[35ème anniversaire] Les effets spéciaux de la saga Indiana Jones
Article Cinéma du Mercredi 15 Juin 2016

Hallucinante succession de morceaux de bravoures, la saga Indiana Jones a été aussi une grande aventure en coulisses. A l'occasion du 35ème anniversaire de la sortie des Aventuriers de l'Arche perdue, remontez le temps avec nous pour découvrir la création de ses trois premiers volets.

Par Pascal Pinteau



Les aventuriers du cinéma
Le budget prévisionnel des Aventuriers de l’arche perdue était de 20 millions de dollars, et il était prévu que le tournage s’étale sur 85 jours et pas un de plus. A l’époque, Spielberg avait acquis la réputation de ne pas tenir ses délais : si Les dents de la Mer et Rencontres du troisième type avaient été des triomphes commerciaux et n’avaient donc pas souffert commercialement de ces dépassements, ceux de 1941, flop catastrophique, avaient eu pour conséquence de mettre Spielberg dans une position très délicate vis à vis des studios Hollywoodiens. Le « wonder kid » du cinéma avait eu alors bien besoin de son ami George Lucas, pour se remettre sur pied, et Les aventuriers de l’arche perdue allaient lui en donner l’occasion. Déterminé à ne pas dépasser le délai annoncé de 85 jours, Spielberg avait en fait établi un plan de tournage top secret de 73 jours avec Frank Marshall et George Lucas ! Il avait même coupé déjà quelques scènes, dont la découverte de plusieurs super-armes nazies (avant la lutte autour de l’aile volante) et un combat avec un officier allemand équipé d’un bras mécanique dessiné par Ron Cobb, dont l’index était le canon d’une mitrailleuse !

Destination : Angleterre

Il avait été décidé très tôt que la production s’installerait dans les studios anglais Elstree, situés près de Londres. C’était un endroit porte-bonheur, car c’était là que Star Wars avait été tourné en 1976. Les sept plateaux disponibles et la vaste étendue de terrains environnants en faisaient un lieu de travail idéal pour abriter les aventures d’Indiana Jones. Pour préparer son film avec une précision extrême, Spielberg engage quatre dessinateurs chargé de créer le storyboard d’après ses indications. Le groupe d’artistes produit 6000 images, ce qui représente 80% des séquences du film, dont Spielberg ne gardera au final que 60%. Au même moment, le département de décoration d’Elstree fabrique des maquettes de chacun des décors du film, dont Spielberg se sert pour choisir à l’avance ses emplacements de caméra. La maquette du chantier de fouilles égyptien occupait à elle seule une pièce entière ! Grâce à ces modèles réduits, un temps précieux allait être gagné par la suite pendant le tournage.

L’homme au fouet

Depuis le début du projet, Lucas avait imaginé que l’arme fétiche d’Indiana Jones serait un fouet, car c’était un accessoire que l’on avait très peu vu au cinéma depuis l’époque des sérials de Zorro. Harrison Ford, qui exerçait la profession de charpentier à ses débuts, s’était blessé gravement au poignet en tombant d’une échelle, et ne s’en était jamais vraiment remis. Quand l’acteur commence à répéter les scènes de combat au fouet avec le superviseur des cascades Glenn Randall, il est bougon, car il vient de s’entraîner seul avec un fouet, et s’est rendu compte que ses vielles douleurs au poignet sont revenues. Mais grâce aux indications de Randall, il apprend à faire « le bon geste » et à sa grande surprise, il ne souffre plus. Il continue à s’exercer assidûment chez lui, et après s’être infligé involontairement quelques lacérations sur la tête et sur les épaules, il devient un véritable expert dans le maniement de cette arme. Son aisance impressionne tellement Spielberg et Lucas qu’ils décident de le laisser utiliser lui-même son fouet de trois mètres de longueur dans plusieurs scènes, en dépit du danger encouru.

Dans le temple de l’idole

Le tournage de la première scène peut alors commencer. Il s’agit de la séquence d’introduction du film, dans un temple perdu de la jungle sud-américaine. Le décorateur Norman Reynolds s’est fortement inspiré de l’atmosphère des sérials des années 40 pour concevoir ce superbe environnement, avec ses pièges cachés dans chaque recoin : des fléchettes que crachent des statues de pierre, des pieux qui jaillissent du sol, et des passages étroits dans lesquels des tarentules attendent leurs proies accrochées dans leurs toiles géantes ! Une cinquantaine d’araignées vivantes sont amenées sur le plateau, et jetées sur les épaules et sur le dos de Ford et d’un débutant nommé Alfredo Molina, dont c’est la première apparition devant une caméra de cinéma (bien des années plus tard, il deviendra le Dr Octopus de Spider-Man 2). Quand Indiana Jones soulève l’idole de son support après l’avoir remplacée par un sac de sable, les pièges entrent en action. Dans sa course désespérée pour arriver jusqu’à la sortie, notre héros est poursuivi par une énorme boule de pierre. Même s’il ne s’agit que d’un accessoire de cinéma composé de bois, de plâtre et de fibres de verre, la sphère de 3m65 est réellement dangereuse, car elle pèse plus de 150 kilos. Harrison Ford insiste pour tourner la scène lui-même, car il estime que le public doit absolument voir son visage pendant ce moment crucial. Utiliser une doublure ne produira forcément pas le même effet. Glen Randall, qui a pu juger de l’excellente forme physique du comédien dit à Spielberg que Ford est capable de réaliser cette cascade. Spielberg décide de suivre son conseil. La scène est tournée deux fois de suite, sous cinq axes différents, ce qui oblige Ford à courir devant la boule dix fois de suite. Une fois la séquence « dans la boîte », Spielberg panique en songeant à ce qui aurait pu se passer si son acteur principal avait trébuché : « Il a gagné son pari dix fois de suite. Il a eu de la chance, et je crois que j’ai été idiot de le laisser courir ce risque. »

Une chance extraordinaire

La sortie du temple est également compliquée à tourner. Le décor naturel qui a été choisi se trouve sur l’île de Kauai, dans l’archipel d’Hawaï, et plus précisément sur la côte de Nepali. Ces jungles tropicales parcourues de torrents et inondées de lumière permettent à Spielberg de mettre en scène la rencontre entre Indy et son ennemi de toujours, le français Bellocq. Après lui avoir remis l’idole trouvée dans le temple, Indy réussit à lui fausser compagnie, et se hâte de rejoindre l’hydravion qui l’attend non loin de là, tandis qu’une horde d’indigènes le poursuivent. A la fin de la scène, Harrison Ford doit sauter dans la rivière, grimper sur le flotteur de l’avion, et sauter dans l’habitacle pendant que son ami pilote décolle en hâte. Le tout en une seule prise ! Après une répétition, Spielberg crie « Moteur , action ! » et Ford se lance. Tout se passe bien jusqu’au moment où il grimpe dans l’avion, pendant le décollage. Ses jambes se posent sur un des volets de l’appareil, qui devient soudain difficile à manœuvrer pendant ce moment délicat du vol. Devant l’équipe horrifiée, l’avion monté seulement à six mètres, et disparaît brutalement derrière une rangée d’arbres. On entend alors un bruit de crash et de branches cassées. Craignant le pire, tout le monde se précipite sur place, et découvre Ford et le pilote indemnes, et l’avion légèrement endommagé. Ils tournent sans broncher la scène une seconde fois, cette fois-ci sans incident !

