Les reportages ESI : Tout sur le salon IMATS LONDRES 2013 ! Première partie
Article 100% SFX du Jeudi 04 Juillet 2013

Textes & photos de notre envoyé spécial Jean-Philippe Lomas.

On ne présente plus le célèbre salon IMATS. Depuis de nombreuses années ESI y est présent, et l'an passé nous avions notamment interviewé son créateur Michael Key, éditeur en chef du journal MAKE-UP ARTIST MAGAZINE. La dernière édition Londonienne en date s'est déroulée tout récemment, du 21 au 23 juin. Comme nous l'annoncions il y a peu, cette douzième édition comportait quelques nouveautés. Pour commencer, nous avons troqué la neige du mois de février pour les averses du mois de juin ! Comme l'an dernier, le salon a ouvert ses portes aux professionnels dès le vendredi après-midi, ce qui leur permettait de découvrir le salon en avant-première, sans l'affluence du grand public.

Première journée

Cette année ce n'est pas à l'Alexandra Palace que nous avons rendez-vous mais sous la verrière de l'Olympia National Hall dans le quartier de West Kensington. Ce lieu s'avère beaucoup plus commode d'accès à partir du centre de Londres que ne l'était l'Alexandra Palace. Quand nous arrivons, il y a déjà une queue assez longue dans la rue alors que pratiquement rien n'indique la présence du salon, en dehors d’une affiche assez discrète sur la porte du bâtiment. Quel contraste avec l'immense banderole qui ornait les années précédentes l'entrée de l'Alexander Palace ! Qu'importe, ce qui compte se trouve à l'intérieur… Nous entrons dans le calme et les formalités administratives se déroulent sans heurt. Cette journée est réservée aux détenteurs de la carte Pro du MAKE-UP ARTIST MAGAZINE. Il y a maintenant cinq cartes Pro différentes : la rouge destinée aux écoles ; la bleue aux esthéticien(ne)s ; la blanche qui est la carte de base pour les maquilleurs ; la Gold pour les maquilleurs travaillants pour le cinéma ou le théâtre ; et finalement la Platinum qui est réservée à la crème de la crème de la profession.

Nous faisons un premier tour pour repérer les lieux alors que certains exposants finissent d'installer leurs stands. Le nombre d'exposants semble être légèrement moins élevé que l'an passé, mais c'est peut-être une fausse impression car le hall d'exposition dispose d'un large balcon qui en fait tout le tour. C'est d'ailleurs là que s'installe l'habituel "Muséum", organisé pour la seconde fois par le maquilleur Adrian Rigby (HARRY POTTER, WORLD WAR Z). Les deux compétitions de maquillage du weekend se dérouleront également à cet étage, qui comporte aussi un coin buvette avec des tables et des chaises pour se détendre. La scène principale ainsi qu'une scène secondaire se trouvent aux deux extrémités du hall d'exposition au même niveau que les exposants. Le niveau balcon abrite deux plus petites salles de conférence. Alors que certains stands proposent déjà des démonstrations de techniques et de produits, ainsi que du body-painting et du maquillage beauté, nous renouons contact avec de nombreuses connaissances qui ont également fait le voyage jusqu'à Londres.

