Entretien exclusif avec Joe Johnston, réalisateur de CAPTAIN AMERICA : THE FIRST AVENGER - Seconde partie
Article Cinéma du Mercredi 31 Aout 2011

[Retrouvez la première partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous évoquiez votre choix de différents éléments parmi les récits de BD qui ont évoqué les origines de Captain America. Pourriez-vous nous dire quels sont les dessinateurs et scénaristes de Marvel qui vous ont le plus influencé pendant cette recherche ?

Personnellement, je suis plus fan des histoires écrites et dessinées par Ed Brubaker en 2004 que des toutes premières aventures de Captain America. Mais comme nous voulions aussi rendre hommage aux comics des années 40, nous avons imaginé cette séquence dans laquelle on voit Steve Rogers participer aux spectacles destinés à divertir les troupes de l’armée américaine. Il incarne la mascotte de l’armée, Captain America, et porte alors le costume en tissu qui est la réplique exacte de la première tenue du personnage dans les BDs, cet espèce de pyjama qui semble taillé dans le drapeau américain. Nous voulions placer ce petit clin d’œil et cette référence à son apparence originale dans le film. Le costume définitif de Captain America, lui, est inspiré par le design créé par Ed Brubaker.

Est-ce que la construction du film, qui débute et se conclut dans le présent, signifie que les prochaines aventures de Captain America se dérouleront toutes à notre époque ?

Nous n’en savons rien pour l’instant. Nous aurions la possibilité de retourner dans les années 40 si nous le souhaitions, ou de suivre Captain America dans le présent, juste après qu’il ait été tiré de son hibernation, mais avant qu’il ne rejoigne les Avengers… Quoi qu’il en soit, nous ne voulons pas figer les choses dès maintenant et risquer de nous restreindre narrativement dans le futur.

Le film se déroulant dans les années 40, comment faites-vous pour éviter les scènes clichés avec les nazis, qui sont tout naturellement les méchants du film ?

Je crois qu’il n’y a que six nazis en tout et pour tout dans le film. Les ennemis principaux sont les troupes de l’Hydra, l’organisation fondée par Johann Schmidt. Les uniformes des hommes de l’Hydra sont inspirés par les designs des uniformes nazis, et si vous me permettez cette boutade, nous savons tous que les designers au service des nazis étaient plutôt talentueux ! Mais Johann Schmidt a repris cette esthétique et l’a poussée encore beaucoup plus loin, en l’alliant aussi à de nouvelles technologies.

Vous évoquiez le désir de Steve Rogers de s’engager dans l’armée pour défendre son pays. Même si les temps ont changé, c’est encore un choix que font beaucoup de femmes et d’hommes actuellement…

Steve Rogers est un patriote, mais CAPTAIN AMERICA n’est pas un film de propagande dans lequel on agite constamment le drapeau américain. Nous avons surtout voulu rendre hommage à l’esprit des gens qui combattaient à cette époque, car c’est eux que Steve Rogers incarne et symbolise. Les héros du film se battent pour défendre la liberté et la justice, pas pour brandir une bannière en particulier. On voit d’ailleurs des combattants de toutes les nationalités dans le film.

Dans le contexte actuel, il y a hélas toujours des guerres en cours dans différents pays. Avez-vous essayé d’éviter d’aborder certains thèmes relatifs à la guerre dans le film, à cause de cela ?

Pas vraiment, car nous étions guidés par l’histoire de l’origine de Captain America, qui est vraiment ancrée dans la période de la seconde guerre mondiale. De plus, même si l’action se déroule dans les années 40, il s’agit malgré tout d’une réalité stylisée, dans laquelle nous avons inclus des éléments futuristes imaginaires. Nous ne faisons référence à aucune bataille réelle de la seconde guerre mondiale. C’est la version Marvel de ce conflit que nous présentons là.

Le script était-il déjà terminé quand vous avez commencé à travailler sur le projet ?

Non. Cela fait très longtemps que je travaille sur ce film ! (rires)

Pouvez-vous nous dire combien d’acteurs vous avez rencontré pendant que vous cherchiez qui pourrait incarner Captain America ? Et aussi nous dire ce qui vous a convaincu que Chris Evans était le choix idéal ?