Le puit des âmes

Quand Indiana Jones (de retour dans les studios Elstree) se retrouve dans le temple souterrain ou trône l’arche d’alliance, entourée par trois statues de chacals de 11 mètres et quelques milliers de serpents, on peut se rendre compte que certains reptiles ne semblent pas très dynamiques. Et pour cause : près avoir fait appel à plusieurs animaliers, et avoir installé 2000 serpents dans le décor, l’équipe de production n’avait pas pu réunir assez d’animaux pour obtenir le tapis grouillant et ondulant imaginé par Spielberg. En désespoir de cause, les accessoiristes fabriquèrent rapidement des dizaines de faux serpents en utilisant des bouts de…tuyaux d’arrosage. Disséminés dans le décor, à moitié recouverts de sable, et accompagnés d’une bonne quantité de vrais reptiles remuants, les faux serpents inertes réussissent à produire l’effet escompté, mais Spielberg, partisan du « toujours plus », décide de faire venir 4500 serpents supplémentaires du Danemark ! Lorsque cette étrange cargaison arrive, il reste un sérieux problème de sécurité à résoudre : il est impossible de tourner avec autant de serpents sans avoir des quantités suffisantes de sérum anti-venimeux à portée de main. Frank Marshall et le responsable des serpents partent alors à la recherche de centaines de doses de sérum, car ils doivent être en mesure de soigner d’urgence toutes les personnes de l’équipe, au cas où un problème se poserait. Pas question de manquer d’une seule dose à un moment où la vie d’une personne est en jeu. Les premiers sérums localisés dans un hôpital anglais s’avèrent périmés. En fin de compte, en faisant jouer quelques contacts précieux, Marshall arrive à ses fins. Les doses de sérum arrivent de France, grâce à l’aide de l’ambassade américaine, de l’hôpital de l’armée de l’air US, et de l’hôpital de la marine ! Pendant toute la durée du tournage de la scène du puits des âmes, les portes du plateau restent grandes ouvertes, tandis qu’une ambulance est garée juste devant.Deux infirmiers aux gros bras attendent, seringues à portée de main, prêts à agir à la moindre alerte. Pour travailler avec les meilleures protections possibles, chaque membre de l’équipe porte de hautes bottes de caoutchouc ainsi qu’un pantalons et une veste de grosse toile renforcée. Après avoir craint d’entrer littéralement dans « la fosse aux serpents », les techniciens prennent peu à peu l’habitude de côtoyer ces inquiétantes bestioles, jusqu’à afficher une certaine décontraction. Jusqu’au jour où un cobra arrive à tuer en un éclair un python qui avait essayé à plusieurs reprises de mordre des gens. Peu après l’incident, la vigilance de l’équipe se renforce très nettement ! Pour tourner le face à face entre Indy, tombé à terre, et un cobra, personne n’a besoin d’insister auprès d’Harrison Ford pour le convaincre qu’il est nécessaire de placer une vitre entre lui et l’animal ! (le reflet du serpent dans la vitre, visible en salles et dans les premières copies vidéo du film, a été effacé par ILM pendant la préparation des versions remastérisées). Et l’on imagine sans peine l’angoisse de Karen Allen, qui jouait le rôle de Marion Ravenwood en petite jupe et jambes nues ! Surveillés attentivement par les animaliers, les serpents étaient gardé à bonne distance de ses pieds nus, et l’actrice portait des bottes dès que l’on tournait des plans du haut de son corps.

Dans les catacombes

Après avoir survécu à leur rencontre avec les serpents, Indy et Marion Ravenwood (Karen Allen), réussissent à défoncer un mur en se servant d’une des statues de Chacals comme d’un bélier et aboutissent dans des catacombes étroits dans lesquels sont entreposées des dizaines de momies poussiéreuses. Cette scène imaginée conjointement par Spielberg, Lucas et Lawrence Kasdan précipite la pauvre Marion dans une foule compacte de corps desséchés donc les mais osseuses semblent s’agripper à sa robe. Les momies sont l’œuvre de Tom Smith, le chef maquilleur du film, qui s’est procuré de vrais crânes auprès de l’école des chirurgiens de Londres, et les a moulé pour fabriquer toute une série de cadavres plus vrais que nature, à différents stades de décomposition. Pendant le tournage de ces scènes, neuf jours durant, Karen Allen doit se jeter sans cesse au milieu de ces horribles mannequins, qui sont généreusement saupoudrés de fausse poussière. Après avoir avalé et respiré une bonne quantité de poussière, sans parler des particules qui se logent dans ses yeux et l’aveuglent, Karen Allen est d’une humeur de chien. Elle ne comprend plus très bien ce que le tournage de ces scènes à a voir avec le métier de comédienne, et déclare à qui veut l’entendre qu’elle se servira de son cachet pour fonder une troupe de théâtre, afin de ne plus jamais subir la présence de momies ou de vrais serpents !

L’aile volante

Après s’être échappés du puits des âmes, Indy et Marion se retrouvent sur un terrain d’aviation où plusieurs mécaniciens allemands s’activent autour de la fameuse « aile volante », l’avion prototype qui fut réellement construit par les ingénieurs du troisième reich. Toute cette séquence, comme tous les extérieurs du chantier archéologique, est tournée en Tunisie, près des lieux où furent érigés les décors extérieurs de Star Wars. Le modèle de l’aile volante qui est utilisé est en fait une adaptation par Ron Cobb du modèle authentique, dont les plans existent toujours. Les ailes arrières sont placées plus bas, comme sur un prototype américain des années 40. Le design de Ron Cobb, confié à la société d’aéronautique Vickers, est construit en Angleterre, et peint aux studios Elstree. Une fois achevé, il est démonté et envoyé par bateau en Tunisie, afin d’y être réassemblé. Pendant la fameuse scène de bagarre entre Indy et un mécanicien allemand à la stature de colosse, un nouvel incident se produit. Harrison Ford doit rouler en arrière pour éviter la roue de l’avion qui se rapproche de lui et menace de l’écraser. La scène est répétée plusieurs fois avec succès, mais lors de la première prise, Ford dérape dans le sable au mauvais moment, et ses orteils passent sous le pneu de l’avion. Heureusement, la chaleur étouffante avait ramolli le caoutchouc des pneus, et l’épaisseur de la couche de sable contribue elle aussi à limiter les dégâts. Comme le dira Spielberg avec humour un peu plus tard, « Harrison s’est surtout fait mal aux poumons à force de crier, mais a part ça, il était intact ». Cette mésaventure racontée par Spielberg lui-même au New York Times dans une interview publiée au moment de la sortie du film est cependant incomplète, car un second incident plus grave a eu lieu plus tard au cours de la même scène. La roue de l’aile volante est passée sur le genou de Ford, en lui déboîtant la rotule. Etant donné qu’il n’y avait pas de moyen d’avoir rapidement accès à des soins médicaux sophistiqués sur le lieu du tournage, en Tunisie, Harrison Ford s’est fait appliquer de la glace, puis un bandage qui lui a permis de tenir jusqu’à la fin du tournage. Il n’a été soigné qu’après. Il semblerait qu’au moment de la sortie du film, on ait préféré passer cet accident sous silence. Les studios de cinéma sont contraints de travailler avec des compagnies d’assurance, et il n’est jamais bon de faire savoir qu’un réalisateur ou un acteur ont pris des risques quelquefois inconsidérés : au cours de leur prochain tournage, les sommes demandées pour assurer la bonne fin du film risquent d’augmenter énormément !