En cette première journée, c'est le célèbre maquilleur japonais Kazuhiro Tsuji (LOOPER, BENJAMIN BUTTON) qui est à l'honneur. Il faut savoir que le matin même, avant le véritable coup d'envoi du salon, s'est déroulée une master class au cours de laquelle le maquilleur a réalisé un vieillissement à base de prothèses en gel de silicone encapsulé. L'entrée était payante en supplément du salon lui-même et le nombre de places très limité. C'était essentiellement la même démonstration que celle qu'il avait réalisée deux mois auparavant en conclusion de son stage de sculpture à l'école Métamorphoses de Strasbourg – une première en France. Il a conçu ce maquillage sur mesure pour un modèle français. Le moulage de la tête du modèle, ainsi que des photos de référence lui avaient été expédiés auparavant aux Etats Unis. La sculpture des prothèses a été réalisée en Chavant NSP Medium, une pâte à modeler ne contenant pas de souffre, donc compatible avec le silicone polyaddition. Au total trois prothèses : les deux joues et le menton. Ces prothèses se prolongent sur le cou du modèle. Le reste du visage étant vieilli à l'aide de la technique du "old age stipple". Kazuhiro Tsuji a tiré chaque prothèse en deux exemplaires. Le premier exemplaire est réalisé en gel de silicone encapsulé. Le matériau utilisé est le PlatSil Gel 10, qui est devenu un des standards du métier. Il est encapsulé à l'aide de Baldiez, un plastique conçu initialement pour la confection de faux crânes, qui se dissout à l'acétone. Le second exemplaire des prothèses est tiré avec un silicone plus rigide. Il ne servira qu'à faire le repérage du placement des prothèses sur le visage du modèle. Le gel de silicone étant tellement souple, il n'est pas aisé de positionner les prothèses directement avec un grand degré de précision. Le maquilleur commence donc par positionner l'exemplaire de référence sur le visage du modèle et en marque les bords à l'aide de talc. Ainsi la zone délimitée de blanc représente précisément l'endroit où doit être collée la prothèse correspondante. Une fois l'ensemble des prothèses collées, la démonstration se poursuit par le travail de peinture. Bien que les prothèses étaient toutes teintées dans la masse d'un ton chair proche de celui de la peau du modèle (le gel de silicone était également mélangé à du flocage rouge permettant de simuler la présence de capillaires) le travail de peinture est essentiel pour donner vie au maquillage. Kazuhiro Tsuji utilise pour cela deux aérographes. Le premier est un aérographe simple action à aspiration dont il a spécialement modifié le réservoir pour recevoir davantage de produit. Il est réglé pour obtenir des effets de crachotis. Le second est un aérographe double action à gravitation qui servira pour le travail de détail. Kazuhiro emploi des mélanges "maison" de colorants liquides Skin Illustrator. Ces pigments très concentrés se diluent à l'alcool isopropylique. Kazuhiro ayant refusé de porter un micro pour cette master class, l'assistance est forcer de tendre l'oreille pour entendre ses explication. Il en résulte un calme absolu dans la salle.

La soirée de vendredi est marquée par la diffusion du documentaire DREAM OUT LOUD, réalisé par Juliet Landau et Deverill Weekes, qui retrace la carrière de Kazuhiro Tsuji. On y découvre ses débuts, quand, adolescent, il réalisait des expériences de maquillage seul dans sa chambre en rentrant de l'école ; son contact avec Dick Smith qui lui a permis de se perfectionner et de réaliser son rêve de venir travailler à Hollywood. On évoque ensuite sa collaboration avec Rick Baker sur des films tels que LA PLANETE DES SINGES et LE GRINCH, jusqu'à son dernier film LOOPER, où il devait maquiller l'acteur Joseph Gordon-Levitt pour le faire ressembler à Bruce Willis jeune. Au départ il avait refusé ce travail, considérant que la chose était impossible en raison des différences morphologiques trop importantes entre les visages des deux acteurs. Mais à force de persuasion, le réalisateur Rian Johnson est parvenu à convaincre Kazuhiro Tsuji de tenter ce challenge, et le résultat fut à la hauteur du talent du maquilleur. L'illusion est créée à l'aide quelques petites prothèses très discrètes, disposées sur le nez, le front et la lèvre inférieure. A la suite de la projection, Kazuhiro monte sur scène et prend brièvement la parole. Sa grande modestie et un anglais approximatif rendent difficile un long discours. C'est en peu de mots qu'il nous explique les raisons pour lesquelles il a décidé de quitter le monde du cinéma pour se consacrer totalement à son art. Voyant tellement de collègues se plaindre de leurs conditions de travail mais continuant néanmoins à faire des films, lui a décidé qu'il ne souhaitait plus exercer son métier dans ces conditions. On se souviendra de la sculpture à échelle 2 qu'il avait réalisée de son mentor Dick Smith pour son 80ème anniversaire. Il a récemment terminé pour une commande un portrait à la même échelle du président Abraham Lincoln. C'est dans cette direction qu'il souhaite maintenant poursuivre son activité. On a l'impression que de toute façon il n'a jamais été vraiment intéressé par la réalisation de créatures surnaturelles pour le cinéma. Notamment il n'a jamais collaboré avec le grand Stan Winston (JURASSIC PARK), dont le travail se résumait pour lui à la conception de dinosaures et de robots. Seuls les travaux hyperréalistes semblent véritablement le motiver. Il conclut avec un certain humour ce discours en disant qu'il se doute bien que ce qu'attend tout le monde est d'aller boire une bière au pub !

