Les effets visuels de Tron L’héritage : Entretien exclusif avec Steve Preeg , superviseur de l’animation et Eric Barba, superviseur des effets visuels au sein du studio Digital Domain – Troisième partie
Article Cinéma du Vendredi 04 Mars 2011

Retrouvez la première partite de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez dû ajouter beaucoup d’éléments aux scènes tournées en prises de vues réelles, à la fois dans les décors et sur les personnages eux-mêmes. Quels types de marqueurs avez-vous employés pour être sûrs de parvenir à effectuer des raccords invisibles entre les parties réelles et la 3D, ce qui devait être encore plus complexe, étant donné que le film était filmé puis truqué en relief ?

Eric Barba : Dans la plupart des cas, il s’agissait de marqueurs très simples. Pour localiser le visage de Jeff Bridges dans l’espace, nous tracions simplement des points sur son visage avec un crayon d’eyeliner que nous empruntions au département du maquillage. En ce qui concerne les éléments de décor, nous utilisions un rouleau de bande adhésive orange dont nous coupions des petits bouts que nous placions partout où nous pensions que nous pourrions en avoir besoin. Et dans d’autre cas, nous utilisions des petits triangles recouverts de velcro, que nos équipes pouvaient tout simplement lancer sur le rideau du fond bleu, comme un frisbee, pour les y accrocher.

Steve Preeg : Mais dans tous les cas, nous utilisions d’abord un télémètre Leica, employé habituellement sur les chantiers de construction, pour mesurer point par point toutes les distances entre les volumes présents sur le plateau et la caméra. Grâce à cette technique, quand vous avez pointé plusieurs centaines de fois l’objectif du télémètre sur toutes les parties du décors, vous obtenez un relevé de points situés dans un espace 3D très précis. Ce relevé vous indique non seulement les emplacements de tous ces volumes, mais il vous permet aussi d’obtenir une silhouette 3D rudimentaire, dessinée en points, du décor. Nous donnons ces mesures 3D à nos équipes chargées des décors, et elles peuvent alors aligner exactement les vraies perspectives et les architectures virtuelles qui doivent compléter l’image. C’est une technologie un peu archaïque par rapport aux derniers logiciels que nous employons, qui sont capables de faire du tracking de perspectives à partir d’une séquence tournée en 2D, mais étant donné que nous tournions un film en relief, dans lequel nous devions faire des remplacements de tête, nous avions besoin de ce haut niveau de précision. La télémétrie donne des résultats beaucoup plus fins, mais le relevé des mesures et des volumes prend beaucoup plus de temps que l’utilisation du logiciel 2D.

Eric Barba : J’ajoute que notre équipe chargé de veiller à la bonne intégration des effets dans les prises de vues réelles enregistre aussi les emplacements, les couleurs et les intensités de toutes les sources d’éclairage présentes sur le plateau, de manière à ce que nous puissions reproduire exactement les mêmes éclairage sur les parties de décors, les véhicules ou les personnages ajoutés en 3D.

Pouvez-vous nous expliquer les difficultés supplémentaires que vous avez eu à résoudre, parce que le film était tourné en 3-D Relief ? Et combien de travail supplémentaire cela a généré pour vous et vos équipes ? Et, dernier point, avez-vous joué avec les effets 3-D Relief pour augmenter certains effets ?

Eric Barba : Le tournage en relief complique énormément notre travail, et rend nos interventions beaucoup plus difficiles. Le relief vous oblige à penser à énormément de détails qui n’entrent pas en ligne de compte pendant un tournage traditionnel en 2D. Comme le relief nous oblige à créer deux versions de chaque plan, cela double le temps de rendering des effets du film. La partie de compositing est elle aussi nettement plus complexe en raison des changements de perspective œil gauche / œil droit.

