Entretien exclusif avec l’héroïne de PROMETHEUS, Noomi Rapace – Seconde partie
Article Cinéma du Mercredi 13 Juin 2012

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Les scènes d’action étaient-elles très « physiques » ?

Le tournage de PROMETHEUS a été très physique. C’est sans aucun doute le film le plus éprouvant que j’aie jamais fait. Quand le tournage en Islande s’est achevé, mon genou gauche était tout enflé et rempli d’un liquide bizarre, et mon coude droit, lui, ressemblait à une balle de Ping Pong ! J’avais aussi des hématomes un peu partout sur le corps. C’était inévitable parce que beaucoup de scènes sont intenses et quelquefois même brutales. Mais j’aime ça. J’aime faire mes propres cascades et aller aussi loin que l’on me le permet, sous la surveillance du superviseur des cascades, bien sûr. Il sait exactement jusqu’où je peux aller physiquement. Il arrive quelquefois que le représentant de la compagnie d’assurance qui surveille le tournage dise non, parce qu’il estime que c’est trop dangereux. Mais je m’étais préparée à accomplir toutes ces acrobaties et à tourner tous ces combats en m’entraînant avec le superviseur des cascades pendant sept semaines avant le début du tournage. Et j’ai continué à faire de la gym et de la musculation après, chaque jour, avant les prises de vues. Cela faisait partie du rôle. Je veux transformer mon corps quand c’est nécessaire pour bien incarner un personnage, et là, c’était indispensable. Il faut être dans une excellente forme physique quand on participe à une mission spatiale, et il fallait donc que l’on sente qu’Elizabeth s’y était préparée. Il fallait que mon entraînement physique soit comparable à ce qu’elle aurait dû faire dans la réalité.

Quelles ont été les scènes de combats et les cascades les plus difficiles que vous avez tournées vous-même ?

Le problème, c’est que je ne peux pas vous parler de la plupart d’entre elles, car je révèlerais des parties de l’histoire qui sont top secrètes…Mais je peux vous parler de la scène de l’ouragan, car on en voit des extraits dans les bandes annonces du film. Je portais un harnais sous ma combinaison spatiale, afin d’être accrochée par des câbles. Il y avait d’énormes ventilateurs sur le plateau, qui projetaient toutes sortes de débris, et j’étais soulevée par les câbles et entraînée plus loin, en me heurtant à tout ce qui se trouvait dans ma trajectoire. C’était assez brutal, parce que je me cognais aux éléments de décor, tout en faisant semblant d’essayer de m’accrocher pour ne pas être emportée au loin par la tempête. Quand on tourne une telle séquence, il ne faut pas le faire en essayant d’apparaître à son avantage, il faut que ce soit violent, désordonné, chaotique. Et cela ne peut donc être que douloureux. Il faut l’accepter, parce que le résultat à l’image n’en sera que meilleur et plus convaincant. J’aime que cela se passe ainsi. J’aime que ce soit douloureux quand il le faut ! (rires) Le but, c’est que cela ait l’air vrai, qu’il s’agisse d’un grand film de SF ou d’un petit film indépendant. Je veux y injecter ma propre vérité, je n’ai pas envie qu’une cascadeuse me remplace systématiquement, fasse des cascades parfaites de maîtrise, et que les spectateurs disent « Wow, c’était fantastique, mais ce n’est certainement pas l’actrice qui a pu faire ce truc-là ! ». Je préfère que ces scènes soient tournées le plus souvent possible par moi, pour que ce soit crédible.

Ce matin, quand vous nous avez présenté des extraits de PROMETHEUS, vous faisiez référence à une scène en disant qu’il s’agit probablement de la séquence la plus dure que vous ayez eu à jouer, parce que vous étiez à demi nue, et que la situation était très éprouvante. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Je ne peux vraiment pas vous raconter ce qui se passe exactement à ce moment-là, mais disons que c’est certainement le pire cauchemar de toute femme. Cette scène m’a vraiment troublée, à la fois physiquement et psychologiquement. C’était très dur de se préparer à la jouer en pensant à la réalité de la situation. Elle me perturbait même tellement que j’en ai rêvé pendant des semaines. Je suis la seule actrice dans cette scène, mais comme elle est assez complexe, nous l’avons tournée pendant 4 jours. J’avais l’impression de me retrouver en enfer ! Mais en compagnie de Ridley ! (rires)

S’agit-il de la séquence présentée dans la bande-annonce, où l’on vous voit courir et vaciller dans un couloir courbe ?

