Dossier Avatar : Entretien exclusif avec Sigourney Weaver (le Docteur Grace Augustine) - Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 05 Avril 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Après Ripley et Dian Fossey, vous incarnez à nouveau une femme forte et déterminée. Êtes-vous ainsi dans la vie ?

Je crois que les femmes sont fortes et courageuses dans la plupart des cas. Comme vous le savez, elles exercent aujourd’hui des métiers qui ont longtemps été considérés comme des professions réservées aux hommes. Mais comme tout être humain, nous avons toutes nos moments de force et nos moments de fragilité. Personnellement, je ne considère pas les hommes et les femmes en fonction de leur sexe, parce que chaque être est un mélange unique de caractéristiques. Il ne faut donc pas avoir d’idées préconçues à son sujet. J’ai eu le privilège de jouer des personnages forts, comme Dian Fossey, mais elle aussi avait ses doutes et ses fragilités. En ce qui me concerne, comme tout un chacun, il m’arrive de me sentir forte, et aussi de me sentir un peu plus fragile à certaines occasions, notamment quand je dois répondre aux questions d’un journaliste comme vous ! (rires)

Vous êtes de toutes évidences en pleine forme physique, mais avez-vous du vous entraîner un peu avant le tournage d’Avatar ?

Non, pas vraiment, car mon personnage fume des cigarettes à la chaîne, et ne quitte pratiquement jamais son laboratoire ! Dans le film, ce sont Sam et Zoe qui sont les plus actifs… Je n’ai donc rien changé à mes habitudes. J’ai été élevé par une mère très athlétique, très compétitive, et j’ai gardé les habitudes de mon enfance. Je marche beaucoup, je nage dès que je le peux, j’aime faire des séances d’assouplissement et de danse. Je suis en assez bonne forme, mais je ne suis pas non plus une accro de gymnastique. M’enfermer dans un gymnase pour m’entraîner m’ennuie. Je préfère être dehors, me promener, aller dans la nature.

Iriez-vous jusqu’à dire qu’Avatar représente la prochaine étape de la réalisation des films en général, ou est-ce que le procédé avec lequel le film a été crée ne peut s’appliquer qu’à un certain type d’histoires ?

La technologie que Jim a inventée est totalement intégrée à l’histoire qu’il raconte, parce qu’il veut que vous, les spectateurs, vous ayez le sentiment de vous retrouver dans la peau de Jake, quoi qu’il lui arrive, et tout particulièrement quand il tombe du haut d’une chute d’eau ou qu’il découvre les dangers et les lieux enchanteurs de Pandora. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de réfléchir à ce que ces nouvelles technologies vont représenter à long terme pour l’industrie cinématographique, mais j’en vois déjà les conséquences immédiates. Je viens de tourner dans un film dont je ne peux pas encore vous parler, mais qui va être formidable, et j’ai appris tout récemment qu’il allait être converti en 3-D Relief. L’arrivée d’Avatar en 3-D Relief, dans toute sa splendeur, va avoir un impact phénoménal sur la manière dont les studios conçoivent leurs productions. Je crois qu’ils vont avoir tendance à investir d’emblée dans le film en le tournant directement en 3-D, plutôt que d’attendre et de procéder à la conversion plus tard. Personnellement, je crois qu’Avatar a des kilomètres d’avance sur des films comme Le Pôle Express et Beowulf. Ce qui m’a sidérée quand j’ai découvert les premières images du film, c’est que tout dans l’image semblait respirer et luire…Tout paraissait incroyablement réel. Avatar va certainement marquer le passage à un nouveau niveau de perfection technique, et avoir de ce fait une influence sur toutes les superproductions à venir. Le film fonctionne extrêmement bien en 2D, et je ne l’ai d’ailleurs vu que sous cette forme-là. J’imagine que le fait de le découvrir en relief va être très impressionnant, mais déjà tel quel en 2D, il va être un événement marquant, dont l’impact aura des répercussions pendant plusieurs années. Avatar va inciter les spectateurs des films d’action à en vouloir plus. Ils ne vont plus se contenter d’explosions. Mais c’est difficile de deviner quelles seront toutes les répercussions du film, car Jim Cameron est inclassable. Personne d’autre ne peut réaliser les films qu’il créée.

Vous qui avez travaillé avec James Cameron auparavant, l’avez-vous trouvé différent dans sa manière de se comporter sur le plateau d’ Avatar ?

Je crois qu’il s’amuse plus aujourd’hui qu’il ne le faisait avant. C’est probablement dû au fait qu’il a une vie de famille heureuse à présent, et qu’il a pris le temps de réaliser ses rêves d’exploration après Titanic. Cette longue « pause » dans le domaine de la fiction lui a probablement fait du bien. Il était très heureux de se lancer dans un nouveau film après que 14 ou 15 ans se soient écoulés. En ce qui me concerne, cela faisait longtemps que je n’avais plus tourné dans un film de Science Fiction, ce qui rendait Avatar encore plus attirant. Nous avons acquis assez d’expérience tous les deux pour savoir que quand un projet comble chacune de nos aspirations d’artiste, il faut savoir en savourer la moindre seconde. Jim est certes un perfectionniste, mais c’est d’abord de lui-même qu’il exige les choses les plus ardues. Il a manipulé la caméra lui-même pour tourner la plupart des plans du film, et je ne crois pas que cela lui soit arrivé auparavant. Pendant ses journées de repos, il travaillait sur le montage du film, et continuait à vivre, respirer et dormir pour Avatar le reste du temps. Mais cela le rendait heureux. Aujourd’hui, Jim n’a plus rien à prouver et c’est sans doute cela la plus grande différence. Il peut profiter pleinement de l’instant présent, et j’ai eu l’impression qu’il souhaitait presque que le tournage d’Avatar ne s’arrête jamais. Il aurait pu continuer ainsi pendant des années parce que ce film lui permet d’explorer ce monde extraordinaire qu’il a inventé dans ses moindres détails. C’est un exploit tout à fait remarquable qu’il a accompli là. 