Un combat abrégé

La mémorable scène où l’on voit un guerrier arabe qui manipule un sabre abattu d'une seule balle par Indiana Jones n'était pas prévue dans le script original, comme en attestent plusieurs scènes du making of, qui montrent un Indy armé de son fouet et le manipulateur de cimeterre en train de se battre. Mais un incident imprévu remet ces plans en question : toute l'équipe attrape la « tourista » en mangeant la nourriture locale. Spielberg, prudent comme à son habitude, n’avait consommé que des sachets de spaghettis déshydratés, cuits à l’eau minérale importée, et bu du soda made in USA ! Il se porte donc comme un charme alors que ses coéquipiers malades s’épuisent rapidement. Après plusieurs essais de combats peu spectaculaires, étant donné le peu d’entrain des troupes et de l’acteur principal, un technicien excédé finit par crier «Il ne peut pas prendre son revolver et le tuer une bonne fois pour toutes ?!». Spielberg trouve l'idée excellente et la scène est aussitôt tournée ainsi. Dès que Spielberg crie «Coupez !» Harrison Ford prend la poudre d’escampette et fonce en direction des toilettes les plus proches, au grand amusement du reste de l’équipe. Cette fameuse scène eut un tel succès en salles que Spielberg et Harrison Ford racontent chacun aujourd’hui qu’ils en ont eu l’idée !

La poursuite infernale

La scène de poursuite la plus célèbre du film nous montre Indy, à cheval, réussissant à rattraper le camion qui emporte l’arche, et à éjecter le soldat qui le conduit. Pendant le tournage de ce morceau de bravoure, il n’était pas question d’accepter que Harrison Ford prenne encore plus de risques. C’est donc le cascadeur Terry Leonard qui lui sert de doublure, et accomplit « pour de vrai » les exploits que l’on découvre à l’écran. Lorsque Indy est éjecté par un sergent au travers du pare-brise, il s’accroche avec son fouet, et se laisser traîner sur le sol entre les roues du véhicule, pour atteindre la partie arrière et se hisser à nouveau à bord. Heureusement, Terry Leonard avait mis au point quelque temps auparavant une cascade où il était traîné sur le sol pour le film The legend of the lone Ranger (1981). Pour tourner cette scène, la production fait d’abord creuser une tranchée de plusieurs centaines de mètres au centre d’un chemin créé de toutes pièces par le service de décoration. On dépose du sable dans ce sillon central, afin que Leonard puisse « surfer » sur du sable et non pas sur un sol dur parsemé de cailloux tranchants. Le conducteur du camion doit suivre une ligne parfaitement droite pour s’assurer que le cascadeur pourra bien rester dans le creux de la tranchée centrale, dont la largeur correspond exactement à l’écartement entre les pneus. La scène est tournée à plusieurs reprises, à une vitesse de prise de vues plus lente que celle que l’on voit dans la scène achevée, afin de permettre au camion de rouler également plus lentement, et de freiner instantanément en cas de problème. On tourne la cascade de nombreuses fois, et l’infatigable Terry Leonard réussit chaque prise, suscitant l’admiration de toute l’équipe ! Dans l’équipe des cascades, il faut citer aussi Vic Armstrong, qui a été la doublure n°1 de Harrison Ford dans les trois premiers films de la série Indiana Jones en raison de son incroyable ressemblance physique avec l’acteur : il arrivait souvent que l’équipe de tournage les confonde !). Vic Armstrong a aussi supervisé la conception de nombreuses cascades des épisodes suivants.

Dans les coulisses d’ILM

Une fois le tournage achevé, c’est à ILM que se déroule la préparation et le tournage des trucages. Depuis la création du studio en 1976 pour les besoins de Star Wars, les équipes de ILM font preuve d’une créativité étonnante, cumulant les innovations techniques et poussant la manipulation optique des images jusqu'aux extrêmes limites de ses possibilités. La séquence la plus complexe du film est bien évidemment celle de l’ouverture de l’arche. Les spectres qui en sortent sont représentés de différentes manières. On filme d’abord une actrice au maquillage blanc portant un suaire alors qu’elle est suspendue devant un fond bleu, puis des marionnettes à tiges habillées de lambeaux de tissu blanc et manipulées dans un aquarium, qui sont incrustées ensuite dans les images réelles, aux côtés des acteurs. Cette idée de Richard Edlund permet de montrer les suaires des fantômes flottant comme en apesanteur, jusqu’au moment où la colère de dieu se déchaîne. Les effets des éclairs qui jaillissent de l’arche pour frapper les soldats allemands alignés en les traversant sont représentés par des ampoules de flash cousues dans les vestes des acteurs. Au moment voulu, les ampoules sont allumées les unes après les autres, et on peut voir sur la plateau une lueur surnaturelle qui semblent transpercer les torses des troupes allemandes. ILM ajoute ensuite des éclairs dessinés à la main, animés image par image, et incrustés à la tireuse optique sur les prises de vues réelles. Un autre trucage doit montrer le visage du nazi Toht (Ronald Lacey) fondre en quelques secondes. Chris Walas - qui fabriquera plus tard les petites créatures de Gremlins - moule le visage du comédien. Il utilise un crâne de plastique dans lequel il fixe des yeux de verre. La peau du personnage est fabriquée à l'aide du moule et constituée de plusieurs épaisseurs de gélatine, qui représentent les muscles rouges et la peau rose. (Le maquilleur Dick Smith avait déjà utilisé ce matériau en 1977 pour mettre au point une fausse tête partiellement composée en gélatine, utilisée dans une scène de mutilation spectaculaire du film The Sentinel de Michael Winner. ). Le visage terminé est coiffé d'un chapeau et orné d'une paire de lunettes rondes. Pendant le tournage de cette scène, des pistolets à air chaud sont braqués sur la tête tandis que la caméra n’enregistre qu’une image par seconde. La projection de ce plan à 24 images par seconde montre la liquéfaction du nazi accélérée 24 fois. Son collègue qui semble se vider de l’intérieur tout en criant est représenté par un visage factice que neuf manipulateurs déforment en aspirant l’air des petits ballons qui se trouvent entre la peau souple et le support en forme de crâne, et en activant différents mécanismes internes au moyen de leviers. La tête étant, de l’aveu même de ses constructeurs, fabriquée en hâte, George Lucas demande à ILM d’ajouter des flammes devant, et n’utilise que deux secondes de sa métamorphose, qui fonctionne ainsi très bien dans le film. La tête de Belloq – un moulage de l’acteur Paul Freeman à base de plâtre, rempli d’explosifs, de sacs de faux sang et de matériaux « divers » - est réduite en bouillie par deux coups de fusil simultanés et l’explosion des charges. Il faudra pulvériser trois exemplaires de la tête de Belloq pour obtenir exactement l’effet voulu. Jugé trop gore, il sera en partie masqué par des flammes.

Une tornade de feu

La tornade de feu qui sort de l'arche pour balayer les corps des troupes allemandes est réalisée en prise de vue directe, grâce à un autre trucage très astucieux. La reproduction miniature du décor est en fait suspendue à l'envers, et inclinée pour que sa partie la plus haute soit positionnée face à la caméra. Richard Edlund utilise place une rampe de gaz au fond du décor. Le gaz enflammée étant plus léger que l'air, il se plaque au "plafond" que constitue le sol de la maquette placée à l'envers, et se propage en hauteur, vers la caméra. Copiée dans le sens inverse, cette scène montre une rivière de feu sortie de l’arche ramper sur le sol, et tout emporter sur son passage, pendant que Marion et Indy, les yeux fermés, hurlent au milieu des flammes qui les épargnent. Le fameux plan final du film – l’immense entrepôt rempli de caisses de bois dans lequel on range l’arche – est une peinture sur verre réalisée par Michael Pangrazio, et filmée par Neil Krepela avec un support de caméra piloté par ordinateur afin de créer le long zoom arrière qui révèle l’étendue du gigantesque hangar dans lequel le gouvernement américain conserve tous ses objets Top secret…

Second épisode

Trois ans plus tard, en 1984, toute l’équipe d’Indiana Jones est de retour pour une seconde aventure qui se déroule en 1935, soit un an avant les évènements décrits dans Les aventuriers de l’arche perdue. Dans Indiana Jones et le temple maudit, les nouveaux partenaires de Harrison Ford sont Kate Capshaw, qui incarne la chanteuse de cabaret Willie Scott, et le jeune Ke Huy Quan, excellent dans son rôle de Demi-Lune, garnement débrouillard des bas-fonds de Shaghaï. Lucas étant convaincu que ce second épisode devait être plus effrayant que le premier, les scénaristes Willard Huyck et Gloria Katz (American Graffiti) décidèrent de faire appel aux Thugs, cette secte indienne déjà vue dans la version de 1939 du film Gunga Din, inspiré du poème de Rudyard Kipling. Les Thugs, des adorateurs de Kali, la déesse de la mort, avaient la mauvaise habitude de pratiquer des étranglements rituels pour lui rendre hommage.

