C'est un véritable géant des comics qui vient de nous quitter à l'âge de 80 ans : Neal Adams.
Adams était un immense dessinateur dont on reconnaissait le style précis, réaliste et extraordinairement élégant du premier coup d'oeil.
Avec Dick Giordano, Neal Adams à brillamment réinventé Batman dans les années 70, après la période pop et rigolote du personnage que la série télé des 60s avait popularisé.
Chez Adams, Batman redevenait le plus grand détective du monde, un super Sherlock Holmes sérieux et attentif aux moindre détails, confronté à de vrais dangers, dans des ambiances âpres et mystérieuses, et croisant régulièrement un Joker toujours aussi fou mais encore plus cruel. A titre perso, c'est de très loin la période de Batman que je préfère dans les comics.
Son talent était phénoménal et laissait croire qu'il avait disposé de 20 fois plus de temps que les autres dessinateurs pour livrer ses planches à DC ou à Marvel. Et pourtant non : il était tellement doué que c'était parfait du premier coup, dès les premières esquisses. Et magnifique une fois encré !
Conscient de son talent, Adams a pu paraître parfois un peu vaniteux, mais dans les faits il s'est beaucoup consacré à la défense de ses collègues de l'industrie des comics, et notamment à leurs droits de créateurs.
Il faut rappeler qu'aux USA, un dessinateur salarié livrant un travail perd tout droit de regard sur sa création (l'exemple le plus choquant étant les créateurs de Superman, vivant dans la précarité alors que leur personnage avait rapporté des milliards à DC Comics). Adams a fait partie de ceux qui ont réussi à faire bouger un peu les choses dans une industrie qui refuse toujours de reconnaître la notion de droits d'auteurs, et où les artistes doivent faire des procès coûteux et risqués pour obtenir des royalties qui nous semblent couler de source.
Mais il est vrai qu'en France les artistes sont particulièrement bien protégés.Même s'ils doivent aussi se battre sur d'autres fronts.
Bref, si vous ne connaissez pas le travail extraordinaire de Neal Adams, précipitez-vous sur les compilations de ses BDs, et vous allez en prendre plein les yeux !
EDIT : Je me permets de citer les temps forts de la carrière de Neal Adams, tels que J.P. Andrevon les a décrits sur le blog de l'Ecran Fantastique :
"Neal E. Adams, né le 15 juin 1941 à New York est mort le 28 avril 2022 dans la même ville, des suites d’une septicémie. Il avait 80 ans. Fils d’une famille juive, il voyage beaucoup durant son enfance, notamment en Europe en Allemagne, en fonction des affectations de son père militaire. Diplômé en dessin industriel, il fait ses débuts en 1959 chez Archie Comics dont le rédacteur en chef est Joe Simon, le créateur de Captain America. Commence alors pour Adams un long labeur de dessinateur, d’encreur et de lettreur aussi bien dans le registre humoristique que réaliste. Mais son salaire est insuffisant pour vivre, il se tourne alors vers le dessin publicitaire, avant de commencer à se faire un nom avec des histoires dansCreepy et Eerie puis d’intégrer DC Comics.
C'est là, en compagnie de Dennis O'Neil, que Neal Adams va contribuer à redéfinir Batman et lui redonner ses lettres de noblesse, renouant avec l’ambiance sombre de ses débuts, avec des histoires de détective et de monstres, qui influenceront Frank Miller. Il est aussi à l’origine de la création graphique de quelques personnages secondaires marquants comme Man-Bat avec le scénariste Frank Robbins (1970) et Ra’s al Ghul (1971) avec O’Neill, lequel deviendra un ennemi récurrent du Chevalier noir. Les mêmes redéfiniront Two-Face ou encore le Joker à qui ils donneront toute sa dimension de criminel psychopathe. Mentionnons aussi le Green Lantern/Green Arrow, pilier de la bande dessinée de revendication sociale, à l'heure où les comics comprenaient qu'ils pouvaient à nouveau porter un message politique avec le combat pour les droits civiques, contre le racisme, la drogue, la pollution. N’oublions pas non plus l'importance d’Adams dans son combat en faveur des artistes et auteurs, en prenant notamment partie pour la reconnaissance des droits sur Superman de leurs créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster. Signalons aussi, en 1978, Superman Vs Muhamad Ali, 72 pages dessinée en partie écrite par lui à la suite de la désaffection du scénariste Dennis O'Neil. Il aura fallu à l'artiste près de 2 ans pour mener à bien ce projet, que nous avons eu la chance de voir publié en France sous la forme d’un album broché de très grand format chez Sagédition.
Même s’il se fait moins visible à partir des années 80, signant uniquement, à quelques exceptions près, les couvertures de comics dont il dessine aussi les pages intérieures, il fonde par la suite Continuity Studios avec Dick Giordano, son encreur principal, y réalisant quelques comics dont Ms. Mystic ou Valeria, the She-Bat. Après avoir travaillé comme conseiller artistique sur les films Batman dans les années 1990, Adams est revenu au personnage en 2010 avec la minisérie Batman : The Odyssey. Le dernier album portant sa signature Batman : Tales of the Demon, sur un scénario de Denis O’Neil mais avec d’autres dessinateurs est sorti début 2022."

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