Steve Preeg : En ce qui nous concerne, l’animation ne souffre pas trop du passage au relief, parce que nous animons de toutes manières les personnages et les véhicules dans un espace tridimensionnel. En revanche, le tracking des mouvements des deux caméras dans l’espace est beaucoup plus complexe que l’on pourrait le croire. Autant on peut se tromper un peu sur la position d’une caméra dans une image composite 2D, autant si on fait une légère erreur de positionnement en relief, le spectateur se rendra tout de suite compte que les éléments ajoutés dans l’image ne collent pas parfaitement aux perspectives des prises de vues réelles.

Eric Barba : Pour revenir à la scène du combat de disque que vous évoquiez tout à l’heure, nous avons eu énormément de mal à donner l’impression que les pieds des joueurs entraient vraiment en contact avec le sol transparent réalisé en 3D. Le problème venait du fait que ces prises de vues ont été filmées devant un sol et un fond bleu. En observant les mouvements rapides des acteurs image par image, il était quelquefois difficile de voir exactement à quel moment leurs pieds étaient en contact direct avec le sol. Mais nous y arrivions à force de patience. Ensuite, pour que la scène fonctionne, il fallait créer le sol de verre en 3D, mais aussi les images des reflets des personnages en 3-D relief, reflets qui n’existaient pas sur les prises de vues réelles. Cela veut dire que nous avons dû recréer en 3D et inverser les silhouettes de joueurs pour produire ces reflets, et aussi en prévoir deux versions, l’une pour l’œil gauche, l’autre pour l’œil droit, afin que la scène fonctionne parfaitement en relief. La réalisation des effets de cette scène a été incroyablement difficile.

En termes de pourcentages, comment décririez-vous le supplément de travail que vous avez accompli pour créer les effets visuels en 3-D Relief ?

Eric Barba : Je dirais approximativement entre 25 et 30 % de temps supplémentaire.

Steve Preeg : En fait, nous ne le saurons pas exactement tant que nous n’aurons pas livré le dernier plan du film. Et là, en faisant nos comptes, nous nous exclamerons « Bon sang, pas étonnant que nous soyons aussi exténués ! » (rires)

Comment avez-vous tourné les scènes avec les différents véhicules du film, et sur quels types de supports les acteurs étaient-ils installés pendant qu’ils faisaient mine de conduire ? Avez-vous eu recours à des plateformes hydrauliques ?

Eric Barba : Oui. Nous avons employé quelques plateformes très rudimentaires pour tourner la course de lightcycles, juste pour être capables de simuler les accélérations pendant la course. En ce qui concerne le lightrunner, une voiture qui abrite deux passagers, nous avons construit un très bel habitacle éclairé avec lequel les comédiens pouvaient interagir, et pour le lightjet, l’avion à réaction, ils étaient allongés dans un cockpit à l’intérieur duquel se trouvaient différentes manettes de contrôle, et ce cockpit était placé sur un gimbal (une plateforme hydraulique que l’on peut faire bouger dans tous les sens – NDLR) pour simuler les évolutions aériennes de l’engin.

Avez-vous eu également à créer des « effets invisibles » dans le film, par exemple pour effacer ou corriger des choses que l’on ne devait pas voir ?

Eric Barba : Oui. Sur des centaines de plans.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples précis ?

Eric Barba : Eh bien nous sommes intervenus sur des retouches dont on ne parle jamais d’habitude, comme des retouche de beauté… C’est quelquefois nécessaire quand on a retenu un acteur très tard sur le plateau le soir précédent, et qu’il revient tôt le lendemain matin ! On voit tout de suite à ses cernes qu’il manque de sommeil, et c’est là que nous intervenons, et les effaçons pour lui donner meilleure mine.

Steve Preeg : Il peut s’agir aussi de choses que l’on nous demande d’ajouter. Je me souviens que dans un plan où l’on voit Sam dans le monde réel sur sa moto, Joseph Kosinski nous a demandé d’ajouter un reflet du soleil sur la devanture d’un bar, pour donner plus de présence à l’arrière-plan de l’image.

Vous pourrez découvrir la suite de cet entretien très prochainement sur ESI !

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