Nous avons rencontré deux douzaines d’acteurs. Nous avons tourné des tests avec une douzaine d’entre eux. Mais nous n’étions pas satisfaits, car nous n’avions pas trouvé le garçon avec cette petite étincelle dans le regard, et la personnalité qui correspondait au personnage. Je crois que nous n’avons même pas filmé de test avec Chris une fois que nous l’avons choisi, et que nous l’avons persuadé que c’était un film qu’il devait absolument tourner. Pour le convaincre, nous avons même fait réaliser des illustrations de Captain America en donnant son visage au personnage, afin de lui montrer la belle allure qu’il aurait en portant ce costume. Je crois qu’il a déclaré que la seule raison qui l’empêchait de dire oui était la crainte. Une fois qu’il s’en est rendu compte, il a décidé qu’il ne pouvait pas laisser cette angoisse s’interposer entre lui et le projet. Il a adoré le script, l’ampleur du projet, et il s’est rendu compte que CAPTAIN AMERICA allait permettre à sa carrière de faire un bond en avant. Aujourd’hui, il est très heureux d’avoir dit oui.

Le ton d’un film comme CAPTAIN AMERICA a du être difficile à établir pendant sa conception : si le film était trop humoristique, il risquait de sombrer dans la parodie, et s’il était trop âpre et trop sombre, vous preniez le risque qu’il ne soit plus aussi divertissant…

Nous avons toujours voulu ancrer le film dans la réalité des années 40, même s’il s’agit d’une réalité dans laquelle sont intégrés des éléments imaginaires. Il y a de nombreux exemples de films qui vont trop loin dans les clins d’oeils parodiques, et qui ne fonctionnent pas à cause de cela : le public ne croit plus à ce qui se passe sur l’écran et se désintéresse du sort des personnages. Nous avons donc voulu être vigilants sur le réalisme des sentiments et même sur celui des situations de fiction, tout en essayant de créer les scènes d’actions les plus excitantes et les plus étonnantes possibles. Je crois que nous avons obtenu un résultat convaincant, même si cela a été difficile à mettre au point.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez développé l’aspect rétro-futuriste du film, et aussi comment vous avez conçu les scènes d’action ?

Pour mettre au point ce design, nous nous sommes dits qu’il fallait se replacer dans le contexte réel des années 40, et s’inspirer de la manière dont on imaginait le futur à cette époque-là. Nous avons trouvé des références graphiques formidables datant de cette période, tirées du travail de grands illustrateurs, designers et architectes. Mais tout le travail de pure création qui a été réalisé pour le film a été créé par notre chef décorateur et directeur artistique Rick Henricks et son équipe d’artistes. Rick s’est immergé dans cette esthétique pour imaginer tout cela. Nous avions déterminé d’emblée que nous n’utiliserions pas de formes trop modernes, trop proches de celles de notre époque. Par exemple, toutes les machines que l’on voit dans le film sont électriques et non pas électroniques. Elles fonctionnent à la manière des appareils des années 40 et produisent les mêmes bruits qu’eux. Les bruits des appareils à lampes, des anciennes résistances, etc. En 1940, on avait tendance à imaginer le futur de 1950, pas celui de 2011. On ne se projetait que dix ou quinze ans dans l’avenir. C’était un défi artistique très intéressant à relever.

Et en ce qui concerne la conception des scènes d’action ?

Selon le même principe, nous avons tenu à ce que les scènes d’action soient à la fois spectaculaires et crédibles. Nous n’avons jamais oublié les lois de la physique ! Même si Captain America lance son bouclier avec une habileté extraordinaire, il n’est pas Superman. Je crois que dès que l’on franchit la frontière de la crédibilité, le public sait parfaitement que l’on bascule dans l’univers des effets visuels où tout est possible, et s’intéresse un peu moins aux exploits des personnages. Nous avons mis en place ces règles pour décrire les exploits de Captain America, et malgré ces restrictions, il fait des choses qu’aucun de nous ne pourrait accomplir, sans sortir du cadre de la réalité des lois de la physique.

[Lire la suite de cet entretien]


[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.