Le fantastique retour du relief !
Article 3-D Relief du Mercredi 16 Avril 2008

Le cinéma américain convertit ses films en 3D pour séduire les spectateurs qui ont tendance à déserter les salles. La grande majorité des œuvres qui subiront cette métamorphose dans les mois à venir appartiennent au registre de la Science-Fiction et du Fantastique !
Pascal Pinteau

On le sait, le cinéma américain adore faire du neuf avec du vieux, et trouver de nouveaux supports lucratifs pour exploiter ses films. La toute dernière trouvaille d’Hollywood pour nous inciter à sortir nos portefeuilles consiste à convertir en relief des films qui ont été tournés de façon normale, c’est à dire « à plat ». Cette innovation pour le moins surprenante a été imaginée puis mise en pratique par la société américaine In-Three. La conversion d’images plates en images en relief n’est pas un procédé nouveau en tant que tel. On l’avait déjà appliqué avec succès aux bandes dessinées et aux photographies dans les années 50. Mais il s’agissait alors d’images fixes. Le coup de génie de In-Three a consisté à appliquer le même procédé, image par image, à un film grâce à une manipulation numérique. La compagnie a prouvé l’efficacité de son procédé technique l’année dernière en transposant en trois dimensions des scènes cultes du Magicien d’Oz, de Casablanca, Star Wars et du King-Kong de Peter Jackson. Après avoir convié des réalisateurs à découvrir le résultat obtenu , In-Three a rapidement reçu le soutien enthousiaste de Robert Zemeckis, Robert Rodriguez, Peter Jackson , James Cameron et George Lucas ! Le créateur de Star Wars a même déclaré : « J’ai été vraiment stupéfait quand j’ai découvert le procédé Dimensionalization® mis au point par In-Three. La qualité du relief obtenu était bien meilleure que tout ce que j’avais pu voir auparavant. Le fait de découvrir mes propres images de Star Wars en trois dimensions m’a convaincu qu’il était possible de faire revivre au public l’expérience de la saga Star Wars d’une manière entièrement différente. Ce procédé va augmenter de manière considérable le réalisme de tous les films qui bénéficieront de ce traitement.” Tout aussi emballé, Peter Jackson a déclaré avoir hâte de voir la trilogie du Seigneur des anneaux convertie de la même manière, et a annoncé une version 3D intégrale de King Kong dans un proche avenir. Après l’enthousiasme initial et le support inconditionnel apporté à In-Three, le sens des affaires des uns et des autres a repris le dessus. Chaque studio ou société américaine impliquée dans le traitement numérique des images s’est empressé de mettre au point et de faire breveter son propre système de conversion en relief, convaincu qu’il y avait là un énorme marché à conquérir !

Les secrets de la conversion en 3D

Si le procédé de base est relativement simple, il est cependant long et très laborieux. Il nécessite de faire appel à des centaines de techniciens, car une grande partie du travail est réalisé « à la main » sur palette graphique. Pour transposer une image plate en relief, l’infographiste choisit de placer les objets et les personnages à différents niveaux de profondeur. S’il décide par exemple de donner l’impression qu’un acteur est tout près , et que le décor de fond est très éloigné, il va lui falloir dédoubler la silhouette et la décaler deux fois (pour l’œil gauche et pour l’œil droit) par rapport au second plan. Il doit donc détourer la silhouette du comédien image par image, et réaliser un premier copié-collé qui permettra de décaler cette silhouette à droite par rapport au décor de fond, afin de créer l’image destinée à l’œil gauche, puis un second copié-collé avec un autre décalage à gauche pour obtenir l’image destinée à l’œil droit. Le « trou » créé par cette découpe de silhouette dans le décor de fond est « bouché » sur les deux images en prélevant les morceaux d’images du décor qui manque dans les images du début du plan (avant que le personnage ne s’approche, par exemple), ou tout simplement en les reconstituant le plus fidèlement possible avec l’aide de l’ordinateur. Si ce découpage numérique semble hasardeux expliqué ainsi, le résultat est pourtant tout à fait convaincant. L’œil ne distingue pas la supercherie. On jurerait que les images converties ont été tournées directement en relief ! Autre avantage : à aucun moment on ne ressent la moindre fatigue oculaire, même après avoir porté les lunettes polarisées indispensables à la découverte du film pendant plus d’une heure et demie.

