PACIFIC RIM : Entretien exclusif avec Charlie Hunnam (Raleigh Becket) et Rinko Kikuchi (Mako Mori) - Troisième partie
Article Cinéma du Dimanche 23 Juin 2013

[Retrouvez la précédente partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez fait votre travail d’acteur tout en vous adaptant aux contraintes des effets spéciaux ?

Charlie Hunnam :
C’était une expérience intéressante…

Rinko Kikuchi : Nous avons souvent tourné devant des fonds verts !

Charlie Hunnam : Avais-tu eu l’occasion de faire cela auparavant ?

Rinko Kikuchi : Non, pour moi c’est la première fois que cela a été si intensif et si poussé.

Charlie Hunnam : En ce qui me concerne, j’ai imaginé que ce serait intimidant et un peu inhibant de se retrouver tout seul au milieu d’un cyclorama vert, sans environnement réel avec lequel on puisse interagir. Comme le disait Reiko, la grande majorité des plateaux sur lesquels nous tournions étaient encerclés par des écrans verts. Bien sûr, chaque acteur « fonctionne » de manière différente pour se préparer à jouer, mais je me suis rendu compte que c’est la préparation en amont de ces scènes qui nous aidait à entrer dans la peau de ces personnages et à comprendre ce monde qui est sensé nous entourer mais qui n’est pas vraiment là. Tous ces environnements avaient été soigneusement conçus et dessinés avant le tournage, et au moment de jouer devant les fonds verts, c’était un peu comme si nous nous retrouvions dans l’intimité d’un bureau de production, en train de travailler de futures scènes avec le réalisateur, en utilisant notre imagination. Jouer sur fond vert était la continuité de ce tout ce que nous avions préparé ensemble, et chacun de notre côté. Ce n’était qu’une autre étape du processus. Je dois dire que je craignais beaucoup cette partie du tournage, mais qu’en fin de compte, grâce à toute la préparation qui avait précédé, j’ai trouvé cela relativement facile. Le plus important, c’était de pouvoir interagir avec les autres acteurs. C’était avec eux que je jouais, et c’est cette dynamique qui nous permettait d’imaginer le monde autour de nous. Encore une fois, même s’il est question de robots et de monstres géants dans PACIFIC RIM, ce sont les émotions des personnages qui constituent le moteur du film, et qui font avancer l’histoire.

Après avoir quitté les cycloramas verts, étiez-vous soulagé de vous retrouver à nouveau dans de vrais décors ?

Charlie Hunnam :
Pas vraiment, parce que quel que soit l’endroit où vous vous trouvez, un plateau entouré d’écrans verts ou un énorme décor dans lequel figurent les moindres accessoires, vous jouez toujours devant une équipe technique d’une bonne soixantaine de personnes, en suivant les indications du réalisateur. Le cadre du travail ne varie pas tant que cela. Il y a toujours des caméras, des grues, des ingénieurs du son et des gens qui manipulent les perches des micros, etc. C’est justement ce que ces tournages sur fond vert m’ont permis de réaliser : quelle que soit la manière dont on le considère, le processus de tournage d’un film est toujours un processus éminemment artificiel ! On a tendance à croire qu’un vrai décor permet aux acteurs de se raccrocher à la fiction de l’histoire. Mais on oublie que ce que les acteurs voient en réalité, ce sont surtout les coulisses, les caméras et les techniciens qui les entourent ! La seule manière de faire exister un rôle quand on se retrouve dans un tel environnement, c’est de se replonger dans son esprit et de se souvenir de tout ce que l’on a préparé pour faire vivre cette personne. C’est en cela que les interactions avec les autres comédiens sont essentielles : ce sont des « îlots de fiction » sur lesquels vous vous réfugiez avec eux pendant que les caméras tournent. Et si vous êtes suffisamment concentré, plus rien d’autre n’existe à ce moment-là. La seule vraie différence quand on joue sur fond vert, c’est qu’il faut juste veiller à se souvenir de la « géographie virtuelle » des lieux, et ne pas faire un pas de trop dans la mauvaise direction, car à cet endroit-là, les infographistes ajouteront un mur ou le gigantesque pied d’un Jaeger !

La production avait-elle prévu des moniteurs pour vous montrer les prévisualisations des décors qui allaient être ajoutés plus tard autour de vous ?