Oui, il s’agit bien de cette scène-là, mais le passage dont vous parlez est en réalité la fin de la séquence. Le problème avec des scènes aussi cauchemardesques, c’est que l’on ne peut pas les tourner en se reposant seulement sur la technique de l’acteur, en y mettant une certaine distance pour se protéger. Quand j’ai tourné la scène de viol de MILLENIUM, j’ai accepté de me laisser aller, d’abaisser mes défenses. Se mettre dans une telle situation de vulnérabilité et se projeter dans des circonstances aussi horribles vous affecte forcément. Mais c’était la seule manière de rendre la scène réaliste. Il fallait que j’entraîne le public avec moi dans cette aire de panique totale qui submerge le personnage de Lisbeth Salander. Si vous n’ouvrez pas votre torse en grand pour exposer votre cœur, les spectateurs n’y croient pas. Dans PROMETHEUS, Elizabeth est exposée à des événements tellement traumatisants qu’il fallait que je médite à ce qu’elle avait subi mentalement et physiquement pour être en mesure de replonger dans cet état chaque jour, avant chacune des prises de cette séquence. Quand vous vous mettez dans cette situation, c’est un peu comme si vous vous déconnectiez de la réalité pendant quelques heures. Bien qu’il y ait toute une équipe de tournage autour de vous, elle disparaît presque…vous ne la voyez plus. J’avais l’impression qu’il n’y avait plus que moi et Ridley dans ces décors.

Comment Ridley Scott vous a t’il aidé à jouer cette scène ? Et comme était-il en général sur ce tournage ?

Ridley prend soin des acteurs. Il est très attentionné. Vous avez le sentiment qu’il vous protège. Il sait créer un environnement de travail qui est très détendu. Il ne crée pas de pression, ne fait pas de drames s’il y a un petit problème. Il est cool et drôle. Le matin, il vous accueille en vous disant « Hey Dude ! » (Salut mon pote !) Je me souviens que quand les scènes étaient très dures, il venait me voir et me demandait discrètement « Te sens-tu prête à tourner une prise de plus ? », ce à quoi je répondais toujours oui. Il me demandait aussi « Tu t’es fait mal ? » et quand je lui disais non, il répliquait « Je n’en crois pas un mot. Tu dois avoir sacrément mal. » J’insistais en disant « Non, non, ça va, on peut y aller ! » et là seulement, il demandait à tout le monde de se remettre en place pour filmer une nouvelle prise. Ridley parvient à rendre les choses faciles et amusantes, même si l’on doit jouer comme si l’on avait un couteau sur la gorge ! (rires) Il a toujours été à mes côtés pour partager ces moments. Si j’essaie une variation de jeu, il revient me voir pour me dire « OK, j’aime beaucoup ce que tu as essayé là. Peux-tu le reprendre, tout en jouant aussi comme tu l’avais fait dans la troisième prise ? » Il a un regard tellement affûté et une telle mémoire visuelle qu’il remarque absolument tout. Avec lui, rien n’est perdu, rien n’est gâché. Il voit tout.

Comment décririez-vous ce qu’à été pour vous l’expérience du tournage de PROMETHEUS ?

C’était fantastique. J’ai presque eu l’impression que nous avions vraiment voyagé dans l’espace, tous ensemble. Quand le film a commencé, nous nous sommes tous envolés ! Le réalisme des décors a certainement contribué à me faire ressentir cela : ils étaient superbes. Pour ma part, j’ai mis de côté toute la pression que l’on peut ressentir quand on participe à un grand film dont on tient le rôle principal. On sait que l’on porte une certaine responsabilité sur les épaules, et que tout le monde attend que vous soyez à la hauteur, mais il faut en faire abstraction. Et quand vous atteignez le bon niveau de concentration, vous avez l’impression de vous trouver dans une bulle hermétique. Le monde extérieur disparaît. J’avais donc l’impression que les acteurs, Ridley, l’équipe technique et moi, nous nous étions tous embarqués dans une mission. L’énergie était très positive sur le plateau, et j’étais heureuse, même si le travail était assez dur par moments.

Quels sont les petits instants particuliers dont vous vous souviendrez toujours ?

Il y en a tant…Le moment où Ridley m’a demandé d’être sa nouvelle Ripley…Et la fin de cette fameuse séquence qui me faisait faire des cauchemars toutes les nuits, et me réveiller en sursaut, et en sueur ! Il fallait que je me dise « Ce n’est qu’un rêve, ce n’est qu’un rêve » !.. Je me souviendrai aussi de la tendresse particulière de Ridley. Ce n’est pas quelqu’un de sentimental sur un plateau : il est efficace, pragmatique, concentré, courtois, mais pas constamment en train de chouchouter ses acteurs. Pourtant, après que j’aie joué une scène dans laquelle il m’avait demandé d’injecter un peu plus d’émotion, il est revenu me voir en levant le pouce, en souriant et en me faisant un clin d’œil amical. Je savais qu’il était content sans qu’il ait prononcé un mot. J’ai stocké ainsi dans ma mémoire beaucoup de petits souvenirs de complicité silencieuse avec Ridley.

Avez-vous parlé de la suite envisagée de PROMETHEUS avec Ridley Scott ?

Un petit peu.

Aimeriez-vous y participer ?

Oh oui, j’aimerais beaucoup travailler à nouveau avec lui. N’importe quand, n’importe où ! Et s’il y a effectivement une suite de PROMETHEUS, je serais heureuse d’y participer. J’ai déjà hâte de porter à nouveau ma combinaison spatiale ! (rires) Et pourtant, je détestais l’avoir sur le dos parce qu’elle était incroyablement lourde, et que j’étouffais dedans, à cause de la chaleur, dès qu’il fallait courir !

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