Entretien exclusif avec Conor O’Sullivan, superviseur des prothèses de PROMETHEUS - Seconde Partie
Article Cinéma du Mardi 09 Octobre 2012

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PROMETHEUS est disponible en DVD & Blu-Ray, et à l’occasion de cette sortie, nous vous proposons de nouveaux entretiens exclusifs avec les créateurs des remarquables effets spéciaux du film. ESI vous recommande l’édition la plus complète du film, en 4 disques (BR, BR 3-D, DVD et BR de bonus), car le Blu-Ray consacré aux bonus est exceptionnel et remarquablement complet ! Voici à présent la suite de notre entretien avec Conor O’Sullivan.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

L’artiste russe Gutalin a donc été l’une de vos principales sources de références…

Oui. Ridley fait beaucoup de recherches graphiques pour concevoir ses films. Il s’inspire du travail de nombreux artistes. Dans le cas de PROMETHEUS, il souhaitait que l’apparence de l’ingénieur nu évoque les personnages des œuvres de William Blake. (1757-1827, peintre et poète pré-romantique anglais, qui a souvent évoqué des visions bibliques apocalyptiques dans ses aquarelles au style moderne, halluciné, très différent de l’esthétique de son époque. NDLR.) L’autre référence principale pour ces personnages étaient les statues de Michel Ange, comme son David. En ce qui concerne les décors du vaisseau extraterrestre et les combinaisons, Ridley a tenu à rendre hommage au travail de Giger, en employant à la fois certains de ses anciens dessins réalisés à l’époque d’ALIEN et des designs nouveaux, produits spécialement pour PROMETHEUS. Comme je vous le disais précédemment, Neville Page, un designer anglais qui vit aux Etats-Unis, a été chargé d’établir le design des ingénieurs. Ridley est très attaché au look biomécanique, mais dans PROMETHEUS, les détails biomécaniques sur les parois et sur le sol sont beaucoup plus fins, beaucoup mieux définis, car cet environnement est sensé être presque en parfait état. Il n’y a pas de signes de décrépitude, de rouille, ni de boue translucide visqueuse comme dans ALIEN, car le temps n’a pas encore fait son effet… Nous avons donc appliqué la même démarche en créant la combinaison spatiale de l’ingénieur, dont tous les détails sont plus fins et plus nets. Comme dans les illustrations de Gutalin.

La conception de la combinaison de l’ingénieur a consisté à faire de la « rétro-ingénierie » en partant de l’aspect du space jockey découvert dans Alien, afin d’imaginer comment elle fonctionnait quand elle était neuve et en parfait état de marche ?

Exactement.

Le casque de l’ingénieur a un tube placé en face de sa bouche, et d’autres éléments branchés sur lui. Comment les avez-vous adaptés pour en faire des accessoires fonctionnels crédibles ?

La combinaison complète du pilote une fois portée par l’ingénieur a été animée en animatronique. Ce que vous voyez sur le Space Jockey, c’est à dire ce tube qui émerge de sa bouche, et cette combinaison en état de décomposition, vous les découvrez à l’état neuf quand l’ingénieur se met dans la chaise du poste de pilotage pour faire décoller et manœuvrer le vaisseau. Nous voyons comment la combinaison se referme autour de lui pour l’envelopper, mais nous découvrons aussi, à un autre moment, des hologrammes qui nous montrent comment les ingénieurs sont anéantis par leur propre faute, à cause des effets de l’ADN alien. Nous en voyons plusieurs fuir au travers des couloirs du vaisseau, tout en portant leurs combinaisons de Space Jockeys. Nous avons donc reproduit assez fidèlement le design de Giger tout en le modernisant et en imaginant ce que ces combinaisons pouvaient être quand elles étaient neuves et en état de marche. Elles sont donc plus « mécaniques » que « bios », cette fois-ci ! (rires) Le département des costumes et des créatures s’est occupé des animatroniques que l’on voit dans cette séquence. Nous n’avons pas participé à ces effets d’animation.

Vous avez donc également travaillé sur l’aspect des ingénieurs infectés par l’ADN alien ?