Charlie Hunnam :
Ils ont fait mieux que cela ! La technologie a tellement évolué ces dernières années qu’on nous a donné des IPhones dans lesquels la production avait chargé ce qui devait probablement être l’application la plus coûteuse de toute l’histoire… (rires)…et le superviseur des effets visuels pouvait « scanner » le plateau en temps réel avec son IPhone, et nous montrer immédiatement sur l’écran les décors 3D qui allaient être ajoutés en post-production. C’était comme si nous pouvions voir ce monde imaginaire encore invisible au travers d’une petite lucarne, en la déplaçant tout autour de nous. Grâce à ce dispositif technique, nous avons toujours été en mesure de voir ce qui était sensé nous entourer, et cela a été une grande aide.

Pouvez-vous parler des relations entre vos deux personnages, et de la manière dont elles évoluent au cours du film ?

Rinko Kikuchi :
(A Charlie Hunnam) Avons-nous le droit de le dire ?

Charlie Hunnam : Vous savez, l’une des choses les plus fascinantes dans cet univers, c’est la différence d’échelle entre les minuscules humains et les gigantesques Jaegers. Il fallait imaginer une interaction vraiment très particulière pour que l’on puisse croire que 2 humains soient en mesure d’animer une machine aussi colossale. Et c’est là que Guillermo et Travis Beacham ont été particulièrement brillants en trouvant une idée qui élève l’intrigue à un tout autre niveau. L’interaction avec l’ordinateur de bord du robot est si complexe et accapare tant de capacités mentales qu’elle « grillerait » littéralement le cerveau d’un être humain s’il tentait de piloter seul. Ce serait une « overdose » d’informations absolument insupportable pour l’esprit et pour le système nerveux. C’est la raison pour laquelle les tâches sont réparties entre deux pilotes qui sont connectés simultanément à l’ordinateur du Jaeger par le biais de ce que l’on appelle « le pont neural ». C’est ainsi que ces 2 esprits et l’intelligence artificielle du Jaeger sont combinés en une seule entité capable de gérer ce déferlement d’information et de faire bouger le robot avec la même vivacité que celle d’un être vivant. Dans l’espace mental commun qui est créé avec ces 2 pilotes connectés à la machine, et que l’on appelle « The Drift » (« La plongée » ou « La dérive », NDLR), il n’y a plus aucune barrière qui existe. Dès que l’on entre dans cet état particulier, Raleigh et Mako ont chacun un accès total et illimité aux pensées de l’autre. Il ne subsiste plus aucun secret, aucun tabou, aucun souvenir honteux que l’on peut cacher… Toutes les peurs et les névroses sont également présentées au grand jour. Avant de former les tandems de pilotes qui vont piloter les Jaegers, on doit d’abord les sélectionner individuellement, puis leur faire passer ensemble des tests de compatibilité au « Drift ». Et c’est justement parce que l’on recherche des gens qui sont d’emblée sur « la même longueur d’onde » que l’on essaie de créer des duos entre frères, entre sœurs, entre pères et fils ou entre amis de longue date qui se connaissent par cœur. Et ce qui est intéressant à propos de nos deux personnages, c’est que nous avons tous les deux subi des traumatismes. Mako a perdu ses parents quand elle était toute jeune, et j’ai perdu mon co-pilote au cours d’une mission qui s’est mal terminée. Au moment où l’on m’offre une seconde chance, je cherche quelqu’un qui puisse être compatible avec moi, car je ne suis plus que la « pièce dépareillée » d’un ancien tandem. Mako est une jeune pilote très déterminée mais encore inexpérimentée, et comme il faut que je trouve quelqu’un au plus vite et que l’on a plus de temps pour chercher, on finit par assembler ce duo qui semble particulièrement mal assorti et voué à l’échec…

Avez-vous dû vous entraîner beaucoup pour vous préparer à ce tournage que vous décriviez tout à l’heure comme très éprouvant au niveau physique ? Etiez-vous astreints à faire des exercices particuliers pour être en mesure de tourner vous-mêmes certaines séquences ?