La soirée se poursuit par l'inauguration Londonienne de son portrait de Lincoln au Muséum de l'IMATS. Cette pièce remarquable qui a été expédiée des USA spécialement pour l'occasion trône au centre de cet espace. La collection 2013 du Muséum est maintenant à peu près complète et comporte des pièces d'auteurs très variés. Certaines ont été conçues spécialement pour l'occasion, d'autres sont issues de films ou séries télévisées connus tels que DOCTOR WHO, BEING HUMAN, STAR WARS, HELLBOY. Une section du Muséum rend hommage au grand maquilleur britannique Stuart Freeborn (STAR WARS, 2001 L'ODYSSEE DE L'ESPACE) décédé en début d'année. Le grand public le connaît principalement en tant que concepteur du personnage de Yoda dans L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE. La carrière de Stuart Freeborn s'étend sur plus de 50 ans, au cours desquels il a côtoyé les plus grands acteurs et réalisateurs, tels que Peter Sellers, Alec Guinness, Stanley Kubrick. Il a servi de mentor à de grandes personnalités actuelles du métier, tels que Nick Dudman (HARRY POTTER), que nous avions interviewé l'an dernier. Malgré son âge déjà avancé Stuart Freeborn était venu plusieurs fois à l'IMATS de Londres, où il avait participé à des discussions en tables rondes, nous régalant d'anecdotes souvent très drôles sur sa carrière.

En flânant du coté du Muséum nous bavardons avec Cliff Wallace (HELLBOY II) qui nous donne sa vision – plutôt négative – du film WORD WAR Z. Comme des dizaines d'autres maquilleurs européens, il a participé à ce tournage à l'organisation chaotique, où l'essentiel de leurs efforts semble au final avoir été remplacé par des effets numériques. Les habitués de l'IMATS se souviendront que Cliff Wallace s'était occupé de l'organisation du Muséum pendant les dix premières années. La journée se termine vers 20 heures. Les années précédentes nous avions l'habitude en fin de d'après-midi de nous retrouver au pub jouxtant le salon. Cette année la situation est quelque peu différente car c'est une pizzeria qui est censée servir de lieu de rencontre. Après une bière, nous sentons que le personnel s'attend à ce que nous commandions un repas. Ce n'est pas vraiment la même ambiance. Nous verrons bien comment les choses se passeront le lendemain !

Seconde journée

Le samedi matin la foule est au rendez-vous et l'ambiance n'a rien à voir avec le calme de la première journée. Sur notre chemin pour nous rendre à l'Olympia, nous identifions facilement les personnes qui se dirigent vers l'IMATS, certains visages étant au devenus familiers au fil des ans. Dans la rue à l’extérieur du hall d'exposition, la file d’attente pour retirer les entrées s'allonge rapidement. Nous étant déjà acquittés de ces formalités le jour précédent, nous entrons directement. Comme chaque année le programme est chargé et plusieurs conférences et démonstrations se déroulent simultanément. Il sera parfois nécessaire de faire un choix.

Traditionnellement c'est la démo de Neill Gorton qui lance officiellement la première journée publique du salon. Cette année est un peu particulière car elle marque sa dixième année de participation à l'évènement. Neill Gorton, dont la carrière s'étend sur plus de 20 ans, est le fondateur de l'atelier d'effets spéciaux MilleniumFX ainsi que le directeur de l'école Gorton Prosthetics Studio. Il a participé à des films de renommée internationale tels que GLADIATOR, THE WOLFMAN, ainsi qu'à des séries télévisées à succès comme DOCTOR WHO et TORCHWOOD. Chaque année il nous propose une démo d'une heure et demie au cours de laquelle il réalise un maquillage à base de prothèses en gel de silicone encapsulé. Il s'agit quasi invariablement d'un maquillage de vieillissement, bien qu'une année il avait réalisée une créature extraterrestre façon STAR TREK, et une autre un personnage de Mister Hyde. Neill Gorton est l'auteur d'une collection de DVD qui enseigne les différentes étapes et techniques qui entrent dans la conception de ce type de maquillage. Il est en train de préparer une nouvelle série de DVDs (le premier était d'ailleurs déjà en vente sur le salon) dont l'objectif est de maquiller le même modèle à différents âges. La démo qu'il nous propose en ce samedi matin est issue de cette série et correspond à un personnage d’un âge déjà assez avancé.