Il avait la réputation d’agir presque en dictateur sur ses précédents tournages…

Je ne me souviens pas de lui agissant vraiment ainsi. Je peux vous dire par exemple que quand nous tournions Aliens, l’équipe anglaise était si fière de ce qu’avait accompli Ridley Scott dans le premier film qu’elle a vu d’un mauvais œil ce jeune réalisateur canadien puisse lui succéder. Personne dans l’équipe n’avait entendu parler de James Cameron. Jim a organisé à plusieurs reprises des projections de Terminator pour que les gens puissent voir son travail, mais personne de l’équipe n’y allait. Ils n’avaient donc aucune idée de son talent, et ne s’en sont rendu compte que vers la fin du tournage. Il a été obligé de se battre chaque jour pour gagner leur respect. Je me souviens que son assistant réalisateur l’appelait toujours « governor », avec un brin de dérision. Jim lui disait « S’il vous plaît, ne m’appelez pas governor » et le type lui répondait « OK governor ! » L’équipe était assez effrontée. Mais personne ne le traite plus ainsi aujourd’hui. Et les gens savent que s’ils viennent travailler pour James Cameron, ils vont vivre un peu en enfer, et un peu au paradis. Ils savent aussi que les journées de travail vont durer 16 heures. Mais pour en revenir à Avatar, je crois que tout en sachant cela, les membres de l’équipe sont extrêmement fiers d’avoir participé à la création d’un projet qui va être quelque chose d’extraordinaire.

Comment avez-vous vécu ce tournage dans lequel on utilisait tant de technologies nouvelles ?

J’ai adoré ça. Vous avez, mon mari dirige un petit théâtre off Broadway, à New York, et nous n’avons jamais assez de moyens pour fabriquer les décors et les costumes. Pour moi, les sessions de capture de performance, c’était exactement comme si je me retrouvais dans notre petit théâtre, revêtue d’un justaucorps noir, dans un espace où il n’y a pratiquement rien, et où l’on utilise seulement des accessoires simplifiés à l’extrême pour représenter les décors. Dans ce genre de représentations, le public fait fonctionner son imagination pour voir ce qui n’est pas figuré. C’est la raison pour laquelle le processus de capture de performance m’a semblé presque familier. Cela ressemblait presque aux cours de théâtre que l’on peut suivre au lycée. Bien sûr, on met un peu de temps à s’habituer à la camera qui filme votre visage, parce qu’elle se trouve juste en face de vous, au bout d’un support fixé au casque que vous portez. Comme vous n’avez plus vos repères habituels, vous vous demandez « quel genre de plans va t’on tourner avec ça ? » Mais en fait, ces caméras ne sont utilisées que pour enregistrer vos expressions faciales. Nous portions aussi des oreilles de Na’vi et une queue, pour pouvoir bouger comme le feraient les personnages. C’était une expérience étonnante. Pendant que nous tournions un plan large, Jim employait cette drôle de caméra de forme ronde tandis que des opérateurs filmaient la scène sous d’autres angles, et que trente autres personnes restaient sur le côté du plateau pour s’occuper des ordinateurs. Nous tournions donc ainsi un plan large à plusieurs reprises, mais nous n’avions pas besoin de tourner des plans complémentaires du premier, car grâce au fonctionnement de la caméra ronde et aux enregistrements réalisés avec le reste de l’équipement, Jim pouvait les réaliser par la suite, sans même que nous ayons besoin d’être présents sur le plateau. Il m’a expliqué comment le processus fonctionne à plusieurs reprises, mais je suis toujours étonnée par ce qu’il lui permet de réaliser.

Deviez-vous vous interrompre quelquefois, quand il y avait des problèmes techniques ?

Pas vraiment, car Jim se débrouillait toujours pour nous cacher les difficultés qu’il pouvait rencontrer. Il voulait nous préserver de ces soucis-là. La seule chose que j’ai remarqué, c’est qu’il courrait régulièrement pour aller visionner les scènes tournées dans un endroit qui s’appelait « The pod ». Zoe et Sam ont eu des scènes beaucoup plus difficiles que les miennes à tourner, mais en ce qui me concerne, travailler avec le procédé de capture de performance a été un pur plaisir. Je me suis vraiment amusée.

Pouviez-vous voir chaque jour les scènes que James Cameron avait tournées ?

Comme Jim pouvait voir nos avatars Na’vi en 3D en temps réel dans le viseur de sa caméra, il avait aussi la possibilité de nous montrer les scènes réalisées ainsi. Je pouvais donc voir à la fois les rushes « normaux » avec Grace, et ceux avec l’avatar Na’vi de Grace. C’était utile parce que j’ai essayé de composer un personnage particulier. Grace est une scientifique extrêmement motivée, qui fume des cigarettes à la chaîne, et qui est tellement obsédée par son travail que cela en devient une névrose. Elle est en train de tomber en morceaux, à force de passer des nuits blanches à mener des expériences. Le seul moyen de se relaxer qu’elle ait trouvé, c’est de se projeter dans le corps de son avatar pour pouvoir aller explorer la forêt, escalader les arbres et découvrir de nouveaux spécimen de plantes. Quand elle fait cela, elle est soudain pleine de joie, et adopte un comportement complètement différent, qui se traduit aussi dans sa gestuelle.

Troisième et dernière partie de l'entretien


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