Oui. L’équipage du Prometheus trouve une tête décapitée à l’intérieur du casque de l’une des combinaisons à l’aspect éléphantesque. La porte d’un sas s’est refermée sur l’un des corps, et la tête et le casque se sont retrouvés dans un environnement qui les a empêchés de se décomposer. Ils ramènent ce casque et cette tête à l’intérieur du vaisseau, et entreprennent de l’ouvrir. Il y trouvent une tête d’ingénieur parfaitement préservée, et tentent de l’analyser, et de visionner les dernières images contenues dans la mémoire de cet être, juste avant sa mort. Mais l’ADN alien a été réactivé en étant exposé à une température normale et recommence à se répliquer. Et c’est ainsi qu’un nouveau cycle de destruction commence. Ils tentent de l’isoler, mais la tête explose devant eux. Nous avons fabriqué la tête décapitée et le casque de l’ingénieur, et nous les avons donné au département des créatures qui a placé les mécanismes animatroniques à l’intérieur. En fait, le département des prothèses et celui des créatures étaient gérés par deux équipes différentes, mais nous avons collaboré sur la création de nombreux éléments. Le travail de chacun des départements débordait sur celui de l’autre.

Plusieurs membres de l’équipage du PROMETHEUS sont infectés eux aussi par l’ADN alien…

Oui. Il y a deux membres de l’équipage qui sont infectés, et sont brûlés au lance-flammes. Ces trucages devaient être réalisés avec des effigies animatroniques, puis le département des créatures a fabriqué des prothèses appliquées sur des cascadeurs, et finalement, une partie de tout cela sera reprise et complétée par des effets 3D. Je ne suis pas sûr de ce que l’on verra dans le résultat final, mais je sais que le personnage d’Holloway porte des prothèses. C’est Neil Scanlan qui s’est occupé de ce maquillage.

L’un des personnages en mutation, Fifield, a une bande de cheveux sur le sommet du crâne, comme un indien Mohican…

Oui, c’est un acteur aux cheveux roux, Sean Harris, qui joue ce rôle. Son maquillage a également été crée par le département des créatures, et il est également représenté par un animatronique à un autre moment du film. En ce qui nous concerne, nous avions déjà énormément de travail à gérer avec tous les effets liés à la création des maquillages des ingénieurs et de leurs combinaisons de Space Jockeys. Je dois dire que la collaboration entre les différents départements s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Je ne sais pas trop comment le studio va créditer le travail des uns et des autres, étant donné qu’il a été souvent le produit d’un mélange de contributions diverses, mais l’essentiel est que tout se soit bien passé.

Avez-vous créé d’autres effets de maquillages pour ce film ?

Oui. Nous avons conçu, fabriqué et appliqué un maquillage de vieillissement sur Guy Pearce, qui incarne le personnage de Peter Weyland âgé. Et nous avons aussi réalisé quelques effets de blessures pour la scène de combat entre Noomi Rapace et l’ingénieur, dont le sang noir se répand partout. Et nous avons fabriqué aussi un mannequin à l’effigie de l’ingénieur pour filmer ce qui se passe dans la scène finale, où un alien émerge de sa poitrine. C’est le dernier plan de PROMETHEUS.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’acteur qui incarne l’ingénieur dans la plupart des scènes ?

Oui, bien sûr. Il s’appelle Ian Whyte. C’est un acteur et cascadeur gallois de 40 ans qui mesure 2m17, et qui était joueur de basket professionnel avant de travailler dans le cinéma. Il était déjà habitué à porter des costumes complets de créature, car il a joué des rôles de predators dans ALIEN CONTRE PREDATOR et ALIENS CONTRE PREDATOR : REQUIEM. Ian est un garçon athlétique, doté d’une bonne résistance physique et qui sait aussi être patient pendant les longues séances d’application du maquillage. Ian a su donner un aspect très impressionnant à l’ingénieur par ses postures et sa manière de bouger. Il a fait de l’excellent travail.

En conclusion, comme décririez-vous votre collaboration avec Ridley pendant la préparation et le tournage de PROMETHEUS ?

Travailler avec Ridley a été une expérience formidable. Nous nous sommes très bien entendus, et il a été très heureux de ce que nous avons créé pour le film. Tout s’est bien passé d’emblée, dès que nous avons produit des représentations en volume de l’ingénieur, d’après les designs de Neville Page. Ridley les a validées très vite, et il a aimé aussi les tests de maquillage que nous avons réalisés ensuite, même s’il a fallu réaliser 10 versions successives du personnage pour arriver à définir son aspect définitif en volume. Tout cela s’est déroulé dans une atmosphère très positive, et il s’agit probablement d’une des meilleures expériences de tournage que j’aie jamais eue.

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