Rien ne se perd

Trois séquences initialement écrite par Lawrence Kasdan pour Les aventuriers de l’arche perdue sont recyclées dans le script de Huyck et Katz. Le médaillon orné d’un rubis qui se place au sommet du bâton de Ra (qui sert à localiser l’emplacement de l’arche) devait être cassé en deux morceaux, dont l’un était détenu par un seigneur de guerre chinois, le général Hok. Indy réussissait à s’emparer du médaillon, mais déclenchait un signal d’alarme utilisant un gong géant. Lorsque Le général entrait dans la pièce, mitraillette en main, Indy coupait les attaches du gong, qui roulait en faisant craquer les dalles de marbre et lui servait de bouclier jusqu'à la sortie. Cette idée est replacée dans la première scène du film, la bagarre dans le club Obi Wan avec les membres de la mafia chinoise. Un autre passage du script des aventuriers montrait Indy prendre un petit avion pour se rendre au Népal. Pendant qu’il dormait, tous les passagers et les pilotes prenaient des parachutes et l’abandonnaient avant que l’avion atteigne les cîmes himalayiennes. Indy se revéillait et utilisait un radeau pneumatique gonflable pour atterrir sur les pentes neigeuses, et glisser jusqu’au bas de la vallée où se trouvait le bar de Marion Ravenwood. La plus petite scène récupérée était un bref passage dans une mine après l’ouverture de l’arche et la mort de Belloq et des nazis. Indy et Marion récupéraient l’arche dans le paysage encore en feu, la hissaient dans un wagonnet d’une mine située juste à côté, et échappaient aux derniers soldats nazis encore en vie, qui montaient eux aussi dans un wagonnet, mais finissaient avalés par les flammes de l’incendie. Au bout des rails, le wagonnet d’Indy et Marion aboutissait devant un quai ou un bateau attendait. Après y avoir embarqué l’arche, nos deux héros quittaient les lieux et voyaient l’île être engloutie, subissant les derniers effets de la colère divine. Cette petite scène allait devenir le morceau de bravoure du film.

Destination Sri Lanka

La plupart des scènes extérieures du film sont tournées au Sri Lanka plutôt qu’en Inde, car le pays possède de meilleures infrastructures routières. Les décors naturels convoités par la production sont également plus proches les uns des autres que ceux qui avaient été dénichés en Inde. Après avoir chevauché des éléphants, arpenté la jungle, et affrontée une marée d’insectes, Indiana Jones doit se retrouver cerné par les Thugs, au milieu d’un pont de corde suspendu au-dessus d’un profond ravin. Une fois le ravin trouvé, le producteur Robert Watts fait appel à une société d’ingéniérie brittanique qui construit un barrage non loin de là pour fabriquer le fameux pont à partir de câbles d’acier et d’éléments métalliques d’une solidité à toute épreuve. L’équipe de décoration a ensuite pour tâche de recouvrir la structure de cordes et de bois à l’aspect usé, pour donner à l’ensemble un faux air de fragilité. En dépit du fait que le pont est plus solide qu’il n’en avait l’air, il est tout de même suspendu à 76 mètres de hauteur et se met à se balancer dangereusement lorsqu’une personne se trouve au milieu. Les ingénieurs anglais préviennent Watts que le pont ne peut pas supporter plus de 20 personnes en même temps. Watts prend alors soin d’y placer toujours un nombre nettement inférieur d’acteurs ou de cascadeurs, afin d’assurer une sécurité optimale. Après les hésitations initiales, l’équipe du film prend de plus en plus l’habitude d’arpenter le pont. Watts doit répéter à tout le monde qu’avant de mettre ne serait-ce qu’un pied dessus, il faut s’équiper d’un harnais relié à un câble. Au cours d’une scène restée célèbre, Indy utilise le sabre d’un de ses adversaires pour couper le pont en deux. Cet effet réalisé « pour de bon » est particulièrement difficile à réussir, car les câbles d’acier ont une épaisseur de près de deux centimètres. Le superviseur des effets mécaniques George Gibbs réussit à dénicher des petites charges pyrotechniques spéciales fabriquée par la société Pyromecca située à Marseille. Elle sont conçues en trois parties, une charge explosive placée au dessus d’un petit burin en acier, une fente en dessous où l’on place le câble, qui repose sur une petite enclume. Quand la charge explose, elle libère assez de puissance pour que le burin aiguisé coupe l’acier de part en part, et ce, sans faire de bruit.

Coupez !

Mais Spielberg rend l’effet encore plus difficile, car il demande que les personnages placés sur le pont avant l’explosion soient capables d’agiter leurs sabrer et de remuer ! Gibbs se procure alors seize mannequins de tailleur, les moule, et remplit les moules de mousse souple, tout en aménageant des espaces pour y placer des cylindres pneumatiques. Les mannequins sont habillés, placés sur le pont au moment du tournage, et le système pneumatique activé juste avant la détonation. Les mannequins semblent alors agiter les bras et Spielberg est ravi. George Gibbs a déclaré sur ce point : « Nous avons fabriqué ces mannequins en moulant des mannequins de vitrines, puis en faisant des tirages de mousse souple dans lesquels nous avons inséré une structure tubulaire. J’ai travaillé avec Richard Conway sur la mise au point d’une méthode efficace pour créer des mouvements. Nous avons envisagé des moteurs radiocommandés, mais il fallait trouver une méthode encore plus simple et plus fiable. Nous avons décidé d’utiliser des petits vérins à échappement reliés à des petites bouteilles d’oxygène utilisées dans les hôpitaux. Des cales étaient reliées à des fils pour nous permettre de déclencher le mécanisme à distance. Quand les câbles du pont ont explosé, nous avons tiré sur les fils des mannequins , qui se sont mis à gesticuler pendant leur chute. Une fois tombés à l’eau, certains d’entre eux ont continué à bouger et même à « nager » ! C’est un effet dont je suis particulièrement fier.» Comme on s’en doute, la destruction du pont ne pouvait être filmée qu’une seule fois. Les neufs caméras du tournage sont placées selon des angles différents, et on n’attend plus que l’arrivée du soleil, masqué par des nuages. Dès qu’il pointe le bout de ses rayons, les caméras tournent, les charges explosent, et les deux parties du pont se séparent exactement comme prévu. L’équipe est soulagée et ravie. Une réplique du pont est construite dans les studios Elstree, afin de tourner les gros plans avec les acteurs, mais cette fois-ci, le sol situé seulement un mêtre cinquante plus bas. C’est également pendant le tournage en Angleterre qu’est filmée la fameuse scène du dîner dans le palais de Pankot, où les convives se régalent de mets tous plus horribles les uns que les autres. Heureusement pour les acteurs, les seuls vrais animaux présents sur la table sont les anguilles qui surgissent du « serpent farci » ! Les faux scarabées sont remplis de purée de banane, tandis que les cervelles de singes sont moulées avec du flanc et nappées de sauce de groseilles à l’aspect sanglant !