La salle est comble. Après un petit préambule de Michael Key, Neill Gorton, qui sera assisté par son associé Rob Mayor, entre sur scène. Pour gagner du temps, le modèle porte déjà un faux crâne en latex qui lui recouvre intégralement les cheveux. Au fil des ans le maquilleur nous a présenté des techniques diverses et variées pour réaliser des vieillissements, utilisant parfois des prothèses multiples et d'autre fois des masques cagoule d'une seule pièce. Il nous explique les avantage et inconvénients des différentes méthodes. Moins il y aura de pièces à poser, plus rapidement le maquillage pourra être réalisé. La contrepartie est que l'épaisseur de silicone sera plus importante que dans le cas de prothèses multiples car le masque doit pouvoir tenir sans risquer de se déchirer pendant la pose. Le choix de la technique sera donc un compromis qui dépendra du temps de maquillage disponible. Le maquilleur commence par peindre sommairement le faux crâne à l'aide de PAX Paint (peinture acrylique Liquitex mélangée à de la colle Pros Aide). Bien qu'il sera intégralement recouvert, sa blancheur naturelle pourrait se voir au travers du silicone qui est un matériau translucide. La première prothèse est énorme et recouvrira le cou du modèle. Neill Gorton commence par la coller suivant une ligne médiane. Lui-même et Rob Mayor travailleront chacun sur un coté. Il explique qu'il colle ce genre de prothèse toujours en partant du bas et en remontant progressivement. Vu la souplesse du matériau, s'il partait du haut, il y aurait toujours un risque que la prothèse se déforme et s'étire sous l'action de la gravité. Vient ensuite une petite prothèse qui recouvre le nez et la lèvre supérieure, et une autre pour le menton et la lèvre inférieure. Neill Gorton insiste sur l'importance de l'ordre de pose des prothèses et la nécessite de prévoir cet ordre dès la conception du maquillage. Comme toutes les prothèses se chevauchent il n'est pas très important de soigner les bords qui seront cachés. Seuls les bords qui seront visibles se doivent d'être impeccables. Le produit utilisé pour encapsuler le gel de silicone est ici le Super Baldiez, qui se dissout à l'alcool isopropylique à 99°, à la différence du Baldiez qui nécessite l'utilisation d'acétone. Passons maintenant aux prothèses recouvrant les joues du modèle. Neill Gorton commence par découper le "flashing" au niveau de la paupière inférieure. Le flashing est le petit muret de silicone qui entour la prothèse elle-même. Il est toujours préférable de préserver une partie de ce muret car cela protège les bords ultra-fins de la prothèse et permet de la manipuler sans risquer d'endommager ces bords. Neill Gorton nous fait remarquer la manière dont il a caché certains raccords en tirant profit de plis dans la sculpture, notamment au niveau de la jonction entre la joue et le menton. Il explique également qu'il est toujours préférable que les pièces se recouvrent du haut vers les bas. Vu que l'éclairage vient généralement d'en haut, un bord un peu trop franc sera moins visible si les prothèses sont posées dans cet ordre. La dernière pièce à être posée recouvre totalement le front et les arcades sourcilières du modèle. Auparavant Neill encolle un peu les sourcils afin qu'ils ne forment pas des volumes en paquets qui pourraient êtres visibles sous le silicone. Il doit d'ailleurs à un endroit rectifier le collage du faux crâne qui risquait de créer un petit bourrelet. Il est maintenant 11 heures moins le quart et il ne reste que 15 petites minutes pour achever la démo. Normalement il y a encore tout le travail de peinture à faire, ainsi que la pose de la perruque et des postiches pour les sourcils, de même qu'un dentier et des lentilles de contact. Autant dire qu'il sera impossible de tout terminer à temps. Alors que Rob Mayor achève la pose de sa dernière prothèse, Neill Gorton attaque la peinture. Il utilise pour cela des palettes de fards à alcool. Il en profite pour nous présenter un nouveau produit qui vient d'être commercialisées en Europe. Alors qu'auparavant il utilisait principalement des palettes de fards Skin Illustrator, il nous vante les mérites des nouveaux fards BlueBirdFX qui sont apparemment plus riches en pigments et d'une consistance plus agréable. Contrairement à d'autres maquilleurs, il préfère ne pas utiliser d'aérographe. Il emploie la méthode consistant à projeter de la couleur très diluée à l'aide d'une brosse dur pour créer un effet moucheté. Il trouve que cette technique donne un résultat plus naturel et moins prévisible, et a aussi l'avantage de permettre de passer d'une couleur à l'autre très rapidement. La preuve en est, dix minutes plus tard la coloration, certes assez sommaire mais déjà parfaitement crédible, est achevée. Encore quelques minutes pour poser rapidement la perruque et la démo est terminée. Neill Gorton nous invite à le rejoindre à son stand où il peaufinera le maquillage. Là il commence par parachever le travail de peinture, ajuste la perruque et colle les postiches. Viennent ensuite un dentier assez discret et des lentilles de contact qui opacifient très légèrement l'iris et le cercle de gris pale pour en atténuer la couleur. Neill Gorton ne manipule jamais lui-même les dentiers et lentilles, préférant faire appel à un spécialiste. Nous retrouverons Neill Gorton et sa société MilleniumFX au cours d'autres rendez-vous durant le weekend.

La suite de ce reportage sur l’IMATS 2013 paraîtra bientôt sur ESI !

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