec elle, sur le Prometheus : il s’agit du Docteur Charlie Holloway. Elizabeth est croyante et elle est passionnée par cette expédition. Elle a énormément lutté pour convaincre des gens d’investir des sommes colossales dans ce projet, afin de réunir toute une équipe de haut niveau et d’organiser ce voyage spatial. Pour elle, c’est véritablement un rêve qui s’accomplit. Elizabeth est le « cœur » du film, et quand nous la rencontrons, nous comprenons qu’elle a travaillé très longtemps sur ce projet, en s’acharnant pour que le concrétiser pendant de longues années. Cette mission est chargée d’émotion pour elle, parce que ce qu’elle espère trouver au bout du chemin, ce sont les réponses aux grandes questions que nous nous posons tous sur l’origine de la vie, sur notre place dans l’univers, sur notre créateur... Malheureusement, Elizabeth découvre trop tard qu’elle se trompait. Que ce qui l’attend là-bas n’est pas du tout ce à quoi elle s’attendait. Au début, elle est assez naïve, et accorde facilement sa confiance parce qu’elle a un grand cœur, rempli de foi et d’espoir, mais les évènements la contraignent à changer radicalement et à se battre pour survivre à tout prix, comme un soldat perdu dans un conflit qui le dépasse. Dans la seconde partie du film, qui est bien plus sombre, Elizabeth a beaucoup de points communs avec Ripley. Mais, comme je le disais, on en apprend relativement peu sur l’histoire de Ripley dans les films. Dans le premier ALIEN, on ne se doute pas qu’elle est le personnage principal. On découvre tout l’équipage, et elle sort peu à peu du lot en refusant de s’avouer vaincue.

La religion et les notions de bien, de mal jouent un rôle important dans le film. Y a t’il un parallèle avec les récits de la bible dans l’intrigue de PROMETHEUS ?

En ce qui concerne mon personnage, la bible est vraiment une référence importante, car elle est chrétienne et profondément croyante. Elizabeth a beaucoup voyagé de par le monde quand elle était jeune, parce que son père était prêtre et médecin. Elle a découvert ainsi différentes cultures et différentes formes de vies depuis sa jeunesse. Elle a un esprit très ouvert et ne juge personne. Sa vision des perspectives de la vie est toujours positive, malgré l’épreuve qu’elle a subi très tôt. En effet, son père est mort alors qu’elle était très jeune, et je crois que quand quelque chose d’aussi brutal vous arrive pendant l’enfance, cela peut vous inciter à avoir une vision sombre de l’existence, et même une attitude destructrice. Mais Elizabeth est parvenue à surmonter cette douleur et a trouver le moyen de prendre du recul. Sa foi l’a incité à trouver une signification à ces événements, à penser qu’il y avait une raison derrière tout cela, et que son dieu avait un dessein pour son père et pour elle. Pour Elizabeth, toutes ces questions qui sont abordées dans la bible sont à la fois intemporelles et aussi pertinentes aujourd’hui qu’il y a 2000 ans. En ce qui concerne Ridley, je crois qu’il a une approche plus scientifique des choses. Il a un esprit très rationnel, tout en étant capable de croire à dieu. Je crois pouvoir dire qu’il a, en ce sens, des points communs avec mon personnage, avec Elizabeth.

Quelle est la trajectoire émotionnelle et spirituelle d’Elizabeth au cours du film ?

Au départ, elle est convaincue de savoir exactement ce qui l’attend à l’issue de ce voyage. Elle est sûre d’elle, et envisage les choses avec optimisme, et avec une certaine exaltation. En fin de compte, tout ce qu’elle espérait, tout ce en quoi elle croyait, tout ce sur quoi elle a construit sa vie est détruit, anéanti, ravagé, réduit en miettes. Il ne reste plus rien de ce qui la motivait, tous ses espoirs s’envolent. Ce qu’elle découvre ne correspond absolument pas à ce qu’elle pensait. Sa trajectoire est donc une énorme transformation émotionnelle et physique. Ce voyage change sa vie à tout jamais, car elle réalise que rien n’est ce qu’il semblait être au départ. C’est ce qui m’attire toujours dans un rôle, ces changements qui interviennent dans la vie d’un personnage, car cela permet de révéler les différentes « strates » du caractère et des sentiments de cet être. C’est un peu comme si vous tourniez les pages d’un dictionnaire qui vous révèle toutes les informations sur cette personne, tout en assistant à des événements qui vont la métamorphoser en profondeur, et pour toujours.

Comment avez-vous été approchée par Ridley Scott pour participer à ce projet ?