Effets spéciaux et système D

A peine achevé, le script du Temple maudit avait été envoyé à ILM, qui était alors en train d’achever les effets visuals du Retour du Jedi. Dès réception, Dennis Muren, Warren Franklin et Joe Johnston l’analysent en detail, le décomposent en séquences truquées, et font des recommendations sur les méthodes a employer (effets en direct, maquettes ou effets optiques).Après plusieurs reunions avec Lucas, Spielberg, Marshall et Kennedy, il est decide d’abandonner certaines séquences – un combat aérien - et d’en déveloper d’autres, comme celle de la mine. D’autres scènes sont simplifiées techniquement, telle la poursuite en auto dans les rues de Shanghaï. Au lieu de filmer les acteurs assis dans la voiture devant un fond bleu, et d’incruster derrière les plans des rues qui défilent, Dennis Murren décide de filmer la voiture sur le plateau d’ILM avec les acteurs, devant un fond sombre, et d’utiliser la bonne vieille méthode qui consiste à faire passer rapidement des sources d’éclairage, et à injecter de la fumée au travers d’un énorme ventilateur pour suggérer que la voiture se déplace très vite. En laissant le diaphragme de la camera largement ouvert, la profondeur de champ était très réduite: seuls les acteurs étaient nets dans l’image, ce qui permettait de cacher encore mieux le subterfuge employé.

La voie des airs

Dans la scène suivante, les trois héros se réfugient dans un avion trimoteur pour échapper à leurs poursuivants. Le veritable avion d’époque utilisé par la production n’ayant permis de filmer qu’une partie des prises de vues nécessaires, ILM demande alors aux maquettistes Mike Fulmer et Ira Keeler d’en fabriquer une réplique miniature avec des ailes d’une envergure de 90 cm. Une maquette de la grande muraille de Chine, réalisée en fausse perspective, est fabriquée au même moment par une autre équipe d’ILM, puis envoyée au Studio Dream Quest Images pour y être filmée et incrustée derrière l’avion miniature, car les équipes de George Lucas sont débordées. En plus du Temple maudit, elles travaillent aussi sur Star Trek 3 et sur L’histoire sans fin. Photographiée dans un environnement saturé de fumée par Hoyt Yeatman, afin de simuler l’effet de distance atmosphérique, la maquette de la grande muraille apparaît si réaliste que Spielberg la laissera apparaître telle quelle dans la séquence du voyage, alors qu’elle ne devait être qu’un fond d’image pour la maquette de trimoteur. Il reste à trouver le moyen de filmer le crash de l’avion, dont le réservoir est saboté. Le script prévoit que le train d’atterrissage de l’avion doit d’abord toucher le sommet d’une montagne. L’équipe d’ILM construit la maquette de ce pic en employant une méthode extrêmement simple. Elle dépose un tas de charbon sur le toit d’un des bâtiments du studio, afin d’avoir le vrai ciel en fond d’image, et saupoudre le décor de levure et de micro billes de verre pour simuler la neige. L’avion est accroché à un câble de métal très fin et lorsque l’on crie « action ! » , il coulisse jusqu’au sommet de la montagne, et percute la neige avec les roues de son train d’atterissage, qui se mettent à rouler sous l’impact ! Au départ, il était prévu de sacrifier la maquette pour le plan final du crash sur le flanc d’une autre montagne , mais étant donné la taille respectable de la miniature, il aurait fallu construire un décor énorme. Dennis Muren décide donc de faire fabriquer une seconde maquette du trimoteur, deux fois plus petite que la première. Construite avec des structures internes conçues pour se casser facilement, la seconde maquette est « embrochée » sur la tige d’une rampe pneumatique de 1,50m de long qui passe au travers de la montagne. Au signal donné, le piston peumatique se rétracte dans la montagne et entraine la maquette en la forçant à s’écraser contre la paroi.

Parachutage en radeau

Juste avant le crash, Indy, Willie Scott et Demi-Lune se réfugient dans un radeau pneumatique et sautent dans le vide. Le radeau glisse ensuite sur les pentes enneigées des montagnes. Glenn Randall utilise trois cascadeurs pour tourner les plans larges de ces scènes à Mammoth Mountain, en Californie, tandis que Dennis Muren et ses équipiers tournent les fonds d’image destinés à être incrustés plus tard derrière les acteurs. La seconde partie du trajet en radeau, lorsque celui-ci se retrouve dans une rivière déchaînée qui serpente au milieu d’un canyon, est filmée de la même manière, mais cette fois-ci en Idaho, dans le canyon de Snake River. Le plan large principal doit être retouché ensuite grâce à une peinture sur verre, car il faut faire disparaître les maisons et la ville que l’on devine à l’horizon. Ce n’est que le début du travail du superviseur des peintures sur verre Michael Pangrazio, qui s’apprête alors à produire plus de vingt matte paintings pour le temple maudit, avec l’aide de Christopher Evans, Frank Ordaz et Caroleen Green. Un bon nombre de ces peintures sont utilisées pour représenter le palais du maharaja sous différents angles. Pour donner un aspect plus authentique à une des images du palais à l’aube, Pangrazio décide de découper un cache noir correspondant à la silhouette du palais, et va filmer un lever de soleil au sommet d’une colline le lendemain matin en plaçant le cache devant sa caméra. Cet effet est surimpressionné à l’image du matte painting du palais, sur lequel Pangrazio peint quelques parties fortement éclairées, et le résultat final est saisissant de réalisme.

Un fleuve de lave

Quand Indy et ses compagnons découvrent le temple souterrain du maléfique Mola Ram, ils le voient offrir une victime à la déesse Kali.Placé dans une cage de métal, le malheureux va être plongé dans la lave en fusion. Sur le plateau, la fissure géante en forme de croissant ne contient rien de plus qu’une série de projecteurs braqués vers le plafond et dotés de gélatines rouge et orangées. Pour le tournage de la majorité des plans, la lumière des projecteurs et plusieurs générateurs de vapeur suffisent à produire l’effet escompté, mais certains angles voulus par Spielberg dévoilent le fond de la crevasse et les rangées de projecteurs. ILM doit alors intervenir, détourer le fond de la crevasse et y incruster une lave composée d’un mélange de glycérine et d’eau éclairé par le dessous, et partiellement recouvert de copeaux de plastique et de liège pour suggérer la présence d’éléments opaques et solides. Pour la scène du sacrifice, c’est un tourbillon de lave situé au fond d’un puits que ILM doit construire. La maquette du puits est composée d’un boyau vertical de 9 mètres, qui débouche sur un vortex incandescent de 3 mètres de large. Le vortex est créé dans un cylindre de plexiglas transparent éclairé par le dessous. Il contient cinq tonnes de glycérine teintée en orange, que plusieurs grosses pompes industrielles orientées latéralement font tourbillonner.

Un cœur à prendre

Avant d’envoyer sa victime dans le puit de lave, le grand prêtre Mola Ram plonge la main dans sa poitrine et en extirpe son cœur encore battant sans que l’homme ne meure. Pour créer cet effet saisissant, David Sosalla fait rapidement un moulage d’un maquettiste dont la silhouette est a peu près la même que celle de l’acteur qui joue la victime, fabrique un support en plastique thermoformé, et ajoute de la mousse de latex de couleur chair par dessus. Les mécanismes qui permettent à la poitrine de s’ouvrir sont simplissimes : il s’agit simplement de petits morceaux de plastique rigide découpés, et collés sous la mousse de latex. La mousse fait office d’élastique de rappel, et force les petites parties de la « trappe » à se refermer. Pour aider le trou à se former, David Sosalla a attaché chaque trappe par un film à l’un de ses doigts et tire en refermant son poing. Pour l’effet inverse - la blessure qui se referme - il lui suffit d’ouvrir la main et le trou disparaît. Pour la seconde partie de la scène, on fabrique une effigie de 76 cm de la victime, dans laquelle on place des servomoteurs radiocommandés qui permettent à la tête et aux bras de bouger. La marionnette mécanique est filmée devant un fond bleu et incrustée sur le fond de lave. C’est en retouchant les contours du cache de sa silhouette que l’on donne l’impression qu’elle s’enfonce dans la lave et disparaît. Mais en voyant le plan terminé, Spielberg se rend compte que l’équipe d’ILM a trop bien travaillé : l’effet est insoutenable. Il demande alors que l’on ajoute des flammes et de la fumée pour masquer le moment où le malheureux est plongé dans le magma !