Un marché en pleine expansion

Alors que In-Three a agrandit ses locaux pour faire face aux commandes des studios et emploie désormais 200 personnes à temps plein, Disney et ILM, le studio de trucages de George Lucas, se sont associés pour mettre au point leur propre système, baptisé Disney Digital 3D. Le premier film d’animation Disney tourné à « plat » qui a subi cette conversion est L’étrange Noël de Mr Jack, réalisé par Henry Selick et imaginé par Tim Burton en 1993, dont la nouvelle version 3D sortira le 20 octobre aux USA, juste à temps pour célébrer les fêtes d’Halloween. Les deux compères sont enchantés par cette métamorphose tridimensionnelle et lui ont apporté leur collaboration et leur soutien inconditionnel. Pour eux, c’est l’occasion de faire bondir leurs marionnettes brillamment animées image par image hors de l’écran, et de donner aux spectateurs l’impression de se promener dans les somptueux décors miniatures du film. Plus qu’une redécouverte d’un récit, c’est à un nouveau voyage au cœur du pays d’Halloween que cette version 3D va nous convier ! La bande-annonce qui est projetée en ce moment dans les salles américaines équipées pour la projection numérique en relief est particulièrement convaincante. Jack semble vouloir happer les spectateurs hors de leurs fauteuils ! George Lucas n’est pas en reste, puisqu’une conversion de Star Wars episode 1 : La menace fantôme est d’ores et déjà en cours de réalisation pour une sortie en salles qui pourrait avoir lieu dès 2007. Il y a donc fort à parier que le reste de la saga sera adapté ainsi au cours des années suivantes, pour continuer à faire vivre et à réactualiser cet univers, en attendant que soient achevés les premiers épisodes des deux nouvelles séries télé Star Wars, réalisées en animation, et en prises de vues réelles.

De la 3D...à la troisième dimension !

Les films d’animation réalisés en images de synthèse, eux, bénéficient d’un autre traitement pour être convertis en relief. Plutôt que d’intervenir sur l’image, les infographistes ont l’avantage de pouvoir retourner à la source, c’est à dire aux données informatiques qui ont servi à calculer les images du film. Ils se servent de l’image d’origine comme de l’image de l’œil gauche, puis reprogramment la position de la caméra virtuelle dans chaque plan pour obtenir la position correspondant à celle de l’œil droit. On est ici bien plus près d’un « vrai » relief, puisque les positions des objets dans l’espace ne sont pas définies de façon approximative, voire largement empirique, comme dans le procédé de/B> In-Three, mais correspondent à une vraie mise en place dans le décor virtuel. Le tout premier segment d’animation converti selon cette technique a été une séquence de la série télé Les Simpsons dans lequel Homer passait au travers d’un trou noir et débouchait (sous la forme d’un personnage en images de synthèse) dans notre monde réel. On a pu découvrir la version en relief d’Homer dans les salles Imax en l’an 2000 grâce au film de montage Cyberworld 3D, qui présentait aussi un extrait 3D de Fourmiz. Du côté des longs métrages d’animation, c’est avec Chicken Little que Disney a étrenné son nouveau jouet technologique. Et le résultat a été probant, puisque les salles affichant la version « relief » ont connu une fréquentation trois fois plus importante que celles qui diffusaient la version plate ! Le film Bienvenue chez les Robinsons est directement dans les deux versions 2D et 3D pour obtenir les meilleurs résultats. Auparavant, c’était Monster House, le film d’animation de Gil Kenan produit par Spielberg et Zemeckis, que l’on avait pu découvrir en relief sur les écrans américains et européens.

Un avenir radieux pour le relief

Dans les années 50, les grands studios de cinéma misaient sur les premiers films fantastiques en relief (L’étrange créature du lac noir, Le météor de la nuit, L’homme au masque de cire) et sur l’écran cinémascope pour lutter contre le succès grandissant de la télé, qui détournait les spectateurs des salles obscures. Aujourd’hui encore, le relief appliqué au cinéma de l’imaginaire semble être le meilleur moyen de proposer un « plus » au public et de lutter contre l’influence des divertissements à domicile que sont les DVDs, l’internet et les jeux vidéo. Il pourrait permettre de ramener sur le chemin des salles des millions de spectateurs qui se contentent de leur petit écran ou qui ne quittent plus leur installation de « home theater », dont le rendu sonore est souvent supérieur à celui de certaines petites salles de cinéma, à l’équipement vieillot ou à bout de souffle ! Parmi les projets les plus alléchants destinés d’emblée à une exploitation en relief figure le nouveau film de James Cameron, le fameux Avatar qui nous transportera sur une planète lointaine, à la découverte d’un peuple étranger. Avec son extraordinaire sens de l’image-choc, Cameron pourrait bien concevoir les moments les plus stupéfiants de l’histoire du cinéma Fantastique en relief…

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