Avant toute chose, je dois préciser que je n’avais absolument pas l’intention d’aller aux USA pour y mener une carrière, parce que je ne me voyais pas m’intégrer au star system d’Hollywood. Je n’ai jamais rêvé de devenir une grande vedette du cinéma américain. J’adore les films et les réalisateurs des Etats-Unis, et j’aime faire mon métier d’actrice, mais je ne pouvais pas envisager de travailler là-bas parce que je ne savais pratiquement pas parler anglais, mais tout juste bredouiller 3 ou 4 mots. Mon niveau d’anglais était affligeant ! Mais à force d’insister, mon équipe – mon agent, les gens avec lesquels je travaille depuis longtemps - a cependant réussi à me convaincre de prendre des cours et de me rendre à Los Angeles pour participer à quelques rendez-vous là-bas. J’ai donc fait ce voyage au cours duquel il était prévu que je rencontre le producteur avec lequel Ridley Scott travaille. 5 minutes avant le rendez-vous, on m’a appris que Ridley allait assister lui aussi au rendez-vous. Quand j’ai entendu cela, j’ai cru que j’allais m’évanouir, parce que Ridley est l’un de mes héros. J’ai grandi en regardant ses films. J’ai adoré ALIEN, BLADE RUNNER, THELMA & LOUISE et GLADIATOR… Ridley Scott est l’un des meilleurs réalisateurs au monde, et un professionnel dont j’admirais et respectais le talent depuis toujours. Nous nous sommes donc rencontrés, et il m’a dit d’emblée qu’il avait vu MILLENIUM : « Je l’ai vu 3 fois, je l’adore et je veux travailler avec vous. » C’était tellement incroyable que j’en étais embarrassée ! C’est toujours étrange de voir comment le destin fonctionne et comment les événements de votre vie se déroulent. Il y a quelques années, je n’étais rien. Je ne me suis même pas battue pour obtenir ce rôle dans PROMETHEUS. Je n’ai pas eu à passer une audition devant Ridley. C’est lui qui est venu vers moi en me disant « Je voudrais que vous teniez le rôle principal de mon prochain film de science-fiction. » C’était un moment presque irréel. Comme un rêve fantastique…

Vous n’avez pas du tout parlé du personnage, de votre manière d’interpréter le rôle ?

Non, pas au début. Ridley m’a simplement dit qu’il comptait faire une préquelle d’ALIEN. C’est d’ailleurs ainsi que le projet était appelé alors, « La préquelle d’ALIEN ». Toutes les informations sur l’histoire étaient tellement secrètes qu’elles devaient probablement être enfermées à double tour dans un coffre quelque part ! Je n’ai lu le script que deux mois plus tard, au moment où le seul rôle qui avait été attribué était le mien. Aucun autre acteur n’était encore choisi.

Qu’avez-vous ressenti en découvrant ce fameux script top secret ?

Je ne m’attendais pas du tout à cette histoire-là ! Je me disais « OK, cela va être un film de la saga ALIEN… » en imaginant y trouver certaines choses, certains ingrédients connus, mais en fait, cette histoire va bien au-delà, et aborde une multitude de thèmes inédits et passionnants. Aujourd’hui encore, alors que nous parlons de PROMETHEUS ici à Paris et que le film est terminé, je ne suis pas certaine d’être bien éveillée, car j’ai toujours l’impression de vivre un rêve !

Vous disiez que votre niveau d’anglais était très faible avant que vous acceptiez ce film, et pourtant cela n’a pas dissuadé Ridley Scott de vouloir vous confier le rôle d’une anglaise, ce qui signifiait que vous intonations devaient être parfaites. Il voulait donc absolument que vous incarniez Elizabeth !

Oui.

Dans ces conditions, il vous était impossible de refuser une telle offre…

Effectivement ! (rires) Je me souviens que pendant ma première conférence de presse, qui se déroulait à Stockholm pour le lancement de MILLENIUM, j’étais presque incapable d’aligner trois mots en anglais. C’était pathétique… Cela vient du fait que ma scolarité a été assez médiocre. J’étais mauvaise élève et je dois avouer que je séchais souvent les cours. Après la proposition de Ridley, il a fallu que je rattrape rapidement le temps que j’avais bêtement perdu. J’ai donc regardé des films américains et anglais en DVD, sans afficher les sous-titres, pour apprendre à écouter l’anglais courant et à en reconnaître les mots. J’ai lu des livres en anglais. C’était dur, mais j’étais d’autant plus motivée que Ridley m’avait dit « Si vous arrivez à vous débarrasser de votre accent suédois, vous pourrez faire tout ce que vous voudrez dans ce métier. » Il croyait en moi, m’avait accordé sa confiance, et je ne pouvais donc pas le décevoir. Je lui en serai éternellement reconnaissante.

La suite de cet entretien paraîtra prochainement sur ESI.

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