Une mine d’idées

Dennis Muren est confronté ensuite a un problème particulièrement épineux. Une séquence majeure du film montre les héros filant dans le dédale d'une énorme mine à bord d'un wagonnet, poursuivis par les adeptes de Mola Ram. Spielberg souhaite que la caméra suive les wagonnets pendant leur course folle, ce qui implique de construire des tunnels miniatures assez grands pour la laisser passer. Un rapide calcul montre que la taille et le coût de fabrication de cette énorme maquette sera faramineux. Dennis Muren a alors une idée d'une simplicité géniale, comme à son habitude: il transforme un boîtier d'appareil photo en mini-caméra Vistavision (c’est a dire qui enregistre des images 35mm sur une surface deux fois plus grande, en faisant défiler latéralement la pellicule), reliée à deux chargeurs de film. Le volume de cet équipement de prise de vue est réduit de moitié, ce qui permet de fabriquer une maquette deux fois plus petite. Les modèles réduits de wagonnets progressent sur les rails de trains miniatures les plus larges que Muren a pu se acheter dans le commerce. Des marionnettes articulées des héros et des méchants, animées par Tom St Amand, sont placées dans les wagonnets pendant leur course folle, tandis que la caméra placée sur un wagon/plateforme les suit en filmant la scène image par image. Le "toit" des tunnels est retiré section par section, dès qu'il n'apparaît plus dans l'image, pour faciliter le tournage. Dans certaines sections plus étroites de la maquette, dans lesquelles l’animateur ne peut se faufiler, ce sont des versions radio-commandées des personnages qui sont utilisées. Aussi dynamique qu’un voyage sur un rollercoaster, la séquence de la mine devient le clou du film et lui permettra de remporter l’Oscar des meilleurs effets visuels en 1985. Mais à sa sortie, le temple maudit subit de nombreuses critiques. On lui reproche son atmosphère trop sombre, et les scènes de sacrifices humains. Tous ces reproches laissent un goût amer à Lucas et particulièrement à Spielberg, qui décide de se racheter auprès du public lors de son prochain rendez-vous avec Indy.



La dernière croisade

Pour le troisième et dernier, disait-on alors, volet des aventures d’Indiana Jones, Lucas et Spielberg décident de miser sur la comédie et de dévoiler quelques-uns des secrets de leur héros. Doté d’un budget prévisionnel de 36 millions de dollars, Indiana Jones et la dernière croisade doit être tourné en Espagne, à Londres, en Allemagne, en Jordanie, à Venise, au Texas, dans le colorado, au nouveau Mexique et dans l’Utah. Les Studios Elstree ont été rachetés par un consortium immobilier, et le grand plateau qui avait servi à tourner Star Wars démonté et reconstruit dans les studios de Shepperton, où le décorateur fétiche d’Indy, Elliott Scott va désormais exercer ses talents. Le plus grand défi posé à l’équipe technique consiste à recréer pratiquement tous les moyens de transports de 1938, car le script requiert la présence d’un train, de plusieurs avions, de bateaux, de tanks et même d’un Zeppelin ! Le film commence par une mésaventure du tout jeune Indy, à l’époque où il est scout. Pour semer les bandits qui le poursuivent, et qu’il croit sur le point de voler une précieuse pièce d’antiquité, le jeune homme se réfugie sur le toit des wagons qui transportent les animaux sauvages d’un cirque. Pendant une bagarre avec un bandit, la corne d’un rhino furieux transperce le toit. C’est d’abord une équipe anglaise qui se charge de fabriquer l’animal simplement animé, mais trois jours avant le tournage de la scène, Spielberg demande à voir le rhinocéros bouger de manière plus naturelle. John Buechler décide de relever le défi. L’énorme accessoire voyage alors des studios Universal, où la scène doit être tournée jusqu’à ses ateliers d’Hollywood. Son équipe resculpte le rhino, en fait un nouveau moule, et installe de nombreux mécanismes dans l’animal pendant ce court laps de temps. Une fois revenu à Universal, le rhino est capable de cligner des yeux, de relever les lèvres et d’expulser de l’air par les narines, mais aussi de remuer les oreilles ! Un peu plus tard dans la même séquence, le jeune Indy happe un fouet pour se battre, et rencontre deux girafes, à nouveau des animaux mécaniques, cette fois-ci construits par George Gibbs et son équipe anglaise. Les girafes sont simplement animées par des câbles et des manettes de freins de vélo. Pendant la suite de cette partie de cache-cache, Indy rencontre un féroce anaconda (également mécanique).il échappe à ses poursuivants, mais de retour chez lui, sa victoire est de courte durée. Les « voleurs » n’en étaient pas, l’homme au chapeau qui les commande récupère alors son dû et place son chapeau sur la tête du jeune Indy, impressionné par le courage dont il a fait preuve. Pendant cette première aventure, nous découvrons donc d’où viennent le chapeau et le fouet de notre héros, ainsi que sa phobie des serpents, et nous apprenons que son père est un archéologue irascible, qui semble le délaisser. Ce père, selon Spielberg, ne pouvait être que Sean Connery, seul acteur à pouvoir en imposer à Harrison Ford sur le plateau, et à rendre crédible la relation tendue entre les deux hommes. Leur conflit est d’autant plus concret que pendant cette ultime aventure, Indy est accompagné par Elsa Schneider une jeune historienne de l’art incarnée par Alison Doody. Lancé sur la piste du saint graal , Indy découvre que son père a le même but que lui…et qu’il a lui aussi eu une aventure avec Elsa !

Une machine de guerre parfaitement recréée

Le clou du film imaginé par Spielberg est une poursuite entre Indiana Jones monté à cheval et un tank de l’armée allemande. La description de la scène est volontairement réduite à sa plus simple expression dans le script, car Lucas a pressenti que son ami Spielberg n’en aura que plus de plaisir à la compléter. Plutôt que d’écrire ses idées, il les fait dessiner par David Jonas et Ed Verraux en un suite de 400 images. Le tank prévu est un modèle allemand de 1917 utilisé pendant la première guerre mondiale, dont l’incontournable George Gibbs construit une parfaite réplique en se servant du chassis de base d’une vieille pelleteuse équipée de chenilles, qui pèse plus de 26 tonnes. L’engin est équipé de deux moteurs de range rover V8 qui actionnent les deux pompes hydrauliques qui contrôlent les chenilles, tandis que deux moteurs de bulldozer actionnent les roues et permettent aussi d’alimenter en énergie les deux mitrailleuses réellement capables de tirer des balles à blanc. Les seules vraies différences entre le modèle original et la réplique « améliorée » de Gibbs, ce sont les petites mitraillettes pivotantes ajoutées de chaque côté, et le fait que la tourelle est capable de tourner. La structure réalisée avec des plaques d’acier est si solide que le faux tank se comporte comme un vrai, dévalant des pentes et passant sur des surfaces de roches dures sans jamais tomber en panne si subir le moindre dommage pendant le tournage de la poursuite à Almeria, dans le sud de l’Espagne. Pour préparer le tournage de la scène de bagarre sur le sommet du tank, Gibbs fabrique la partie supérieure du tank sur une énorme remorque tractée par un camion. Les chenilles de cette doublure du tank sont faites de coutchouc au cas où un des acteurs tomberait sur elles.Au total, les deux semaines de tournage de la séquence de poursuite du tank coûtèrent deux millions de dollars à elles seules.