Rinko Kikuchi :
Oui, nous avons fait beaucoup de séances de gymnastique sur la plage, puis nous avons passé quelques jours dans un camp d’entraînement… Je n’avais jamais fait cela de ma vie…M’entraîner aussi durement.

Charlie Hunnam : Moi non plus, et j’ai absolument détesté cela ! (rires) C’était incroyablement difficile de s’astreindre à faire tous ces exercices toute la journée, pendant des jours. Mais Guillermo m’a expliqué que nous étions sensés être des « super-soldats », les meilleurs parmi les meilleurs. Il fallait donc que nous soyons dans une forme physique éblouissante, et que nos corps soient « secs » et musclés dans les scènes où on nous voit retirer nos chemises pour mettre nos combinaisons. Au-delà de l’apparence, il fallait aussi que nous soyons vraiment en très bonne forme, car comme Guillermo essaie de tourner le plus de choses possibles « en vrai », devant la caméra, il voulait que nous actionnions vraiment les commandes du poste de pilotage. Bien sûr, il aurait été plus simple de nous suspendre à des câbles devant un fond vert, et d’ajouter ensuite en images de synthèse tous les équipements de commande autour de nos bras et de nos jambes. Il nous aurait alors suffi de mimer « dans le vide ». Mais Guillermo ne voulait pas de ça, car il savait que même si une scène de ce type avait été truquée à la perfection, les spectateurs se seraient rendu compte qu’il ne s’agissait que d’une pantomime parce que nous n’aurions pas vraiment fait d’efforts pour tirer et pousser des leviers articulés. La seule solution consistait à concevoir et à fabriquer un poste de commande complet qui puisse nous soutenir tout en nous permettant de faire tous les mouvements de pilotage de Gipsy Danger, notre Jaeger, pendant les combats. Guillermo a appelé cette machine un « Compod ». Elle est située à l’intérieur de la partie de Gipsy Danger qui ressemble à un casque, dans sa tête, si vous voulez. Rinko et moi avons du nous entraîner à bouger une fois reliés à cette machine… Je crois que tu as travaillé pendant 3 semaines sur ces scènes…

Rinko Kikuchi : Oui, c’est cela, 3 semaines.

Charlie Hunnam : Et en ce qui me concerne, j’ai tourné toutes mes scènes sur le « Compod » pendant 4 semaines d’affilée. Pour vous décrire ce que cela représentait, imaginez-vous portant une armure de 30 kilos qui vous recouvre de la tête aux pieds, en train d’actionner une machine de marche elliptique réglée sur l’intensité d’effort la plus élevée, qui offre la plus grande résistance à vos gestes, et cela pendant 14, 15 ou même 16 heures par jour ! C’était exceptionnellement difficile à faire…et probablement même à la limite de l’illégalité. (rires) Mais tout cela fait partie de ce qui rend les films de Guillermo uniques. Il n’aime pas non plus faire appel trop souvent à des doublures cascade, car il estime à juste titre qu’on les remarque un peu trop souvent dans les scènes d’action. C’est la raison pour laquelle il demande à ses acteurs de faire le plus possible de cascades eux-mêmes. Même si cela demande beaucoup d’efforts, le résultat final est merveilleux, et en le voyant, on se dit que cela valait le coup d’en passer par là. Nous avons tourné PACIFIC RIM pendant 5 mois et demi, et je me souviens que je m’étais entraîné de mon côté pendant près de 2 mois avant d’arriver sur le tournage à Toronto. Rinko et moi nous sommes entraînés ensemble pendant plus de 3 semaines pour tourner notre scène de combat à l’épée. Et comme avant PACIFIC RIM je tournais les nouveaux épisodes de SONS OF ANARCHY pendant 16 heures par jour, il fallait que j’aille m’entraîner chaque nuit pendant 90 minutes pour me préparer au film, avant de pouvoir aller dormir un peu ! (rires) Et je reprenais les exercices de gym et de musculation pendant tout le week-end. C’était dur, mais c’était la seule condition pour que nous soyons en mesure de tourner de longs plans d’action intensive en une seule prise, sans nous arrêter. Cela a été un énorme investissement personnel, mais je ne le regrette pas. J’ai vu une version encore incomplète du film la semaine dernière et je me suis senti extrêmement fier de tout ce que nous avons réussi à accomplir, Rinko et moi.

La suite et fin de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.