Dans l’antre du Graal

L’intérieur du temple du graal est un fois de plus l’œuvre d’Elliot Scott. Tout le décor est surélevé, car il repose sur des « gimbals » - des plateformes mues par des vérins hydrauliques - pour simuler un tremblement de terre cataclysmique, au cours duquel le sol se disloque en révélant d’énormes fissures. Le décor est aussi grand que celui du temple souterrain de Mola Ram, mais ses mécanismes complexes doivent être fabriqués en six semaines seulement par les équipes de George Gibbs. Cinq gimbals simulent l’ouverture des crevasses, et cinq autres font tomber des colonnes et ouvrent des trappes. Heureusement, une fois mis en position de « destruction complète », le décor peut être remis en place comme par magie en moins de vingt minutes. Il suffit de remplir les jonctions des plaques des gimbals de plâtre, de les peindre, et le tour est joué.

Et maintenant, des rats !

Le rendez-vous désormais traditionnel entre Indy et des centaines de bestioles dégoûtantes ne pouvait être manqué dans ce troisième épisode. Après les serpents d’Egypte, les insectes d’Inde, ce sont les rats des catacombes de Venise que notre héros cotoie en compagnie d’Elsa. 5000 au total, tous examinés pour être certains qu’ils ne progagent aucune maladie transmissible aux acteurs et au staff des studios Shepperton. La moitié de l’équipe ne supporte pas ces rongeurs et attend donc à l’extérieur des plateaux. A l’intérieur, les choses se passent plutôt bien. Après des débuts un peu tendus, la cohabitation entre les rats et les humains devient plus sympathique. Harrison Ford se prend même d’affection pour un de ses collègues à quatre pattes et Allison Doody considère que les rats ont plus peur d’elle que l’inverse ! Veillant à assurer la sécurité de leurs 5000 figurants à poils, la production fait fabriquer 1000 doublures mécaniques pour tourner la scène de l’incendie dans les souterrains. Les rats qui nagent et que l’on voit disparâitre dans les flammes sont donc tous faux.

Poursuite en bateau

Pour éviter de répéter les morceaux de bravoure des épisodes précédents, Lucas et Spielberg ont renoncé aux poursuites en voitures ou en camion et ont jeté leur dévolu sur des bateaux. Après leur evasion in-extremis des catacombes, Indy et Elsa empruntent un hors bords et sont suivis par plusieurs individus en bateau à moteur, sur les canaux de Venise. Pendant cette séquence, un remorqueur pousse deux grands bateaux l’un vers l’autre. Aux commandes du hors-bords, Elsa parvient à se faufiler entre les coques des deux vaisseaux, mais le canot qui suit est écrasé et vient exploser, face caméra. La cascade sera réalisée deux fois aux docks de Tillbury à Essex, près de Londres. La première avec des pilotes de haut niveau, en prévoyant une petite marge de sécurité entre les deux énormes coques, et la seconde avec deux faux bateau à la coque vide, truffés de charges explosives et conduits par des mannequins. La caméra est placée sur une plateforme ancrée au milieu du canal. Pendant la première explosion, le faux cannot retombe trop loin de la caméra pour que la prise de vue soit spectaculaire. La seconde prise est la bonne : les fragments du bateau sont propusés jusque derrière la caméra.

Reconstitution historique

La première séquence du film sur laquelle ILM intervient est celle où Indy et son père arrivent à l’aéroport de Berlin et cherchent à prendre un vol commercial. Incapables d’en trouver un, ils n’ont qu’une seule option : monter à bord du Zeppelin. En partant des prises de vues d’un bâtiment d’aéroport situé sur Treasure Island, entre San Francisco et Oakland, Yusei Uesugi réalise un matte painting où il ajoute une tour de contrôle, des bannières à croix gammées, des automobiles d’époque et un panneau sur lequel est inscrit « Berlin Flughafen ». Une fois montés à bord, les Indy et son père apprennent que le Zeppelin fait demi-tour. Pour éviter d’être capturés, ils dérobent le petit biplan accroché sous le ventre du Zeppelin et s’enfuient. George Gibbs et son équipe construisent une large section de la partie inférieure du dirigeable pour tourner cette scène d’évasion. Leur décor est suspendu à 12 mètres de hauteur, entre deux tours, et un biplan de taille réelle y est attaché. Cette installation permet de filmer tous les gros plans et les plans moyens, tandis que les plans larges sont réalisés par ILM grâce à des maquettes construites par Michael Fulmer et son équipe. Le dirigeable miniature mesure 2,43m de long. Sa structure interne été sculptée dans la mousse. Il est équipé d’une miniature de biplan si petite qu’elle peut tenir dans la paume de la main. Une seconde version du biplan, de 60cm d’envergure, est utilisée dans les plans où l’on voit l’avion se détacher du Zeppelin. Le dirigeable et l’avion sont filmés séparément sur fond bleu, grâce à une caméra aux mouvements pilotés par ordinateur.

Acrobatie dans un tunnel

Mais la fuite des deux Jones ne passe pas inaperçue : deux chasseurs allemands sont lancés à leur trousse pour les mitrailler, tandis qu’ils abandonnent leur biplan dans un champ et empruntent une voiture. Là encore, des avions grandeur nature (des avions d’entraînement de l’armée suisse repeints et légèrement modifiés) et des maquettes sont utilisés. Pour simuler les tirs des avions, George Gibbs fabrique des mitrailleuses qui n’utilisent pas des balles à blanc, mais des lumières stroboscopiques et des fumigènes, ou des flammes générées par un mélange de gaz propane et d’oxygène pur qui s’embrase au contact d’étincelles électriques. Le système de Gibbs est non seulement économique (les balles à blanc coûtent très cher), mais également plus sûr, car l’éjection des restes des balles à blanc (la partie arrière de la cartouche) peut frapper quelqu’un et le blesser légèrement. Alors qu’un des avions allemands tente un piqué pour tirer sur la voiture de nos héros, Indy fonce dans un tunnel. L’un des avions arrive à s’écarter, tandis que le second continue sur sa lancée et penètre dans le tunnel, en perdant ses deux ailes par la même occasion. L’avion prend feu tandis qu’Indy et son père accélèrent pour le distancer. Après avoir réfléchi à la manière de tourner cette séquence, Robert Watts décide qu’il est impossible de la filmer dans un vrai tunnel. Il ne veut pas courir le risque d’exposer des acteurs et son équipe au risque d’un incendie simulé, car l’accumulation de chaleur dans un endroit clos comme celui-ci est bien trop dangereuse. C’est donc ILM qui hérite de la séquence, et conçoit des miniatures filmées sur fond bleu. L’avion qui s’écrase en perdant ses ailes est filmé en motion control, image par image, et ses ailes d’aluminium sont animées à la main au moment de l’impact sur les côtés de l’entrée du tunnel. Les plans suivants, qui montrent l’avion en flammes côtoyer la voiture des Jones dans le tunnel est tourné avec des maquettes à l’échelle un quart. Le décor miniature du tunnel mesure 54 mètres de long. Il est si grand qu’on doit l’installer sur le parking d’ILM, où il occupe 14 places, à la grande frustration des employés qui doivent aller se garer plus loin dans le voisinage. La maquette de tunnel est composée de sections de 2m43, qui sont munies d’une charnière d’un côté. On peut donc soulever chaque partie comme un capot de voiture. La caméra est fixée sur un support à roulettes tracté par un câble qui coulisse sous le sol du tunnel. La voiture et l’avion sont égalements tirés par des câbles, et avançent à une vitesse moyenne de 40 KMH, ce qui oblige les opérateurs à être extrêmement attentifs à ce qui se passe, et à ralentir bien avant la fiin de la route pour éviter un crash fatal ! L’avion miniature a dépassé cette vitesse lorsqu’il a été filmé à 200 images par seconde pour ralentir les mouvements des flammes. Des petites sources d’éclairage ont été placées dans les creux de la voûte du tunnel, afin de permettre une bonne visibilité de l’action.

Simple, mais efficace

En sortant du tunnel, Indy et son père découvrent que le seond avion allemand est toujours prêt à agir. L’avion largue une bombe, et crée un cratère que Indy ne peut éviter. La voiture est bloquée dedans, mais en courant le long de la plage qui se trouve à côté, le professeur Henry Jones ouvre son parapluie pour effrayer les goelands, qui s’envolent, et percutent l’avion, qui s’écrase. Michael McAllister réalise le plan truqué de cette scène d’une manière toute simple : il fait réparer la maquette qui a servi dans la scène du tunnel, et l’accroche à une longue tige devant un fond bleu. Il filme la maquette de profil, cockpit en bas, et fait des mouvements panoramiques pour donner l’impression que l’avion bouge et que le fond bleu ciel est immobile. Pendant ces prises, des techniciens jettent des petits amalgammes de plumes en forme de croix depuis le haut du plateau. Une fois mise à l’envers, la prise de vue donne l’impression que l’avion miniature passe au-dessus de dizaines d’oiseaux qui s’envolent. Pour la seconde partie de la scène, ce sont des oiseaux-jouets mécaniques, appelés Timbirds, qui sont utilisés. McAllister en achete plusieurs centaines, les fait tous remonter, et les lâche en même temps devant un fond noir. L’envol des jouets est alors incrusté devant les images de l’acteur qui joue le pilote allemand, installé dans son cockpit.

Les pièges du temple

Une fois arrivé à l’intérieur du temple du Graal, Henry reçoit une balle dans l’estomac, et Indy doit se dépécher de relever les trois défis de cet endroit sacré, en tranversant une série de pièges. Le premier « Le souffle de dieu », requiert d’adopter l’attitude d’un pénitent. Indy réalise qu’il doit s’agir d’une invitation à s’agenouiller, et le fait juste à temps pour éviter d’être découpé en morceaux par trois lames circulaires qui sortent des murs et du plafond. Ces lames sont réalisées à la fois sous la forme d’accessoires articulés, présents dans le décor, et de lames miniatures, incrustées dans l’image par ILM. Le second défi, « le mot de dieu », donne à Indy l’idée de poser le pied sur une dalle où est gravée la lettre « J » (pour Jehovah). Mais quand il y prend appui, la dalle cède et révèle un ravin en-dessous (un matte painting intégré par ILM, avec le pied d’un cascadeur au premier plan). Une première version de cette scène avait été filmée avec une araignée géante mécanique, mais le résultat n’avait pas été jugé assez convaincant. Le dernier défi, « Le chemin de dieu » mène au rebord d’un profond ravin, sans aucun moyen apparent de rejoindre l’autre côté. Le texte de l’énigme indiquant à Indy qu’il doit faire « a leap of faith » (littéralement un « saut de foi »), il tend sa jambe et s’élance dans le vide. Son pied touche alors une surface dure, une sorte de pont étroit peint en trompe l’œil pour imiter la texture des rochers environnants. Disons-le franchement, cette idée de Spielberg, jolie en théorie, n’est pas crédible un seul instant une fois transposée en image. L’éxecution impeccable de ce concept par ILM (un mélange de matte painting et de décors minatures dans lequel la silhouette de Harrison Ford est incrustée) n’est évidemment pas en cause. Mais Indy étant doté de deux yeux, et donc d’une vision en relief, il devrait détecter immédiatement la présence d’une passerelle plate couverte de peintures de rochers devant lui. Sans oublier que la perspective de la passerelle peinte se défome forcément alors que l’on s’approche du vide. Autre oubli qui torpille définitivement l’efficacité de cette scène : la poussière des siècles qui par miracle (« L’aspirateur de dieu » sans doute) ne s’est jamais déposée sur le trompe l’œil de la passerelle, et lui a permis de conserver des couleurs intactes !

La mort de Donovan

La mort du principal méchant, Donovan, est l’un des morceaux de bravoure du film. Après avoir choisir parmi des centaines de coupes celle qu’il pense être le vrai saint graal, Donovan boit dedans, pensant devenir ainsi immortel. Mais il a commis une erreur fatale et vieilli de manière accélérée, devenant en quelques secondes une silhouette décharnée aux longs cheveux blancs, puis un squelette qui tombe en poussière. Plutôt que de faire appelle à plusieurs maquillages successifs, Spielberg décide de concevoir la scène comme un plan continu qui surprendra les spectateurs, de plus en plus habitués au montage des scènes d’effets spéciaux. Le visage de l’interprète de Donovan , Julian Glover, est alors moulé, et une série de prothèses différentes sculptées. Glover passe ensuite trois jours à tourner les scènes nécessaires. Au cours de la première journée, on lui fait porter successivement les différentes prothèses de mousse de latex qui montrent le début de son vieillissement. La seconde journée, on gonfle des petits ballons disposés sur son front et sur ses pomettes, sous ses prothèses, de manière à donner l’impression que ses yeux s’enfoncent dans ses orbites. Il porte une perruque équipée d’un mécanisme qui permet aux longues mèches blanches de se rétracter (la scènes est ensuite imprimée à l’envers pour montrer l’effet inverse : les cheveux qui poussent). La fin de la séquence est réalisée avec trois mannequins animatroniques, qui continuent à se métamorphoser en différentes étapes de décomposition, puis d’un squelette dont les os creux sont moulés dans une résine extrêmement fragile et remplis de poussière. Les vêtements que porte le squelette ont été attaqués à l’acide et sont prêt à tomber en lambeaux. Pour faire bonne mesure, des charges explosives sont disséminées sur le personnage. Lorsque le squelette est poussé contre une des parois du temple, il explose en poussière. Pour lier les étapes de maquillage, les effigies animatroniques et le squelette, c’est la technique du morphing employée auparavant sur Willow qui est utilisée. Le résultat final sidère les spectateurs de cette troisième aventure.

La conclusion momentanée de la saga

A l’issue de cette troisième grande aventure, le producteur Robert Watts déclare « La dernière croisade a été l’épisode le plus complexe à tourner, et de loin. Nos personnages utilisent tous les moyens de transports de 1938 à l’exception des skis, et l’équipe a tourné dans sept pays différents…C’était assez épuisant. Comme le dit Indy « ce ne sont pas les années qui comptent, mais les kilomètres affichés au compteur ! »...Heureusement, ce troisième film ne s’achève pas en montrant notre héros paisiblement installé avec femme et enfants dans la banlieue d’une grande ville. On sait qu’il n’est pas prêt d’abandonner la grande aventure. » George Lucas et Steven Spielberg non plus.

Retrouvez nos dossiers dédiés à la saga Indiana Jones :

[Entretien avec Harrison Ford]


[Le grand retour de la fiancée d’Indiana Jones : Entretien avec Karen Allen]


[Entretien avec Shia LaBeouf : ESI a rencontré le fils d’Indiana Jones !]


[Les coulisses d'Indy 4 : Le retour de la grande aventure !]


[Le tour du monde des attractions Indiana Jones]


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